mardi 17 juillet 2007

Tombstone


Tombstone
1993
George Pan. Cosmatos

Avec: Kurt Russell, Val Kilmer, Bill Paxton, Sam Elliott, Michael Biehn, Charlton Heston

Wyatt Earp ne veut pas être shérif de Tombstone, il refuse d’être shérif à Tombstone, il ne deviendra jamais Shérif à Tombstone. C’est sûr, c’est catégorique !
Et puis finalement si …

Tombstone est sorti à peu près en même temps que Wyatt Earp, dont il respecte d’ailleurs la trame principale. Comme Wyatt Earp, il a pour pivot central le règlement de compte à OK Corral, qui est le climax des deux aînés plus prestigieux que sont La poursuite infernale de John Ford et Règlement de comptes à OK Corral de John Sturges.
Pour cette raison, on limitera la comparaison à Wyatt Earp et non pas aux œuvres de l’âge d’or, parce que sinon les puristes vont se retourner dans leurs tombes.
Pour la suite de la comparaison, c’est en fait très simple. Là où on se fait chier comme un croque-mort pendant trois heures dans Wyatt Earp, on prend son pied dans Tombstone, là où Kevin Costner récite ses aphorismes creux toutes les deux minutes, Kurt Russell les réserve pour la fin, là où Kevin Costner ressemble à un gardien de la paix joufflu, Kurt Russell ressemble à un oiseau de proie menaçant, là où Kevin Costner campe un Wyatt Earp dont la part d’ombre est aseptisée, Kurt Russel incarne un Wyatt Earp qui fuit les honneurs et le service à la communauté, qui ne pense qu’à s’enrichir, qui quitte une droguée pour suivre une chanteuse sans réputation et moche de surcroît (là c’est juste mon opinion hein..). Là où la musique de Wyatt Earp vous donne envie d’assassiner tous les facteurs de violons de la terre, celle de Tombstone sait être efficace tout en restant classique.
Et ça ne s’arrête pas là ! Il y a aussi le cas Doc Holliday. Dans Wyatt Earp, c’est Dennis Quaid. Pas mauvais, en tout cas beaucoup moins fade que Kevin Costner, mais beaucoup plus que le Doc Holliday de Tombstone joué par Val Kilmer. Celui-ci fait des vannes, il est inquiétant, il a une super scène face à Michael Biehn qui se la pète avec son flingue. Holliday en fait autant… avec une tasse à café. Holliday, c'est la bonne surprise de ce film.
Au niveau du ex-aequo, on trouvera les gunfights. Dans Wyatt Earp comme dans Tombstone les gunfights sont cools, bien tournés et très percutants. La peur est palpable, la douleur aussi. Simplement, dans Wyatt Earp les gunfights sont tellement sporadiques qu’ils valent à peine la peine d’être notés. Wyatt Earp est sans doute plus proche de la vérité historique que Tombstone mais on s’en tape franchement. Toutes les scènes clés sont respectées : le duel, le frérot qui se fait descendre à travers une fenêtre, la scène du train, la confrontation en pleine nature. Pour le reste c’est du western américain qui a bien digéré ses influences italiennes.
Tombstone est donc nettement meilleur que Wyatt Earp mais Wyatt Earp est tellement mauvais que cela ne suffit en rien à faire de Tombstone un bon film. Car dans Tombstone, on a le droit quand même aux cinq minutes règlementaires sous un arbre avec la nana, où Kurt Russell singe la gaucherie d’Henry Fonda dans La poursuite infernale. On a le droit à une introduction très violente assez inattendue mais qui s’inscrirait mieux dans un bon vieux western spaghetti que dans un film à caractère historique. On a le droit vers la fin à un coup de théâtre stupide et incompréhensible, ainsi qu’à un arrivage incroyable de phrases mystères du type «Mon hypocrisie s’arrête là », « Il n’y a pas de vie normale » ou « il a un grand trou au milieu de lui-même, et ni le vol ni le meurtre ne pourront le remplir. » Bref, on est largué, d’autant que quand Earp et ses hommes font le ménage, on est dans la confusion totale. Des mecs tombent, on ne comprend pas grand-chose et la tension narrative est partie en vacances. Il faut juste comprendre que si Earp tue beaucoup beaucoup de monde, c’est pour le bien de la communauté. Sans doute, mais les exactions des méchants ne semblent pas toutes mériter la peine de mort, surtout que lesdites exactions semblaient se concentrer sur quelques têtes seulement alors que c’est tout le gang qui se fait décimer.
Quoi qu’il en soit, Tombstone reste un excellent divertissement, très formaté malheureusement, mais bien dans la lignée des westerns modernes. On y retrouve avec plaisir des trognes habituées du genre dans les seconds rôles. On y voit Harry Carrey Junior en shérif, on y voit Billy Bob Thornton en mode agressif, et on y voit même Charlton Heston dans le rôle de Henry Hooker. Et pour les fans de Spider-man 3, on a Thomas Haden Church qui joue Billy Clanton. Même si le film n’est pas exceptionnel, on passe un bon moment à reconnaître tout le monde !

lundi 9 juillet 2007

La chevauchée fantastique

Stagecoach
1939
John Ford
Avec : John Wayne

L’histoire: Une diligence emmène un microcosme humain à Lordsburgh. On trouve là-dedans la putain, le notable, le docteur alcoolique, le banquier corrompu, la dame de bonne famille, le bandit au grand cœur, le marshall. Ils doivent traverser une terre où Geronimo fait des siennes.

Si on ne devait en garder qu’un, ce serait celui-là. On peut lui préférer d’autres westerns, on peut lui trouver des défauts, mais une chose est sûre, La chevauchée fantastique est le western, le seul, le vrai, l’unique, celui qui définit tout et qui sublime tout d’un seul coup, celui qui crée les poncifs et qui les transcende dans le même mouvement, celui qui n’est qu’une histoire de cow-boys et d’indiens et un drame généraliste en même temps.
Evidemment, sortir des banalités de ce genre sur un film déjà unanimement considéré comme un chef-d’œuvre n’est pas spécialement d’une grande originalité. Mais il ne s’agit aucunement d’un effet de style prétentieux de ma part : je le pense vraiment ! D’autant que je suis loin d’être un fan inconditionnel de Ford dont un certain nombre de films ultérieurs me sont apparus poussifs, manquant d’action et franchement surestimés. La chevauchée fantastique n’est d’ailleurs pas exempt d’un certain nombre de défauts Fordien récurrents : on y trouve chansonnette chiante à faire bailler les morts, mais au moins il n’y en a qu’une seule et elle s’inscrit en plus parfaitement dans la logique narrative de la tombée de la nuit dans le relais. On y trouve l’habituel manque d’action « pure », mais compensée ici par le rythme de la mise en scène et rattrapé par la flamboyance de la fantastique chevauchée. En outre, indépendamment des défauts de Ford, il faut bien dire que le film a un peu vieilli, que le noir et blanc sied mal à Monument Valley (a contrario il illumine parfaitement les scènes nocturnes), et surtout, qu’il manque en VF le charme habituel du doubleur habituel de John Wayne.
Mais alors, qu’est ce qui fait que ce film est si simple et à la fois si génial ? Evacuons d’abord la nostalgie : oui on a adoré le film étant gamin, oui on l’a recréé plan par plan avec la diligence Wells Fargo rouge Playmobil, et oui, le souvenir de cet enchantement ressurgit toujours un peu quand on le revoit. Mais il n’y a pas que ça ! La chevauchée fantastique ne parle pas seulement à l’enfant qui est en nous, il parle aussi à l’adulte avide d’exploration et d’aventure frontier mixée d’aventure humaine. Il parle à l’amateur de cinéma, épaté de voir que tout avait déjà été inventé en 1939 – et surtout, quel contraste entre ce film et les petits westerns de série B tournés par John Wayne quelques années auparavant ! Il parle à ceux pour qui le cinéma est un vecteur d’émotions et pas uniquement de réflexion. Car si John Wayne prend déjà dix minutes sur son temps de présence à l’écran pour papoter et dire des choses tendres à une dame au clair de lune, il le fait avec des mots simples, sans prétention, sans volonté de déclamer des choses vraies et définitives. Juste un ranch, où un homme pourrait bien vivre, en famille.
On retrouve à la fois dans La chevauchée fantastique l’aventure bon enfant avec ces successions de relais, de rencontres avec ces personnages typés et attachants qui s’entassent les uns après les autres dans la diligence, d’évènements inattendus (la grossesse), la tension dramatique due aux indiens hors-champ, le huis-clos au milieu des espaces immenses que l’on retrouvera sous une forme différente dans La captive aux yeux clairs. Du drame humain se détache la figure du bandit romantique, qui actionne sa winchester d’une main, mais qui est fragile en dedans comme une barre Mars, se détache la fille de mauvaise vie qui ne peut croire que sa destinée puisse changer, et se détache le docteur alcoolique, qui bien sûr va prouver à ceux qui le méprisaient qu’il vaut mieux que ce que son apparence veut bien montrer. On dit bien sûr, car ce schéma narratif qui consiste à mettre des hommes qui vont se révéler face à l’hostilité de leur environnement a été usé jusqu’à la corde de façon parfois si grossièrement caricaturale que le mépris face à de si faciles ficelles scénaristiques vire parfois à l’écoeurement. Mais dans La chevauchée fantastique, cette opposition de caractères simplistes se fait dans la douceur, dans l’humanité, baigné par le regard chaleureux du cinéaste. Le duel final, qui pourrait sembler incongru, sert d’exutoire à toute la tension accumulée au cours du voyage, que l’intervention in extremis de la cavalerie n’aura pas suffi à épancher. Les prises de vue en studio, de nuit, John Wayne qui plonge avec sa winchester, et le baddy qui rentre au saloon avant de s’écrouler, tant de scènes reprises et usées au point qu’on a l’impression que rien n’a été inventé depuis. Et même chez les italiens ! Le héros s’appelle Ringo, et il est clair pour lui qu’un homme armé d’une winchester a toutes les chances de réussir face à trois hommes armés de révolvers !

La mort était au rendez-vous



Da uomo a uomo
1967
Giulio Petroni

Avec Lee Van Cleef, John Philip Law

Un petit garçon voit toute sa famille massacrée un soir de pluie par 4 ou 5 types très tibulaires, et ce qu’il va faire devenu adulte, et bien, ce n’est pas trop difficile à deviner. Jeune et fougueux, il va chercher à se venger bien sûr, sauf que, sauf que, il y a le Colonel Mortimer sur son chemin.

La mort était au rendez-vous est le parfait western italien, qui copie tout sur Leone (et surtout Et pour quelques dollars de plus) avec talent et bonne conscience, et qui parvient tout de même à dégager un parfum d’authenticité de genre réjouissant. Adulte et enfantin à la fois, le scénario offre son lot de violence à l’italienne tout en restant sobre dans la démesure. Les relations père/fils entre Lee Van Cleef et Clint East… heuu John Philip Law ainsi que le thème de la ville corrompue et les magouilles du méchant inscrivent le film dans un registre adulte et sombre, tandis que le motif de la vengeance bornée associée à des éléments figuratifs simplistes (l’éperon, le tatouage, la balafre etc) rappellent la logique de films destinés plutôt aux plus jeunes comme Le Dollar Troué ou Wanted avec leurs revolvers aux canons sciés et leurs fers de marquage qui reviennent tels des leitmotivs visuels tout aux long du film.
De même, contrairement à des films ultérieurs type Sabata, la mort porte sa signification, même chez les méchants. Lorsque Clint… heuu John Philip Law abat l’un des meurtriers et accomplit ainsi sa vengeance, il se retrouve confronté au frère du défunt ivre de rage qui est bien décidé lui aussi à se venger. La litanie n’en finit pas, et bien que la pirouette scénaristique qui fait du frère l’un des meurtriers recherché permet facilement de faire oublier que la vengeance appelle toujours la vengeance, ce passage montre des méchants à visage humain, au sens tragique prononcé comme dans les tous meilleurs westerns spaghetti de la période noire.
Par contre, les coups de pute continuels entre Clint Philip Law et Lee Van Cleef à base d’abandon répétés dans le désert – sans aucune conséquence dramatique – contrebalancés par des sauvetages de l’un par l’autre à chaque fois qu’une situation délicate pointe le bout de son nez, rappellent plus l’esprit « libertaire » du western spaghetti, où les contingences matérielles n’ont décidément pas prise sur la réalité. Lee Van Cleef, abandonné sans cheval au milieu de nulle part, arrive dans le pueblo, déguisé en peon avec des ânes et des armes en nombre suffisant pour fomenter une petite révolution. Et il arrive pile avant que Clint Philip Law soit cuit à point, ce qui tombe plutôt à pic.
Cette dualité de genre, entre le registre sombre et flamboyant, et le registre aventures enfantines se retrouve également dans la mise en scène. Giré en parle dans son livre, La mort était au rendez vous offre deux très belles séquences : d’abord, le massacre inaugural, sous la pluie battante, grinçant et persécuté par une musique asynchrone d’Ennio Morricone, indique très clairement qu’on n’est pas ici pour voir un film où John Wayne va taper la discute pendant trois quarts d’heure avec une nana sous un arbre, avec tout le respect qu’on lui doit. Ensuite cette scène, où Lee van Cleef se moque gentiment de Clint Philip Law enterré sous le soleil pendant que la musique d’Ennio Morricone s’entête et accompagne tous les villageois qui surgissent de leurs maisons les uns après les autres pour venir le déterrer, donne une idée du talent de réalisateur de Petroni quand il s’en donne la peine. A l’inverse, la volonté de vouloir trop en mettre, de condenser en un quart d’heure une résistance paysanne type Les sept mercenaires, puis un siège éprouvant et lancinant sur fond d’ersatz de Deguello à la Rio Bravo/Alamo puis un shoot’em up dans la poussière à la Et pour quelques dollars de plus démolit complètement la crédibilité de l’entreprise et range plutôt le film dans le genre « aventures à la queue leu leu où on ne se prend pas la tête ». Tant pis et tant mieux. La mort était au rendez vous, à défaut d’être le grand film qu’il aurait pu être, est le parfait étalon du parfait western spaghetti, ce qui n’est pas rien. Le type de western spaghetti avec un titre pas trop con, ce qui vous permet déjà de le proposer à votre entourage sans entendre fuser les rires, sans trop de démesure violente et tortionnaire, ce qui pourrait permettre à votre môman et à vos enfants de le voir avec plaisir, suffisamment bien réalisé, suffisamment inventif et haletant pour que ceux qui ont vu Et pour quelques dollars de plus il y a un certain temps déjà ne ricanent pas trop devant le plagiat du style Leonien, suffisamment réussi, en bref, pour s’adresser à tout le monde, et pas seulement au fan indulgent qui saute au plafond de joie dès qu’il y a un peu de trompette ou Anthony Steffen qui dégaine...

Où le voir : Et c’est là en plus ce qui est génial, le film est disponible en DVD MGM avec piste française excellente. Le seul hic, c’est qu’il n’est pas dispo en France, il faut le commander sur Internet (AMAZONE.UK, PLAY.COM). Titre anglais : Death rides a horse. A vous de jouer !

[Edit] Désormais disponible en DVD franco-français!

La colline a des yeux - The blade

Aperçu d’un cinéma barbare et sans concession, avec en plus de quoi satisfaire l’amateur de westerns. Attention aux gâchages (spoilers)

  • la colline a des yeux
    2006
    Alexandre Aja d’après Wes Craven

    Le premier à y passer est un chien, puis un canari. On se dit qu’à ce rythme là on est pas couché, mais non, Alexandre Aja fait fissa disparaître la moitié du casting gentil, et là on réalise qu’on n’a pas vraiment le temps de mourir de soif dans le désert. Mais Aja nous trompe encore, car il aime bien les fausses pistes Aja. Le petit démocrate qui part tout seul à pied à l’avant non seulement survit contre toute attente mais en plus devient une espèce de Mad Max/Terminator acharné à retrouver son bébé. Couvert de sang, criblé de gnons, quelques doigts en moins après un bref passage au congelo, le petit commercial vendeur de téléphones vire irrévocablement républicain quand il choisit la pointe de sa monstrueuse hache pour achever un mutant encorseté. Déjà presque mort, il poursuit sa quête et il se prend encore des coups, et là où n’importe qui serait déjà anéanti, ce n’importe qui là semble avoir des ressources inépuisables. Ces nouveaux pères, c’est quelque chose !
    Le deuxième chien, non seulement ne se fera pas éventrer, mais en plus bouffera un handicapé difforme qui pourtant venait d’expliquer à l'ex démocrate « c’est pas nous les méchants, c’est vous qui avez fait de nous ce que nous sommes ! » Pas de chance, le chien aussi est républicain et sourd à ce genre de discours. Surtout qu’il n’en est pas à son premier coup d’essai, le chien, il a déjà ramené un bras de mutant un peu plus tôt. Bon chien !
    Autre chose. Plus vous êtes irradiés, plus vous êtes difformes, et plus vous êtes méchants. Le seul mutant à peu près OK est une petite fille presque pas difforme qui sauve le bébé. Si le nouveau père était resté démocrate, il aurait pu s’offusquer de cette attaque en règle contre les gens difformes, mais là il préfère buter ceux qui veulent bouffer son bébé. Ce qui nous amène au deuxième effet kiss kool des radiations : elles rendent la vie dure. Le monstre à la hache avait déjà été duraille à achever, le petit monstre aux lèvres tordues est carrément increvable. A vous de choisir : si vous voulez rester faible mais à peu près beau, restez où vous êtes. Si vous voulez être indestructible au détriment de votre équilibre morphologique et alimentaire, partez au nouveau Mexique.
    Tout film d’horreur qui se respecte a un message social à la Romero du genre « les monstres ne sont pas ceux qu’on croit ». Vous le trouverez dans la bouche de l’handicapé difforme cité plus haut. Mais c’est de pure forme, faut arrêter de déconner, les vrais méchants sont bien ceux qu’on croit, les tarés anthropophages déformés. Pourtant, si l’on scrute le body count à la fin du film, on l’établit comme suit :
    - gentils : trois morts (cinq si on compte le clebs et le canari mais bon…)
    - baddies : six morts (sept si on compte le pompiste)
    Certes, quand le film se termine, l’histoire n’est point finie, mais même si les mutants parviennent à mettre les trois gentils restants au frais sans perte dans leurs rangs, ça reste quand même une sacrée mauvaise opération. Alors, c’est qui les vrais méchants, hmmm ? ;-)

    Maintenant qu’on a bien déconné sur le fond, il reste la forme. Et je ne veux pas parler des trucs et astuces habituelles des films d’horreur : ça sursaute, ça charcle, ça taillade, ça hurle, c’est bien poisseux comme il faut. C’est fait et bien fait. C’est le reste qui finalement donne tout son intérêt à ce Colline a des yeux. Le désert minéral et rocailleux, l’ambiance suintante à la Peckinpah, avec le vent et les teintes rouges. La fatalité qui domine les lieux, avec ces mutants qui ne sont vraiment pas pressés, la poussière qui recouvre la ville fantôme et ces mannequins incongrus, le cratère rempli de bagnoles qui fait son petit effet même si on se demande comment ça n’a jamais été repéré par avion. Bref, toute une esthétique particulièrement réussie, mortifère et chaude, très lumineuse et pourtant désespérément inquiétante. L’amateur de western que je suis se régale avec le duel final, tout en se promettant de ne jamais mettre les pieds dans un désert américain sans un bon gros berger allemand bien entraîné et un fusil à pompe chargé. La vente d’armes est libre aux Etats-Unis, maintenant on sait pourquoi ! :-)


    The blade
    Tsui Hark
    1995

    The blade est un nouvel exemple de cinema barbare et sauvage, assez résolument westernien dans son approche. C’est une histoire de vengeance butée, bornée, contre vents et marées. C’est une histoire de violence au sabre effilé, ciselé, précise, sanglante. Les pièges claquent et sectionnent, les sabres coupent les membres, les acteurs virevoltent, la caméra virtuose les perd de vue mais les retrouve toujours. Le début donne violemment le ton, sauvage et anti-hollywoodien, où ce bon chien-chien typique américain se fait prendre dans un piège monstrueux, sous l’œil rigolard des chasseurs, scène qui rappelle la scène des poules dans Pat garret & Billy the Kid. Peckinpah encore, mais aussi le western spaghetti, dont l’influence asiatique n’est pas un mystère : Tsui Hark crée un monde de tenues hétéroclites et recherchées dans des décors fouillés et fouillis, bigarrés et bizarres pour l’œil occidental. Les regards et les poses en disent long, même si la « cool attitude » et la nonchalance spaghettienne sont ici remplacées par une frénésie de mouvements incessants.
    Pas besoin d’être adepte du film de sabre et connaisseur de toute la dynastie de films qui s’inspirèrent de l’histoire du sabreur manchot pour apprécier ce film là. Même si notre œil ne saisit pas toutes les subtilités, même si certains gestes et combats sont trop rapides (y compris les arrêts sur images qui doivent pourtant permettre la compréhension du geste, c’est dire…), l’amateur de prouesse athlétiques et de fureur combative décuplée par un code d’honneur moyenâgeux est aux anges. On ne compte plus les bonnes idées : le bout de sabre attaché à une chaine, le demi-manuel d’escrime, l’attaque de la manufacture d’arme, ni les scènes barbares (le supplice des torches). On ne compte plus non plus les morts, ni les ustensiles détruits, ni les décors en miette.
    Moins sophistiqué que Time and Tide du même réalisateur, The blade séduit plus parce qu’il se regarde moins filmer. Tout est visuellement beau, mais le spectateur n’est pas en permanence en train de se dire « ouah, encore un plan révolutionnaire », manière de dire que l’histoire passe avant la technique. Moins défoulatoire et délirant que les Il était une fois en chine, The Blade n’a bien sûr pas le même objectif, le premier degré, la violence et le sens tragique l’emportant sur la virtuosité, à part dans le dernier combat qui dépasse les limites en terme de vraisemblance. Mais bien sûr, ce n’est certes pas des problèmes de vraisemblance qui vont arrêter les lecteurs spaghettophiles de ce blog. Procurez vous ce film, vite !

  • Viva la muerte...tua!



    Et viva la révolution !
    Viva la muerte…tua
    1971
    Duccio Tessari

    Avec Franco Nero, Eli Wallach, Lynn Redgrave, Eduardo Fajardo.


    Un générique en séquence rapide d’images fixes, Franco Nero dévalise un mariage, accompagnée d’une musique seventies, clappements de mains et rythme rapide comme un générique de Pierre Richard, ce cinéma commence exactement comme il devrait, dans la bonne humeur d’une Révolution qui ne révolutionne rien, épaulé par une réalisation qui ne révolutionne rien non plus.

    On a bien sûr toujours plaisir à retrouver Franco Nero jouer un prince russe, polonais, moldave ou syldave, peu importe, prince de la sape, roi de l’individualisme, il sait jouer des poings aussi bien qu’il sait jouer du revolver aussi bien qu’il sait jouer de la mitrailleuse aussi bien qu’il sait jouer de la répartie assassine (à quelle époque vivons nous ?). Evidemment, on ne va pas essayer de vous faire croire qu’on n’a pas plaisir à retrouver Eli Wallach non plus, dans son rôle de Mexicain qui pue, qui grogne, qui râle, qui se fait avoir et qui joue bien du revolver également à chaque fois qu’il le faut. On ne compte pas les soldats morts, ce qui compte c’est que Eduardo Fajardo fasse son numéro de méchant, un brin cruel mais très con et que Horst Janson joue le vrai méchant, cruel et intelligent avec, cela va de soi, l’incongruité physique de rigueur tenue cette fois ci par un corset métallique qui le maintient raide comme un fusillé, mais bien vivant.
    On pourrait être de mauvaise foi et affirmer que le film représente une évolution par rapport à ses modèles que sont Companeros et El Mercenario par le simple fait que le prince suédois (ou finlandais, ou bulgare…) n’embrasse pas les idéaux révolutionnaires au final, et que le pauvre bougre de peon reste également un bandit après un bref passage par la case « mon peuple a besoin de moi, je lui lègue les 1000000 dollars qu’on a mis tout le film à récupérer ».
    Mais ce chiffre même de un million de dollars est symptomatique d’une lignée de films en bout de course où les scènes habituelles s’enquillent comme des soldats sur un pont. Après 1 million de dollars, on peut plus trop monter, un milliard de dollars ça ferait vraiment trop, 500000 il y a bien longtemps que ce n’est plus assez. La recherche éternelle du trésor qui nous permettra pour la deuxième fois d’admirer les fesses d’Eli Wallach dans un western italien nous mènera sur le chemin de la soeur du bandit, qui bien sûr lui en veut un peu d’être un bandit, preuve que le réalisateur Duccio Tessari n’a pas seulement vu Companeros avant de réaliser Viva la muerte…tua.
    La découverte des cadavres de la soeur et de son neveu, sur une mélodie mécanique, rappelle fugacement une certaine nostalgie des films « sérieux » où la mort et la musique servaient plus de déclencheur émotionnel que de défouloir généralisé. L’instant est fugace, trop fugace, car il faut se dépêcher, il y a de la mitrailleuse à faire marcher, des blindés à faire sauter, des soldats à faire valser, des balustrades à escalader, et un méchant à éliminer. Ha et j’oubliais, dans tout ça il y a une journaliste rousse chiante ( Lynn Redgrave) qui vient créer des idoles et les défaire, tirer le pingouin et son antithèse d’affaire à chaque fois que nécessaire pour les remettre dans la merde juste après. La routine pure pour un film parfaitement dispensable, sauf pour les fans de Franco Nero et d’Eli Wallach, voir même d’Eduardo Fajardo - il en faut ! – qui n’iront pas jusqu’à dire que le film est bon, mais qui, en bon aficionados du spagh qu’ils sont, pardonneront tout, absolument tout, pour un petit mitraillage en règle, pour un Eli Wallach coincé dans un puit mais qui se défend bien, pour un petit millier de soldats de plus tués dans les règles de l’art du western spaghetti.
    Et viva el western spaghetti quand même!!

    Dieu pardonne, moi pas


    Dio perdona... Io no !
    1967
    Giuseppe Colizzi
    Avec : Terence Hill, Bud Spencer, Frank Wolff, Gina Rovere, José Manuel Martín


    (Terence Hill) est sur la trace d’un bandit qu’il croyait mort (Frank Wolff). Un agent d’assurance (Bud Spencer) est sur la trace du même bandit afin de récupérer un magot volé.

    Le western italien est superbe. Bien avant que l’on qualifie la mise en scène de certains films d’«esthétique clip» , le western italien a su créer de véritables petits métrages au sein même des films, des petites histoires avec leur intensité dramatique, leur mise en scène recherchée, leur esthétique choc. Quand plus tard Luc Besson réalisera Subway on se mettra alors à parler « d’esthetique clip », alors qu’au fond il n’y avait rien de formellement novateur. Par exemple, le début de Dieu pardonne, moi pas n’a rien à envier aux mises en scènes démonstratives des cinéastes d’aujourd’hui : un train qui avance doucement, bercé d’une musique presque mystique, un ballon qui traverse la voie ferrée et un petit garçon qui vient le chercher pour découvrir toute une assemblée venue accueillir le train, les visages de plus en plus inquiets des gens entraperçus entre les wagons du train qui n’a pas l’air de vouloir s’arrêter et ce cri : « le train est vide ! ». Vide ? Non, comme dans un bon western spaghetti, le train n’est pas vide, il est rempli de cadavres, savamment enchevêtrés pour créer un petit effet de « vérisme » supplémentaire, tandis que la caméra suit le seul survivant, hagard, qui s’enfuit incognito, dans le désert espagnol. Aujourd’hui, les réalisateurs talentueux mettent tout leur savoir faire pour recréer ce genre de scènes dans des films gros budgets soignés et respectueux, hier, Sergio Leone, Sergio Corbucci et Giuseppe Colizzi mettaient non seulement leur savoir faire, mais aussi leur inventivité au service d’un cinéma populaire, novateur et exigeant ! Revenir aux sources n’est pas forcément un retour en arrière.
    Des micro-films au sein de Dieu pardonne, moi pas, il y en a d’autres, des scènes à faire aussi. Le flash back, le passage à tabac, la torture, le duel, le trésor caché, autant d’éléments, qui s’ils sont présents dans tous les westerns spaghetti, ne forment un tout cohérent que dans les meilleurs. Il ne suffit pas d’assembler ces micro-films dans un ordre à peu près linéaire pour former un tout cohérent. Il faut un scénario solide, il faut des dialogues structurés qui fonctionnent tout en respectant la traditionnelle singularité et les faux-semblants des dialogues du western à l’italienne, il faut un humour discret qui ne perturbe pas la progression dramatique (Terence Hill qui abandonne Bud Spencer dans le désert et Bud Spencer qui secoure un Terence Hill ne sachant pas nager, seuls éléments pouvant a posteriori indiquer la future destinée comique des deux acteurs.), il faut enfin une foi authentique dans l’histoire racontée, une absence de second degré pour se concentrer uniquement sur le ballet des personnages (second degré, troisième degré, trente millième degrés qui sont devenus la marque de fabrique du cinéma d’aventure d’aujourd’hui :Le boulet, OSS117 etc..).
    Premier film de la trilogie Colizzi (avant Les quatre de l’Ave Maria et La colline des bottes), Dieu Pardonne, moi pas me paraît le meilleur des trois. Les 4 de l’Ave Maria malgré la présence d’Eli Wallach ne m’a pas procuré le même plaisir formel. La Colline des bottes semblait également bien pâle en comparaison, en tout cas dans ma mémoire. Dieu pardonne, moi pas, s’il n’atteint pas la démesure enchanteresse des films de Sergio Leone remplit toutes ses promesses en respectant le spectateur. Terence Hill est le pistolero sombre et taciturne qui quand il le faut sait faire preuve d’agilité athlétique, Bud Spencer est le colosse entêté et indestructible qui donne toute sa puissance dans la scène où il doit porter sur son dos un coffre extrêmement lourd , Frank Wolff est le bandit calculateur, qui manipule ses hommes et qui cabotine. Ces trois là se connaissent bien, rien n’est vraiment expliqué au même titre que le passé mystérieux des trois protagonistes du Bon la brute et le truand et cela leur confère malgré tout une certaine épaisseur. Si Dieu pardonne, moi pas ne brille pas exactement par un scénario original, ni par une ambiance exagérément mortifère, il n’en reste pas moins un bon exemple de ce que le western italien pouvait offrir de bon : un divertissement honnête, un sens de l’aventure bien exploité, quelques scènes grinçantes de souffrance, aucune erreur grossière de mise en scène, de bons acteurs, une bonne musique, quelques surprises égrenées ici et là. Tout ce qu’il faut et tout ce qu’on demande, pas plus, pas moins…


    Le DVD Seven 7 : pas de bonus intéressants dans cette édition Seven 7, dommage. Image de très bonne qualité. Version française et italienne. J’ai opté pour la version italienne de peur de subir un doublage « post-trinitesque » mais il semblerait que le doublage français soit recommandable. D’après certains, il manquerait également une scène où Frank Wolff viole une paysanne.

    Retour sur Mannaja et Texas Adios


    Texas Adios je l’avais téléchargé en anglais. Mannaja je l’avais acheté en DVD allemand avec piste anglaise. L’autre jour je suis passé chez Géant-Casino et ils étaient là, presque tous les westerns italiens Seven 7, sur un présentoir à part, près de l’entrée, à 6€99 l’unité ! Parfois le cœur a ses raisons que la raison ne commande pas, j'ai raflé Texas Adios et Mannaja, ainsi que le seul qui me manquait : La brute le colt et le karaté.
    La brute le colt et le karaté j’en parlerai un autre jour. J’ai donc revu Texas Adios et Mannaja en français. J’ai eu du plaisir à revoir Texas Adios, Mannaja beaucoup moins, comme si la fraîcheur et la naïveté d’un genre nouveau parvenait encore à émouvoir face à sa lente agonie dans une ultime tentative d’en sublimer encore et encore les postulats les plus représentatifs.
    Les invraisemblances de Texas Adios enchantent là où celles de Mannaja gênent. La cruauté de Delgado glace là où celle de Noller pue le ressassé. Les flashbacks tortueux de Texas Adios rachètent une conduite à l’intrigue là où ceux de Mannaja ne font que de la figuration.
    Pourtant, Mannaja a plus de moyens, une image plus travaillée, un esprit plus « spaghetti ». Pourtant c’est son aîné - qui garde encore un certain nombre de tics du western américain - qui emporte l’adhésion.

    Et cela tient à si peu de choses : le bruit des armes, Franco Nero, la chanson du générique, les voix françaises archi-connues. C’est tout, et ça suffit. Une approche du cinéma plus sincère, qui se regarde moins filmer, comme si Mannaja était déjà un de ces exercices de style, hommages brillants mais boursouflés et sans enjeux, dont nous abreuvent désormais les Tarantino, Rodriguez et Gans.

    Le vent de la plaine

     

    The Unforgiven
    John Huston
    1960
    Avec: Burt Lancaster, Audrey Hepburn


    Un lourd secret est préservé au sein de la famille Zachary, un secret que seule la mère de famille connaît, un secret qui ne plairait ni aux familles alentours, ni aux indiens Kiowa. Les ennuis commencent quand un cavalier fantôme surgit de nulle part.

    Le vent de la plaine fait partie de ces chefs d’œuvre qui traînent des années sur vos étagères parce que vous n’avez jamais le courage de le regarder. La jaquette parle de plaidoyer anti-raciste, de grands sentiments, et ce n’est pas que vous ayez peur de vraiment vous emmerder, c’est simplement qu’il y a toujours un primaire Texas Addio ou un stupide On m’appelle Providence qui vous tente plus à ce moment là.
    Et bien sûr, le jour où vous le voyez, vous regrettez de ne pas l’avoir fait plus tôt. Parce que malgré toute la sympathie que je porte à Texas Addio et à On m’appelle Providence, il faut bien admettre que Le vent de la plaine appartient à une catégorie supérieure. D’abord parce que le racisme dont il traite est pire encore qu’un « simple » racisme anti-noir ou anti-indien, pire que le racisme évident basé sur la différence de couleur de peau ou de culture, que l’on pourrait à la rigueur taxer de « compréhensible ». Le racisme dépeint dans Le vent de la plaine démontre au contraire que le racisme n’a pas besoin de l’excuse de la différence pour exister. Quand les colons apprennent que la petite Zachary est en fait de sang indien, ils la rejettent en bloc alors qu’elle était parfaitement acceptée jusqu’ici, et que personne ne soupçonnait quoi que ce soit. Un peu à la manière de Vian dans J’irai cracher sur vos tombes (qui décrit la vengeance d’un homme à la peau blanche mais considéré comme noir), John Huston désespère le spectateur par ce tableau sans concession de la connerie humaine, tout juste atténué in extremis par la loyauté familiale qui seule, semble plus forte que le rejet des indiens.
    Et puis Le vent de la plaine n’est pas un simple film politiquement correct pétri de bonnes intentions. C’est surtout et avant tout un grand moment de cinéma, qui n’oublie à aucun moment qu’un western doit être porté par l’action pour fonctionner correctement. En résumé, c’est aussi un bon vieux western avec des blancs encerclés et des indiens qui tournent autour. Les indiens sont près à tous périr pour récupérer une femme. Les blancs sont près à tous périr pour préserver la sacro-sainte famille. Le petit groupe terré et soudé face à la menace, on a déjà vu ça, et ça fonctionne toujours aussi bien. Le final, furieux et sanglant étonne. Plus tôt dans l’intrigue, le lynchage crispé et tendu étonne aussi. Plus tôt encore, ce cavalier sudiste fantomatique perdu dans le vent, briseur de destinée, presque insaisissable, presque sartanesque, étonne également.


    Les acteurs ne sont pas en reste. Bien que Audrey Hepburn parle avec l’accent anglais, elle irradie à au moins 25 tera-becquerels. Bien que Burt Lancaster nous la joue monolithique et droit, l’ambiguïté de son amour pour sa presque sœur et son attitude somme toute ambivalente quand il apprend qu’elle est indienne (il finit par faire le bon choix, mais on sent bien que ça l’emmerde un peu quand même) ne le rangent pas tout à fait dans le camp des interprètes mono-couleurs. Bien que Audie Murphy ne soit pas vraiment avantagé avec une moustache, il campe le personnage le plus bouillonnant, le plus blessé intérieurement. Enfin, bien que John Saxon disparaisse au beau milieu de l’histoire, on remarque sa pose et son sourire qui font penser à Jack Nicholson jeune.
    En conclusion, la prochaine fois que vous avez un film réputé sous la main et que vous hésitez entre ce film réputé et Les rangers défient les karatékas, pour une fois, ne cédez pas à la facilité, laissez les navets sympathiques de coté et tapez vous un grand et vrai moment de cinéma !

    Quelques minutes de Je suis un aventurier

    The far country
    1954
    Anthony Mann

    Avec: James Stewart, Walter Brennan


    Chez moi c’est un peu le Kadjhaksistan de Borat, je n’ai toujours pas d’enregistreur disque dur/DVD, juste un bon vieux magnétoscope qui fait crrr crrr. J’avais donc enregistré Je suis un aventurier diffusé il y a quelques mois sur Arte. Soudain, alors que je nettoyais ma télécommande, l’accident bête, le coup est parti tout seul, j’ai enregistré la bataille de Trafalgar en images de synthèse par-dessus. Damn! Ces engins devraient être interdits!
    Tout ça pour dire que, comme naguère pour Le dernier train de Gun Hill, j’ai pris le film carrément vers la fin.
    Mais ce qui fonctionna pour Sturges qui fait du cinéma commercial de qualité – en effet prendre ce film au milieu apporte une touche de mystère à l’intrigue qui peut la rendre plus profonde – ne fonctionne pas du tout pour un film d’Anthony Mann, qui façonne des portraits d’anti-héros forcés par la société de prendre leur destinée en main. James Stewart joue Jeff Webster, un type tout à fait capable de tirer, mais qui refuse de prendre le poste de shérif qu’on lui propose dans la petite ville de mineurs de Dawson en Alaska. Il semble en effet que la loi du plus fort règne, les méchants arrachant leurs concessions aux plus faibles. Comme tout anti-héros, notre James Stewart ne veut s’occuper que de ses affaires. On lui tue son vieux Ben (Walter Brennan toujours aussi Stumpy) et là il se met en branle et fait enfin ce qu’on attendait de lui : s’impliquer dans la société et dégainer son flingue.
    Or donc quand on prend ce film vers la fin, la mort de Ben et le revirement de Jeff Webster coulent de source, sans émotion, sans libération, sans tension. On dirait presque un cliché pompeux, un court métrage résumé de l’intrigue type du western. L’important dans un film de Mann étant la progression morale de l’anti-héros, ses désillusions et ses faiblesses, il est inutile de vouloir se contenter d’une partie de l’œuvre seulement. Il me faudra donc la revoir.
    Reste tout de même un gunfight final étonnant de modernité : les hommes se ratent, se blessent atrocement, se tirent dans les jambes, sans gestuelle étudiée, sans virtuosité. Jack Elam (si c’est bien lui) y passe froidement. Et avant le règlement de compte, ce cheval qui avance lentement, caméra dans les pattes, et la clochette qui sonne qui sonne… c’est beau comme du spaghetti !

    La rivière d'argent


    Silver River
    Raoul Walsh
    1948

    Avec: Errol Flynn, Ann Sheridan


    Mike McComb est injustement chassé de l’armée. Il va se venger de la vie en partant de rien, en construisant petit à petit une fortune, puis un empire, grâce à son huile de coude, à sa clairvoyance, et surtout à son manque total de scrupules.

    L’american way of life en prend un coup dans ce Silver River. Comme le veut la légende, on peut arriver très haut en partant de rien, mais à quel prix! Et bien sûr, plus dure sera la chute ! Errol Flynn, l’immense, le beau joue ici un type antipathique quoique irrésistible, son ambition n’a pas de limite et son audace non plus. Maison de jeu, argent, banque, recyclage de l’argent, actions dans les mines d’argent, visite du président Grant, augmentation des rendements, folie des grandeurs, marbre importé d’Europe, magouilles, contre-attaques financières, ventes rapides, hypothèques, déchéance …, la courbe en cloche est lisse et fluide. Voici le seul étalon peut-être de ce qu’on pourrait appeler un « western financier », où le héros se promène plus volontiers en attelage queue de pie qu’à cheval vêtu d’une chemise sale ! La politique aussi s’en mêle, ceux qui ont à cœur la défense du citoyen et veulent se faire élire sénateur prennent du plomb dans le buffet, car dans « western financier » il y a le mot « western » quand même. Errol Flynn étant Errol Flynn, un ultime revirement de conscience le fera défendre une cause plus juste : la prospérité du pays, oui, mais pas pour son seul enrichissement personnel, la prospérité du pays pour le bien de tous ! Une sorte d’appel à l’entreprise citoyenne en somme :-)
    Et puis, outre la tragédie financière, la tragédie humaine s’en mêle, avec cette parabole du Roi David qui fait peser un lourd secret dans le couple que forment Errol Flynn et Ann Sheridan. Le salaud a en effet envoyé le mari de celle-ci à la mort pour mieux la séduire ensuite. Cet acte immoral va troubler la conscience de McComb, aiguillonné par son avocat alcoolique (Thomas Mitchell) qui connaît le pot aux roses. La rivière d’argent narre donc de façon exemplaire les effets néfastes d’une trop grande volonté de réussite, d’une ambition qui ignore l’amitié et se moque des conséquences des moyens utilisés pour justifier la fin. Servi par un Errol Flynn éclatant, rythmé par une excellente musique de Max Steiner, La rivière d’argent va bien au-delà des thèmes habituels du western, et pour cela, il devrait plaire au plus grand nombre. La fin avec ses mouvements de foule époustouflants ferait presque passer ça pour du cinéma révolutionnaire !

    Où le voir ? Mein gott, il est passé tard sur France 3 il y a quelques temps ! Merci France 3 mignonne !

    [HW] - 300


    300
    2007
    Zach Snyder


    Gros plan sur des cadavres enchevêtrés avec des mouches qui se traînent, des étendards brisés et sales font la pose, pendant qu’une mouette noire s’envole lourdement de la lance où elle s’était reposée. Les émissaires avancent lourdement sur leurs chevaux de guerre, les tuniques amples qui claquent au vent, les accessoires qui valdinguent de partout. De loin on dirait des tanks ! Les Perses sont innombrables - on ne remerciera jamais assez l’inventeur du copié/collé - hétéroclites, ils ont des rhinocéros de combat, ils ont des éléphants, ils ont des monstres genre mutants, des armes proches de celles des Ninjas – Frank Miller oblige – des masques hideux. Les Spartiates rigolent. La cape rouge devient noire de boue, les ongles des pieds sont savamment écornés, salis, calleux et boueux. Le casque de Leonidas est une œuvre d’art à elle seule, les fentes, les bouts manquants forment un réseau, les bouts de flèche enfichés dans le torse – même pas mal – tout ça c’est du Frank Miller pur jus, pur sauce à la viande hachée, coupée – chop chop – fendue. Je n’avais jamais eu le loisir d’admirer à quel endroit exactement se situe l’os éclaté de la colonne vertébrale quand on coupe une tête : c’est fait ! Le combat chez Frank Miller est toujours affaire de force brute, de résistance à la douleur, d’entraînement surhumain. Voyez donc le fracas de Batman contre le chef des mutants dans The Dark Knight Returns, observez l’art du combat d’Elektra dans Daredevil, regardez comment Marv encaisse les coups ! Leonidas et ses hommes c’est la même barbaque noueuse, pas vraiment des humains, juste des machines à tuer très très efficaces mais très très indépendantes. Dans Alamo les hommes sont de vrais hommes, qui expriment leurs doutes autour du bivouac. Les 300 spartiates ne doutent pas, ils rentrent dans le tas. Peu importe que leur action ait un sens ou non, que ce sens reprenne pompeusement le mot « liberté », le but serait de piller Rome qu’on irait avec la même fierté, la fleur à la lance, mort de rire à l’idée de se faire étriper par un gars qui en vaille, enfin, la peine.
    On sait bien que Frank Miller n’est pas exactement un gauchiste qui s’encombre de politiquement correct. Le Joker tord le cou de son psychiatre verbeux, Batman pète des fémurs à tout va (« tu as des droits, des tas de droits, parfois je les compte et ça me rend malade » assène t-il à un malfrat), et le moins que l’on puisse dire c’est que Zach Snyder n’y va pas avec le dos de la cuiller. Les oracles corrompus et vicelards sont d’une laideur Millerienne, les traîtres ont des gueules torves de traître – mon dieu Gainsbourg qu’ont-ils fait de toi ? – les Perses sont percés de partout (je ne sais pas si c’est fait exprès mais c’est fort), en plus ils sont noirs tiens... Ils sont vraiment vraiment vraiment cruels – la scène de l’arbre est là et bien là pour montrer que a contrario les Spartiates sont des types violents mais avec un bon fond – les Perses maltraitent leurs esclaves et empalent leurs prisonniers, bref pas de doute, ce sont des méchants inhumains qu’il vaut mieux étriper d’abord et entasser ensuite. La rigueur Spartiate ne fait pas non plus dans la dentelle :un chouia de culte du corps –« j’ai tout mangé le chocolat », un zeste d’Eugénisme – on se débarrasse des malformés – une once d’homophobie –« si même les Athéniens, qui aiment les garçons, ont dit ‘non’, que dira t’on si nous Spartiates etc etc », un poil de discours anti-discrimination positive - « t’arrives pas à lever ton bouclier, avec la gueule que tu as, tu ferais mieux d’être traître ! », wahooo, avec une telle accumulation, on est forcé de considérer que tout ça n’est qu’archétype, une représentation du mal exacerbé avec tous ses attributs historiquement ancrés dans la mémoire collective (laideur, cruauté, traîtrise) face au bien interminable de terminatorité (la forcitude, la bravitude, la determinitude…). Parce que si on se dit que tout ça forme vraiment un discours, nous serions forcés alors d’admettre que le film est abject et répugnant, ce que nous ne voudrions pas faire tant nous avons passé un bon moment n’est ce pas ?
    Car il faut le dire, on ne s’ennuie pas en regardant 300, un bon rythme, du spectacle, une forme somptueuse. Le pixel est le roi, chaque recoin de l’image est pensé, cadré, positionné, photoshopé. On peut trouver ça laid, on peut trouver ça magnifique. Evidemment le pixel est Roi au détriment de l’humain, c’est difficile de se passionner vraiment pour des machines à tuer. Ce ne sont pas les quelques mimiques de Leonidas, les piques verbales des deux soldats qui comparent leurs bravoures, le chagrin effroyable du père qui vont compenser. Cette inhumanité est cependant bien exploitée par la voix-off qui renforce le coté irréaliste de la chose, et qui à nouveau décrit si bien l’univers de Frank Miller. Les ralentis explosent les cases, certains se sont plaints de leur surabondance, c’est au contraire ce que j’ai préféré : ces combats hors du temps, le rhino qui s’affaisse, Leonidas, lentement, qui se relève face au monstre. On a pour une fois le temps de comprendre ce qui se passe là où trop souvent les réalisateurs optent pour un montage à la serpe pour rendre totalement illisibles les scènes d’action. Il n’y a donc pas de triche dans 300, la scène d’action n’est pas là pour faire remplissage, elle est le but précis, objet de toute l’attention du réalisateur, et en un sens c'est tant mieux. La scène d’action n’a plus pour seul but de divertir et de faire monter l’adrénaline, elle est court-métrage, elle est mini-œuvre scénarisée au sein de l’œuvre, avec une narration sans déchet, un début un milieu et une fin (dans cet ordre). Des scènes d’action totalement irréalistes et assumées comme telles. M’enfin, du cinéma, au service de la BD, un marriage parfaitement réussi!

    Bataille sans merci


    Gun Fury
    1953
    Raoul Walsh

    Avec: Rock Hudson

    France 3 mon amour diffusait donc un western en cette après-midi grise de premier Mai. Voici pourquoi je paye la redevance : quelques westerns à Noël, un western le premier Mai, un western de temps en temps tard le soir. Au final, ce n’est pas si mal n’est ce pas ? En tout cas on ne va pas se plaindre.

    Surtout qu’en plus c’est du bon, sans tâche sans défaut. Dans la diligence, on se passe le whisky, les chevaux galopent et bien sûr l’embuscade est là. Le héros meurt, vite, trop vite, on ne s’inquiète guère de le voir dans la poussière rouge au milieu des rochers imposants qui s’empilent comme des lego. Les bandits s’emparent de sa fiancée, damn ! La musique violoneuse qui s’envole pour souligner l’action détourne l’attention de Tep’ junior de son cube fisherprice, signe que le marketing auditif des années 50 est encore efficace sur les jeunes générations.
    La femme, au milieu des canyons, avec sa robe verte inadaptée aux conditions rigoureuses du désert, non seulement n’est pas ridicule, mais au contraire, en impose, elle forme avec la nature un tableau coloré très remarquable. Refusant les avances du chef des bandits, refusant de perdre ses atours féminins, refusant l’aide des quelques bandits qui la prennent en pitié, Donna Reed est digne et orgueilleuse, bien qu’inquiète.
    Le numéro deux des bandits (Leo Gordon), abandonné aux vautours pour avoir voulu abandonner la femme, s’associe avec notre héros ressuscité des morts (Rock Hudson un peu binaire), pour poursuivre la bande qui a emmené la femme. Leo Gordon c’est un peu Richard Widmark dans L’homme aux colts d’or mais un peu seulement. Le bandit qui a bon fond, mais qui a du mal à quitter l’influence de son chef. Tout ce petit monde se poursuit sans relâche comme on poursuit un mauvais rêve. Les tensions s’exacerbent, les bandits voudraient bien se débarrasser de la fille qui les ralentit, mais leur chef (Phil Carey) en est tombé amoureux. Parmi les bandits, on reconnaît Lee Marvin, pas encore star, mais déjà bien présent. Du coté des bons, un indien caricatural se joint à la chasse, lui aussi a des comptes à rendre, toujours la même quête furieuse du sang qui appelle le sang, une vie pour une vie, alors que tous les petits shérifs et valeureux citoyens rencontrés sur le chemin refusent leur aide à notre trio, car personne ne veut risquer sa vie pour celle des autres. Alors que le dénouement approche, notre héros ne fait pas le poids face au méchant. Heureusement l’indien est là, qui décanille tout le monde à la winchester, et qui sauve le héros d’un lancer de couteau adroit. Mais c’est quand même le blanc qui embrasse la femme dans le plan final.
    1h15 chrono, on n’a pas vraiment le temps de s’ennuyer. De temps en temps, des objets nous arrivent en pleine tronche, ou les sabots d’un cheval, ou la lame de l’indien, menaçante qui s’approche. C’est que le film avait été tourné en 3D, trente ans avant le Futuroscope qui utilise encore aujourd’hui les mêmes procédés grossiers pour gérer les « whaaa » et les « houuu » du spectateur. Evidemment, France 3 mon amour n’a pas su exploiter les capacités cachées du Secam analogique pour restituer ces effets sur nos écrans cathodiques. Peut-être dans vingt ans…
    Quand on éteint le poste, on n’est pas déçu par ce bon petit western de série, mais il y a un truc qui turlupine l’esprit, un truc qui nous chagrine quand même sans trop savoir quoi. On récupère le programme TV et l’aiguillon qui picote les neurones se révèle soudain : « Il s’agit d’un film de Raoul Walsh ! ». On s’inquiète, on se repasse le film dans la tête : « ne valait-il pas mieux que ce jugement hâtif de série B sympathique ? », quand même Raoul Walsh quoi… Renseignement pris, il semblerait qu’il s’agisse d’un western mineur dans l’œuvre du grand Walsh. Ouf, on n’est donc pas passé à coté d’un chef d’œuvre sans le savoir. Rendez-vous est donc pris pour voir ou revoir les westerns plus réputés du maître : The big Trail, They Died with Their Boots On. Allez France 3 chérie, encore un effort !

