dimanche 28 septembre 2008

Le clan des pourris


Il trucido e lo sbirro
1976
Umberto Lenzi

Avec : Tomas Milian, Claudio Cassinelli, Claudio Undari, Henry Silva


Ça commence vraiment exactement comme un western avec diligence sur fond de Monument Valley et bagarre de saloon, mais non, il n’y a pas erreur, on est bien reparti pour une petite tangente (après Brigade Spéciale) sur le polar italien, qui semble employer avec plaisir l’une des grandes stars du western italien : Tomas Milian. On se replonge donc avec délice dans cette atmosphère de violence exacerbée, où le quotidien du citoyen Romain de la fin des années 70 semble être de se faire agresser à coup de brique dans les supermarchés ou au cinéma, de se faire voler son sac ou d’assister à des braquages de bijouteries ou de trains, à des attentats en tout genre et à des courses poursuites en pleine ville. Dans le clan des pourris, les frontières entre le bien et le mal sont habilement mêlées. Un flic déterminé et peu respectueux des lois (Claudio Cassinelli, un peu fade), repêché de Sardaigne où il avait été muté parce qu’il gênait sa hiérarchie, est envoyé en sous-marin pour faire évader Monezza – « Le Fumier » en français, joué par Tomas Milian – une raclure de première mais non dénué d’humour et d’un certain sens de l’honneur, afin de retrouver Brescianelli, (Henry Silva, importé d’Amérique) une raclure de première totalement dénué d’humour puisqu’il a kidnappé une fillette de 12 ans qui a besoin d’une dialyse régulière pour survivre. Le flic et Monezza vont faire alliance avec le Calabrais (Biagio Pelligra (photo) et sa voix cassée très particulière) et son très violent et très typé pote Mario (Claudio Undari, que l’on a connu plus sympa dans Condenados a vivir) pour remonter la piste de Brescianelli qui pour tout simplifier a changé de visage par chirurgie esthétique. On voudrait nous faire croire que la star du film, c’est Tomas Milian, on voudrait nous faire croire qu’il porte le film sur ses épaules, mais c’est faux : avec son cabotinage habituel, sa perruque afro et son temps de présence à l’écran somme toute assez réduit, le charismatique cubain n’imprime pas une marque si inoubliable que ça au film, en tout cas, pas plus que dans Brigade Spéciale. Non, le vrai plaisir vient du traitement sans concession de l’action, des péripéties et fausses pistes qui s’assemblent peu à peu, des scènes « à faire » et faite avec l’aplomb d’un premier degré qui ne craint surtout pas le ridicule. Les italiens n’ont peur de rien, et ils donnent tout : ils donnent les poursuites et les fusillades, ils donnent les planques et les infiltrations, ils donnent les passages à tabac et les prises d’otage, ils donnent les flics sûrs de leur droit et les crapules flamboyantes, le tout dans un maelström incessant où nos « héros » reviennent souvent à leur point de départ mais ne baissent jamais les bras. Les surnoms d’opérette des malfrats, de Monezza au Calabrais en passant par Cravatte ou Le Lourdingue créent une poésie à part, une langue spécifique à la musicalité rehaussée par une bande sonore pop de Bruno Canfora assez réussie. On note en particulier cette jolie séquence sans parole mais avec musique, où les protagonistes interrogent la faune Romaine, jeunes en mobylettes, employés de casses, putes, restaurateurs en leur graissant la patte pour les faire parler. Umberto Lenzi, plus connu pour ses films d’horreur, signe ici une réalisation très solide sur un scénario assez convenu mais finalement assez dense : pas de temps mort, pas de prise de tête métaphysique : l’enquête, rien que l’enquête et l’engrenage des indices qui amènent d’autres violences qui amènent d’autres indices avec en toile de fond ce sentiment d’inéluctabilité et cette progression vers des solutions de plus en plus radicales pour le flic. Cela aurait pu faire un grand film. C’est juste un bon polar extrêmement plaisant. Le scénariste Dardano Sacchetti explique en bonus qu’il avait voulu créer un décalage comique entre le flic et le personnage de Tomas Milian, une sorte de Trinita du polar, mais qu’Umberto Lenzi manquant visiblement d’humour, cet aspect du film n’a pas du tout fonctionné. Il explique également que son film était le premier « Buddy Movie » dont la trame a été reprise plus tard dans le film 48 heures de Walter Hill. On peut tout de même en douter tant l’idée du duo est finalement peu exploitée dans le film au profit du concept de « bande ». Pas tout à fait un grand film donc (et si l’on en croit Francis Moury sur Dvdrama, c’est même un film mineur dans le genre), mais qu’est ce qu’on s’éclate !

Le DVD Neo Publishing : haaaa, une petite pause bienvenue entre mes westerns Studio Canal (prochainement si j’ai le temps : Le temps du Massacre et Poker d’As pour Django) : une VF et une VI, une jaquette ‘slim’ travaillée avec un joli fourreau, des bonus loin d’être complets (on ne pourrait pas avoir l’avis de Tomas Milian himself sur ces films, pendant qu’il est vivant ?) mais très instructifs tout de même : voilà ce qu’on est en droit d’attendre boudiou !!

