2021
Jane Campion
Avec : Benedict Cumberbatch, Kirsten Dunst, Kodi Smit-McPhee et Jesse Plemmons
Ce film n'est pas un western, il en emprunte uniquement quelques codes pour exacerber la tension découlant d'une certaine thématique d'orientation sexuelle dans un monde viril et violent. On y voit en effet Benedict Cumberbatch, en cowboy dur et insensible, allumant sa cigarette avec une jolie fleur de papier qui avait été délicatement pliée et ciselée par un gringalet sensible, bien trop sensible pour des gens dont l'inclusivité n'était pas la qualité première. Ce gringalet, campé par un certain Kodi Smit-McPhee au physique tout en longueur assez incroyable, le prend très mal, et sa mère, jouée par Kirsten Dunst n'apprécie guère le geste non plus. Le film commence bien, Cumberbatch étant impeccable en dur à cuire, face au magnétisme assez intriguant de Kodi Smit-McPhee. On attend la suite!
Sauf qu'à partir de là, tout va se dérouler lentement. Très lentement. Au-delà de lentement même. Il en sort au moins un par an, de ces westerns contemplatifs où il ne se passe rien, où chaque regard est censé être lourd de signification, où les non-dits pèsent des tonnes, où les protagonistes semblent être écrasés par la démesure de l'ouest lointain. Inutile de préciser qu'on s'ennuie sévèrement dans ce film, d'autant que la confrontation qui semblait prometteuse entre le cowboy viril et le gringalet sensible est remise à plus tard, le gringalet étant parti étudier la médecine en ville. Pendant ce temps, sa mère se case avec le frère du cowboy viril et se met à boire. Le spectateur est déjà à ce moment là dans un tel état de léthargie, qu'il ne comprend pas trop pourquoi. A force de faire durer les plans, on en oublie l'histoire, on subodore qu'il y a un secret douloureux entre tout ce petit monde, mais à trop vouloir rendre les choses subtiles, elles deviennent inaccessibles. En clair, je commençais à me faire chier et j'ai rien capté.
Quand le gringalet ramène ses grandes guiboles dans le lieu de l'action, il se passe enfin quelque chose. Quelque chose que, dans mon semi-coma du vendredi soir, je n'avais pas vu venir et qui va bouleverser la relation entre les deux hommes. On peut dire que ça rebat les cartes, sans toutefois accélérer le tempo. N'allez pas croire qu'il y a de l'action, pas un seul coup de feu n'étant échangé dans ce western. Mais au moins, mon score de Glasgow qui avoisinait les 5 avant le retour du jeune homme, est remonté à 8 ou 9... On se souvient alors de Cumberbatch en scientifique homosexuel dans Imitation Game. On apprécie la richesse de l'interprétation de l'acteur. Finalement, c'est ici que commence le film. Son frère, on s'en fout. Kirsten Dunst alcoolique, on s'en fout. Le film continue cahin caha son bonhomme de chemin, et les vaches mortes de la maladie du charbon du début du film prennent de l'importance. La blessure à la main du cowboy pas si viril prend de l'importance. On regrette de n'avoir pas été plus attentif à la première partie du film, parce qu'on est infoutu de dire si ce qui se joue est prémédité ou pas. On se dit qu'on est peut-être bien passé à côté d'une histoire forte, et que c'est dommage. On se dit que si la cinéaste avait placé son histoire au premier plan plutôt qu'avoir tout misé sur cet aspect formel, sec et minimaliste, on n'aurait pas eu l'impression de perdre une soirée de plus. En clair je me suis senti floué, vidé, légèrement frustré par ce film qui a des qualités évidentes, et que pourtant pour rien au monde je ne voudrais revoir en entier.
Je terminerai sur un point de détail qui pourrait parler aux assidus de western qui passeraient par ici. Dans le film, le cowboy viril a pour maître un certain Bronco Henry, cavalier hors pair, mentionné à de nombreuses reprises pendant l'intrigue, et qui semble faire écho à tous ces cowboys de pacotille vus dans les westerns des années 30: les Tom Mix, les Hoppalong Cassidy et les Bronco Billy, aux chemises blanches éclatantes, aux selles brillantes et aux tenues soignées. Par écho à l'orientation sexuelle refoulée de son personnage, Jane Campion semble nous dire, en creux, que tous ces fringants cowboys qui passaient pour des modèles de virilité de l'époque constituaient plutôt des icônes homo-érotiques pour tous les faux macho de l'Amérique profonde. Je trouve ça plutôt amusant.