    Le retour de Sabata

    1971
    Frank Kramer

    Avec : Lee Van Cleef

    Sabata tout de noir vêtu, pistolero énigmatique au sourire carnassier, arrive avec une troupe de cirque dans une petite ville où il sera rapidement confronté à la Mafia irlandaise naissante. Tous les méchants y passeront dans la bonne humeur et dans la joie, car le meurtre n’est qu’un jeu dans Le retour de Sabata tout comme dans le premier Sabata réalisé deux ans plus tôt par le même Frank Kramer, alias Gianfranco Parolini . La première séquence en trompe l’œil, où Sabata démontre ses talents au cirque est d’ailleurs significative en ce sens, elle pose le concept : au cinéma, la mort n’est qu’illusion. Ainsi plus tard, même si les balles trouent réellement le corps des méchants, on reste dans la prestidigitation, dans la représentation symbolique. Sabata est cet être presque entièrement déshumanisé, infaillible, toujours vainqueur, dont les motivations sont totalement opaques à force d’être inexistantes. Sabata ne vit que par et pour les armes. Que ce soit pour tuer ou pour effectuer les gestes simples (couper une corde, actionner un levier, mettre en marche un gramophone…) Sabata utilise ses armes. Celles-ci sont des armes de Dandy, qui se cachent, se confisquent à la vue de l’adversaire et sortent de nulle part. Sabata est un être trop sophistiqué pour utiliser un simple Colt ‘frontier ‘, on ne sait jamais combien de balles ses gadgets peuvent tirer au juste, on ne sait jamais combien d’armes il cache encore sur lui, il est imprévisible !
    Comme tout héros de western spaghetti, Sabata sait aussi jouer du poing, malgré ses cheveux grisonnants. Néanmoins, il préfère s’en remettre à ses acolytes acrobates pour la castagne et les hold up audacieux. Comme dans Sabata et sa fausse suite Adios Sabata avec Yul Bryner, Frank Kramer semble vouer une passion pour le monde du cirque et ses prouesses. Dans Le Retour de Sabata les deux acolytes bondissant effectuent des miracles, sans câbles effacés à la gomme numérique. Les sauts sont réels et très impressionnants, les sourires sont bien là comme au spectacle, pour souligner la beauté du geste et la valeur représentative de l’action, au sens du don de soi dans une représentation théâtrale !
    Le scénario est un bordel sans nom, on ne comprend absolument rien pendant les vingt premières minutes, surtout qu’un gros barbu vient jouer du tambour et commenter chaque action de Sabata (le spectacle, toujours), et Lee van Cleef lui-même en joue (« boum boum, ceci aurait mérité une annonce au tambour ! »). Mais ceci ne traduit pas un manque de cohérence, ni une réalisation bâclée. Frank Kramer parie sur l’intelligence du spectateur : les synapses s’accrochent, les neurones se réveillent, les éléments s’assemblent et le tout forme une intrigue, certes tirée par les cheveux, mais compréhensible. C’est pour ça que les Sabata sont des films extraordinairement plus exigeants que ne le sont les Trinita, car en effet pour apprécier un Sabata il vaut mieux avoir l’esprit libre de toute substance étrangère, sinon, on capte rien, et si on capte rien, les morceaux de bravoure restent sans intérêt.
    Ce Retour de Sabata est donc pour ma part un bon divertissement tout à fait dans la lignée de Sabata et Adios Sabata avec les mêmes qualités, la même bonne humeur, le même esprit. On pourrait regarder dans le détail et essayer de voir lequel des trois est le meilleur, lequel tire un peu trop sur la corde – et sans doute à l’époque reprocha t-on à ce Retour de Sabata d’être une suite sans âme purement commerciale. Avec le recul, on retrouve une suite réussie, pas plus commerciale que ne l’était le Sabata original, avec une belle cohérence de casting (réalisateur, acteur…) ce qui est déjà assez rare en soit dans le petit monde du western italien où les Sabata/Sartana/Ringo/Django pullulent comme des lapins.
    A ne pas manquer donc si vous avez déjà vu le premier, il existe un DVD MGM anglais des trois Sabata avec VF mesdames messieurs, disponibles sur amazon.uk ou hmv.uk par exemple.

    Bouncer

    Par Boucq et Jodorowsky
    Premier cycle.

    Les humanos publient en mode « pocket » les deux premiers tomes du Bouncer de Boucq et Jodorowsky. Le format m’a plu, le prix aussi, j’ai acheté.

    Le bouncer c’est le videur dans les saloons, c’est celui qui fait valdinguer les portes battantes quand il expulse les poivrots et ceux qui font du tapage. Mais ce n’est pas de ce joli métier dont on va parler ici, mais plutôt de vengeance. Comme dans Nevada Smith un gamin voit ses parents horriblement assassinés. Il rencontre alors le Bouncer qui va lui apprendre à devenir un homme pour mener à bien sa vengeance. Mais le gosse découvre que cette histoire de vengeance est un complexe nœud oedipien dans la plus pure tradition du spagh, et que le Bouncer n’est pas étranger à tout ça.

    Pour commencer, je n’ai jamais vraiment accroché au style graphique de Boucq. C’est déjà un handicap pour qui voudrait apprécier cette BD à sa juste valeur. Dans Bouncer, Boucq réussit à faire du Giraud tout en gardant sa patte personnelle. Au final ça passe très bien, on a droit à de magnifiques cases paysagières, des gros plans sur les révolvers ciselés du gamin, et des trognes à faire baver un chirurgien esthétique. Si comme moi vous n’aimez pas trop le style de Boucq, ceci ne doit donc pas vous rebuter.
    Par contre, si comme moi vous aimeriez qu’on vous raconte du neuf en terme d’histoires western, il vaut mieux s’en tenir aux derniers Blueberry qui me paraissent curieusement plus intéressants que la trame sans intérêt de ce premier cycle du Bouncer. Certes, le scénario se suit sans déplaisir, certes les personnages haut en couleur de la pute et de ses trois fils sont plutôt inattendus, mais Jodorowsky échoue à remporter l’adhésion à deux niveaux :
    En premier lieu les clichés, de la bande de sudistes, forcément affreux, violeurs, assassins ; aux notables, forcément cupides et conservateurs ; en passant par l’institutrice naturellement ouverte d’esprit qui y va de son petit couplet sur l’histoire honteuse des Etats-Unis, on ne trouve pas grand-chose qui divertit l’esprit de son petit train train politiquement correct. Je ne demande pas des sudistes qui combattent le KKK, des notables qui accueillent les indiens avec des fleurs et une institutrice conne et moche, mais comme le disait quelqu’un à propos de Dirty Harry, le vrai talent c’est de savoir créer des poncifs de toute pièce. Ce serait bien de lire des histoires de temps en temps qui cessent de toujours vouloir faire coller les lieux communs du moment à l’époque décrite. La violence, toujours la même depuis les années 80 dans les BD « adultes », toujours des viols toutes les trois pages, toujours des « crève connard ! » avec du sang qui gicle, toujours du glauque, toujours l’initiation du jeune « à la sauvage » face au félin, face au vide, toujours les mêmes rouages sexe + violence + dialogues explicites usés jusqu’à la corde. Là non plus, je ne suis pas un défenseur de la morale qui veut du Martine à l’école, mais je veux du neuf !
    En deuxième lieu, Jodorowsky qui excelle dans la provocation et l’imagination débridée dans la plupart de ses BD (L’incal, La Caste des Méta Barons) ne propose rien ici qui turlupine le lecteur, rien qui lui fasse dire « Ce type est dingue » ou « c’est du délire cette histoire ». En plus du manque d’originalité, on ne retrouve donc même pas la patte de l’auteur. Le summum provocateur étant censé être la fameuse cachette du diamant (hé oui, il y a une histoire de diamant aussi) que l’on devine dès la fin du tome 1. On finit donc ce premier cycle en ayant l’impression d’avoir lu un truc déjà lu ailleurs, sans sel supplémentaire, sans goût nouveau. Ce n’est pas forcément désagréable, mais on aurait aimé quelque chose de plus étonnant de la part de ces deux auteurs pourtant peu académiques.

    South of Heaven, west of Hell

    Un western mineur majeur.

    Dwight Yoakam
    2000
    Avec :
    Dwight Yoakam
    Vince Vaughn
    Billy Bob Thornton
    Bridget Fonda
    Peter Fonda

    1907: un hold up à la mitrailleuse fait quelques morts. Le marshall ne peut faire grand-chose, surtout que les bandits sont sa famille adoptive. 1908, le marshall n’est plus marshall, mais il est toujours à la recherche des bandits.

    South of Heaven, West of Hell, Flingobis en parle en bien quelque part dans son blog, et je le rejoins à 100% dans son analyse de ce chouette petit film. Je vous enjoins donc à retrouver son article pour avoir des infos solides, parce moi, j’écris au pied levé et ça va sentir la mauvaise copie!
    Car South of Heaven, West of Hell exerce à son niveau une synthèse complète – voire une digestion – de toutes les influences passées en matière de western, et j’ai envie de jeter sur le papier toutes les impressions ressenties sans vérifier quoi que ce soit ! Allons y donc !
    Il y a d’abord là un coté authentique très prononcé, une fine observation du vrai Ouest avec ses coutumes, sa vie quotidienne, son « manque » de civilisation. On discerne ainsi une influence du grand Peckinpah, avec certains emprunts du coté du Mexique pas loin, le grain de l’image, les couleurs de la rocaille – tout sauf spectaculaire, le contraire de Ford - mais réelle, la sexualité triviale et la nudité sans fard et anti-esthétisante de la pute Mexicaine. Sans chercher à en rajouter des tonnes dans le coté nihiliste, on sent quand même que le réalisateur de South of Heaven, West of Hell n’a pas grand espoir en la race humaine, tant ses personnages sont abrutis et désespérés. Néanmoins, il signe quand même un western dans la plus pure tradition du genre, avec un héros juste et droit, quoique peu loquace. Comme le note Flingobis, l’acteur qui joue le héros est un chanteur de Country (enfin je crois que c’est ce qu’il dit, allez lire son papier je vous dis !), ce qui inscrit le film dans la tradition des westerns chantants et des serials de la grande époque !
    En deuxième lieu on remarque une violence très similaire à celle du magnifique Impitoyable de Clint Eastwood. Les mecs se ratent, se tirent dans les pieds et quand ils se touchent, ça hurle à la mort pendant un quart d’heure. Les fusillades prennent le parti de l’anti-spectaculaire et ça donne l’effet inverse : on y croit, et quand on voit un gars courir à découvert on a vraiment peur pour lui, parce qu’on sait que le type en face risque de le rater, mais il risque aussi de le toucher. Les bastons sont du même tonneau : pas de bruitage amplifié, pas de cascades incroyables : c’est crû, c’est féroce, et pour le coup on dirait qu’ils se battent vraiment !
    En troisième lieu il y a cette propension visible dans la plupart des westerns modernes à vouloir rajouter des éléments insolites a priori anachroniques, comme les lunettes dans Spikes Gang, la bagnole dans La Horde Sauvage etc. Dans South of Heaven, West of Hell, les Cowboys assistent à la projection cinématographique de The Great Robbery Train avant qu’un rustre fasse un carton sur le fameux plan du bandit qui tire à bout portant sur le spectateur. Et puis on voit aussi apparaître une montgolfière, sans d’ailleurs qu’elle n’ait aucune utilité plus tard au cours du scénario.
    Enfin, en dernier lieu, il y a ces emprunts très prononcés au spagh déjà notés par Flingobis : la mitrailleuse de Django, le Mauser du Grand Silence. On remarque aussi un plaisir visible à créer des personnages décalés comme dans les spagh les plus zarb. Il y a cet adjoint au Marshall qui se ballade en jupe, il y a Billy Bob Thorton qui apparaît au ralenti avec des cheveux longs presque albinos. Et puis bien sûr il y a le fait que tout le monde ou presque y passe, à grand renfort de fusillade et de dynamite (un classique du genre) alors que le but initial était de juger les méchants, sans oublier une intrigue oedipienne où l’on n’en finit pas de tuer son père (au propre comme au figuré).
    Et puis tout de même, en dehors de toute influence, il faut bien reconnaître une vraie patte d’auteur dans ce petit film. Un musique simple, sans chichi qui crée un malaise lancinant (un peu comme la chanson dans la B.A. de La Colline à des yeux 2 pour les égarés du blogorama qui liraient ces lignes), un scénario finalement assez complexe truffés de personnages secondaires bien campés (Le maréchal ferrant, l’hôtelier et sa fille), une violence parfois très cruelle (le crétin qui perd ses roubignolles, le pauvre type de l’administration qui souffre un long supplice avant finalement d’y passer aussi) et quelques scènes surréalistes comme ce dîner où l’hôtelier pète un câble pendant que ses hôtes restent stoïques le cul sur leur chaise.
    Alors évidemment avec tout ça, il faudrait bien relever quelques défauts pour indiquer clairement au lecteur égaré ici qui croyait lire une critique de Jason va en enfer que South of Heaven, West of Hell n’est PAS un grand film. Mais plutôt que de souligner ce qui ne va pas, je préfère clamer haut et fort ici qu’avec un peu plus de moyens, un acteur principal un peu plus charismatique et un peu plus de souffle, cette synthèse réussie de tout ce qu’il y a eu de bon dans le western depuis 1903 aurait carrément pu signer un véritable renouveau du western. Et toc !

