A l’origine de cette note, un souvenir diffus, un manque, une légère déception le jour où j’ai visionné l’édition collector de Il était une fois la Révolution. Juan et sa clique rêvent de dévaliser la banque de MesaVerde, et ils finissent par le faire, mais rien ne se passe comme prévu, la banque est remplie de prisonniers politiques.
Juan fait sauter l’ultime porte de ce qu’il croit être le grand coffre de la banque, et juste avant que ça saute, il crie un tonitruant « Planquez vous, connards !» à ses compagnons/enfants et à tous les prisonniers qui se sont amassés derrière lui.
Problème !
Le « Planquez vous, connards ! » a disparu de l’édition collector !
Troublé, je continue a regarder le film comme dans un rêve où la réalité ne semble pas être ce qu’elle est au demeurant. Aurais-je un faux souvenir du film ? Est-il possible qu’après avoir vu un film des dizaines de fois, on en arrive à créer de faux dialogues dans sa tête dérangée?
Un détail de cette importance ne pouvait être laissé en suspens. De passage chez mes parents, je déterrai la vieille VHS familiale enregistrée sur FR3 il y a quelques années et m’empressai de vérifier in situ la présence de ce magnifique Planquez vous, connards ! ».
IL EST BIEN LA ! Juste avant que Rod Steiger descende les escaliers, juste après avoir allumé les deux bâtons de dynamite, il hurle « PLANQUEZ VOUS, CONNARDS ! » à l'assemblée.
Or, dans le DVD,… un silence assourdissant…
Qu’on se rende bien compte. Il ne s’agit pas là de T’as le bonjour de Trinita où les doubleurs de l’époque ont rajoutés des blagues. Je ne suis pas en train de discuter du Justicier du Sud où Evidis aurait tout aussi bien pu enlever des scènes que ça m’aurait d’autant plus fait rigoler ! Non, je cause ici du quatrième plus grand film de tous les temps, le cinéma à l’état pur où chaque mot, chaque image, chaque détail, chaque note de musique fait partie intégrante d’un ballet qui forme un tout parfait, inégalable, presque aussi beau qu’une montre Suisse.
(Je rappelle aussi qu’un blog est forcément un peu partisan…)
D’abord il y a l’insulte en tant que telle. « Planquez vous, connards ! », c’est comme si Robespierre disait « J’ai des couilles grosses comme des melons » à Danton dans un film sur la Révolution Française. Sergio Leone ose le langage ordurier, pour bien rappeler à la ménagère de moins de 50 ans que la révolution, ça se passe pas dans un salon. Les tacticiens font des belles phrases, ceux qui se font massacrer pour la cause hurlent des « Planquez vous connards !».
Ensuite « Planquez vous connards ! », c’est une pierre essentielle pour comprendre les rapports qui unissent John et Juan. Quand Juan crie « Planquez vous, connards », il scelle l’amitié, et surtout l’influence entre les deux hommes. C’est le retour du bâton (de dynamite). « Planquez vous, connards ! », c’est un peu Juan qui devient John et vice versa. Si vous enlevez ce « Planquez vous, connards ! », vous coupez un pan entier de la relation virile entre les deux (anti)-héros.
Enfin il y a l’humour. Imaginez, le spectateur est incrédule devant tous ces prisonniers qui viennent d’être libérés. Juan fait sauter la porte, le spectateur ne sait pas trop à quoi s’attendre, il est nerveux, il y a quelque chose qui cloche. La porte saute, et on débouche sur la rue. On voudrait rire mais il manque quelque chose.
Le petit « Planquez vous connards ! » inséré entre les deux permet de détendre l’atmosphère, de rassurer le spectateur qui ne reconnaît pas ses attaques de banque favorites. Il permet un rebalisage du film dans sa continuité narrative, un pré-rire qui prépare à la suite. Indispensable !
On est donc bien dans le scandale ! Déjà que l’édition MGM fait sa pub sur une version « intégrale » qui est la version qu’on voit à la télé depuis des années, et qui n’est intégrale que par rapport à la version simple qui était, elle, charcutée. Je ne vais même pas ici ébaucher l’ébauche d’une tentative d’essai d’explication du pourquoi du comment le « Planquez vous connards ! » a disparu de la bande son, en plus, le « Duck you suckers !» est bien présent dans la version anglaise alors on peut même pas mettre en cause la sainte horreur anglo-saxonne pour les gros mots. C’est le plus énorme scandale de l’histoire du DVD, point. Quand on ne sait pas respecter une œuvre, on postule chez Evidis, au lieu de participer à la marche triomphante du capitalisme de masse qui confond « produit » et « culture ». C’est un véritable scandale qui mérite au moins une… révolution ! Tous à la Bastille lundi !!
Revu ce soir à la télé : le "Planquez-vous connards !" a bel et bien disparu pour l'éternité. A chaque diffusion, Leone doit se retourner dans sa tombe...
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