PS : Merci au chat de m’avoir fait gagner ce DVD. Mais où est-il passé le chat, hein ?

PPS : Je m’interroge sur la scène western du début : a-t-elle été tournée pour le film, ou est-ce un western américain ? Je penche plutôt pour un western américain, car je ne vois pas comment ils auraient pu avoir le budget pour aller tourner aux USA pour ce film alors que même en plein âge d’or du western italien ,ils tournaient en Espagne. Mais dans ce cas, lequel?

lundi 15 septembre 2008

Deadlock


Deadlock
1970
Roland Klick

Avec : Mario Adorf, Anthony Dawson, Marquard Bohm

Sur le Télé-Z à 0,35€, il y avait juste marqué ‘western’, comme ça, à 1h du mat sur Arte. Rien de plus, pas la moindre petite info, nada, snikt. En fait si, ça disait qu’il y a Mario Adorf, dedans, je me suis donc dis, c’est spaghetti, mais comme le Giré n’en souffle mot, j’ai dit Simone, démarre le magnétoscope, on va jeter un œil.
Et puis, le lendemain, profitant d’un moment de faiblesse de ma compagne qui était au téléphone, j’ai lancé le truc pour me faire une idée, et patatras, la première image est celle d’un homme en costard dans le désert avec une mitraillette. Mitraillette, c’est nul comme mot, ça ressemble un peu à mobylette, ça ne rend pas service à la puissance du truc et cela échoue à traduire en mots l’effet lugubre et cool à la fois de voir un film commencer par un type blessé, qui marche dans le désert avec une mitraillette et une valise.
Et – en plus de ma curiosité naturelle qui me pousse sans cesse à explorer de nouvelles choses avec l’esprit ouvert, sans a priori, en allant de l’avant, vif comme l’éclair – cette belle introduction m’a poussé à regarder plus avant ce film bien que ce ne soit pas un western et qu’une pression extérieure me rappela qu’il y avait aussi des épisodes de Desperate Housewives à regarder.
L’intrigue du film est donc contemporaine de l’année 1970 où le film a été tourné, et parvient avec une pauvreté de moyens incroyable à créer une ambiance poisseuse et suante comme on aime. Le gars blessé qui trimballe une valise remplie de billets – évidemment, quoi d’autre ? – est récupéré par un Mario Adorf moins stupide que dans Ciel de Plomb sur un camion pourri qui semble venir directement de l’époque du Salaire de la peur. Il décide de laisser crever le type dans sa baraque craquelante sans toucher à l’argent, pour garder les mains propres mais toucher l’argent sale ensuite. Dans cette zone désertique, paumée et accablée de soleil et de poussière, vivotent également deux nanas frapadingues qui se comportent comme des frapadingues. Le type ne meurt pas, et Adorf finit par le soigner, alors qu’un troisième larron (Anthony Dawson) équipé d’un Mauser à lunette (faut m’expliquer mais bon…) ramène son cache poussière dans les parages pour toucher sa part de l’argent. Les stridations minérales du groupe krautrock Can associée à de longues périodes de silence non moins strident plombe un peu plus l’ambiance. Pour un peu, le film aurait pu s’appeler Ciel de Plomb, mais Deadlock, c’est pas mal aussi dans le genre mortifère.
Comme ça, ça à l’air pas mal, mais en fait on s’emmerde quand même un peu. Le film est allemand, et par certains cotés il m’a fait penser aux films de Wim Wenders, et on va me dire que le cinéma allemand ne se résume pas à Wim Wenders, et je vais répondre que je sais, mais que moi tout ce que je connais du cinéma allemand c’est Wim Wenders et la demi-finale du mondial ’82, alors je ne dis pas ça juste parce que le film est allemand et que j’ai eu envie de comparer ça à Wim Wenders vu que c’est le seul référent que j’ai en matière de cinéma allemand (avec la demi-finale du Mondial ’82), mais bien parce que, avec ma curiosité naturelle qui me pousse sans cesse à explorer de nouvelles choses avec l’esprit ouvert, sans a priori, en allant de l’avant, vif comme l’éclair, certaines choses m’ont fait penser à Wim Wenders dans ce film, indépendamment du fait que ledit film soit allemand.
Surtout qu’en plus j’ai aussi vu Cours Lola, cours
Donc, ce qui m’a fait penser à Wenders, c’est le fait que le film soit lent, que les motivations des personnages soient légèrement obscures, que certaines scènes loufoques ou décalées n’aient pas de fonction narrative et cette impression parfois que le réalisateur au fond s’en fout de son histoire, que ce qui lui importe c’est les rapports humains et tout ça. Moi j’ai toujours pensé qu’une bonne histoire bien solide était bien plus efficace pour rentrer dans les tréfonds de l’âme humaine que des divagations hasardeuses de caméra auteurisantes Wenderiennes ou Lynchéennes, surtout quand on a l'impression d'avoir déjà vu les mêmes procédés mille fois, mais ça c’est mon coté terre à terre qui s’exprime, et en tout cas dans Deadlock, il s’agit bien d’une impression, car à aucun moment le réalisateur ne perd complètement son intrigue de vue, et on a une vraie fin avec des morts. Ouf, j’ai failli regarder un film expérimental et chiant de plus, mais non, tout va bien, c’est juste un « vrai » film un peu curieux qu’on va classer dans ‘westerns atypiques’ pour que l’honneur demeure sauf. Allergiques au cinéma non formaté, vous pouvez donc regarder ce film sans problème, il y aura peu de dommage collatéral.