    PS : la vf du DVD est désastreuse ! j’ai bien envie de me revoir ce film en VO, il risque de grimper un barreau de plus dans mon échelle de valeurs westerniennes.

    Te Deum


    Encore des fayots, encore des baffes, encore des rots…

    Enzo G. Castellari
    1972
    Avec : Jack Palance, Timothy Brent

    C’est une histoire d’escrocs, de mine d’or, de baffes, de fayots, de crasse… Te Deum est un de ces westerns fayots qui cherchent à récupérer l’engouement exceptionnel suscité à l’époque par les Trinita. Voici le film en questions :


  • Te deum est il aussi "bien" que les deux Trinita ?


  • Oui, car contrairement à certaines sous comédies comme Les ravageurs de l’ouest, on a ici un vrai réalisateur dont on reconnaît d’ailleurs le goût pour certains mouvements de caméra assez sophistiqués. Le résultat est donc un film qui se suit sans grincements de dents, d’autant que le film n’est pas complètement fauché. Mais malheureusement, si la facture est aussi bonne que les Trinita, les gags sentent le déjà-vu, et il faut bien rendre à césar ce qui appartient à César : une copie est toujours moins bonne que l’original. Les fayots réchauffés, ça finit par devenir indigeste.
  • Te Deum est-il drôle quand même ?


  • Cela doit dépendre de votre inclination pour le genre tout d’abord, et de votre indulgence ensuite. Comme pour On m’appelle Providence, le rythme a pris un coup de vieux, certains effets sont trop appuyés, certains gags sont consternants et nuisent au déroulement narratif. D’autres gags sont étonnants et inattendus, et il y a une bonne humeur générale assez communicative, beaucoup de dégâts, de courses poursuites, des gags à la Tex Avery, et surtout, Dieu merci, aucune mort violente. Soit vous êtes sous influence, et vous pardonnez les gags poussifs, les bagarres trop longues, les répliques stupides, soit vous êtes en forme et je vous conseille d’altérer votre état mental d’une façon ou d’une autre avant de voir le film.
  • Les Acteurs sont-ils bons ?


  • L’athlétique Timothy Brent peine à remporter l’adhésion. C’est lui le héros, mais il est loin d’avoir la nonchalance et la beauté magnétique paresseuse de Terence Hill. La vraie star de Te Deum, c’est Jack Palance, complètement frappadingue en faux moine escroc qui distribue des images pieuses à ses victimes. Ses mimiques, sa répartie et son entrain suffisent à provoquer le rire. Son dynamisme suffit à lui seul à redonner du rythme au film. Le décalage entre le personnage du moine et ses propos outranciers est un ressort facile, mais bien exploité et la scène de la vente aux enchères est un bon exemple de l’étendue comique du talent de l’acteur. C’est donc vraiment Jack Palance la bonne surprise de ce film, même si on peut citer aussi Lionel Standler vu dans Pas de pitié pour les salopards en grand père bagarreur, sale et jovial.
  • A-t-on droit à un gros délire, ou cela reste-t-il gentillet ?


  • Ah, là, Te Deum est sans conteste le film à voir si vous voulez poser des questions incongrues aux dîners de l’ambassadeur ! « Dans quel western voit on une famille vivre dans un bateau retourné ? » Bling ! « Dans quel western un moine écrase littéralement un crotale sur l’arrière train d’une belle demoiselle ? » Gling ! « Dans quel western voit on un chariot à voile ? » Dling ! « Quel western se termine-t-il par un match de water polo ? » Cling !

    Donc du gros délire bien lourd. Si on aime pas ce n’est pas un problème, on peut toujours se payer des séance de psy pour remplacer. Pourtant malgré le délire, le film n’est pas une succession de sketchs enfilés les uns derrières les autres. A l’exception de quelques gags qui détournent les personnages de leur quête ou de leur personnalité, le scénario est bien ficelé et respecté dans sa logique jusqu’au bout ! Pas suffisant pour faire un bon film diront les esprits chagrins, mais déjà mieux que rien répondront les aguerris qui ont goûté aux Ravageurs de l’ouest !
  • Elle est comment la musique des frères De Angelis ?


  • Pas tout à fait réussie à mon goût. Elle est entraînante comme il se doit, mais ses accents pops sont un peu trop prononcés. Loin d’être inoubliable.
  • Te Deum est-il un film anti-clérical ?


  • Le film se permet un personnage de faux moine assez décapant qui entraîne un certain nombre de gags propres à rallumer instantanément les bûchers de l’inquisition, comme ce bras de fer « serré » entre Jack Palance et la belle escroque (c’est quoi le féminin de escroc ?). Ceci dit, comme il s’agit d’un faux moine, le film n’est pas à proprement parler anti-clérical. Il est donc possible d’être croyant pratiquant et de regarder ce film sans (trop) se faire mal à la foi.
  • Pourquoi les gens qui puent nous font-ils rire au cinéma et fuir dans la vraie vie ?


  • Parce qu’au cinéma, ils ne puent pas. Dans Te Deum comme dans On m’appelle Trinita, la saleté est hygiène de vie, le vrai travail est intolérable, la nonchalance est de mise, l’intégration dans la société est hors de question. Alors pourquoi les spectateurs qui rient et s’identifient à ces personnages en voyant le film, changent de trottoir, se bouchent le nez et votent Sarkozy quand ils croisent leurs pendants dans la vraie vie ? C’est parce que dans la vraie vie s’ajoutent la peur, l’inquiétude face au marginal, alors que dans le film, le héros est immédiatement identifié comme tel et ne sera que rarement foncièrement mauvais. Ces films sont donc incroyablement libérateurs en tant que divertissement en montrant que la liberté en dehors du système est génératrice de joie, de plaisir et de revenus. Car ne nous trompons pas, si un ultime retournement de situation, vient toujours in fine empêcher nos héros de profiter de l’argent mal acquis, le spectateur n’est pas dupe et sait bien que ces interventions quasi-divines sont rajoutées au scénario pour convenir à la bonne morale. Te Deum affirme donc - bien que ce soit sous couvert de comédie – que l’on peut parfaitement vivre heureux en dehors et aux dépens de la société. Mais ni la misère, ni le rejet, ni la souffrance, ne sont ne serait ce que sous entendus, car ce qui compte au dessus de tout ici, c’est de faire un bon gros rot après une platée de fayots au lard. Attention, Te Deum est donc un film vachement dangereux pour la jeunesse !

    Far West Story


    Banda J & S, storia criminale del far west
    Sergio Corbucci
    1972

    Jed est un bandit qui vole aux riches et aide les pauvres. Il se retrouve avec Sonny entre les pattes, fille genre garçon manqué, qui rêve de devenir un grand bandit.
    Sonny & Jed font bien sûr immanquablement penser à Bonnie and Clyde Barrow, la fin tragique en moins. Un latin ne pouvant décemment pas être taxé d’impuissance, Jed (Tomas Milian) est seulement incapable de faire l’amour à une vierge, ce qui permet d’expliquer la relation platonique qui se noue d’abord entre ces deux là. Platonique d’accord, mais une relation de couple quand même, ou plutôt une relation femme battue/homme violent bien que Sonny (Susan George) ne soit (presque) battue que verbalement. « T’es qu’une femelle », « pauvre conne » « T’as pas de nichons », la violence du langage n’a d’égal que l’animalité de Jed, interprété par un Tomas Milian pratiquement antipathique de bout en bout. De temps à autre, un brin d’humanité transparaît puis s’évapore comme la sueur dans le désert. Sonny elle s’attache à cette bête qui pourtant n’a que mépris pour elle, et va chercher avec douceur ou avec violence à faire ressurgir la part d’humanité de son compagnon. Archétype même du macho brut de frites qui ne pense qu’aux gros nichons, Jed a pourtant une conscience politique anti-capitaliste assez élevée qui s’exprime par un petit monologue introductif, par son mépris des riches, et par sa défense – quand il a le temps – des paysans a qui les riches veulent enlever le peu qui leur reste. Mais même dans cette mission, Jed échouera, absent au moment important pour cause d’individualisme forcené.

    Fidèle à l’esthétique transalpine, Sergio Corbucci - car c’est de lui qu’il s’agit – enguenille ses personnages de fourrures et pièces de tissu dépareillées, bottes déformées crasseuses et barbes de 9 jours, tignasses noires, gueules délabrées et flingues planqués Dieu sait où. Ils ne mangent pas, ils engloutissent. Ils ne boivent pas, ils s’abreuvent. Sonny est quasiment déféminisée, habillée n’importe comment, la démarche d’une gamine de 12 ans plutôt que d’une femme de grand chemin dure et fière. Ses yeux doux contrastent avec la fulgurance de ses attaques incongrues mais au fond elle reste fragile et victime. Comme dans tout Corbucci, il y a un troisième larron qui cherche à capturer les deux autres. C’est ici Telly Savallas lui aussi engoncé jusqu’au cou dans d’épaisses fourrures, puis devenu aveugle, affublé d’une pelure de mendiant, la canne du pauvre à la main, mais la détermination de vengeance froide et les grenades intactes. Comme dans tout Corbucci il y a des putes, destinataires d’une véritable amitié de la part de Jed, y compris la patronne qui est pourtant loin d’être tendre avec Sonny. Comme dans tout Corbucci, il y a des pauvres, qui ne peuvent pas et ne veulent pas se battre mais qui sont dignes, et comme toujours, ce sont eux les perdants.

