Par Schwartz et Yann
Le scénario dormait plus ou moins dans les tiroirs de Yann depuis des lustres. Il avait été prévu pour Chaland, et c’est Schwartz qui l’a finalement dessiné. Bam, l’album sort juste après le succès retentissant du Journal d’un Ingénu , et ça tombe bien, l’histoire reprend un peu la suite de l’album d’Emile Bravo, c'est-à-dire en 1942 en Belgique occupée. Spirou est résistant, toujours groom au Moustic Hôtel, mais dans un uniforme vert, Spip lui donne un coup de main, Fantasio invente ses trucs loufoques. Yann comme d’habitude, signe un scénario grinçant, ironique, qui ne lésine pas sur la violence malsaine et la méchanceté. Il n’oublie pas d’établir une réelle histoire d’aventure, avec des coups de théâtre, des mystères et de la technologie à gogo. Cet aspect là est réjouissant. Mais un autre aspect, conçu à la base pour être extra-réjouissant, commence à lasser sérieusement. Il s’agit des clins d’œil, ou des clins d’yeux je ne sais point comment on dit, qui pullulent littéralement dans cet album-ci, au point de donner une impression de gigantesque fourre-tout à destination des fans, un patchwork bricolé à partir de tout et n’importe quoi, puisque on y trouve pèle mêle des références à Buck Danny, à Blake et Mortimer, à La traversée de Paris, à Félix le chat, à Albert (de Chaland), à IBM, à Tif et Tondu et même à Superman et Daredevil et aux propres personnages de Yann. Hergé bien sûr, est multi-nommé, puisque les références qui lui sont associées s’étalent sur deux niveaux : le niveau réel, où Hergé existe réellement dans l’intrigue (on discute de son cas (collabo ou pas ?), on attend la parution du Trésor de Rackam le rouge dans Le Soir) et le niveau fictionnel, où des personnages d’Hergé sont aperçus à tous les coins de rue : Quick et Fluke, Jo et Zette, le professeur Tournesol, Müller. Il en va de même pour les références à l’univers de Spirou : Jean Doisy (l’inventeur de Fantasio) est de la partie, on trouve une rue Davine (l’épouse de Rob Vel), Franquin, Greg et Fournier sont cités, et moult anciens personnages sont réutilisés, à commencer par Poil Dur et le prof Samovar et son robot, le tout arrosé de belgicismes à n’en plus finir. On y voit aussi le petit Maurice, présent dans Quatre aventures de Spirou et dans Le journal d’un ingénu, et quand on sait que ce personnage était déjà, sous la plume de Franquin il y a soixante ans, une référence à Morris, qui doit bien être référencé quelque part dans l’album, l’accumulation commence à donner le tournis. On s’attend, certes, à une pelletée de références dans un One Shot tel que ce Groom vert-de-gris, mais là c’est l’apothéose, surtout que le tome 50 de la série officielle (Aux sources du Z, dans lequel Yann est intervenu) semble également incapable de proposer autre chose que cet auto-référencement qui n’a en fait jamais cessé depuis Fournier. Dans cet album, Spirou se promène au gré de ses propres aventures avec une tentative casse gueule de créer une sorte de continuité à la Marvel, on y retrouve à nouveau une foultitude de personnages anciens, avec cette désagréable impression de tourner en rond. Emile Bravo est censé donner une suite à son Journal d’un Ingénu, la partie va être rude, non seulement parce que Le Groom vert-de-gris peut déjà en être considéré comme une suite, mais surtout parce qu’il semblerait qu’on arrive à saturation de ces laborieux et incessants hommages à l’âge d’or de la série. Quitte à créer une continuité à la Marvel, il serait temps que quelqu’un dépoussière tout ça, tue Fantasio, ou Spip ou Zorglub même si c’est pour nous faire une résurrection dans cinq ans :-)
Image: lecomptoirdelabd.blog.lemonde.fr
Bah, tu perds ton temps à lire ce genre de trucs bien-pensants. Quant à lire du Spirou, mieux vaut se repencher sur "Le Nid de Marsupilamis". Autrement, lis les très obscurs de l'underground (enfin très obscurs pour toi !): Kim Deitch, S. Clay Wilson...
RépondreSupprimerCela dit, Yann (avec Lamy) a fait un truc vraiment génial : "Colt Walker", une BD western (il y a au moins 2 tomes à ma connaissance), avec un héros qui ressemble comme une goutte d'eau à Clint. Tu peux y assister, sur toute une planche, au rechargement laborieux dudit colt (car c'était bien avant l'avènement de la cartouche métallique!)
Quand j'avais 12 ans, j'étais fasciné par la projection du documentaire en couleurs sur la vie des marsupilamis ! L'obscurité de la salle, le faisceau du projecteur sur l'écran, Seccotine qui commente... Super ! :)
RépondreSupprimerJe veux dire que c'était l'intrusion magique du cinéma dans une BD, ça ouvrait de vachtées perspectives au rêve. Je sais pas si les mômes de maintenant peuvent être encore sensibles à ça comme je l'étais moi gamin des années 50/60...
RépondreSupprimerC'est joli cette idée du cinéma dans la BD. J'ai toujours aimé que les histoires incluent cet aspect "professionnel" des héros.
RépondreSupprimerSinon, je me suis risqué au Bravo après ton article et j'avais été séduit. Celui-ci, je l'ai acheté immédiatement et j'y ai pris beaucoup de plaisir, tout étant un peu de ton avis. Ces références tout azimuth finissent par parasiter la lecture que l'on pouvait avoir des albums de Franquin, le plaisir pur de l'aventure. Finalement, c'est peu comme un film de Tarantino.
Et puis je n'ai pas l'impression que la dimension érotique apporte grand chose. pour moi, les derniers albums et Tome et Janry ont fait le tour de la question.
Peut être qu'il aurait fallu faire comme Tintin et donner un point final à la série. trop tard.
La série Tintin est loin d'être finie avec toutes les parodies de très haute qualité qui sortent et qui prolongent agréablement la vie de notre reporter bien aimé. Lisez Hergi, Von K., vous en redemanderez !
RépondreSupprimerJe n'ai rien contre les parodies, au contraire, mais ce n'est pas la même chose. Je suis peut être un peu conservateur :)), mais Je n'arrive pas à lire Asterix sans Goscinny, Lucky Luke sans Morris, pas plus que je n'imagine Tintin sans Hergé. Spirou, c'est un peu particulier, même si la marque de Franquin a été si forte. Le travail de Fournier n'était pas sans charme, et j'ai vraiment aimé ce qu'on apporté Tome et Janry. maintenant, Munera, par exemple, c'est bien l'impasse.
RépondreSupprimerLes choses évoluent, à l'époque, Tome et Janry étaient très décriés, et il faut bien avouer qu'au niveau de la richesse des intrigues et de la création de personnages, ils n'ont pas apporté grand chose. Aujourd'hui, beaucoup de gens adorent cette période. Aujourd'hui c'est Munuera et Morvan qui s'en prennent plein la tronche, ils auront leurs fans un jour...
RépondreSupprimerLucky Luke, c'était tombé tellement bas que je trouve que les albums de Laurent Gerra ne manquent pas de qualité, malgré un petit coté calibré et manufacturé.
Don Cortisone, ça m'a toujours fait rire. J'ai toujours aimé leurs histoires, je trouve qu'ils ont su moderniser Spirou en gardant quelque chose de son esprit. Et puis j'étais resté sur le cul avec "Machine qui rêve".
RépondreSupprimerMunera, je n'ai rien contre dans l'absolu (L'impasse, c'est un gag dans le dernier) mais leur graphisme ne me touche pas et ce qu'ils font est tellement différent que que ça ne me semble plus Spirou du tout.
Ceci dit, moi qui était un fan des super héros américains il y a 20 ans, je suis tout aussi incapable de lire ce qui se fait aujourd'hui en la matière. conservateur, je te dis :)