Buffalo Bill
1944
William A. Wellman
Avec : Joel McCrea, Maureen O’Hara, Linda Darnell, Anthony Quinn
L’histoire de Buffalo Bill, ami et défenseur des Indiens, de son rôle dans les guerres indiennes au Wild West Show.
Profitons de ce blog pour revoir quelques idées reçues sur le génocide indien, idées reçues en général apportées par le western. Premièrement, la disparition des peuples Indiens est pour une très grande part due à l’arrivée de nouvelles maladies apportées par les Européens et non pas à des massacres en règle par les Tuniques Bleues comme pourraient le faire croire l’imagerie western. Ainsi, certaines tribus furent entièrement décimées au XVIIe siècle avant même d’avoir vu leur premier blanc. Les massacres successifs ne suffisent en effet pas à expliquer la disparition de quasiment tout un peuple. Deuxièmement, contrairement à ce que peut faire croire la culture ‘western’, l’anéantissement des Indiens était une affaire pliée dès 1850, c'est-à-dire avant la période 1870-1890 que couvre la plupart des westerns. Les massacres, batailles et spoliations de traités évoquées dans les westerns ne concernent donc que le reliquat d’une multitude de peuples déjà totalement détruits par les maladies, les massacres, les déportations, les traités violés, les guerres successives et les tentatives d’acculturation et de civilisation forcée du XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle. Quand on pense à la disparition des Indiens, on a souvent en tête le Général Custer ivre de violence tel qu’on peut le voir dans Little Big Man ou représenté sous les traits du Général Allister dans Blueberry, mais – sans nier les horreurs engendrées par ce type de personnages (généraux/colons/marchands d’armes, chasseurs de bison etc) qui eurent leur part dans le drame Indien – il est très réducteur de ne le cantonner qu’à cela.
En ce qui concerne la vision des Indiens dans le western, on a aussi souvent tendance à résumer la chose de façon simpliste : avant les années 1960, l’indien dans le western est un être méchant et dangereux qu’il faut exterminer, après 1960, l’indien est le bon sauvage parfait, le cinéma américain réalise l’abomination de l’extermination indienne et se fouette consciencieusement. En réalité, la prise de conscience avait débuté à la fin du XIXe siècle (soit beaucoup trop tard quand même) et le cinéma, s’il utilisait l’indien comme méchant dans la plupart des serials, ne tarderait pas, sinon à huer le massacre indien, au moins à reconnaître la spécificité du peuple indien et à dénoncer les multitudes de traités violés et les idées reçues sur les Indiens par les gens de l’époque. Tom Mix dans les années 30 prend déjà la défense des Indiens, Joel McCrea continue dans ce Buffalo Bill en 1944. Le western ne fait donc pas exception dans le cinéma américain, toujours prompt à réagir sur les points noirs de l’histoire de son pays (voir l’ensemble des films contestataires sur le Viet-Nam). Le western est quasiment toujours accusé à tort chez nous d’être extrêmement oublieux de l’Histoire, alors qu’en France on attend toujours un film sans concession sur la guerre d’Algérie ou sur Pétain, ou même pendant qu’on y est sur les guerres Napoléoniennes ou sur les horreurs des guerres de Vendée.
Buffalo Bill est donc un éclaireur qui connaît bien les Indiens. Il tente – souvent sans succès – de faire comprendre aux différents galonnés et aux huiles de la nation que les Indiens sont un peuple qui n’entre en guerre que quand on les cherche. Malgré tout, Buffalo Bill reste attaché à son camp et participe activement au massacre des bisons et aux batailles où il finira par tuer son ami Main Jaune (Anthony Quinn). En plus de tout cela, il fait la cour à la belle Maureen O’Hara qui voudra bien l’épouser malgré ses airs rustres. Elle lui donnera un fils et partira l’élever dans l’Est, à l’abri de la civilisation. Cette scène, où Buffalo Bill choisit en 5 minutes entre vivre avec sa famille et courir dans les plaines avec l’armée est extrêmement bien jouée par Mc Crea qui sait parfaitement montrer la soif de chevauchée qui coule dans le sang de cet homme. Ironiquement, le film se termine dans cette civilisation qu’il abhorre, où Buffalo Bill décide de montrer, à travers son show, de vrais indiens au monde entier.
L’ironie se place là aussi, dans le fait que Buffalo Bill a montré des indiens au monde entier, alors que les indiens du film sont joués qui par Linda Darnell, qui par Anthony Quinn. Linda Darnell déjoue les clichés, en institutrice indienne, mais son rôle n’a finalement pas une importance extrême. Anthony Quinn, pas encore découvert par Fellini, fait l’indien du mieux qu’il peut, mais manque malgré tout de crédibilité. Etrange paradoxe de vouloir faire un film qui rende sa place aux indiens sans leur donner de rôle.
La déchéance de Buffalo Bill dans l’Est, et son nouveau départ grâce à son show terminent donc ce film riche en péripéties, en humour, en action et en émotion. Un certain humour de caserne « Fordien » est en effet délicatement positionné ça et là au cours du film. L’émotion se cristallise surtout autour des scènes familiales : la demande en mariage, l’accouchement, la séparation et la mort de l’enfant, tandis que l’action et la révolte de la bonne conscience sont tout entières tournées vers les scènes indiennes. Un film surprenant, qui a le mérite de tordre le cou aux clichés que l’on se fait sur les « vieux » westerns.