    Fidèle à la sonorité all’italiana, le vent souffle et la musique de Morricone fait des merveilles. Lui seul sait rendre aussi poignant l’arrivée dans un village de nos deux héros trempés jusqu’aux os, dégoulinants de pluie sous une averse presque tropicale. Lui seul peut rendre aussi émouvante une séance de petits baisers entre Sonny et Jed, le soir enroulés dans une peau de bête. La magie opère et le film passe au statut supérieur dans la petite géographie du western italien, la petite perle qu’on attend souvent mais qu’on trouve rarement.

    Car si la bouffonerie, la cruauté et la violence sadique sont moins présentes que dans les œuvres plus connues du réalisateur, Far West Story est bien une perle dans la filmographie de Sergio Corbucci. Il s’agit ici d’amour, de féminisme et d’humanité. Le constat final est amer, certes Jed a changé, il constate qu’il est totalement dépendant de Sonny, mais son « putain de ta race » final montre les limites de son évolution. Sonny et Jed restent deux têtes de mules qui vont continuer à se faire des coups bas toute leur vie. Un de ces couples pour qui la vie n’est pas que tendresse…

    Qu’est ce qu’ils attendent pour le sortir en DVD ?
    C’est le drame, pour un Spiderman 2, un Spiderman 2.1, un Spiderman 2 Collector, un Spiderman 2 Definitive Edition, inclus la B.A de Spiderman 3 en HD, on a 0 Sonny & Jed. Baah, il vous reste soit à chercher un DVD à l’étranger (je pourrais chercher s’il existe mais j’ai la flemme), soit à rechercher une VHS VF. La VHS, l’image est grise, le son nasillard, mais la magie opère quand même!

    [Edit] Tout arrive, il est sorti chez Wilde Side en très bonne qualité!

    On m'appelle Providence


    Des gadgets, de la crasse et de la castagne! Oyez oyez, laissez vous entraîner par Providence!!

    La vita, a volte, e’molto dura, vero Provvidenza
    Giulio Petroni
    1972

    Avec:Tomas Milian, Greg Palmer

    Providence est un chasseur de primes habillé comme Charlot, fin élégant et racé, qui voyage dans une diligence transformée en voiture gadget à la James Bond, et qui livre sans cesse le même bandit aux shérifs locaux. L’histoire n’a pas d’importance, le film n’est que gags, crasse et gros délires.

    On m’appelle Providence est un film qui a vieilli. Je ne dis pas ça comme une insulte lancée négligemment au film, mais plutôt comme un avertissement préalable nécessaire pour mieux l’apprécier. Les années 80 et 90 ont été beaucoup plus loin en terme d’humour poids lourd avec des films comme Y a-t-il un pilote dans l’avion ? ou Y a-t-il un flic pour sauver la Reine ?. Les Nuls aussi sont passé par là, ce qui fait que en comparaison, le rythme assez lent, les tics appuyés de ce On m’appelle Providence pourraient rebuter les moins ouverts d’entre nous.

    Et ce serait dommage. Car les références sont nombreuses : le héros incarné par Tomas Milian prend plus ou moins l’apparence de Charlot, et sa façon de se battre rappelle également les manières du petit vagabond. L’hommage s’arrête là car ni la tendresse de Chaplin, ni l’aspect social de ses films ne transparaît à aucun moment dans On m’appelle Providence. Providence, malgré son nom, n’est qu’un chasseur de prime uniquement motivé par l’appât du gain, n’oublions pas que nous restons malgré tout dans la tradition du western italien. Les Marx Brothers sont aussi cités avec le gag de Oklahoma Kid (Gregg Palmer) qui retient un arbre ainsi que Tex Avery et les gags du même Oklahoma Kid (un espèce de Bambino en moins teigneux) qui laisse une grosse marque dans le sol quand il plonge à terre. D’ailleurs un cheval « de série » s’en souvient encore. Bien sûr, l’humour à la Trinita n’est pas en reste, il y a de la crasse à faire crever les poissons des rivières, des bastons interminables, une partie de billard mémorable et des acteurs qui cabotinent à outrance. Et je ne vais pas énumérer tous les trucs de la diligence de Providence, il faut vous laisser un peu de découvertes, chers amis lecteurs. Parfois c’est gros, lourd et pesant, parfois c’est cinglant, inattendu et franchement drôle. Mais dans tous les cas, cela reste cohérent, assumé, filmé avec talent, très loin de certaines catastrophes comme Les ravageurs de l’ouest. Giulio Petroni est le réalisateur du remarquable La mort était au rendez vous et du très intéressant Tepepa, et on doit lui reconnaître le talent ici de réaliser son film avec sérieux et de ne pas sombrer dans la facilité. Ennio Morricone ajoute une touche légère et dynamisante au film, avec une musique réutilisée d’ailleurs dans un autre western dont le titre m’échappe présentement. Tomas Milian j’adore toujours autant. Ici il est presque parfait dans ce rôle de dandy droit et digne dans ses manières, escroc et roublard dans ses actes (ce qui au fond en fait l’antithèse du personnage de Chaplin, mais passons…). Alors On m’appelle Providence n’est certes pas un chef d’œuvre, mais il représente sans doute une réussite du western italien comique post-Trinita, en même temps qu’un point d’arrêt. Comment en effet aller plus loin dans le registre parodique après ça ? Comment continuer à retourner des codes déjà maintes fois détournés ? Comment continuer à introduire des fantaisies iconoclastes après la diligence de Providence ? Comment renouveler encore un genre en pleine décadence ? On m’appelle Providence n’est déjà plus vraiment un western, il constitue plutôt une parodie de parodie de parodie qui finit par se mordre la queue. Néanmoins, ceci ne doit pas vous empêcher de l’apprécier à sa juste valeur : un film drôle et réussi malgré tout, avec des acteurs, des trognes, une musique, des décors qui raviront de toutes façons les amateurs du genre.

    Comment le trouver? Ma foi moi-même je serais bien en peine de le savoir. le DVD-R qu'on m'a prêté est en VF, l'image est assez correcte, mais je ne sais pas du tout quelle en est la source. Merci aux fans purs et durs d'écumer la terre entière pour trouver ces films, rechercher des VHS en bon état, récupérer une VF à droite, la rajouter à gauche. Si on devait s'en tenir au éditeurs français, on en serait réduit à critiquer les mêmes Evidis sans fin, au fur et à mesure de leur reparution en kiosque ou de leur réexploitation sous des packaging différents.
    Bzzz crrr...

    Ha, la personne qui m'a prêté le DVD-R me signale dans mon oreillette qu'il s'agit plus simplement d'un enregistrement d'une chaîne du câble. Raison de plus pour jeter la pierre aux éditeurs infoutus de sortir en DVD des trucs qui passent à la télé!

    Bandidas



    2004
    Joachim Roenning

    Avec Salma Hayek, Penélope Cruz, Steve Zahn

    Deux nanas bien roulées dévalisent des banques pour redonner aux pauvres. Au début ce sont deux gamines qui se chamaillent et jouent à embrasser les garçons. Puis elles prennent conscience qu’elles peuvent aider leur pays. Et à la fin, ça reste deux gamines qui se chamaillent.
    Le western avec des nanas bien roulées donne rarement un résultat exceptionnel. On ne se souvient guère de ces Pétroleuses avec Brigitte Bardot et Claudia Cardinale qui se battent en tête d’affiche. Il y a eu aussi ce truc Belles de l’Ouest - avec entre autres Madeleine Stowe et Andie McDowell - qu’on oublie aussi vite qu’on l’a vu. Plus récemment sur ce blog, Un colt pour trois salopards avec Raquel Welch se la jouait un peu plus sérieux, malgré un manque de crédibilité inhérent à ce genre d’entreprise.

    Ce problème de crédibilité se pose aussi dans Bandidas, mais est immédiatement contourné par le biais de l’humour et du second degré. Pour le reste cela demeure un divertissement hyper calibré, à peine divertissant, à la limite du chiant tant les rebondissements sont attendus et sans intérêt.

    Salma Hayek, belle à se damner dans Desperado, manque ici singulièrement de sang chaud, enserrée dans son corset. Le réalisateur a beau la foutre à la baille de temps en temps, même un ado fan de Shakira risque de rester insensible au sex à pelle de la belle. Quand à Penélope Cruz, n’ayant jamais su émouvoir votre chroniqueur malgré ses balconnets avantageux, elle peine à être drôle ou attachante dans son rôle de fille peu éduquée mais maligne.

    Pendant qu’on parle de Desperado, il faut souligner que Bandidas emprunte beaucoup plus à l’imagerie mexicaine développée dans les films de Roberto Rodriguez que celles si souvent vue dans les westerns spaghetti ou dans les films de Sam Peckinpah. Pourtant les ingrédients restent les mêmes : des flingues riches et variés, des fusillades crépitantes, des gueules impayables, des longs manteaux… Mais le Mexique à évolué : les méchants ont des trognes, mais ils sont sapés avec classe, avec ce petit dégoulinou de sueur sous le cheveu. Les haciendas sont crasseuses mais riches, la poussière y est toujours aussi suffocante, mais la lumière est dorée comme le blé. Et puis quand ça canarde, ça tire de partout en bullet time, avec force ralentis trafiquées par ordinateur et bruitages qui font tzouingg dans les enceintes Surround Dolby R. On trouve aussi une petite dérive anachronique bien sentie avec le système de sécurité de la banque, qui n’est pas sans évoquer les délires du Wild wild west

    Tout cela donne un certain cachet moderne au film, mais c’est bien tout ce qu’on peut lui trouver. L’humour est très bon enfant et tombe à plat. Le coté sexy des actrices est à peine utilisé à part dans une scène de bisous avec un Steve Zahn attaché à poil sur un lit. Le message vaguement anti-américaniste, vaguement anti-capitaliste, pourrait être sympa mais on sent bien un simple engagement opportuniste qui suit l’air du temps pour être à la page. Bref, du formaté, du calibré, sans passion et sans engagement. Revoyez plutôt Un colt pour trois salopards, plus rauque, moins bien rasé sous les bras et plus inattendu.