Des westerns partagés par un amateur, sans prétention journalistique, sans rigueur historique et sans faux col. N'utilisez pas ces articles pour votre thèse sur le western.
lundi 20 août 2012
Texas
1969
Il Prezzo del Potere
Tonino Valerii
Avec: Giuliano Gemma, Warren Wanders, Ray Saunders, Antonio Casas, Benito Stefanelli
J'ai vu ce film une première fois il y a dix ans à la cinémathèque et je n'avais rien compris. L'organisateur de la séance nous avait prévenu, il avait fait comme il avait pu, avec les moyens du bord, le film était incomplet. Je l'ai revu aujourd'hui en version plus complète, mais en italien sans sous-titres. Je n'ai donc toujours rien compris aux détails de cette intrigue qui transpose l'assassinat de JFK dans l'Ouest au lendemain de la guerre de Sécession. Vouloir regarder du western spaghetti est un chemin de croix, jonché de mauvais films que l'on regarde malgré tout pour voir la scène à sauver du film (il y en a toujours une), et parsemé de très bons films que l'on a souvent du mal à voir dans de bonnes conditions.
Texas est de la deuxième espèce. À vrai dire cela se sent curieusement dès le générique, qui n'est pourtant qu'un plan fixe sur une carte des États-Unis. C'est bizarre, hein, mais tout de suite on le sait: ça va être un bon film! La musique langoureuse de Luis Bacalov s'élève et comme les chiens de Pavlov, on salive d'avance. Le fait de ne pas comprendre très bien l'italien permet de se concentrer sur la technique de Valerii. Contrairement a Castellari, Tonino Valerii ne cherche pas à épater la galerie, et pourtant on sent une maîtrise de la mise en plan et de la dramaturgie tout entière au service de l'intrigue, une fluidité dans les mouvements de caméra qui n'est pas là pour en mettre plein la vue, mais bien pour s'effacer devant les personnages. Tout cela produit un film qui se suit parfaitement bien, avec le plaisir d'une mise en scène intelligente. Les moyens sont relativement conséquents en terme de figuration et de décor, même si les puristes de la vraisemblance trouveront naturellement à redire sur la crédibilité visuelle d'un film aussi ambitieux du point de vue scénaristique et historique. En effet, même si on ne comprend qu'un mot sur dix de l'italien et que sa vision de la VF remonte à dix ans, la tonalité générale du film se comprend très bien, les thèmes du traitement des noirs et du conflit d'un certain progressisme face aux vieilles traditions du Sud sont les pierres angulaires du récit, ainsi que la corruption, le pouvoir de la presse, l'importance de l'Etat, l'histoire du Texas. Et malheureusement, tout cela se ressent très peu au niveau des décors et de la figuration: très peu de noirs sont employés, les décors, la vestimentation sont ceux d'un western spaghetti classique, rien ne cherche à faire "vrai" par rapport à la richesse des thèmes abordés. Gageons qu'avec les mêmes moyens que Valerii obtiendra plus tard pour Mon Nom est Personne, il aurait réussi un film autrement plus beau et cohérent.
La distribution comme d'habitude, ravira les amateurs de western italien, on retrouve le barbu chevelu qui se fait sans cesse martyriser par Terence Hill dans Trinita, subissant ici un sort tout aussi peu enviable, Antonio Casas, qui disparaît bien vite, et bien d'autres encore. Mais certaines têtes secondaires de western spaghetti ont des rôles particulièrement bien écrits par rapport à la norme du genre, en particulier Benito Stefanelli en Shérif corrompu, montrant de véritables talents de comédien, Joaquin Parra (photo ci-dessus) le meurtrier sacrifié qui réussit en peu de plans à construire un personnage. Dans la catégorie des non-habitués, Ray Saunders, touchant à force de clamer son innocence, Warren Wanders en espèce d'agent secret et Manuel Zarzo, formidable en infirme aux béquilles meurtrières, enrichissent aussi le film de façon très convaincante. Dans le registre notables en veston, Fernando Rey est bien là, et le président (Van Johnson) et le vice-président à qui incombe la tâche de lui succéder (Jose Suarez) ne sont pas non plus traités à la va-vite, Valerii prenant le temps de développer chaque personnage.
Dans tout ça finalement, c'est Giuliano Gemma qui est peut-être le moins convaincant. Son visage sied assez mal au rôle, et il n'est pas aidé ici par sa tenue trop banale, voire moche. Mais on l'aime bien le Giuliano, et alors que l'intrigue se développe, de coups fourrés en trahison, de révélations en discussions politiques et éthiques, Tonino Valerii fait un sans faute sur le plan dramaturgique et émotionnel, avec la mort violente et crispée du Noir (Ray Saunders) et l'arrivée théâtrale de Gemma en plein procès avec son ami mort sur le dos. Car malgré tout le sérieux de l'entreprise, Tonino Valerii fait bien un western spaghetti, d'un esthétisme bien présent avec des scènes que l'on ne peut trouver que dans le genre. Il fait mouche avec la séquence de la roulette russe à un seul joueur, il fait mouche avec la scène du duel dans le noir avec un cigare, il fait mouche avec la destruction des bandits à la dynamite (anticipant Mon Nom est Personne). La bagarre entre Gemma et Warren Wanders est l'une des plus convaincantes jamais vue dans le western italien et ce plan de Warren Wanders et Jose Juarez se serrant la main au dessus du cercueil du président recouvert du drapeau américain, aux cotés de sa veuve éplorée (Maria-Luisa Sala) est tout simplement magnifique. Vous l'avez donc compris, Texas est un western italien à voir, en français avec des bouts d'italien dedans, en anglais, en japonais, en VHS décadrée et rippée en 8 bits, comme vous voulez, mais voyez-le!
Où le voir: dans votre salon, dans votre chambre, dans vos chiottes, je m'en fous, mais voyez-le !
Captures: Rex Lee et El Puro sur Western Maniac (Voyez-le, ce film!)
Voyez-le!
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