1971
Joaquin Romero Marchent
Avec: Robert Hundar, Emma Cohen, Manuel Tejada, Alberto Dalbes.
Un convoi de prisonniers psychopathes condamnés à perpétuité est attaqué, et ça tourne plutôt mal. Il reste le sergent Brown, sa fille (déjà on se demande ce qu’elle fout là), et sept ou huit timbrés enchaînés ensembles. La petite troupe doit à présent survivre à pied, dans les montagnes, avec le froid et la faim pour les aider. Et on peut difficilement compter sur des névropathes pour faciliter la vie de Brown et sa fille. Une seule idée fait son chemin dans l’esprit torturé des prisonniers : éviscérer le sergent, violer la fille et se faire la belle. En outre, les chaînes qui les maintiennent attachés sont en or, un petit truc de l'armée pour convoyer de l’or incognito et sans risque. Quand l’un des sociopathes découvre le pot aux roses, c’est la fin des haricots.
La légende veut que ce western soit le plus violent jamais tourné en Europe. Et le fait que le film soit resté inédit en France n'est pas fait pour atténuer le coté "culte" du truc. Je vous vois venir, vous voulez savoir ce qu'il en est réellement. Le film est il à la hauteur de cette réputation légendaire ? Et bien OUI. Parmi tous les westerns spaghetti que j’ai vu, il s’agit bien du plus violent, entaché de mutilations, d’éventrations, de corps carbonisés, de viol et de tripes sanguilonentes, ce film ne fait pas mentir sa réputation. Mais attention, bande de pervers nourris à coup de Hostel ou autre joyeusetés, j’ai bien dis le plus violent des westerns spaghetti, rappelez vous que la mode des westerns spaghetti s’est éteinte vers 1977. Aussi faut il remettre cet aspect légèrement gore dans le contexte de l’époque : les effets ont vieillis et je suis sûr que le film ferait marrer la plupart d’entre vous, même si en ce qui me concerne certains plans m’ont quelque peu fait frémir… Vous voilà prévenus.
Maintenant qu’on a évacué l’aspect le plus spectaculaire du film, que reste t-il ? Il reste une atmosphère poisseuse, morbide, malsaine. Ce qui est intéressant, c’est la manière dont la tension monte lentement. Les joyeusetés macabres commencent d’abord avec les cadavres, car quand l’un des prisonniers enchaîné meurt, il faut bien tailler dans le gras pour éviter d’avoir à le trimballer. La musique discordante et oppressante donne le ton. Les flashbacks secs et nerveux avec arrêts sur image montrent les crimes des bagnards et quelques instants fugaces du passé heureux de Brown. La fille se ballade pendant tout le film avec une pancarte "rape me" accrochée au cou, mais pas en vrai, c'est juste une image. La violence est brusque, rapide et sans complaisance. Le fantastique surgit même, quand l’un des héros voit surgir un cadavre fantôme, qui ferait presque penser à un film de zombie (hé, j’ai dis presque). Et la neige, cette neige qui ralentit tout le monde, elle rappelle Le Grand Silence, mais sans ajouter cette touche mélancolique et silencieuse justement, qui faisait la beauté cachée du chef d’œuvre de Corbucci.
Alors, le film est il le joyau méconnu de ce genre si décrié ? Est il le petit secret flamboyant réservé à quelques aficionados ? Ben non, faut arrêter les fantasmes, il faut juste prendre le film tel qu’il est avec ses défauts et ses réussites. Ce qui dérange le plus, finalement, c'est le message nihiliste un peu vain : l’homme est horrible, il ne faut faire confiance à personne, la cruauté et la méchanceté règnent sur ce monde. Peut-être Joaquin Romero Marchent a-t-il personnellement souffert, ou assisté à des scènes particulièrement horribles au cours de sa vie, à l’instar du réalisateur de Tire Encore si tu Peux, ce qui expliquerait une vision aussi noire de l’humanité. Peut-être est il tout simplement un opportuniste qui a réussi à faire plus gore, plus malsain que tout le monde à une période clé de l’histoire du genre.
Quoi qu’il en soit, si vous aimez les films un peu extrêmes et que les oeuvres un peu datées ne vous font pas peur, Condenados a vivir est fait pour vous, même si vous n'êtes pas trop portés sur le western. En effet, le terme « western » ici n’a plus grand sens, vous pouvez transposer le scénario facilement dans la région et à l'époque qui vous convient le mieux. C'est d'ailleurs quasiment ce que j'ai fais, car on apprend dès le générique que le film a été tourné dans les Pyrénées dans la région de Huesca. Comme je connais un peu la région, l’ambiance « western » était dors et déjà perdue pour moi, j'essayais de reconnaître des lieux. Après tout l’histoire pourrait aussi bien se passer dans les Pyrénées au XIXe siècle, avec une bande de brigand, un gendarme et sa fille… Pourquoi pas ?
Pour finir, en 1971, le franquisme était toujours présent en Espagne, et j’ai cherché en vain une quelconque référence à la dictature ou à la situation de l’époque. Si j’en crois Jean François Giré, Marchent a reçu le prix du meilleur réalisateur en Espagne pour ce film. Curieux de voir que dans une dictature, un tel film pouvait voir le jour et recevoir un prix, tout en restant inédit dans la démocratie pompidolienne (censure ?). Mais je ne suis pas historien et ma vision du franquisme est sans doute trop simpliste et naïve pour appréhender la complexité de ce genre de faux paradoxe. D'après un membre du Spaghetti Web Board, la dictature franquiste n'en avait rien à secouer de la violence dans tous les westerns spaghetti tournés sur son sol, tant que l'église n'était pas attaquée. De même, le fait que de si nombreux westerns montrent des révolutionnaires massacrer l'armée mexicaine régulière au service de petits dictateurs locaux ne faisait pas tilt dans la tête des censeurs franquistes, tant que ce n'était pas le franquisme qui était directement visé. Et puis il ne faut pas oublier le coté économique de cette industrie jadis florissante qui incitait les autorités à l'indulgence. Mais tout ceci n'est que supposition et mériterait d'être étudié plus en profondeur par des spécialistes de l'histoire espagnole.
Où le voir: Qui sait ce qu'un simple d'esprit peut faire avec la technologie informatique de nos jours. Sinon il existe un DVD zone 0 (Cut Throats Nine). Dans les deux cas, il faut comprendre un peu l'anglais.
Le film serait tourné aujourd'hui, pour qu'il marche, il faudrait éviscérer la fille et violer le sergent.
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Gobierno de autoridad y orden público del General Franco
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