Tempête à Washington
Advise and consent
1962
Otto Preminger
Dans les années 60, il y avait plus grave pour un homme politique américain que de se faire prendre en bouche par une jeune stagiaire. Il était en effet rédibhitoire d’avoir eu des tentations communistes dans sa jeunesse. C’est le cas de Robert A. Leffingwell (Henry Fonda) que le président des Etats-Unis (Franchot Tone) veut nommer Secrétaire d’Etat. A partir du moment où la décision présidentielle est prise, c’est effectivement la tempête au Sénat qui doit approuver le choix du président. Les adversaires de Robert A. Leffingwell et ses partisans vont se livrer une guerre de couloir sans merci.
Otto Preminger semble avoir fait une carrière constituée de films qui ne se ressemblent pas. On a vu déjà son amour des paysages grandioses et des formes de Marilyn Monroe dans le western Rivière sans retour. Il a également signé une comédie indépendante « libérée » - The Moon is blue, avec William Holden – qui fit scandale en son temps à cause de l’utilisation des mots « seduce », « mistress » et « virgin ». Evidemment, lorsqu’on voit de nos jours un film indépendant comme The Big Lebowski qui place le mot « fuck » trois fois par phrase, ça fait sourire, mais Otto Preminger s’illustrera encore par la suite avec The man with a golden arm – avec un excellent Frank Sinatra en joueur de carte junkie – surtout connu pour une puissante scène de sevrage qui fit sensation à l’époque et qui n’a pas grand-chose à envier à celle de Trainspotting aujourd’hui.
C’est au film politique que s’attaque Otto Preminger avec Advise and Consent, à ses magouilles, ses alliances, ses trahisons et ses coups bas. Comme Robert A. Leffingwell est joué par Henry Fonda – au demeurant assez peu présent dans le film – on épouse instinctivement la cause de ceux qui défendent sa nomination au poste de secrétaire d’état, mais on se rend compte bien vite que certains de ses partisans dépassent les bornes. Tout est passionnant dans ce film : l’aspect documentaire des procédures du Sénat (en particulier, le passage du pouvoir si le Président des Etats-Unis meurt), la défense de Leffingwell et son mensonge sur son passé communiste, les discussions sur la réponse aux Russes (Le sénateur Cooley (Charles Laughton) est partisan de la fermeté, il s’appuie sur une conception vétuste de la fierté, de la guerre et de la patrie en plein risque d’apocalypse nucléaire alors que Leffingwell est partisan de la négociation, au risque de devenir un nouveau Daladier), le sens du devoir du sénateur Briggs (Don Murray), qui veut faire échouer la nomination parce que Leffingwell a menti sous serment, même si cela signifie porter le discrédit sur son président et sur son pays, la contre-attaque enfin, fulgurante et fatale, des jeunes loups partisans de Leffingwell. Car il y a en effet pire, à cette époque, que d’avoir eu des tentations communistes dans sa jeunesse. Ce pire, je vous laisse le découvrir en regardant le film, car le but n’est pas ici de tout raconter.
Le film rend aussi hommage aux vieux briscards de la politique qui prennent cet épisode avec recul – que ce soit le sénateur Cooley qui au final est plus sympathique qu’il n’en a l’air ou le chef de la majorité (Walter Pidgeon) qui défend la cause de Leffingwell, mais pas à n’importe quel prix – alors que les jeunes se cassent les dents, emportés par leur passion et leur volonté de vaincre. Tous les personnages secondaires sont bien vus, car tous les personnages du film sont des personnages secondaires, en particulier le vice-président « incompétent » (Lew Ayres) qui au cours de la pirouette finale va se révéler plus décidé qu’on ne le soupçonnait. La mise en scène d’Otto Preminger est réputée pour sa souplesse et sa fluidité, on retrouve certains mouvements de caméra audacieux, des créations d’ambiance intéressantes (il semblerait qu’aucun Sénateur n’allume la lumière en rentrant tard le soir chez soi, et ce afin de profiter au maximum des effets de clair-obscur du noir et blanc J), une maîtrise des lieux, des personnages et de leurs intrigues par le biais de certains éléments clés qui reviennent régulièrement (le petit métro qui transporte les sénateurs, les visites guidées du Sénat) et qui font de Advise and Consent un film passionnant, jusque dans ses moindres détails. Et donc, mesdames et messieurs les ménagères de moins de vingt-cinq ans, je ne saurais que vous enjoindre à vous procurer ce film d’une manière ou d’une autre, à ne pas faire vos relous et à lâcher vos coms ;-)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire