Un petit détour vers le western culte d’Alexandro Jodorowsky.
1970
De Alexandro Jodorowsky
Avec Alexandro Jodorowsky Jacqueline Luis Mara Lorenzio
El Topo, tout de noir vétu arrive à cheval avec un enfant nu. L’enfant est son fils, il a sept ans, El Topo lui demande d’enterrer son premier jouet et le portrait de sa mère, car il est devenu un homme. Parvenus à un village, ils découvrent des centaines de mariées assassinées. Les mariés sont tous pendus dans l’église. El Topo va châtier les responsables du massacre (enfin je crois), abandonner son fils aux moines franciscains, puis se battre en duel contre les quatre maîtres du revolver.
Le film est inracontable. C’est le premier film que je vois d’Alexandro Jodorowsky, et c’est le genre de film qu’il est impossible d’appréhender en une fois, ni même en mille, ce qui n’empêche pas le fou que je suis de donner mon petit avis dessus. Je précise ma méconnaissance de l’œuvre cinématographique de Jodorowsky au cas ou un fan du bonhomme, ou pire, un intégriste du cinéma bis, viendrait me sermonner avec un discours du type « quand on ne sait pas, on se tait ! ». Je lui réponds d’avance « M’en fous ! »
Premier constat : le film est riche, et ce n’est rien de le dire. Si vous n’êtes pas du genre à être rebutés par la violence, les scènes dérangeantes, un peu de sexe et les champs de lapins morts, vous allez découvrir une succession de symboles, références culturelles, religieuses et/ou morbides qui vont vous faire regretter de consacrer tant de temps à votre passion pour les jeux vidéos et les films X. Moi-même je dois bien l’avouer, je n’ai rien capté, mais c’est quelque chose qu’il faut accepter pour se laisser porter par le film. La foultitude de scènes incongrues, farfelues, inattendues, comiques ou nauséeuses crée un état second qui doit vous rapprocher de Dieu, ou tout du moins d’une transe spirituelle de niveau 2 (le niveau 1 c’est pour les débutants). Cet aspect du film me rappelle Blueberry de Jan Kounen, où là aussi, la recherche d’un sens narratif classique serait fort vaine, voire déméritoire. Blueberry ce film incompris, qui donne à ressentir le chamanisme, adaptation lointaine de la BD de Giraud, alias Moebius, lequel à travaillé à mainte reprise avec Jodorowsky, en particulier sur L’Incal. Jodorowsky et ses multiples casquettes, la boucle est bouclée ! Pourtant, même si le film ressemble souvent à une succession de sketchs sans queue ni tête, il s’agit bien d’une histoire cohérente qui est racontée : la confrontation d’El Topo aux maîtres des revolvers, puis sa résurrection dans une grotte obscure (Platon pit-être ?) remplies d’êtres difformes, suivi par le retour dans le monde réel et sa confrontation avec son fils devenu grand.
Mais ce n’est pas le langage cinématographique qui semble réellement être utilisé pour conter cette histoire, mais plus les tours et détours du théâtre de rue. Oui cela peut sembler incongru, mais regarder El Topo m’a plus donné l’impression de regarder un spectacle de rue à Aurillac que d’être au cinéma, et c’est loin d’être une remarque dénigrante de ma part. Le jeu des acteurs, par exemple, est surjoué à la manière du muet, pour souligner le sens, les mimiques sont appuyées. Il n’y a qu’à voir les bandits du début qui cherchent à intimider El Topo et son fils en criant et braillant, il n’y a qu’à voir les tenues les plus volontairement disparates possibles et l’utilisation récurrente d’accessoires inattendus (ballon gonflable, sculptures en bois, bidons), il n’y a qu’à voir la structure en saynettes, comme autant de petits spectacles, pour se convaincre de cette connivence entre les deux mondes. Et la mise en scène du corps, dans sa nudité, dans sa laideur et sa difformité, est un enjeu permanent commun à El Topo et à n’importe quel spectacle de rue que vous pourrez voir à travers la France et la Navarre, sans oublier bien sûr, le mini-spectacle d’El Topo et de la femme naine dans la ville corrompue et hideuse pour obtenir un peu d’argent. C’est cette relation entre cinéma et théâtre qui m’a paru la plus intéressante dans El Topo . On se permet en général plus de choses au théâtre, les idées les plus tourmentées sont souvent mises en scènes, et on n’a pas peur de choquer le petit public bourgeois.
El Topo est-t-il un western ? Suffit il de mettre quelques chapeaux et chevaux pour que ce soit un western ? On s’en fout un peu. L’important en voyant le film est de se demander ce qu’il nous apporte. Est-il une allégorie de la corruption humaine, est-il une critique de la divinité, est-il le simple délire d’un homme hanté par des visions fulgurantes ? Quelles scènes vous ont surpris, dérangés, intéressés ? Comment avez-vous ressenti le film ? Comme à chaque fois avec les films alambiqués et hyper personnels, c’est plus les questions que pose le film que les réponses qu’il donne qui comptent…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire