samedi 17 octobre 2020

Sept hommes à abattre

 


Seven Men From Now

1956

Budd Boetticher

Avec: Randolph Scott, Lee Marvin

Après avoir parlé récemment de Comanche Station, le dernier film de la série devenue mythique du duo Budd Boetticher/Randolph Scott, intéressons nous au tout premier. Me basant sur le titre, je m'attendais à une classique histoire de vengeance, Randolph Scott poursuivant les meurtriers de sa femme et les éliminant uns à uns, perdant un peu plus de son humanité au fur et à mesure qu'il accomplit sa tâche.

Il n'en est rien. Le scénario, bien que tenant sur une demi-feuille A4, est beaucoup plus fouillé qu'il n'y paraît, et parvient à surprendre constamment sur une trame pourtant classique. Randolph Scott joue donc un ex-Shérif nommé Stride, à la recherche des sept meurtriers de sa femme qui a été tuée au cours d'un braquage. Mais même cela, si l'on n'est pas au courant du synopsis, on ne l'apprend qu'assez tard dans le film, après, en tout cas, que Stride ait descendu deux hommes a priori sans raison en pleine nature au coin du feu. Stride vient ensuite en aide à un jeune couple en difficulté qui voyage dans un de ces pittoresques et robustes chariots de l'Ouest, et l'intrigue prend déjà un tour inattendu lorsque le trio rencontre deux bandits qui ne font pas partie des hommes recherchés par Stride. Le couple est constitué d'un homme, semble-t-il assez lâche, et de sa - bien sûr - très jolie femme, et l'on sent bien que l'homme n'est pas aussi innocent qu'il n'en a l'air. Les deux bandits suivent un but assez peu clair et le chef est joué par l'excellent Lee Marvin qui parvient à donner à son personnage une épaisseur et une ambivalence formidable. Comme dans Comanche Station (et comme probablement dans la plupart des films de cette série) une tension crispante se développe dans la petite troupe dans la mesure où le bandit s'intéresse de près à la femme jouée par Gail Russel, que celle-ci semble être plus qu’intéressée par le héros, et que son pauvre mari, qui n'a pas les épaules pour s'opposer à ces deux mecs qui en ont, est condamné à supporter tout ça sans rien dire. La femme passe sont temps à proposer du café aux hommes, comme pour conjurer le trouble qu'elle fait naître en eux, elle est attirée par la force de Stride mais elle a été séduite par la douceur et peut-être les failles de son mari. Encore un choix impossible entre les hommes rendus charmants, doux et faibles par la civilisation et les hommes, les vrais, pleins de testostérone, sauvages et irrésistibles?

Dans tout ça, l'on en vient à se demander où sont les cinq hommes qui restent à abattre puisque à ce stade on a compris que les deux tués du début faisaient partie de la bande. On finira bien sûr par les trouver, et même si ces cinq là, à l'exception de leur chef, n'ont pas une personnalité très développée, le scénario réserve encore quelques petites surprises dans son sac. On n'échappe pas malheureusement aux sempiternels échanges de coups de feu dans les rochers, mais il faut noter qu'ils sont ici bien mieux menés que dans Comanche Station, avec de vrais morceaux de bravoure comme lorsque Stride, blessé, se cache sous un rocher, et attend, tel un crotale, que ceux qui veulent le tuer arrivent à sa hauteur.

La mise en scène est nerveuse, minimaliste et va à l'essentiel, mais elle devrait beaucoup plaire aux aficionados du western spaghetti, avec une multitude de plans sous la pluie, dans la boue des cadrages soignés en veux-tu en voilà, des sous-entendus incessants et des regards sombres et durs; et avec cette idée magnifique du coffre de la Wells Fargo, posé à même le sol en plein milieu d'un cirque rocheux et Stride, blessé, à ses côtés attendant les ennemis de pied ferme. La séquence inaugurale également, où Stride abat ses deux premières victimes, est riche de dialogues qui se veulent cordiaux et simples, mais marmonnés les dents serrées et le regard fixe, et l'on remarque que la tasse de café de Stride passe de sa main droite à sa main gauche afin de pouvoir dégainer, et l'on constate que l'un des deux homme fait de même avec sa propre tasse de café, la tension montant alors d'un cran avant que les armes ne parlent hors champ. Des petits détails peut-être insignifiants mais qui sont la marque d'une série B de qualité réalisée par des artisans qui aimaient leur métier. A voir !

Images: forum.westernmovies.fr





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