Des westerns partagés par un amateur, sans prétention journalistique, sans rigueur historique et sans faux col. N'utilisez pas ces articles pour votre thèse sur le western.
dimanche 16 février 2014
Silverado
Silverado
1985
Lawrence Kasdan
Avec: Scott Glenn, Kevin Kline, Danny Glover, Kevin Costner
J'avais dans les dix ans, un grand sourire aux lèvres. A trente secondes du début de Silverado, je savais déjà que je ne serais pas déçu. Scott Glenn, héros taciturne devant l'éternel tirait à tout va dans une cabane miteuse, les méchants pleuvaient de façon méchamment cinégénique, l'extase du western à l'état pur comme dirait une jaquette Evidis. Le genre d'intro qui vous fait dire des conneries trente ans plus tard, des conneries sur un genre de cinéma généreux qui aurait disparu, avec des vrais figurants qui tombent en vrai, et non pas des modélisations numériques ratées. C'est pas dans les merdes qui se tournent aujourd'hui que ça arriverait une intro pareille pourrais-je dire si j'appartenais à cette frange cinéphile qui considère que l'âge d'or du cinéma commercial est passé, cet âge d'or correspondant toujours, curieusement, à l'époque même où les représentants de cette frange sont devenus cinéphiles.
Scott Glenn donc, tiraille partout, et il est cool. Je l'ai revu dans Vertical Limit, ce film qui possède la plus efficace bande annonce de tous les temps. Je me souviens avoir vu la bande annonce de Vertical Limit alors que j'allais voir Amélie Poulain, ce film miraculeux qui attira au cinéma des gens qui n'y allaient plus depuis des années. Je constate avec mépris pour moi-même que je fais désormais partie de cette population, putain de sédentaire qui ne se bouge le cul pour voir un film qu'une fois par an, mais ce n'est pas le sujet. Le sujet c'est Silverado, mais je dois d'abord terminer ma parenthèse sur Vertical Limit. Au cinéma, attendant Amélie Poulain donc, j'étais assis aux cotés d'un vieux couple de ces gens sortis de leur léthargie cinématographique par Jeunet, et la bande annonce de Vertical Limit se déploya alors dans toute sa monstrueuse virtuosité. Malgré l'enthousiasme suscité en moi par ladite bande annonce, j'eu le temps d'observer l'état de choc de mes voisins, leur incrédulité manifeste devant tant de maestria au service de rien d'autre qu'elle même. L'homme se fendit même d'un "Ce n'est pas possible", lui qui n'était jamais retourné en salle depuis Love Story en 1970, ce film miraculeux qui fit pleurer tout le monde. Plus tard, j'ai regardé la version longue de la bande annonce de Vertical Limit (c'est-à-dire le film quoi) et franchement c'était trop bon de revoir Scott Glenn en vieux Rambo des montagnards, pendant que les jeunes insignifiants courraient à 6000 mètres d'altitude avec de la nitroglycérine dans la poche isotherme de leur sac Quechua. Scott Glenn le taiseux, c'est mon mec, mon idole, une partie de mon héros modèle de mes 10 ans, modèle constitué également d'une bonne dose de Clint Eastwood et d'un charme de Cobra, le héros macho de tous les temps avec son canon à rayon delta planqué dans son bras gauche.
Il y avait des trucs que j'étais trop jeune pour voir, dans Silverado. Je ne connaissais pas John Cleese, et je ne risquais donc pas d'apprécier l'incongruité de sa présence dans un western. Je ne connaissais pas non plus Kevin Kline, et je ne pouvais pas non plus apprécier l'incongruité de sa présence dans un western. J'ai retenu par contre le nom de Lawrence Kasdan, parce que j'ai attendu longtemps qu'il refasse un bon western. Trop longtemps sans doute, aujourd'hui il semble préférer refaire du Star Wars. Incidemment, j'ai découvert Star Wars à peu près à la même époque que Silverado, et sacrément déçu je fus. On m'avait vendu un super film galactique et je ne trouvais rien qui fut à la hauteur de ce que j'avais déjà vu 1000 fois dans Capitaine Flam, Goldorak et Cobra. Dans Cobra, il y avait plus de richesse, de trouvailles et de violence que dans Star Wars, que j'avais trouvé - à la limite - sans intérêt. Ça me rappelle que dans Compañeros je crois, il y a un faux duel où les deux protagonistes qui se font face se retournent soudain pour abattre des types planqués tout autour. Et bien il y a exactement la même scène dans un épisode de Cobra (si j'avais le temps pour ces conneries je ferais un petit montage sur youtube). Comme quoi les liens tissés entre space opéra et western sont multiples, comme lors de cette scène où Han Solo fait face à un chasseur de primes à la table d'un saloon. Mon fils étant à fond Star Wars en ce moment grâce aux Lego et autres Angry Birds, je me suis refadé les six épisodes quand ils sont repassé sur M6, et finalement j'ai trouvé l'ensemble pas mal, avec ces sauts temporels d'épisodes en épisodes, un scénario simple mais qui prend le temps de se développer et des personnages attachants. Kasdan a sans doute raison de se remettre à Star Wars aujourd'hui, il y a sans doute plus de potentiel là dedans avec un Mark Hamill et une Carrie Fischer grassouillets que dans un Silverado 2 avec un Kevin Costner bedonnant et un Danny Glover cette fois vraiment trop vieux pour ces conneries.
