Pathfinder
2007
Marcus Nispel
Avec: Karl Urban
L’Amérique du Nord précolombienne est un fatras de grosses racines enchevêtrées nimbées d’une brume permanente savamment CGIsée. Les arbres semblent avoir oublié que pousser tout droit est une option, les précipices de trois kilomètres de haut disposent judicieusement d’une étroite corniche pour que les Vikings puissent se promener. La pluie et la neige sont si nettes et si belles qu’on en viendrait à mépriser le soleil. C’est dans cet environnement véritablement étudié au pixel près que Karl Urban, taillé comme un panneau cédez le passage, charcle du méchant Viking pour le compte des gentils indiens. Il faut dire qu’il a été Viking dans sa jeunesse, et donc, qu’il sait manier l’épée, et donc qu’il est capable de débiter du Viking au kilomètre, aidé également par le fait que ceux-ci ont la sale manie de se battre au ralenti, ce qui permet d’ajuster ses coups. Le ralenti à outrance, fléau des années 2000 est ici bien de la partie, les chevaux galopent au ralenti, les têtes éclatent au ralenti et le héros baise l’indienne au ralenti, anéantissant totalement l’érotisme d’une scène obligée qui n’émoustillera plus grand monde (par contre, les nuages parfois, avancent en accéléré, allez comprendre...).
Les Northmen pourtant sont magnifiques, Marcus Nispel en a fait des monstres, des tas de muscles impressionnants, des montagnes puissantes recouvertes de peau de bêtes, de cotes de maille, de casques aux excroissances cornues anarchiques. Le responsable costumes a du s’éclater. On ne sait plus où est l’humain là dessous, parfois on surprend un regard ou une dentition déplorable. La bête Viking feule, grogne, parle rarement, et quand elle parle c’est pour se désigner comme “être humain” alors que justement elle n’a rien d’humain, ni pitié, ni amour, ni humour. Et cette opposition avec les indiens simples, presque pas armés, souriants, aimant, formant une communauté vivante résonne avec le peuple Cheyenne des westerns qui eux aussi se désigneront sous le terme “êtres humains” et est renforcée par le fait que les indiens parlent anglais alors que les Vikings parlent un sabir incompréhensible.
Le film sait être efficace et n’hésite pas à flirter avec le n’importe quoi sans jamais dépasser le seuil de tolérance nanardesque du plus ingrat des fans de film à testostérone. Après une poursuite en luge (le réalisateur fait faire du surf des neiges au héros sur un bouclier, totalement improbable, mais celui-ci reste couché sur son bouclier tout de même, pas debout, ce qui là aurait été véritablement ridicule…), les Vikings vont faire un peu de spéléo dans des grottes curieusement peu photogéniques, puis de l’alpinisme, encordés et tout et tout. L’espace, les dangers naturels (glace qui craque, avalanche qui gronde, grizzly massif qui fonce) sont bien exploités, le film évite de s’apesantir trop longuement sur une élimination one by one Rambo style avec des pièges aux piquants de bois couverts de mousse pour favoriser une sorte de huis clos à ciel ouvert, avec tension palpable et comment vont-ils s’en sortir et tout le toutim.
Bref, malgré tout, on en vient à se dire que tout cela est fort divertissant et qu’on prend bien son pied, et ce n’est pas l’immonde, mais ô combien fréquent préchi-précha à deux balles des indiens qui va nous arrêter. Trouve ta propre voie, chacun sa route, chacun son chemin, passe le message à ton voisin. L’homme est dévoré par deux forces qui s’opposent, l’amour et la haine bla bla, suis mes conseils et je suivrai ta voie, on s’y perdrait si on écoutait, mais heureusement on n’écoute plus, on préfère admirer les monstrueux Vikings éclater des têtes à la masse d’arme, juchés sur d’improbables montures qui tiennent plus du char d’assaut que du cheval. Et c’est dans les scènes coupées qu’il faut aller chercher des séquences qui échappent un peu au marasme consensuel hollywoodien actuel: l’indienne subrepticement, vérifie que la bite de son héros gravement blessé est encore à l’endroit où elle devrait être et l’indien muet pète, au détour d’un bivouac, pour détendre l’atmosphère. La musique ne dépasse pas le cadre du simple accompagnement, les cordes font lourdement “honnnn” tandis que des chœurs discrets tentent d’appuyer la monstruosité des crimes commis, mais ça ne décolle jamais, parfois on croit que ça va s’élever, nous filer des frissons comme le ferait Arvo Pärt, mais non, malheureusement, tout cela reste au ras des pâquerettes, comme ces corbeaux qui sont là à chaque fois que les Vikings apparaissent. Mais si vous êtes bon public comme moi, le film devrait grandement vous satisfaire, même si le cinéma est relégué au second plan derrière l’esthétique, d’autant que le film qui n’a pas marché a sûrement déjà le statut de film “maudit” ou “culte” ou ce que vous voudrez. Et pour les fans de western, on retrouve deux acteurs native, Jay Tavare (The missing, Cold Mountain, Into the West) et Russel Means (Tueurs nés, Into the West, Le dernier des Mohicans), ce qui me permet de classer ce film dans “En marge du western”, hop!
