samedi 19 décembre 2020

Westworld Saison 2


 

 Après une première saison mitigée, j'espérais que le verre serait cette fois à moitié plein pour la deuxième saison de Westworld. Or, cette saison 2 n'est qu'un immense carnage ininterrompu du début à la fin. On ne sait pas exactement combien ils avaient d'hôtes en réserve dans le parc, mais ces dix nouveaux épisodes montrent en permanence des décors remplis de cadavres savamment enchevêtrés et des hôtes se faisant massacrer à tour de bras. Et des humains aussi. Parce qu'on est passé aux choses sérieuses maintenant: les humains se font dézinguer par des robots qui ont des velléités d'indépendance et des envies de liberté.


 

Les questions métaphysiques sur la vie, la conscience, et l'éthique cherchent à monter d'un cran avec l'exploration du thème de la sauvegarde et de le recréation complète d'un être humain sous forme d'androïde. Cela donne lieu à des scènes excellentes. Mais à nouveau, la lecture est rendue extrêmement compliquée par des sauts temporels permanents, des révélations soudaines et inattendues, des dialogues et monologues qui se veulent profonds mais qui sont surtout pesants, et de nouveaux lieux sans cesse découverts, aux noms ésotériques et mystérieux : la vallée, le berceau etc. Je ne sais pas si des gens ont vraiment cherché à tout comprendre, à tout démêler, à remettre les scènes dans le bon ordre, à vérifier si tel hôte qui n'est pas celui qu'on pensait être au début a bien le comportement qu'il est censé avoir tout au long de la série, mais moi j'ai très vite lâché, passant d'un carnage sans intérêt à un autre carnage sans intérêt.


 

L'une des hôtes après avoir découvert qu'elle pouvait diriger ses semblables par commande vocale se découvre un nouveau pouvoir: elle peut commander d'autres hôtes à distance, over the air, en recompilant leur noyaux Linux (sous Ubuntu 18.4?) par des techniques de hack que même les Russes ne connaissent pas: froncer les yeux très forts, parler littéralement dans leurs esprits cybernétique et leur demander de s'entretuer. Ce développement intéressant qui ne semble pas respecter le cycle en V permet d'assister à des massacres encore plus huge. On est bien contents.



Les humains embarqués dans cette galère ne semblent pas pressés de chercher la sortie la plus proche. Alors que le premier réflexe des protagonistes, humains comme robots serait de partir le plus loin possible après avoir éteint la lumière, il semblerait qu'une force invisible les ramène toujours tous dans ce foutu parc. En particulier, ce pauvre vieux Ed Harris se prend une bonne dizaine de balles tout au long des dix épisodes de cette saison, mais à aucun moment il ne semble vouloir rentrer chez lui, prendre un bon bain et passer à autre chose. En tout cas, il doit être écrit dans le cahier des charges des scénaristes qu'on ne verra jamais le monde extérieur, sauf dans quelques flashbacks. C'est un petit peu frustrant à la longue.

Moi comme d'habitude, mon côté rationnel prend le dessus. Le parc est tellement énorme, qu'il semble contenir tout l'Ouest des États-Unis. Des extensions apparaissent: un parc dans les Indes du XIXe siècle, un autre dans le Japon médiéval avec son mont Fuji. Comment font-ils pour mettre tout cela dans leurs parcs? Les décors ne sont-ils que des illusions? Et sinon, sur quelle planète est-on? La question de l'énergie n'est toujours pas posée non plus et il ne semble pas qu'elle le sera à terme. Des hôtes luttant pour trouver leur énergie pour survivre, confrontés à des humains qui cherchent désespérément de la vraie nourriture dans un parc coupé du monde, auraient pourtant pu fournir des motifs de carnages supplémentaires. Quel dommage.  


 

Vous l'aurez compris, la deuxième saison de Westworld échoue à emporter l'adhésion et à remplir les quelques promesses de la saison 1. On se prend au jeu au début mais très rapidement l'ennui prédomine. Quelques épisodes centrés sur tel ou tel personnage surnagent un peu. Quelques scènes fortes ou quelques bonnes idées réveillent parfois le spectateur largement inattentif le reste du temps. Le verre est quasiment vide en ce qui me concerne. Et pourtant, la saison 3 m'attend. L'affiche est accrocheuse. On s'attache à certains personnages. Je n'ai qu'à appuyer sur le bouton de ma télécommande et j'aurai perdu mon libre arbitre, en regardant une série que je n'ai pas trop envie de voir. Les créateurs de la série auront achevé de m'anesthésier en me plaçant exactement là où ils veulent que je sois, comme un hôte docile de leur show. Résistance!