En 1991, alors que personne ne pensait que la prélogie Star Wars sortirait un jour, Lawrence Kasdan avait sorti Grand Canyon. Je ne crois pas avoir vu ce film, mais j'avais dû voir des extraits à la télé pendant la promo, parce que j'avais été attiré par le titre, pensez-vous, Grand Canyon, ça sent un peu le western non? Ben en fait non. A la fin du film, tous les protagonistes contemporains se retrouvent au Grand Canyon, et il y est dit que quand on se retrouve devant le Grand Canyon, on est pris par la démesure du lieu à tel point qu'on remet en cause la futilité de ses petits problèmes. C'est un peu comme de regarder le ciel étoilé une nuit d'été à la campagne avec les grillons qui bruissent doucement à vos pieds et la rumeur d'une voiture ou d'une vache dans le lointain. Je m'étais dit, il faut que je vois le Grand Canyon un jour, il le faut, il le faut, pour ressentir ce grand vide. Bon, vingt ans plus tard, je n'ai toujours pas vu le Grand Canyon, ni d'ailleurs le film de Kasdan, heureusement une fois tous les cinq ou six ans, on a un été pas trop pourri en France et je peux me sentir tout petit face à l'immensité du cosmos.
Mais par ailleurs en 91, j'avais l'âge où l'on dénigre tout, l'âge où l'on remet en cause les enthousiasmes d'antan. Je n'aimais plus Silverado, j'en ai déjà parlé quelque part je radote, mais je méprisais le manichéisme du scénario, je méprisais l'anti-racisme consensuel du film, avec Danny Glover qui ose la phrase la plus lamentable possible sur le sujet : "C'est pas juste !". C'est pas juste non de nous servir des dialogues de CM2, et ça me rappelle un passage dans un roman de Pennac où l'avocat débutant de Mallaussène, pris de court par l'accusation, lance un "C'est pas vrai !" devant son auditoire éberlué. A la fin, Kline tue le méchant Shérif pour devenir Shérif à sa place. J'avais demandé à mon père, est ce que, si j'allais tuer le Capitaine de la gendarmerie locale, je pourrais prendre son poste aussi facilement. C'était mon état d'esprit d'alors, con et prétentieux. En 1994, Kasdan cesserait immédiatement d'être mon ami, en signant le calamiteux Wyatt Earp.
Comme dirait Kool Shen, aujourd'hui je me réveille et j'ai bien plus de trente ans, cumulé j'ai passé 6 mois de ma vie à regarder des westerns. Et Silverado est un putain de bon western bien gaulé, avec une belle gueule d'entertainment, une musique proprement épouvantable, absolument dégueulasse mais que j'aime bien quand même, un rythme sans faille, une bonne humeur communicative, un Kevin Costner jeune et gouailleur qui crie Hiyaa!! , un Scott Glenn qui se prend une balle dans la cuisse et qui reste cool, et un Danny Glover qui se la ramène furieusement avec ses deux carabines à répétition. Un vrai bon film populaire et maîtrisé. Pas comme ces merdes qui se produisent de nos jours...
Image: The Cemetery Kid sur Western Movies
samedi 8 février 2014
Croix de fer
Cross of Iron
1977
Sam Peckinpah
Avec : James Coburn
Je me souviens de la déception éprouvée en découvrant ce chef d’œuvre de Sam Peckinpah. Je me souviens que cette déception était du même ordre que celle endurée lors de la Horde Sauvage. La violence chez Peckinpah n’est jamais divertissante. On vient voir un film de guerre avec tout plein de morts qui voltigent dans les airs, des ralentis du feu de dieu, des mitraillages dans tous les sens. Et c’est exactement ce qu’on obtient, mais on n’éprouve pas de plaisir comme on en éprouve quand les aigles attaquent. Je me souviens de cette amertume, de ce sourire désabusé d’un James Coburn vieilli, parfaitement fondu dans des fonds verdâtres. Je me souviens aussi d’avoir vu ce film après Il Faut Sauver Le Soldat Ryan, et je me souviens avoir trouvé que le film avait vieilli, que les scènes de combat manquaient d’intensité, pas aidées sans doute par le manque de moyens de Peckinpah à l’époque. Je me souviens avoir parlé d'Il Faut Sauver Le Soldat Ryan à un ami allemand. Dubitatif il était. « Oui, j’imagine que dans ce film les allemands sont grands, blonds et très cruels » me dit-il alors en substance. Je lui répondis que non, le traitement me semblait très équilibré, que le film s’appliquait juste à montrer que la guerre est une saloperie sans nom qui fait ressortir le pire de l’être humain, et parfois le meilleur. J’espère que mon ami allemand – que j’ai malheureusement quelque peu perdu de vue – a vu Cross Of Iron, qui montre avec éclat que la guerre ne fait ressortir que le pire chez l’être humain, que ce soit côté Axe ou côté Alliés. Je me souviens que Les Sentiers de la Gloire traitait de la même chose, des types normaux broyés par la stupidité de l’état-major. Je me souviens de Full Metal Jacket, et du sourire de dément de Baleine, et je me souviens d'Outrages, qui montre aussi des types normaux qui n’auraient jamais violé personne dans le civil, mais que la guerre ramène joyeusement à leur instinct primaire. Je me souviens de Iwo Jima et ces soldats japonais qui se font Hara Kiri à la grenade. Et je me souviens de ce type qui tombe, chevauchant une bombe H, image à jamais gravé dans la rétine de mes huit ans. Comme dirait Jodorowsky, je me souviens…