Des westerns partagés par un amateur, sans prétention journalistique, sans rigueur historique et sans faux col. N'utilisez pas ces articles pour votre thèse sur le western.
mercredi 3 avril 2013
La Caravane de feu
1967
The War Wagon
Burt Kennedy
Avec John Wayne, Kirk Douglas
L'idée même du chariot blindé est une extrapolation enfantine sur la classique attaque de diligence. On imagine bien la succession d'idées qui aura permis d'accoucher d'un tel concept. On part sur une diligence normale qui exceptionnellement transporte de l'or, avec un garde armé d'une Winchester à la gauche du cocher. Bien sûr, la scène a déjà été vue mille fois, alors on s'imagine ajouter des gardes armés dans la diligence, mais cela ne suffit pas contre une bande d'outlaws tout aussi armés et déterminés. On en vient donc naturellement à cogiter cette diligence blindée à laquelle on adjoint une tourelle munie de sa mitrailleuse ad hoc pour rajouter un peu de piment. On aurait pu aller plus loin et positionner carrément un canon, mais le problème du recul de l'engin dans un endroit aussi confiné est quand même gênant. Le poids probablement titanesque de la solution retenue n'aura pas été un problème pendant le tournage: le fameux chariot de guerre a été fabriqué en bois, peint couleur métal. L'équation du nombre exact de chevaux nécessaires pour tracter réellement un engin pareil n'est donc pas posée, alors que le défi se posera à Leone pour sa monstrueuse diligence dans Il était une fois la Révolution.
Malgré toutes ces considérations techniques, on obtient quand même un concept fort intéressant, d'autant que le chariot de guerre est vu ici comme une monstruosité menaçante, une perversion de riche corrompu. On aurait tout aussi bien pu imaginer un film dont les héros auraient eu à voyager ensemble dans une diligence blindée, avec confinement intolérable, intériorisation forcée, chaleur suffocante et siège à soutenir face à d'invisibles ennemis. Mais là niet, Wayne et Douglas veulent tout faire péter, récupérer le magot, non sans s'être livrés à d'intenses joutes verbales entre-temps pour asseoir leur statut de star. Leur numéro se déroule sans accroc, rien à redire, chacun dans sa catégorie, chacun veillant à laisser suffisamment d'espace à l'autre, pour un partage totalement équitable de couverture, un respect mutuel qui force le respect. Les seconds rôles eux, s'effacent poliment devant le binôme, au point de n'être plus que des canevas de rôles. Burt Kennedy lui-même réalise platement son film au service de ses stars, au point que le chariot de feu apparaît lui aussi comme un motif secondaire. La seule entrave au divertissement calibré que constitue son film viendra de la façon dont la morale est, in fine, sauve. L'or, planqué dans des tonneaux de farine, se répand tonneau après tonneau sur la piste. Pas de chance, une colonie d'indiens pouilleux en exode se jette comme des vautours sur la farine pour en faire des tortillas, ne semblant pas être capables de faire la différence entre farine et métal précieux. Le Duke compose donc une mine dépitée en entrevoyant ces sous-hommes réussir les tortillas les plus jaunes jamais cuisinées et s'en aller ensuite déféquer le résultat de leur tambouille entre deux tumbleweeds. C'est quand même la fin la plus involontairement subversive jamais vue dans un western ! A voir absolument!
PS: appelez le 110!