samedi 5 décembre 2020

Westworld Saison 1


Conçue pour relancer la machine et prendre la relève de Game of Thrones, Westworld est une série HBO mêlant western et science fiction, avec, comme pour la série fantastico-médiévale au succès planétaire, beaucoup de violence, beaucoup de nudité et beaucoup de vilains gros mots. Adapté d'un film avec Yul Bryner que je n'ai jamais vu, lui-même adapté d'un roman de Michael Crichton, je n'ai vu cette série que parce que j'ai actuellement un abonnement à OCS et que j'en profite pour faire comme tout le monde, à savoir regarder plein de séries à la suite jusqu'à pas d'heure au détriment de ma réussite professionnelle. Parmi elles:

  • Watchmen est plutôt une bonne surprise, surtout si, comme moi, vous connaissiez la BD par cœur il y a vingt ans. La série réussit à prolonger efficacement le roman graphique d'Alan Moore et Dave Gibbons tout en explorant des thématiques radicalement différentes, avec des idées vraiment étonnantes. 
  • The Undoing est une série efficace mais sans réel intérêt si ce n'est de constater qu'en vingt ans Nicole Kidman n'a absolument pas vieilli, alors qu'en 20 ans, Hugh Grant a lui pris vingt ans, comme vous et moi. Brave homme.
  • La série Run n'a pas réussi à m'accrocher au delà du premier épisode, sur une histoire pourtant prometteuse d'une femme qui plaque tout après avoir reçu un SMS "Run" d'un ancien amant. J'essaierai peut-être de persévérer ultérieurement.
  • Finalement c'est peut-être bien la série française Moah qui me restera le plus en mémoire. Les trois séries pré-citées, ainsi que Westworld (sur lequel je vais revenir, ne vous inquiétez pas), suivent toutes le format HBO, avec une grammaire HBO assez pesante, tandis que Moah prend grand soin de refuser toute sorte de compromis narratifs propres aux séries (suspense, violence, retournements de situation), suit un format court rafraichissant et prend à rebours le téléspectateur de toutes les attentes qu'il pouvait avoir sur une série préhistorique. Pour être honnête, la série n'est pas parfaite et même assez chiante voire navrante par moments, mais ça change de toutes ces séries formatées de la même façon, avec ici un ton léger et iconoclaste qui fait du bien. J'espère qu'OCS va continuer à prendre des risques de cette façon même si ce n'est pas totalement réussi dès le premier coup.

 


 

Pour revenir donc sur Westworld, c'est une série HBO, c'est à dire une série qui se prend au sérieux, avec des dialogues qui se veulent profonds et une absence totale d'humour. La série dépeint un monde futuriste dans lequel de richissimes clients en manque de sensations fortes viennent "s'amuser" dans un parc d'attraction western grandeur nature et plus vrai que nature. S'amuser consistant pour la plupart à boire, tuer et violer tous les "hôtes" du parc sans prendre le moindre risque. Les hôtes sont des androïdes parfaitement réussis, qui suivent des scénarios pré-établis avec une petite part d'improvisation possible pour plus de réalisme. Les hôtes meurent souvent, tués par les clients, et sont remis en état avant d'être réinitialisés et remis sur le parc. L'histoire commence quand certains des hôtes commencent à dérailler, à improviser un peu trop, et à se souvenir de leurs multiples "vies" d'avant.

On voit bien où les concepteurs de la série veulent en venir. Qu'est ce que la vie humaine? Qu'est ce que la conscience? A partir de quand est-on conscient? La vie d'un androïde n'a-t-elle aucune valeur, même si on ne voit aucune différence avec un vrai être humain? Leur souffrance est-elle factice même si elle a été programmée? Tout un tas de questions philosophiques passionnantes mais qui me semblaient mieux traitées dans la série Real Humans il y a quelques années, avec plus d’à propos et des androïdes intégrés à la vie de tous les jours. Car si je n'ai jamais vu le film d'origine, c'est parce que cette idée de mettre des androïdes dans un parc à thème "western" m'a toujours parue totalement stupide. Si vraiment on savait fabriquer des androïdes plus vrais que nature, est-ce qu'on se contenterait de les mettre dans un parc d'attraction pour égayer les weekends de Jeff Bezos? Je ne crois pas. Je crois que comme dans Real Humans ou AI de Steven Spielberg, les androïdes seraient intégrés à la société avec des types d'androïdes différents selon les fonctions qu'on leur confierait. Ici, rien ne nous dit que les androïdes ne sont pas utilisés à l'extérieur du parc, mais rien ne vient le prouver non plus.



Dans Westworld, la thématique western ne semble être qu'un écran de fumée destiné à divertir le téléspectateur. Beaucoup de morts, beaucoup de sang, mais c'est pour de faux. Et quand c'est pour de faux, ben on s'en fout. Les sous-intrigues western n'ont aucune espèce d'importance. Il y a pléthores de bonnes idées, en particulier pour montrer la confusion temporelle des androïdes qui peuvent revivre des pans entiers de leurs anciennes vie sans se rendre compte qu'ils ne sont plus dans le présent. Mais au fond cet écran de fumée n'est là que pour retarder la prise de conscience des questions que pose la série. On alterne sans cesse entre les intrigues "western" à l'intérieur du parc, en suivant certains androïdes qui petit à petit se "réveillent" et les intrigues "science-fiction" qui nous dévoilent les coulisses du parc, les mystères de sa création et de ses créateurs et les inquiétudes des exploitants. Jusqu'à un final assez prenant qui donne bien sûr envie de continuer immédiatement la saison 2. Mais pour ça il aura fallu se farcir un tas de scènes inexpliquées, un tas de petits mystères bizarres (qui est donc ce petit garçon qui apparaît au milieu du parc? ), un tas de sous intrigues ésotériques (qu'est ce donc que ce fameux labyrinthe?) pendant que moi, bêtement rationnel, je me demandais quelle pouvait bien être la source d'énergie des androïdes. Cette question d'importance primordiale dans Real Humans n'est ici pas du tout abordée, les androïdes semblent avoir une réserve d'énergie inépuisable. Nous verrons bien si la question est abordée dans la saison 2.

Game of Thrones réussissait dans la première saison à créer un monde original et à donner envie de voir la suite. On nous parlait de dragons, mais on ne les voyait pas. On nous parlait de marcheurs blancs, mais on ne savait pas ce que c'était. Game of Thrones laissait à penser qu'on aurait droit à une série d'héroic fantasy vraiment innovante et adulte, où les choses ne sont vraiment jamais exactement ce qu'on pense qu'elles sont. Au final, la suite fut décevante. Les dragons sont juste des dragons. Les marcheurs blancs sont juste des types bizarres qui commandent des zombies. Westworld ne réussit pas à faire aussi bien que la première saison de Game of Thrones et à éveiller un intérêt profond. On regarde la suite parce qu'un cliffhanger artificiel nous donne envie d'appuyer sur l'épisode suivant. Espérons que la suite nous donnera plus à voir qu'un immense carnage western saupoudré de questions métaphysiques.



mercredi 11 novembre 2020

Fureur Apache


 

 Ulzana's Raid

1972

Robert Aldrich

Avec: Burt Lancaster

Dans le western américain des années 70, la mode était plutôt à la réhabilitation du peuple indien, à travers des films comme Little Big Man ou Soldat Bleu qui étaient souvent très démonstratifs pour dénoncer la violence des Tuniques Bleues envers les "sauvages". Ici, au premier abord, on pourrait penser que Robert Aldrich fait l'inverse en dépeignant sans détour les tortures ignobles que les Apaches étaient capables de perpétrer sur leurs prisonniers. Rien ne nous est épargné des horreurs subies, même si le réalisateur a tout de même le bon goût de ne nous montrer que le résultat final des atrocités et non pas leur déroulement. 

Fameux en grande partie pour cette violence sans concession, le spectateur contemporain remarquera immanquablement que certains effets "gore" on mal vieilli. Pour autant, je ne recommanderai pas ce western à un jeune enfant, surtout que toutes ces tortures sont basées sur des faits réels et que les Apaches inspiraient une véritable terreur aux colons blanc. La scène où ce soldat préfère abattre la femme qu'il est censé protéger plutôt que de la voir tomber aux mains des indiens, puis se suicider à son tour quand il finit par être rattrapé est en ce sens révélatrice.

Pour le reste, l'histoire est simple: un groupe de soldats menés par un vieil éclaireur (Burt Lancaster) est à la poursuite d'une bande d'Apaches qui s'est échappée de sa réserve et attaque tout ce qui bouge sur son passage. La troupe de soldats a aussi en son sein un éclaireur indien qui leur explique que si les Apaches sont si cruels avec leurs victimes, c'est qu'ils pensent ainsi leur voler leur force avant qu'ils ne meurent. Bon, on est content de le savoir.

Robert Aldrich ne juge pas. Le vieil éclaireur non plus. Le film nous narre la poursuite d'une bande d'Apaches par une troupe de soldats, avec un rythme soutenu, peu de blabla démonstratif, et aucun parti pris, à part le parti pris du réalisme et de l'efficacité. Il se rapproche en cela des films de guerre récents de Kathryn Bigelow, Démineurs et Zero Dark Thirty. Brillant mais sans âme. Sans âme, mais brillant.   


Image: forum.westernmovies.fr

samedi 7 novembre 2020

Les Sept Mercenaires

 


 

The Magnificent Seven

2016

Antoine Fuqua

 Avec: Denzel Washington, Chris Pratt, Lee Byung-Hun et d'autres

 Il y a deux manières de voir ce remake du multi-diffusé Les Sept Mercenaires. Soit on est vieux dans sa tête et on s'insurge. D'une part de voir un classique du western ainsi malmené par son remake qui baigne dans l'habituelle lumière ocre des films d'aujourd'hui. Où sont passés les mexicains du film de John Sturges? Pourquoi ne retrouve-t-on pas ce passage assez intéressant dans la dramaturgie du film d'origine où nos héros sont en échec, forcés de quitter le village? Pourquoi également, ce qui nous rendait la bande de Yul Brynner sympathique a disparu, à savoir cette espèce de grandeur d'âme des mercenaires qui se révèle lors de leur recrutement, cette idée qu'il faut aller aider les pauvres gens même s'ils ne seront pas payés en retour ? On pourra également s'insurger contre les nombreux anachronismes ethniques du film: voir travailler ensemble un noir, un mexicain, un asiatique et un indien est tellement improbable dans l'ouest du dix-neuvième siècle que ça sortira du film toute personne un minimum au fait des réalités sociales de l'époque. Enfin, on pourra également regretter le bigger, stronger, louder qui pollue inévitablement toute tentative de remake d'un film des années 60: il n'y a aucune explosion dans le film d'origine, vous en aurez 5 ou 6 ici. Les morts pleuvent littéralement. La Gatling, qui ne surprend plus personne, fait un véritable carnage. Le méchant, bien sûr, est extrêmement méchant et monodimensionnel, tue toute personne qui le contredit, n'a aucune épaisseur, aucun charisme au contraire de Calvera, le chef des méchants interprété par Eli Wallach dans le film de Sturges. A la fin du film, il y a au bas mot 500 morts, il ne reste plus grand chose du village, de sa population ni des sept mercenaires, mais c'est pas grave, la jolie rousse qui les a recruté au début semble heureuse.

On peut aussi prendre le film différemment. C'est bien filmé, c'est bien cadré, les costumes sont recherchés et il y a de l'action à foison. Denzel Washington et Chris Pratt sont plutôt efficaces et le duo formé par Ethan Hawk et Lee Byung-Hun fonctionne plutôt bien. On est également heureux de revoir l'engagé Baleine de Full Metal Jacket (Vincent D'Onofrio) et la petite bande des sept fonctionne bien. Même s'il est clair que leur caractère multi-ethnique est improbable, ceci a été fait pour que le film ratisse le plus large possible, on est même surpris qu'au final les survivants soient le noir, le mexicain et l'indien. Au passage on nous épargne l'espèce de racisme latent du film d'origine sur la couardise des mexicains. Alors c'est sûr, ce n'est pas un grand western, c'est sûr c'est un peu du n'importe quoi du début à la fin, mais au final, un jeudi soir sur France 3, quand dehors l'épidémie fait rage et vous confine, ça passe crème.

Capture: western movies

vendredi 30 octobre 2020

Fort Invincible


 

 Only the valiant   

1951

Gordon Douglas

Avec: Gregory Peck

Un officier de l'armée (Gregory Peck) un peu trop strict, issu de West Point, emmène en mission suicide les pires rebuts de la garnison - qui ont tous une bonne raison de vouloir le tuer - à Fort Invincible, déjà pris par les indiens, à un contre dix. Qui fera la peau du fringuant capitaine en premier: les indiens, ou ses propres hommes?

Le scénario est excellent sur le papier, mais le film souffre de quelques problèmes mineurs qui empêchent d'en réaliser le plein potentiel. D'une part, il y a encore une histoire de romance bancale qui vient se greffer là-dedans. Le bel officier est amoureux d'une belle blonde (Barbara Payton), mais il est du genre taiseux. Or, il se trouve qu'au début du film, le vieux colonel croulant qui dirige le fort lui ordonne d'envoyer un autre officier (Gig Young), moins beau, mais rival du bel officier auprès de la belle blonde, dans une première mission suicide dont il est quasiment sûr qu'il ne reviendra pas. Quand l'officier, moins beau, mais néanmoins rival, revient comme prévu les pieds devant, la belle blonde accuse notre bel officier de l'avoir sciemment choisi pour cette mission dans le but de se débarrasser de lui! N'importe qui dans ce bas monde répondrait "C'est pas moi, c'était un ordre du vieux!", mais pas Gregory Peck, qui préfère maugréer et tourner les talons. Pourquoi un quiproquo si simple à dénouer devient l'un des ressorts dramatiques du film, ça m'échappe!

D'autre part, si le huis-clos qui suit dans le fort en ruine est relativement efficace, on regrette que la plupart des décors soient en carton pâte. Les américains ont à profusion des décors naturels parmi les plus magnifiques au monde, et là ils nous mettent un cañon en papier mâché. Dommage! Si certaines scènes d'action font mouche, comme cette apparition soudaine d'une mitrailleuse dans un chariot, 13 ans avant Pour Une Poignée De Dollars, d'autres scènes sont plus ou moins incompréhensibles, à l'image de ces deux soldats prisonniers qui se battent l'un contre l'autre devant les indiens hilares! Pourquoi se vouent-ils soudain une haine tenace, on ne sait pas. Que deviennent ils ensuite, on ne sait pas non plus!