Il vous sera difficile de gober sans plus de cérémonie que nous tenons là, avec Pathfinder du teuton Nispel (çui du corrèque remake de Massacre à Tronçonneuse), un fichu bon film. Autant qu'à moi de vous le vendre comme tel. Et pourtant.
RépondreSupprimerPourtant le plaisir est multiplement coupable (pour qui saura condescendre au niveau) devant cette dark fantasy (genre difficilement bittable, je le concède bien volontiers) exagérément graphique (Le Seigneur des Anneaux passerait à côté pour de l'Alain cavalier !), psychologiquement sommaire (Apocalypto en regard, c'est du Moretti) et bourrinement déroulé (Rambo 2 fait figure, par comparaison, de dentelle de Calais)... car il relève du double genre de l'épique à testostérone (et homo-érotisme refoulé) et du film maudit.
Epique ? Rien à ajouter: des clang ! à gogos et un rythme effréné de survival où l'on casse des crânes, arrache des zoeuils et empale qui le veut bien, le tout porté par un souffle, une emphase quasi myhologique (la topographie et la gestion de l'espace comme allié/ennemi sont cependant fort mal gaulées) digne des plus grands récits pour petits garçons rêvant XXL et se réveillant avec une carte de France et l'irrépressible envie de signer à la Légion Etrangère.
Maudit donc, car, à l'instar du 13ème Guerrier de McTiernan (auquel il est impossible de ne pas penser), le métrage a été amputé d'une bonne heure par les exécutifs de la Fox, sacrifiant ainsi les relations entre caractères et une certaine cohésion générale (même le chaos, quand c'est pas un peu organisé, c'est la merde) nuisant fort possiblement à l'entreprise (en même temps le principe du film maudit c'est de fantasmer ce à quoi il aurait pu tendre en omettant scrupuleusement de songer à ce qu'il puisse être une égale (ou pire) bouse !).
A voir enfin pour les plus courageux, non pas pour le fadasse Karl Uban (qui ferait réevaluer Orlando Bloom en Christian Bale), hagard néo-zélandais portant grosse épée depuis Xena (en passant par la trilogie LOTR donc) qu'il troquera prochainement contre un sous-pull Star Trekien (un remake fort superflu annoncé pour mai 2009 par l'alter-emmerichien JJ Abrams), mais bien (si l'on parvient à se contenter de charisme poilu et orbital en lieu et place d'acting) pour de chouettes retrouvailles cinématographiques avec le gaillard bourru de Clancy Brown (Highlander, Starship Troopers), dernièrement abonné à la téloche (Lost, Carnivàle) et à la voix off pour épongesque Bob ou neutronné Jimmy.
ah oui ! je me suis bien bidonské à vous lire.
RépondreSupprimerOuah ! Deux supercritiques pour le prix (même pas cher) d'une ! Et en plus, je me suis bien bidonné aussi. Merci à vous deux.
RépondreSupprimerSeulement, pour ce qui est de voir ce film, ben... Et si on a vu Outlander (pas le 4X4 de Mitsubishi mais le film avec des Vikings, comme Beowulf) avec le charismatique James Jim Caveziel, ça peut faire la blague ?
Et puis pourquoi Pathfinder d'abord ? Parce qu'il a un Nissan ?
Il est interdit de parler de 4x4, de Nissan ou de Nouvelle Star sur ce blog!
RépondreSupprimerPathfinder, c'est le guide, et ça se réfère à une légende indienne. Et le film est plus ou moins le remake d'un film du même titre de 1987 réalisé par Nils Gaup, mais sans indiens.
"pathfinder", ce serait même - et plutôt - "l'éclaireur" en bon anglais.
RépondreSupprimerEt les chevaux, aussi bien Rex the wonder horse que le blanc de Tepepa qui parle au capot de la bagnole d'Orson Welles, ce sont des 4X4. Qui polluent juste par le crottin.
Les quatre pattes du cheval sont-elles vraiment toutes motrices? Dans le cas contraire, ce ne serait pas un 4x4.
RépondreSupprimerEffectivement, il se pourrait que le cheval, à l'instar de nombreux autres animaux tel le guépard, soit une propulsion, ce qui fait de ses avants des pattes pour guider.
RépondreSupprimerJe me renseigne... Google... L'éléphant est un 4X4... Le cheval de trait... Bon, on se rappelle et on en reparle, hein !
OK, tiens moi au courant...
RépondreSupprimerJe n'ai toujours pas la réponse et, j'avoue, je n'ai pas cherché assidument.
RépondreSupprimerEn revanche, les chats rêvent. Ca vaut ce que ça vaut mais, mine de rien, c'est une vieille découverte capitale.
D'après mes recherches - mais rien n'est spécifié précisement -, le cheval serait un quatre pattes motrices, avec un différentiel très pointu entre les antérieurs et les postérieurs.
RépondreSupprimerCependant, une bonne nouvelle : grâce à moi, quand tu gougueulise "combien de pattes motrices a un cheval", ton blog apparaît dès la deuxième page de résultats.
Désolé d'avance pour les fans de Pierrette Brès qui vont venir te pourrir la vie...