1994
Blind Justice
Richard Spence
Avec : Armand Assante, Elisabeth Shue, Robert Davi
Justice aveugle, ça évoque d’abord pour moi un graphic novel de Daredevil publié dans les années 90 aux éditions Comics USA. J’avais à l’époque, mais j’étais jeune, trouvé que le titre était fort judicieux, Daredevil étant un justicier aveugle. Bien sûr, j’ai depuis réalisé que n’importe quel élève redoublant sa première année d’école de marketeux est capable de trouver un titre aussi évident. Ceux qui connaissent la BD en question me diront que le titre original n’est pas Blind Justice, ce qui signifie pour les non anglophiles qui me lisent : justice aveugle, que Frank Miller n’est pas aussi prévisible, le titre original est Born Again, ce qui signifie pour les non anglophiles qui me lisent : né encore. C’est pourtant l’histoire de Daredevil qui se fait totalement rétamer par le Caïd, qui ayant découvert sa secret identity (qui signifie pour les non anglophiles qui me lisent :identité secrète), lui pulvérise sa maison, lui met une branlée mémorable et le laisse pour mort dans une bagnole au fond du fleuve. Sauf que les yeux de Murdock brillent encore de mille feux, il va pouvoir refaire surface, renaître de ses cendres, prendre sa revanche, arrêter de se raser et se balader dans la rue aux bras de Karen Page. Born again, un titre qui colle mieux à l’œuvre donc, mais qui n’est pas follement original non plus.
Le cas du western qui nous occupe est d’autant plus lamentable que le titre original est vraiment Blind justice, ce qui signifie pour les non anglophiles qui me lisent : justice aveugle. Le titre, quoique fort prévisible, pourrait donc coller parfaitement au thème du film, sauf que, premier point, le héros n’est pas aveugle. En tout cas pas tout à fait. Alors, oui, je veux bien reconnaître que je chipote. Comme Matt Murdock, notre héros doit de baser sur ses autres sens pour dégommer ses adversaires car il ne voit vraiment pas grand-chose le bougre, les accessoiristes se sont bien amusés à lui confectionner des yeux globuleux blancs laiteux dégueulasses. Je vous laisse découvrir comment il est devenu quasi-aveugle, c’est une des bonnes idées du scénar. En tout cas il chausse de grosses lunettes noires qui me font penser à je ne sais plus quelle BD de Tardi, et ça lui va bien. Mais revenons au titre. Le deuxième point qui ne colle pas avec le titre, c’est qu’il n’est pas vraiment question de justice là-dedans. Échappé d’un western spaghetti, notre héros a son agenda bien à lui. Il se trouve qu’il va se battre du côté des bons, mais il est aussi buté qu’un Burt Sullivan ou qu’un Blindman dans ses motivations : tout ce qui l’intéresse c’est ramener un chiard à quelqu’un qu’il ne connaît pas dans une ville qui n’existe sans doute pas. Un pistolero aveugle qui se promène avec un bébé dans les bras, c’est une belle image qui évoque autant certains films japonais (que les plus pointus d’entre vous connaissent sûrement) que John Wayne dans Le Fils du Désert, la graisse d’essieu en moins, un téton d’Elisabeth Shue en plus (il paraît qu’on peut déverrouiller n’importe quel Iphone 5s avec son téton, à voir).
Il y a dans ce téléfilm une volonté de bien faire avec peu de moyens qui m’enchante, avec une certaine distance ironique des plus plaisantes. Le bandit mexicain d’opérette se fait justement traiter de bandit mexicain d’opérette par notre héros, comme s’il faisait un commentaire du film dans le film (j’ouvre une parenthèse ici pour que vous y placiez votre propre vanne sur Inception, puisque le moindre aspect récursif ou auto-référentiel d’une œuvre, d’un programme informatique ou d’une poupée russe en vente sur Le bon coin se voit désormais gratifié d’une référence à Inception, ça m’énerve…). Les représentants de l’église catholique apostolique et romaine ne sont pas à la fête ici puisque le prêtre est un connard qui préfère aider les bandits mexicains qui sont « de bons catholiques », plutôt que de soutenir les Nordistes idéalistes qui ont transformé son église en bunker. J’y ai vu une référence à la bienveillance de l’église envers Franco et Pinochet, mais peut-être que j’extrapole. Notre justicier qui n’en n’est pas un, lui, finit tout ça à la dynamite, normal, avec un très beau détonateur à l’ancienne, où il faut enrouler le câble à la main autour du contact. Dans une prochaine vie, je ferai accessoiriste, là dans la minute, je ne parviens pas à trouver un métier plus beau. Bon le détonateur, ça rate à cause du connard de prêtre je crois, donc le pistolero tire dans la dynamite (piquée à un vieil indien barjot que le connard de prêtre martyrisait) avec son flingue et fait sauter toute l’église. J’y ai vu un fervent plaidoyer pour l’athéisme, mais ça ferait que l’athéisme deviendrait une religion comme une autre donc ça ne colle pas. En tout cas tout est bien qui finit bien, devenu sourd à cause de l’explosion, le pistolero réussit à tuer le mexicain d’opérette à l’odeur, ça c’est du cinéma ! Un film à voir ah ha ha !
Qu'importe qu'il faille attendre six mois d'un billet à l'autre: tant qu'ils seront de cette qualité là je demeurerais fidèle. Tep' rules !
RépondreSupprimerJe calque mon rythme de publication sur ceux de feu Hergé et Sergio Leone. J'espère ne pas connaître leur sort...
RépondreSupprimerMais sinon, merci!
Ou celui du western spaghetti...
RépondreSupprimerBon petit grand film. Merci à ce cher Flingo d'en avoir parlé en premier, ce qui m'avait incité à me l'acheter en dividi.
RépondreSupprimerFidèle à Tepepa et également à ton blog Fortine, Jocelyn.
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