samedi 24 mars 2018

Jonathan des ours



1993
Jonathan Degli Orsi
Enzo G. Castellari
Avec: Franco Nero

Le film est dédié à Sergio Corbucci, et ça m'a fait un bien fou de voir ça, affiché sur l'écran en préambule. Imaginez, en 1993, quand tout le monde a oublié le western spaghetti à l'exception des Sergio Leone, Enzo G. Castellari et son pote Franco Nero remettent le couvert, et en plus ils dédient leur film à Sergio Corbucci. Pas à Sergio Leone qui mettait déjà tout le monde d'accord à l'époque, mais à Sergio Corbucci, le rejeton un peu moins glorieux de la famille. C'est dire que Castellari et Nero ne renient rien. On présente souvent ce film comme un western post-spaghetti, avec son message écolo, sa défense des indiens et sa philosophie de la nature. C'est pas faux. Mais moi j'ai surtout vu la violence implacable, les impacts de balle dans les corps qui sursautent, les ralentis ad nauseam sur les cascadeurs qui se vautrent avec application dans la boue. J'ai vu le regard bleu acier de l'inaltérable Franco Nero qui se fait crucifier comme du temps de Keoma, j'ai vu le méchant vociférer et mettre les fers au patelin du coin comme à la belle époque. Comme si rien n'avait changé en vingt ans, Castellari nous refait des cadrages spectaculaires et nous ressert les flashbacks en insert direct (avec le héros qui regarde le flashback à l'intérieur de la scène même) de Keoma. Seuls ont changés les décors (le film est tourné en Russie) et la musique, qui bien que peu avare en mélopées à la trompette, reste assez loin des standards spaghettien. Mais pour le reste Castellari et Nero s'en tiennent à ce qu'ils savent faire, défauts compris. On note toujours des plans foireux, ratés, voire ridicules quand les truqueurs veulent nous faire croire que Nero est une pointure en tir à l'arc. Les indiens manquent de crédibilité, je crois même avoir vu une squaw en pull, et Castellari n'oublie pas les délires les plus improbables du genre, avec cette bande de méchants en blouson de cuir type post-apocalyptique.




Les grands poncifs du western spaghetti sont donc bien en place et malheureusement personne à la production n'a cherché à sublimer ces poncifs qui restent à l'état de poncif, comme si Castellari et Nero se rendaient hommage à eux-même sans chercher le moins du monde à tester de nouvelles choses.
Heureusement, le film montre une autre ambition dans ses aspects plus dans l'air du temps des années 90. Le réalisateur parvient à concilier plusieurs thèmes, dont la défense des indiens, l'écologie, une histoire avec des ours, des flash-backs bien montés, tout en enrobant le tout dans un genre de ballade contée avec un Bob Dylan local qui accompagne l'action à la guitare. Le film n'est pas avare en phrases pompeuses à la mode indienne sur la Nature nourricière, suis ta voie, c'est ton destin, la Terre n'appartient pas aux hommes, c'est les hommes qui appartiennent à la Terre. La belle indienne (Melody Robertson) est quand même vachement belle, bien que assez typée caucasienne malgré ses tresses.


Avec tout ça, on passe au final tout de même un bon moment, même si on aurait aimé plus d'audace formelle et d'inventivité dans les scènes d'action, plutôt qu'une resucée de ce qu'on a vu déjà mille fois, agrémenté de thèmes certes hors du cadre habituel du western spaghetti, mais déjà traités ailleurs en mieux (Pale Rider, Danse avec les loups). Mais bon, on ne va pas faire la fine bouche, c'est un western européen à voir et qui aurait mérité d'être un peu plus connu au-delà du cercle des amateurs du genre.

Captures: western movies et western maniacs

mercredi 14 mars 2018

Joe l'implacable



1967
Joe l'implacabile
Antonio Margheriti
Avec : Rik Van Nutter, Halina Zalewska, Mercedes Castro

Antonio Margheriti est le réalisateur du correct Avec Django la mort est là (et son titre français idiot) et de l'excellent Et le vent apporta la violence avec Klaus Kinsky. On est loin, très loin de la réussite de ces deux œuvres avec Joe l'implacable. Le héros est un blondin argenté totalement inconnu, totalement fadasse, largement pire que Richard Harisson qui devient pour le coup une sorte de Daniel Day Lewis en comparaison. La réalisation est sans génie, sans recherche particulière, pas de cadrage tarabiscoté, pas d'utilisation particulièrement intéressante des décors espagnols. Le scénario tourne comme d'habitude autour d'une histoire d'or convoité par le plus grand nombre, avec des péripéties en veux-tu en voilà et des retournements de situation à n'en plus finir. J'avoue, à un moment, j'ai arrêté de suivre. Il y a des femmes aussi, au milieu de tout ça, un comparse comique et beaucoup d'explosions.
Car la grande originalité du film tient en ce que son héros préfère largement l'usage de la dynamite à l'usage des révolvers. Toujours habillé avec soin, le pli impeccable, il est une sorte de James Bond qui s'en sort toujours en faisant sauter ses adversaires au moment où l'on s'y attend le moins. L'explosion laisse à chaque fois en grand trou dans lequel ne reste qu'un chapeau ou une botte. C'est ce genre de petits détails finalement qui fait la saveur du film. On est là dans le western comédie, sans prise de tête, sans ambition artistique. Curieusement, quelque part au milieu du film, Joe fait sauter une montagne entière, suivie d'une inondation cataclysmique qui fout en l'air une partie des décors du film. Bien que cette scène ne fasse plus illusion aujourd'hui, il faut quand même reconnaitre que le tout est bien maitrisé et reste relativement spectaculaire. De même, toutes les soirées mondaines dans l'aristocratie locale étonnent par la richesse des décors et de la figuration (on pourrait se croire à certains moments dans Le Guépard), en totale opposition avec l'aridité et le dénuement habituel des canyons arides d'Almeria. Une relative profusion de moyens donc, pour un film banal, sans âme, sans grand intérêt, mais qui saura satisfaire les plus accros au genre.

Capture: http://blog.dvdpascher.net

The Revenant



2016
Alejandro Gonzales Iñàrritu
Avec: Leonardo Di Caprio, Tom Hardy

J'avoue que l'attaque de l'ours est plutôt bien foutue. L'ours ressemble vraiment à un ours. Il ressemble un peu moins à un ours qu'un vrai ours comme Bart dans L'Ours de Jean-Jacques Annaud, mais les graphistes ont semble-t-il été bridés dans leur expression artistique. Je ne crois pas qu'il ait été question de savoir combien de poils il a été nécessaire de modéliser séparément pour rendre crédible le pelage de l'animal. Il n'y a pas de gros plan sur la gueule de l'animal dans lequel chaque goutte de bave brillerait dans la lumière cristalline du petit matin. L'ours a un comportement d'ours, il ne suit pas une logique anthropomorphique dans son attaque, il ne réagit pas comme un personnage de chez Pixar, mais bien comme une bête. En bref, il y a du progrès dans les effets spéciaux numériques depuis Jurassik Park (dans de trop rares films cependant, par exemple les scènes de batailles que j'ai vues dans la bande annonce de La Grande Muraille sont toujours d'une laideur visuelle sans nom).

Mais à part cette scène de l'ours, il n'y a pas grand chose qui ait attiré mon attention. Les images sont belles, la nature se déploie dans la lumière cristalline du petit matin (sauf la bave dans la gueule de l'ours, donc...), et le souffle de Di Caprio a la pureté d'un nuage de lait dans une eau déminéralisée. Di Caprio morfle, puis il se remet, puis il morfle, puis il se remet. Le problème de ce genre de film, c'est que quand on connaît la trame narrative parce qu'on a vu Le Convoi Sauvage, on s'ennuie un peu. A la fin du film, on ne sait pas si Di Caprio s'en sort ou pas. Il est (une fois de plus) salement blessé en pleine nature. Je n'aime pas ces films sans fin. Dès qu'un cinéaste veut faire un film "d'auteur", il met une fin ouverte et nous laisse comme deux ronds de flan sans savoir ce qu'il advient du personnage. Di Caprio est très bon dans le rôle, il a le regard déterminé et dur, mais ça n'a pas suffi pour que je me passionne pour sa destinée.
Mais je ne veux pas cracher dans la soupe. Si vous ne savez rien de l'histoire et que vous n'avez pas lu le premier paragraphe de cet article, vous verrez un excellent film survival, avec pas mal d'action, des indiens, des morts, de la violence, bien filmé et assez jusqu'au-boutiste dans sa peinture de la folie meurtrière des hommes. Moi, je suis de toute façon de moins en moins réceptif aux grandes folies médiatiques, aux films du moment qu'il faut voir absolument, aux films multi-oscarisés et calibrés pour être multi-oscarisés. Je m'efforce d'ailleurs de les voir après. Mais que ça ne vous empêche pas d'y prendre du plaisir...

lundi 12 mars 2018

Un train pour Durango



Un treno per Durango
Mario Caiano
1968


Un train pour Durango est un de ces westerns zapata qui n'a pas encore totalement basculé dans la parodie la plus pure de la fin du genre, mais qui est déjà très loin des chevauchées taciturnes des grands héros meurtris des spagh classiques des années 65-67. C’est un représentant du genre relativement médiocre, sans toutefois réussir à être totalement mauvais ou déplaisant. 
Au crédit du film on trouve déjà une certaine ambition de moyens, un soin de réalisation assez évident et une bonne tenue générale qui sauve le film de justesse. Il faut dire qu’il y a du beau monde à apporter sa touche à cette sympathique course au trésor : Mario Caiano, Enzo Barboni, à la réalisation et à la photographie, Anthony Steffen, Enrico Maria Salerno, Mark Damon, José Bódalo, Roberto Camardiel et Aldo Sambrell à la distribution, une palanquée de noms qui nous emmènent, sinon sur les terres d'un chef d'oeuvre, au moins en terrain connu, balisé et rassurant. Quelques blagues tournant la Révolution en dérision font mouche, par exemple sur la propension à promouvoir à peu près n’importe qui au grade de général ou de colonel. « Le colonel sera content de toi ! » « Lequel ? ». 
Quelques moments comiques dans le train semblent issues d’une veine chaplinesque assumée (Enrico Maria Salerno qui vole de la nourriture dans le train, la séquence de destruction du coffre au canon), certaines séquences distillent une étrangeté et un cynisme assez savoureux (le jeu macabre avec le revolver autour d'une table, les deux chefs de bande qui s'entretuent et qui réalisent qu'ils se sont fait avoir), d’autres lieux communs du western zapata, enfin - l’automobile, les soldats qui se font décimer - feront plaisir aux aficionados du genre dont je fais partie.
Ce qui fonctionne moins bien, c’est l’humour poussif et prévisible de situations comiques dont on devine la chute des kilomètres à l’avance. Qui n’a pas vu venir que nos deux lascars allaient se faire totalement dépouiller par le vendeur de billets avant de monter dans le train ? Qui n’a pas étouffé un bâillement devant le manège des peones qui baladent nos deux héros d’indic en indic ? Qui n'a pas ressenti une impression de déjà vu à chaque fois que Mark Damon apparaît de nulle part pour retourner la situation? Et qui n’avait pas deviné que la femme (Dominique Boschero) était plus intéressée par l’or que par n’importe quel mâle qui lui tourne autour ? ET surtout, au-delà de ça, le duo principal censé porter le film est légèrement boiteux. Si Enrico Maria Salerno fait le job, sans toutefois provoquer de sympathie débordante, on n’en dira pas autant d’Anthony Steffen, mauvais de bout en bout. Habituellement inexpressif dans le rôle de pistolero ténébreux, il est ici contraint de forcer son talent, de sortir de ses gonds et de tenter de faire rire. Entendons-nous bien, j’aime cet acteur, mais je défie quiconque de rire quand il fait semblant de se défoncer les papilles avec un piment local. On peut au moins lui reconnaître d’aller au bout du bout du ridicule et de l’autodérision, allant jusqu’à se déguiser avec des vêtements de péon deux fois trop petits pour lui. Mais ça ne suffit pas pour emporter l'adhésion, et malheureusement, j’ai peur que ce soit cette image, et cette image seule, qui me reste en mémoire quand j’aurai totalement oublié le film dans six mois…

 Oui, c'est bien Anthony Steffen, à gauche