Des westerns partagés par un amateur, sans prétention journalistique, sans rigueur historique et sans faux col. N'utilisez pas ces articles pour votre thèse sur le western.
samedi 20 décembre 2014
La Dernière Piste
Meek's Cutoff
Kelly Reichardt
2011
Avec: Michelle Williams, Bruce Greenwood
Sous ce titre français qui pourrait parfaitement convenir à un Blueberry, on trouve un western lent, mélancolique et métaphorique qui est si éloigné de Blueberry que je me demande si les traducteurs français ne se sont pas fait une petite private joke entre eux. Une petite caravane de colons dans des chariots bâchés qui marchent vers leur terre promise. L'eau est rare, les hommes sont attentifs à la santé des bœufs qui tirent les chariots. Les femmes marchent à coté. Pas de winchesters, pas de colt 45, mais des fusils mono-coup qui se rechargent lentement avec une baguette pour tasser la poudre noire au fond de la culasse. On doit pas être plus loin que les années 1850. La caravane est perdue, les hommes se méfient de leur guide, un homme qui se donne des airs de Kit Carson, mais qui paraît bien trop bavard pour être aussi expérimenté qu'il ne le dit. Quand l'eau vient à manquer et que l'une des femmes se retrouve nez à nez avec un indien, le drame peut commencer à se nouer.
Le problème c'est que la lenteur du film finit vraiment par le desservir. Kelly Reichardt filme par petites touches, entrecoupe la progression narrative de petits instants du quotidien, filmés en caméra fixe, sans accompagnement musical autre que celui des grillons. Quand la musique apparaît, elle est bien sûr minimaliste, une sorte de longue plainte instrumentale. Les hommes discutent, les femmes observent de loin. On se retrouve vite en terrain connu du film intimiste, qui se veut profond et chargé de sens, sens qui reste naturellement obscur et que la seule force des images doit nous révéler. On en a vu des tonnes de ces films qui délaissent intrigue, narration, scénario et écriture pour se concentrer sur les paysages, les visages, les voix, les sons, les non-dits qu'il faut deviner soi-même, les questions bien évidemment sans réponse parce que ça ferait trop mainstream de donner des réponses. Je peux spolier la fin parce qu'il n'y a rien à spolier. L'indien mystérieux continue à marcher vers l'horizon et semble disparaître, un peu comme Clint Eastwood à la fin de L'Homme des Hautes Plaines. Au moment où l'on voit l'image, on sait que le plan suivant sera le générique, que l'on se sentira floués et trahis, comme à chaque fois qu'un film ne va pas au bout, comme dans tous les Jarmusch, dans tous les Wenders, et comme sans doute dans tous les Malick si je réussissais à aller au bout d'un de ses films. Kelly Reichardt semble marcher dans les traces de ces gars là, elle s'est déjà approprié leur grammaire et leur manière d'énerver les gens comme moi qui préfèrent les bonnes histoires au m'as-tu-vu formel.
Sur ce point là au moins le film est irréprochable. Sur le parti-pris de filmer en 1:33 rien que pour faire différemment de tous ceux qui pensent que le scope est fait pour le western, je ne dirai rien. Les images sont magnifiques, vous verrez la caravane avancer sur fond de splendides paysages, lentement, la caméra reste fixe jusqu'à la dernière roue de chariot, et reste quelques minutes de plus pour être sûr que vous ne loupiez pas le coucher de soleil derrière pour enchaîner sur un fondu irréel. Dans Le Nouveau Monde, Terence Malick m'avait scotché pendant environ une demi-heure avec sa manière de filmer les herbes, les plantes, les marécages et les oiseaux dans le ciel, avant que je ne décroche. Kelly Reichardt réussit la même prouesse pendant dix minutes. La couleur des herbes grillées par le soleil et les couleurs des robes des femmes, la luminosité des plans forment des images exceptionnelles. La réalisatrice filme à hauteur d'herbe, les grandes tiges au premier plan qui strient l'image rappellent la pellicule rayée des vieux films, parallèle d'autant plus fort que de nombreuses séquences sont muettes et documentent la vie des pionniers, comme si Edison avait été là pour les filmer. C'est un travail de composition admirable, mais qui n'est pas auto-suffisant, qui tourne en rond et se répète, et qui m'a fait décrocher. Rapidement mon attention est partie ailleurs, pour se refocaliser sur l'image quand la réalisatrice réussit un nouveau tour de force visuel pour retomber ensuite et s'effondrer quand on comprend qu'il n'y aura pas de fin, pas de conclusion, qu'il n'y avait ni enjeu, ni histoire. Il restera malgré tout un souvenir diffus, une mélancolie contemplative certes pas très originale mais bien travaillée, et un aperçu de la vie des pionniers, épurée du romantisme westernien habituel. C'est déjà pas mal.
Les avis plus respectables et enthousiastes de:
- il a osé: http://ilaose.blogspot.fr/2011/12/la-derniere-piste.html
- Inisfree: http://inisfree.hautetfort.com/archive/2011/09/03/meek-s-cutoff.html
Salut charlie !
RépondreSupprimerUn écouvillon, ça sert à nettoyer, pas à charger.
C'est avec une baguette qu'on pousse le boulet et la bourre
vers le bas.
Merci pour cette précision, c'est corrigé.
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