William Farnum, deuxième à partir de la gauche, William S. Hart, à droite, dans Ben Hur en 1899
William S. Hart
1929
Lire l’autobiographie de William S. Hart est à la fois incroyablement passionnant et démesurément décevant. Passionnant à cause du parcours de l’acteur, cet homme à la croisée des chemins, cet homme qui aura su faire le bon choix en exploitant la bonne idée au bon moment !
Son enfance est fascinante, il l’a vécue en majeure partie dans l’Ouest, il a côtoyé les Sioux et parlé leur langue, il a été sensibilisé à leur cause et à joué avec eux, il a croisé des vétérans de la guerre de sécession en vareuse et il s’est trouvé au beau milieu de gunfights, il a foulé du pied l’Ouest que l’on chérit dans nos westerns. Et l’aspect remarquable de son ouvrage est que la description qu’il en donne provoque une imagerie chez le lecteur totalement éloignée des westerns : lui et son père voyagent essentiellement à pied, son père étant meunier, ils voyagent le long des rivières à la recherche de moulins. Hart raconte son ouverture aux autres, son apprentissage de la vie, de petits boulots dans les ranchs en expériences diverses, Hart décrit toujours l’entraide et la fraternité entre les hommes de l’ouest, et la place centrale de la famille. C’est la grande force de l’acteur de ne pas avoir cherché à rapprocher sa vie réelle de sa vie de pellicule, comme il aurait pu être tentant de le faire à l’époque.
Néanmoins, la lecture de My life East and West se révèle largement frustrante également, tant Hart se refuse à laisser parler ses émotions, à analyser sa situation autrement que par la description de successions d’anecdotes et de souvenirs enfilés les uns à la suite des autres. Hart raconte sa vie, mais il ne l’organise pas, il n’explique pas ses choix ni ses motivation, ni ses passions ou ses tourments, à deux exceptions près : la révélation de sa vie, à savoir l’intuition formidable qu’il pourrait devenir une star de westerns après en avoir vu un très mauvais au cinéma, et la réalisation, quelques années plus tard, qu’il fut financièrement floué par son producteur : Thomas H. Ince. En dehors de ces deux épisodes, Hart ne s’épanche pas, il raconte peu ses films et ce qu’il a voulu y mettre (et il en va de même pour sa période théâtrale) et préfère se souvenir de ses chevaux, il ne raconte pas ses amours et passe pudiquement sur les nombreux scandales de sa vie de star. Pour en savoir plus sur ces sujets, il vaut mieux se reporter à l’introduction de la réédition de 1994 par The Lakeside Classics.
Au final, la sensation d’un acte manqué subsiste, un homme qui aura vécu la fin de l’Ouest, goûté à la différence entre l’Ouest et l’Est, la transition de la rusticité à la civilisation, un changement de carrière du théâtre au cinéma pile au bon moment (le nombre de théâtres déclinant largement aux Etats-Unis dans les années 10 et 20) aurait pu largement pu donner plus de matière, plus de passion, plus d’envie d’en connaître. My life East and West reste un témoignage intéressant sur le vieil Ouest, sur le monde du théâtre américain des années 1900 et sur le très jeune cinéma hollywoodien. Mais c’est bien aux historiens qu’il revient d’analyser tout ça et de nous le délivrer de façon cohérente et analytique.
Où le lire : Réédition (en anglais) par The Lakeside Classics en 1994, en version légèrement expurgée de détails familiaux qui auraient « ennuyé le lecteur ». « La pensée de l’auteur n’a pas été altérée » précise l’éditeur.
Image: http://filesofjerryblake.netfirms.com/index.htm
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