PS: Pour ceux qui vont me dire qu'Anthony Dawson est plus connu sous son vrai nom Antonio Margheriti, j'ai trouvé ceci sur Imdb: "Not to be confused with the Italian B-movie director Antonio Margheriti".

mardi 2 septembre 2008

Ciel de plomb


1968
E per tetto un cielo di stelle
Giulio Petroni
Avec : Giuliano Gemma, Mario Adorf

Le titre français est superbe, plein de promesses de désenchantement lugubre et de violence frappée au coin de la destinée. Un titre pareil pour un western, bien-sûr, une fois qu’on l’a lu, on trouve ça évident. Mais bravo tout de même au gars qui a trouvé ça il y a quarante ans, il fallait y penser le premier ! L’intro aussi est pleine de promesse de mortalité désespérée dans un monde de lenteur extrême. Giuliano Gemma enterre en plein désert des innocents qui sont morts à sa place. La musique d’Ennio Morricone opère de son charme inimitable mais souvent imité tandis que Mario Adorf observe la scène de loin, sans rien dire. Giuliano Gemma sait que Mario Adorf l’observe et Mario Adorf sait que Giuliano Gemma le sait. Enfin, Mario Adorf se décide, prend une pelle sur sa mule, et va aider Giuliano Gemma à enterrer ses cadavres. Il pourrait lui dire un mot, il pourrait lui dire « bon sang, quel massacre, que Dieu ait pitié de leurs âmes », mais non il se tait, car il habite au pays du western spaghetti, où la violence va de soi, où les hommes communiquent par le regard, la pose et la nonchalance, où chacun sait ce qu’il a à faire sans se préoccuper d’un stupide vernis de civilisation. Quand on enterre des innocents dans le désert, on raconte pas sa vie.


Mais voilà, après cette bonne première séquence, le film part dans une toute autre direction. Le western spaghetti tragique et crépusculaire fait place à la comédie simple, non parodique et sans complexe. En soit ça n’est pas un problème, et dans la mesure où la violence reprend ses droits de façon fugace et régulière, cela aurait pu donner un film d’exception, où le rire est désamorcé quand on s’y attend le moins par le retour à la tragique réalité, rendant par là même cette violence encore plus choquante. Malheureusement ce n’est pas le cas car l’aspect comédie est raté, les gags sont lourdement appuyés et prévisibles, les dialogues sont longs, plats et répétitifs, le doublage est à peine correct et on s’ennuie poliment en attendant de sourire un peu. Le personnage de Mario Adorf est tellement stupide qu’il est impossible de l’apprécier. Giuliano Gemma lui, joue son rôle « sympa » avec son aisance habituelle mais ça ne suffit pas. La relation entre les deux ne fonctionne pas, et il n’y a pas seulement un semblant d’indice qui explique pourquoi Gemma s’attache à un type aussi idiot. Les quelques bonnes idées de scénario (le faux télégraphe, l’attraction de la sirène (décidément cette fascination du western italien pour le cirque…)) ne parviennent pas à rattraper les multiples scènes navrantes (la séduction de la veuve, l’arnaque de la banque, le ranch délabré, le truc sur les lapins, le cracheur de feu) ! Le tout n’est au demeurant pas si mauvais et reste tout à fait regardable, mais après une aussi prometteuse introduction, ça énerve grave le spectateur de bonne composition qui commençait à être bercé par la musique de Morricone et par la mortalité ambiante. La fin rattrape un peu le tout, enfin l’amitié entre Giuliano Gemma et Mario Adorf commence à être crédible, enfin Giuliano Gemma montre ses failles, enfin l’humanité des personnages transparaît. Mais c’est trop tard, on a le sentiment que le film est parti dans la mauvaise direction, malgré un réalisateur de talent (La mort était au rendez-vous, Tepepa), malgré Giuliano Gemma, malgré Ennio Morricone, et en dépit d’un titre français magnifique et d’une intro flamboyante. Tant pis, c’est toujours ça de pris !

Où le voir : DVD studio Canal. Chez Studio Canal, ils ont vraiment bien pris le pli de chez Evidis. Le résumé de la jaquette n’a en effet rien à voir avec l’intrigue ! Encore un petit effort les gars : mettez aussi des photos d’illustration qui proviennent d’un autre film et vous arriverez enfin au niveau de qualité Evidis. Par contre il faudra baisser un peu le prix aussi, sinon, on joue plus !