Mais au final, on aura passé un relativement bon moment, dans un film offrant un beau noir et blanc, avec des acteurs impeccables, des scènes assez violentes pour l'époque, un huis-clos entre le capitaine et tous ses hommes prêts à le tuer assez tendu, et une séquence assez efficace où notre fringuant capitaine joue carte sur table avec ses hommes, leur dit de but en blanc pourquoi il les a choisis pour cette mission, et ce qu'il attend d'eux. Alors non, ce n'est pas un grand western, mais encore un bon petit film de plus pour un dimanche après-midi pluvieux.

Image: Metek sur Western movies

samedi 24 octobre 2020

Cinq cartes à abattre


 

 

1968

Henry Hathaway 

Avec: Dean Martin, Robert Mitchum

Des joueurs de poker attablés s'adonnent tranquillement à leur passion, quand soudain, c'est le drame, l'un d'eux est surpris à tricher. Dans Lucky Luke, le malfrat aurait été recouvert de goudron et de plumes, mais ici il se fait pendre haut et court. Le héros de notre histoire, joueur de poker professionnel interprété par Dean Martin, tente bien de s'interposer, mais échoue à empêcher la mort du malheureux. Cette triste histoire semble bien vite oubliée dans les jours qui suivent, la vie reprend ses droits, un nouveau pasteur (Robert Mitchum) arrive en ville. Mais voilà qu'un mystérieux tueur assassine les joueurs impliqués dans le lynchage les uns après les autres.

Cinéaste assez peu réputé, ou en tout cas jugé assez quelconque comparé aux maîtres Ford et Hawk, Hathaway signe ici un petit film efficace, bien qu'assez poussif. Efficace dans le déroulement sans accroc d'une intrigue très typée roman policier, avec sa litanie de meurtres successifs inexpliqués qui peu à peu font monter l'angoisse au sein de la population de la ville. Les soupçons permanents, les inquiétudes des participants au lynchage, les bagarres entre survivants et la personnalité trouble du nouveau pasteur parviennent à forger une atmosphère à la fois oppressante et excitante de part le mystère de l'identité du tueur. Et ce, même si les moins futés des spectateurs auront rapidement compris qui est le tueur. Consciente de cette faiblesse, la scénariste prend le parti de révéler l'identité de l'assassin bien avant la fin, tout en réservant une surprise sur le rôle pervers de l'un des auteurs du lynchage initial. On y trouvera même une ébauche de réflexion sur la vengeance avec un grand V, ce thème récurrent du western, qui est ici questionnée, non pas sur sa moralité, mais sur son efficacité et sa légitimité dès lors que le vengeur risque de se tromper et d'envoyer des innocents ad patres. La figure du vengeur, si souvent justifiée et valeureuse dans la grammaire westernienne, devient ici un ange noir et aveugle.

Malgré ces qualités, le film reste poussif, tourné à l'ancienne et sans éclat particulier (on est quand même en 1968, on aurait apprécié un peu plus d'audace formelle dans ce qui donne plus l'impression d'être un épisode d'une série télé des années 50). Si on apprécie de voir un acteur noir (Yaphet Kotto) jouer un rôle positif et relativement bien écrit, je dois avouer être complètement passé à côté des rôles féminins, baillant plus qu'à mon tour à chaque fois qu'elles apparaissent. Inger Stevens m'avait déjà été passablement insupportable dans Pendez-les hauts et courts et je n'ai pas du tout été touché par le choix de vie qui s'offre à notre héros entre la mère maquerelle, jouée donc par Inger Stevens, et la mimi petite brune bien sous tout rapport jouée par Katherine Justice. Dean Martin choisira-t-il une femme de mauvaise vie, conforme à son rang de joueur de poker professionnel, ou choisira-t-il la respectabilité d'une nouvelle vie honorable et un peu plan plan? A vrai dire, on s'en fout un peu, les échanges verbaux entre ces trois là parasitent totalement l'intrigue policière en cours. La confrontation Dean Martin versus Robert Mitchum, parfait en pasteur inquiétant, est bien plus intéressante.

 Au final, un western que je ne conseillerais certainement pas à quelqu'un qui voudrait s'initier au genre, mais qui ravira certainement les nostalgiques d'un certain cinéma d'antan qui voudraient s'occuper un dimanche pluvieux, sous un plaid, avec un bon grog entre les mains.

Capture: western movies     

samedi 17 octobre 2020

Sept hommes à abattre

 


Seven Men From Now

1956

Budd Boetticher

Avec: Randolph Scott, Lee Marvin

Après avoir parlé récemment de Comanche Station, le dernier film de la série devenue mythique du duo Budd Boetticher/Randolph Scott, intéressons nous au tout premier. Me basant sur le titre, je m'attendais à une classique histoire de vengeance, Randolph Scott poursuivant les meurtriers de sa femme et les éliminant uns à uns, perdant un peu plus de son humanité au fur et à mesure qu'il accomplit sa tâche.

Il n'en est rien. Le scénario, bien que tenant sur une demi-feuille A4, est beaucoup plus fouillé qu'il n'y paraît, et parvient à surprendre constamment sur une trame pourtant classique. Randolph Scott joue donc un ex-Shérif nommé Stride, à la recherche des sept meurtriers de sa femme qui a été tuée au cours d'un braquage. Mais même cela, si l'on n'est pas au courant du synopsis, on ne l'apprend qu'assez tard dans le film, après, en tout cas, que Stride ait descendu deux hommes a priori sans raison en pleine nature au coin du feu. Stride vient ensuite en aide à un jeune couple en difficulté qui voyage dans un de ces pittoresques et robustes chariots de l'Ouest, et l'intrigue prend déjà un tour inattendu lorsque le trio rencontre deux bandits qui ne font pas partie des hommes recherchés par Stride. Le couple est constitué d'un homme, semble-t-il assez lâche, et de sa - bien sûr - très jolie femme, et l'on sent bien que l'homme n'est pas aussi innocent qu'il n'en a l'air. Les deux bandits suivent un but assez peu clair et le chef est joué par l'excellent Lee Marvin qui parvient à donner à son personnage une épaisseur et une ambivalence formidable. Comme dans Comanche Station (et comme probablement dans la plupart des films de cette série) une tension crispante se développe dans la petite troupe dans la mesure où le bandit s'intéresse de près à la femme jouée par Gail Russel, que celle-ci semble être plus qu’intéressée par le héros, et que son pauvre mari, qui n'a pas les épaules pour s'opposer à ces deux mecs qui en ont, est condamné à supporter tout ça sans rien dire. La femme passe sont temps à proposer du café aux hommes, comme pour conjurer le trouble qu'elle fait naître en eux, elle est attirée par la force de Stride mais elle a été séduite par la douceur et peut-être les failles de son mari. Encore un choix impossible entre les hommes rendus charmants, doux et faibles par la civilisation et les hommes, les vrais, pleins de testostérone, sauvages et irrésistibles?

Dans tout ça, l'on en vient à se demander où sont les cinq hommes qui restent à abattre puisque à ce stade on a compris que les deux tués du début faisaient partie de la bande. On finira bien sûr par les trouver, et même si ces cinq là, à l'exception de leur chef, n'ont pas une personnalité très développée, le scénario réserve encore quelques petites surprises dans son sac. On n'échappe pas malheureusement aux sempiternels échanges de coups de feu dans les rochers, mais il faut noter qu'ils sont ici bien mieux menés que dans Comanche Station, avec de vrais morceaux de bravoure comme lorsque Stride, blessé, se cache sous un rocher, et attend, tel un crotale, que ceux qui veulent le tuer arrivent à sa hauteur.

La mise en scène est nerveuse, minimaliste et va à l'essentiel, mais elle devrait beaucoup plaire aux aficionados du western spaghetti, avec une multitude de plans sous la pluie, dans la boue des cadrages soignés en veux-tu en voilà, des sous-entendus incessants et des regards sombres et durs; et avec cette idée magnifique du coffre de la Wells Fargo, posé à même le sol en plein milieu d'un cirque rocheux et Stride, blessé, à ses côtés attendant les ennemis de pied ferme. La séquence inaugurale également, où Stride abat ses deux premières victimes, est riche de dialogues qui se veulent cordiaux et simples, mais marmonnés les dents serrées et le regard fixe, et l'on remarque que la tasse de café de Stride passe de sa main droite à sa main gauche afin de pouvoir dégainer, et l'on constate que l'un des deux homme fait de même avec sa propre tasse de café, la tension montant alors d'un cran avant que les armes ne parlent hors champ. Des petits détails peut-être insignifiants mais qui sont la marque d'une série B de qualité réalisée par des artisans qui aimaient leur métier. A voir !

Images: forum.westernmovies.fr





dimanche 11 octobre 2020

Deadwood : le film


 

2019

Daniel Minahan

Avec: Ian McShane, Timothy Olyphant, Molly Parker

 

J'ai quitté les rues boueuses de Deadwood il y a 12 ans. Je me souviens d'une série très soignée, réaliste, adulte, aux personnages complexes. Je me souviens de ces accès de violence brutaux, de la crudité du sexe, du langage ordurier omniprésent. Je me souviens également de dialogues ciselés et interminables, d'une intrigue qui n'avançait pas, d'épisodes entiers dans lesquels il ne se passait rien. L'ennui s'était même installé durablement lors de la saison 3, au point que je n'avais plus vraiment envie, à ce moment là de connaître la suite.

La suite est arrivée donc, plus de dix ans après la saison 3, sous forme d'un téléfilm qui vient bien tard pour contenter des fans qui n'étaient peut-être plus très nombreux à l'attendre. Pour ma part, je ne l'attendais plus, et j'avais depuis longtemps oublié la plupart des personnages et je n'avais plus aucun souvenir des intrigues qui avaient été laissées en suspend à la fin de la saison 3.

J'ai donc eu bien du mal à raccrocher les wagons dans ce film, malgré de nombreux flashbacks permettant de se rappeler certains points clés de l'intrigue. Mais bien souvent, ces flashbacks ne suffisent pas. J'avais par exemple complètement oublié que Hearst avait sectionné un doigt de Swearengen dans la saison 3. Un flashback me le rappelle au moment opportun, mais ça ne me dit pas pourquoi il s'est fait couper un doigt. De la même manière, certains flashbacks montrent une prostituée dans un cercueil, la gorge tranchée. Cet épisode semble avoir eu une certaine importance lors de la saison 3, mais je n'en ai plus aucun souvenir. Les acteurs ont vieilli, quand Hearst réapparait au début du film, je ne le reconnais pas. J'avais totalement oublié les personnages de Dan Dority, Sol Star, Charlie Utter, Alma Garret, E.B Farnum. Finalement les seuls personnages qui m'étaient restés en mémoire étaient Swearengen, Trixie, Hearst, Seth Bullock, Calamity Jane et le Doc Cochrane. Évidemment, dans ces conditions, difficile de rentrer dans le film avec facilité et plaisir.

Pour autant, le film peut être apprécié sans que l'on ait vues les trois saisons précédentes. Il s'agit ni plus ni moins de l'histoire classique de la Loi qui cherche à rendre justice face à la puissance des notables. Hearst revient auréolé de son titre de Sénateur. Il est toujours très très méchant et n'aime pas que l'on vienne se mettre au milieu de sa route, et en arrive rapidement au meurtre pour arriver à ses fins. Seth Bullock est l'homme de loi qui va s'opposer à Hearst de manière obtuse et rentre-dedans. C'est efficace. L'action est fréquente, l'intrigue se déroule avec fluidité et on a perdu les dialogues sans fin qui plombaient la série. Petit à petit, la tension monte, le suspense est à son comble. On s'attend à des retournements de situation, des gunfights, des coups tordus, des intimidations, des alliances et un règlement de compte final qui en laissera plus d'un sur le carreau.

Sauf qu'à ce moment là le film fait flop. En plein mariage de Trixie et Sol Star, comme l'on s'y attend, Hearst arrive avec deux sbires et l'on a peur de ce qui va se passer. Mais Seth Bullock s'interpose simplement, il arrête Hearst, laisse plus ou moins la foule le tabasser, et l'enferme en prison. Le temps pour Calamity Jane de lui sauver la mise, et le film se termine, sans qu'il y ait eu de véritable confrontation. Sans cette action de dernière minute, Calamity Jane n'aurait pas servi à grand chose. Swearengen également, ne sert à rien. Bien qu'il soit mourant, on pense qu'il va prendre part à l'action, se positionner, avoir un rôle décisif, mais rien du tout, il n'est que l'ombre du personnage qu'il était dans la série. La nouvelle venue dans le bordel de Swearengen n'a non plus ni passé, ni intérêt. C'est un peu comme si les scénaristes de ce téléfilm avaient commencé à écrire des rôles, des intrigues, à mettre en place une structure narrative pour une nouvelle saison complète de la série, mais qu'ils s'étaient rendu compte, un peu tard, qu'ils n'avaient droit qu'à deux heures de film. Même si Deadwood : le film se suit sans déplaisir, on reste sur sa faim, étonné de voir une fin qui n'en est pas une, submergé par une sensation d'immense gâchis. Dommage.

dimanche 4 octobre 2020

Comanche Station

 


1960

Budd Boetticher

Avec: Randolph Scott, Nancy Gates, Claude Akins, Skip Homeier

 

Ce petit western de série B est le dernier d'une collaboration de sept films entre le réalisateur Budd Boetticher et l'acteur Randolph Scott, collaboration dont la renommée n'a fait que s'accroître avec les ans dans le cœur des fans de western. Ces films, si l'on en croit Wikipedia, se hissent à la hauteur des films de John Ford et d'Anthony Mann et sont de véritables petits bijoux cinématographiques.

Fort de cette réputation, il peut être tentant, à la vision de ce film, de pousser un "bruh" de déception comme le fait mon ado de fils quand il découvre qu'il y a du chou-fleur au dîner. Il faut bien le dire, on est loin de La Prisonnière du désert de John Ford ou de L'homme de l'Ouest d'Anthony Mann, pour ne citer que deux chefs-d’œuvre qui se rapprochent plus ou moins, par certaines thématiques développées, de ce Comanche StationBudd Boetticher n'a en effet pas la même ambition, pas le même cahier des charges et ne peut se payer ni John Wayne, ni Gary Cooper. Pourtant c'est justement de cette sécheresse de moyen et de son format ramassé que naît l'intérêt de son film. Budd Boetticher et son scénariste Burt Kennedy visent l'efficacité narrative et la simplicité avant tout.

Le premier thème est celui de la femme blanche enlevée par les Indiens. Celle-ci, jouée par Nancy Gates, est échangée par Jefferson Cody (Randolph Scott) contre quelques couvertures et une Winchester. Pleine de gratitude pour son sauveur, la femme échange quelques mots avec lui sur son avenir. Son mari voudra-t-il toujours d'elle? On admire toujours cette manière de dire les choses dans les films de cette époque sans les expliciter totalement. En gros, son mari risquait-il d'infliger à sa femme une double peine, à savoir la répudier, sachant qu'elle avait été très probablement violée par une partie de la tribu? Moins élaborée et tranchée que dans La Prisonnière du désert qui pointe plutôt le risque d'acculturation totale de ces femmes, dès lors qu'elles passaient plusieurs années loin de la civilisation blanche, la thématique prend une autre ampleur lorsqu'on découvre que le personnage interprété par Randolph Scott n'a pas délivré la femme pour toucher la récompense de 5000 dollars promise par son mari à qui la lui ramènerait, mais parce qu'il est lui même à la recherche de sa femme enlevée par les indiens voilà 10 ans. Ainsi, découvre-t-on que notre héros est un de ces fantômes errants, parcourant sans relâche les vastes plaines à la recherche d'une chimère, une femme très probablement morte, mais bien qu'il en soit parfaitement conscient, il ne peut s'empêcher de la chercher, probablement jusqu'à sa propre mort. Tout cela n'est pas détaillé dans le temps très court que dure le film, mais transparaît parfaitement dans le visage buriné et figé de Randolph Scott. Évidemment, on n'atteint pas la force et la finesse des sentiments ambivalents d'un Ethan Edwards joué par John Wayne dans La Prisonnière du Désert, mais on dépasse tout de même en émotion la série B lambda tournée à la chaine.


 

La deuxième thématique, qui m'a rappelée L'Homme de l'Ouest d'Anthony Mann, est celle d'un couple forcé de cohabiter avec des gens mal intentionnés. Après l'échange inaugural, Jefferson Cody et sa protégée sont rejoints par trois bandits plutôt patibulaires. Le chef de la bande fomente rapidement le plan de se débarrasser de Jefferson Cody pour toucher la prime de 5000 dollars à sa place. Et comme la femme risquerait de témoigner contre eux, il prévoit également de supprimer la femme, puisque le mari offre 5000 dollars même si on lui ramène sa femme morte. La tension monte rapidement dans le petit groupe qui doit d'abord réussir à retourner à la civilisation sans se faire éliminer par les indiens qui rodent. Pas de scène de strip tease forcé ici comme dans L'Homme de l'Ouest, mais de nombreuses remarques du chef des bandits sur la beauté de la femme, sur la lâcheté de son mari qui préfère offrir une récompense plutôt que de partir à sa recherche lui-même, sur le fait qu'elle lui donne envie de se poser et de fonder une famille. "C'est une sacré épreuve de devoir choisir entre 5000$ et vous" dit-il presque menaçant. Mais on n'est qu'au début des années 60. Les méchants à cette époque, savent se tenir et ne sont pas encore les psychopathes à sens unique toujours plus sadiques des films d'aujourd'hui. L'un des bandits exprime même ses doutes et son désir de revenir sur le droit chemin. Le chef lui-même sauvera le héros d'un mauvais pas lors d'une attaque d'indiens. La psychologie de l'ensemble du casting en sort renforcé, et en 74 minutes, le film dresse le portrait d'un groupe humain bien plus riche que certains films ne parviennent à le faire en 2h40 aujourd'hui.

Et quand, après une explication finale qui cette fois ne sort pas des sentiers balisés de la série B pan pan dans les rochers, la scène finale tout à fait inattendue viendra également souligner la force morale de cette femme qui n'a jamais cherché à défendre son mari en expliquant pourquoi il préfère payer 5000$ pour qu'on lui ramène sa femme plutôt que d'aller la chercher lui même, on se dit qu'effectivement, ce petit film vaut beaucoup plus que le simple qualificatif de Série B qu'on est tenté de lui accoler de prime abord.


 

Captures: https://forum.westernmovies.fr