dimanche 20 décembre 2009

Felix Goes West – Eats are West


Felix Goes West – Eats are West
1924 –1925
Otto Messmer

Félix le chat, première star du dessin animé, part à l’ouest dans ces deux courts métrages qui partagent la même trame scénaristique, mais qui sont très différents dans leur traitement humoristique. Dans Felix Goes West, le chat le plus célèbre de l’ère du muet est confronté à un ours, puis aux indiens qui le renvoient dans l’Est. Felix croise alors une enseigne de magasin de cigares en forme d’indien (célèbre aux Etats-Unis) et prend peur. Dans Eats are West, Félix est confronté aux cow-boys du Pony Express, puis aux indiens qui le renvoient également d’où il vient. Le gag final avec l’enseigne à cigares est quasiment identique.
Ce qui distingue ces deux œuvres pourtant distantes l’une de l’autre d’à peine plus d’un an, c’est la teneur des gags, bon enfants et prévisibles dans Felix Goes West, poétiques et surréalistes dans Eats are West. Dans ce dernier, Félix utilise les points d’exclamation et d’interrogations qui sortent de sa tête à bon escient, il fait naître un cheval de nulle part, une affiche se met à vivre : les gags préfigurent Tex Avery. Dans les deux films, les fusillades vont bon train, les flèches des indiens pleuvent, mais Otto Messmer ne semble pas avoir voulu spécialement rendre hommage au western, tant les références semblent pauvres. Ceci est un peu étonnant, puisque un an plus tôt, dans Felix in Hollywood, il avait montré sa bonne connaissance du milieu, on y rencontre en effet Charles Chaplin, Ben Turpin, Cecil B. DeMille, Douglas Fairbank et … William S. Hart.



Où les voir :
http://www.archive.org/

PS : ne pas manquer également Felix Doubles for Darwin, où, cherchant à prouver que l’homme descend du singe, Félix est pris à partie par des singes offensés à l’idée que l’homme puisse être de leur famille.

samedi 19 décembre 2009

Two-Gun Mickey

Two-Gun Mickey
1934
Walt Disney

Pat Hibulaire dépose du papier à cigarette sur son énorme langue, y saupoudre du tabac et avale le tout pour ressortir une clope roulée. Il craque son allumette sur son menton rêche puis l’éteint en crachant dessus. Une horde sauvage se met en chasse contre Minnie, mais heureusement, Two-Gun Mickey (allusion sans doute au Two-Gun Man joué par William S. Hart) est là pour sauver sa belle.
Ce qui est amusant avec ces petits Mickey, c’est qu’ils sont cinématographiquement supérieurs à bien des films de l’époque, en tout cas bien supérieurs à de nombreuses séries B chroniquées ici. Regardons ici la horde poursuivre la carriole de Minnie : la fluidité, les mouvements de caméra, l’utilisation des cactus étudiés en avant-plan forment une séquence visuellement plus captivante que les cavalcades effrénées de certains Tom Mix. On remarque également des gros plans et des ombres assez effrayants (pour un truc enfantin) qui ont sûrement influencé Sergio Leone (au point où on en est, on peut bien continuer à raconter des conneries). Le ton et le graphisme, la dureté de certaines scènes, le noir et blanc font plus penser – sans doute historiquement à tort – au style underground des trucs trash qui font peur aux grand-mères qu’au style propre et enfantin de Dumbo.
Bien sûr le scénario est tout aussi mince que ceux desdites séries B, mais cela tient ici de l’hommage parodique. Les gags sont énormes, la folie des canardages préfigure tous les excès du spaghetti (étant donné que les séries B de l’époque étaient plutôt relativement avares en coups de feu). On reconnaît en outre un gag utilisé dans Dollar for the dead raconté ici récemment. Le châtiment final de Pat est horriblement épineux, et tout est bien qui finit bien. Loin de l’image gnangnante généralement accolée au cul de Walt Disney, ces petits Mickey méritent d’être redécouverts.


mardi 15 décembre 2009

Wanted



On recherche, dans toute la communauté spagh, le nom de cet acteur:

Il joue également le chef de gare dans Il était une fois dans l'ouest.

Il joue également un sudiste dans les scènes coupées du Bon la brute et le truand.

Ce n'est pas Josef Egger qui joue le vieux dans Pour une poignée de dollars et dans Et pour quelques dollars de plus.

Ce n'est pas Rafael Lopez Somoza comme crédité par imdb.

Dans les bonus de Mon nom est Personne, Valerii affirme qu'il s'agit d'un retraité anglais qui vivait à Almeria.

Alors, qui est-ce ??



samedi 12 décembre 2009

Thundering Hoofs



Thundering Hoofs
1924
Albert S. Rogell

Avec : Fred Thomson

Fred Thomson est une autre star du western muet, charismatique, athlétique, la bonté même, totalement oublié aujourd’hui. Il fut presque l’égal de Tom Mix en terme de succès (numéro 2 au box office en 1926 et 1927 selon imdb) et il est mort prématurément comme on dit, en 1928, du tétanos après avoir marché sur un clou. D’après Larry Langman dans A guide to silent western, il s’était fait une spécialité de faire des films divertissants sans trop de violence et de coups de feu. Bon, un peu comme Tom Mix quoi, mais en plus beau.

Thundering Hoofs surprend sur plusieurs points. L’intrigue romantique d’abord. Fred Thomson est désespérément amoureux de la fille d’un riche mexicain qui l’a promise au méchant. Ce qui change un brin par rapport aux séries B habituelles où la fille est un objectif secondaire, c’est que l’amour est ici palpable entre les deux personnages, notre héros semble bel et bien affligé de ne pas être maître de son destin, au point qu’il en apparaîtrait presque faible. On remarque aussi une étonnante partie de cache cache dans les appartements de la famille du Don, limite Blake Edwardesque. Le méchant est parfait, sournois, salaud jusqu’au bout. Il est joué par William Lowery, encore un gars qui ne fera plus rien après l’arrivée du parlant. Les mexicains ne sont pas considérés comme une sous espèce humaine comme on a pu le voir dans certains westerns muets antérieurs, même si les soldats sont assez gratinés rayon connerie.

Et surtout, le film est autant un film avec Silver King (le Palomino de Fred Thomson) qu’un film avec Fred Thomson lui même. Ce magnifique étalon blanc est l’objet de beaucoup d’attention et semble parfois un acteur à part entière (comme lorsqu’il pousse de la tête un Fred Thomson un peu gauche qui n’ose aborder sa belle) ou qu’il se recueille sur une tombe. La brutalité faite aux chevaux est un thème récurrent, Fred Thomson n’aime pas, mais vraiment pas, que l’on brutalise son cheval.

Thundering Hoofs dispose de moyens conséquents, en particulier à la fin lors des poursuites dans les riches décors mexicains où Fred Thomson court, saute, grimpe sur les corniches. Le final, grandiose, voit Fred Thomson terrasser un énorme taureau à mains nues sous les hourras de la foule d’une arène bondée. Juste avant, il fait une pirouette d’athlète pour sauter dans l’arène. D’après Wikipédia cette fois, l’acteur s’est cassé une jambe en jouant la scène où il arrête la diligence, et c’est Yakima Canutt qui a fini la scène. Le cinéma à l’époque, c’était pas du chiqué



dimanche 6 décembre 2009

Bashful Whirlwind

Edmund Cobb, la timidité triste.

1925
Ernst Laemmle
Avec: Edmund Cobb
Edmund Cobb joue le gars valeureux mais un peu timide (Bashful, ça veut dire "timide") qui va avoir sa revanche au moment de prouver son courage face à des voleurs de bijoux. Voilà qui ajoute un peu d'épices à l'habituelle trame "Héros - Gang de méchants - Girlie", d'autant que le physique un peu fade de Cobb sert ici relativement bien son personnage de cowboy gauche qui chute quand on danse la valse. Ce héros est présenté comme un lecteur de dime novels, qui épice sa vie de fantasmes héroïques, illustrés ici par un rêve où il poursuit des bandits et les dégomme tous un par un avant de se battre avec le chef sur le toit d'une diligence. La scène sera finalement quasiment reproduite en réel à la fin du film, sauf que le héros cette fois bien réveillé n'a pas de révolver, et qu'il poursuit une automobile au lieu d'une diligence.
Et mine de rien, ce petit film nous présente pas moins qu'une confrontation entre l'Ouest imaginaire des romans (et par sa représentation filmique archétypale, l'ouest imaginaire du western) et l'Ouest réel ou supposé tel des années vingt, où les fils électriques pullulent dans la campagne, le méchant conduit une traction, habillé d'une veste à larges rayures. Et cette opposition est doublement intéressante quand tant de films de série B, à la même époque et jusqu'aux années 40, ne s'embarrassent pas à créer une ligne temporelle reconnaissable, mélangeant cowboys et automobiles dans le plus joyeux foutoir. Au final, les deux mondes se rejoignent puisque le héros gagne et get the girl dans la plus pure tradition de la série B. Mais Ernst Laemmle semble néanmoins avoir eu le désir de faire des films un peu plus imaginatifs que la moyenne (The Man Tamer en est un autre exemple) et ma foi on se contentera de ça.



Un méchant pas vraiment habillé western (Roy Hugues)

dimanche 29 novembre 2009

The Man Tamer



1927
Ernst Laemmle

Avec : Edmund Cobb, Barbara Worth

Celui-ci est très court (10 minutes) et fonctionne beaucoup plus comme une comédie que comme un western. Au moins, ça nous change des gangs de bandits qui veulent déposséder les innocents de leurs biens. Edmund Cobb est un garçon vif et bagarreur qui veut se marier avec Barbara Worth. Celle-ci veut bien se marier avec lui s’il promet d’arrêter de se battre tout le temps avec tout le monde. Aussitôt arrivé en ville, il se castagne avec son cousin de sa caractéristique façon : il balance ses bras comme des marteaux, un peu comme s’il fauchait du foin. La suite est une succession de quiproquos avec Edmund qui perd la mémoire et se retrouve à deux doigts de se marier avec une veuve mégère, puis retrouve la mémoire et s’enfuit avec sa belle, qui de façon assez soudaine ne semble plus se préoccuper de l’esprit bagarreur de son chevalier. On ne va pas dire : réservé au fans d’Edmund Cobb, car je ne suis pas sûr qu’il en existe encore, mais, ça se regarde plaisamment, l’œil toujours aussi attendri par ces vieilleries d’un autre âge, que seule une poignée de personnes au monde regarde encore.

samedi 28 novembre 2009

The two fister


William Wyler
1927
Avec : Edmund Cobb, Elsa Benham

C'est bien de William Wyler, réalisateur de Ben Hur dont on parle. Il était alors le plus jeune réalisateur d'Hollywood et signe ici un nouveau western de Police Montée avec Edmund Cobb. L'histoire est somme toute similaire à celle de the Courage of Collins: une jeune femme, un bandit qui veut se faire la fille et prendre ses possessions avec, un policier qui arrange tout ça de ses deux poings (d'où le titre je suppose de Two fister). Le film est très modérément captivant, les scènes d'actions se résument à de longues poursuites à cheval sans réelle tension. On notera juste la façon assez désinvolte, presque gagesque dont Edmund Cobb se débarrasse de deux méchants, et le poncif de la frontière au delà de laquelle notre héros n'est plus autorisé à poursuivre les bandits: bien sûr il arrêtera le chef des méchants in extrémis, à deux mètres de ladite frontière. Quand on aime, on regarde tout cela d'un oeil attendri. Quand on n'est pas dans le truc, on risque fort de trouver ces vingt minutes de western B aussi longues que Ben Hur.

jeudi 26 novembre 2009

The Courage of Collins


The Courage of Collins
1927
Ray Taylor
Avec :
Edmund Cobb, Rose Foster

Edmund Cobb est un acteur relativement peu connu qui fit de très nombreuses apparitions dans les westerns des années trente à cinquante comme bad guy ou comme personnage secondaire. Au temps du muet, il tourna un certain nombre de westerns en tant que jeune premier, dont plusieurs centrés sur la Police montée Canadienne. The Courage of Collins en fait partie. Edmund Cobb est un officier undercover qui va aider une jeune femme et son frère à se défaire d’un gang molasson décidé à les expulser de leur ranch. La suite des événements n’a pas grand intérêt, le film dure vingt minutes et tout est emballé et pesé rapidement à coup de bagarres sauvages. Edmund Cobb ne fait pas vraiment d’étincelles, le méchant non plus. A vrai dire, le seul souvenir que je garderai de ce film, c’est le vent qui fait onduler légèrement la robe de Rose Foster sur le porche de son Ranch, et la gueule du frère, tête brûlée impulsive qui galope comme une fusée pour aller chercher du secours. Peut-être aussi la bizarre tenue de jockey du héros!!! Comme la plupart des westerns muets que j’ai pu voir, on est surprit par les intertitres qui n’hésitent jamais à utiliser des expressions et une orthographe argotiques pour serrer au plus près la saveur de l’anglais de l’Ouest.
J’ai trois autres films muets de Cobb dans ma musette, on verra bien si tout ça est du même tonneau, je vous tiens au courant pals

Un mort pour un dollar

Dollar for the dead
1998
Gene Quintano
Avec: Emilio Estevez, William Forsythe, Joaquim de Almeida

Une sorte d'état de grâce dans le portnawak. Je vous épargne le scénario qui brode sur le légendaire trésor des confédérés. Concentrons nous sur LA scène de gunfight qui se déroule dans le saloon. Emilio Estevez vole. Il se retourne dans les airs. Il tire. Les hommes pleuvent. L'un d'eux chute, droit comme une pierre tombale après avoir été plombé derrière une porte. Un autre gars fait l'habituelle chute du haut d'un balcon sur une des tables de poker de la grande salle, le tout sous ce fameux opéra de Rossini. Une colombe s'envole au ralenti. En fait, non, aucune colombe ne s'envole au ralenti, mais c'est tout comme. Les mecs en bas sont vénères et montent à leur tour trouer la peau d'Emilio. Celui-ci passe à l'étage en dessous en sciant le plancher à coup de flingue. Oui, c'est très con. On sait que c'est con, et le réalisateur sait qu'on sait que c'est con, et on sait que le réalisateur sait que l'on sait que c'est con, et pour bien nous montrer qu'il sait qu'on le sait, il fait faire un clin d'œil à Emilio à notre adresse, puis il aligne cinq gus à l'étage du dessous qui savaient à l'avance semble-t-il, qu'Emilio allait filer à la Tex Avery. Qu'à cela ne tienne, Emilio plonge derrière le bar, dégomme la rotule de chacun, glisse sur le comptoir et tire à tout va et multiplie les roulades non pas pour éviter les balles, mais les mecs qui tombent. On croit avoir tout vu, mais il reste à Emilio à se sortir du saloon en vidant ses flingues sur un gars, qui traverse la fenêtre suivi au centimètre par Emilio. Ses flingues crachent comme des Uzi. Une fois dehors, on pense à cette scène du MagnifiqueBelmondo descend cinq types en tirant une seule fois dans un arbre. Emilio fait encore mieux. Il tire à travers la porte du Saloon, trois type tombent. Il tire à travers une fenêtre, deux types y passent. Rossini se fait toujours entendre et c'est achement beau. Après avoir plombé les quelques fenêtres qui restaient avec quelques types encore vivants derrière, Emilio finit par s'en aller. Merde, la scène est finie.
Nulle part ailleurs dans le film Gene Quintano ne réussira à aller aussi loin. La scène finale où tout le monde s'entretue n'a pas folie, la même absence de retenue dans le délire irréaliste. La scène inaugurale, pourtant déjà bien relevée en terme de glissades et de tirs par derrière sans regarder, n'était qu'une introduction. Le gunfight sous l'église est beau, avec ses jets de poussière d'or qui étincellent sous la lueur des torches, mais ne va pas assez loin.
Mais cette scène dans le saloon, c'est la preuve d'un amour fou pour le cinéma de Quintano et de
Tony Anthony, le producteur. Un amour fou qui ne s'embarrasse pas de construire un film autour, un amour fou qui a les moyens de ses idées extravagantes mais qui se moque de soigner la mise en scène, la direction d'acteur, le scénario. A la fin, alors qu'au bas mot trois cent cinquante personnes viennent de mourir, deux des survivants sortent des phrases pompeuses pour dire que la violence c'est pas beau. On est bien obligé de rire. On retrouve tout le western italien dans Un mort pour un dollar: les cache-poussières, les bastons, la musique sifflée, la violence exacerbée, une mitrailleuse dans un cercueil. On retrouve tout le western américain aussi, les longs dialogues et les putes à la Peckinpah, le héros qui devient bon, révélé par un prêtre, la rancune du Sud, la tentation de la vie familiale, l'amitié. Et c'est sans doute parce que je viens d'en voir pas mal, mais toutes ces glissades, ces cascades spectaculaires, je préfère les rattacher à Tom Mix et Yakima Canutt plutôt qu'au cinéma de Hong Kong. Un mort pour un dollar, c'est donc une digestion de tout le western mondial qui aurait mal tournée. Une vomissure éclatante qui donne le haut le coeur et qui fait marrer, mais qui fait bien plaisir quand même! Un euro dans n'importe quelle brocante, à ne pas manquer!

Le même film décrit par Flingobis, mais avec moins de talent.

samedi 21 novembre 2009

Hmmmm

Apparemment, dvdrama, devenu Excessif, a cette fois totalement supprimé l'ancienne mouture de ses blogs (La vieille mine comme l'appelle Flingobis), sur laquelle étaient encore stockées toutes les photos de mes premiers articles (ainsi qu'un certain nombre de prises de bec politiques légendaires avec Neault ou Flingobis).
Résultat sur ce blog, tous mes articles de 2007 se retrouvent sans photos illustratives, car les illustrations des vieux articles transférés sur ce blog ici présent pointaient encore sur la vieille mine.
Donc, je pourrais passer mon week end à tout remettre d'aplomb à partir de mes back-ups dûment organisés, classés, numérotés (hem).
Je pourrais aussi faire autre chose.

vendredi 20 novembre 2009

Wanted


J'ai fini de lire les cinq premiers tomes de cette série de Girod et Rocca (Alias Georges Ramaïoli) et je n'ai pas vraiment aimé.
Ce qui m'a le plus chagriné au fond, c'est que ça reprend ce que je n'avais déjà pas aimé dans Durango et dans Bouncer: une violence morbide et sans contrepoids, une vision de l'Ouest si pessimiste et noire que l'on ne s'attache à aucun personnage. L'ouest de Wanted est peuplé de ratés, de renégats et de monstres assoiffés de sang et de violence. La violence est bien sûr, barbare. Les chasseurs de scalp scalpent tout ce qui bouge. Les pistoleros dégomment à tout va et chaque mort se traduit par un geyser de sang de quatre kilomètres. Le viol est une constante systématique: cinq albums lus, cinq scènes de viol ou peu s'en faut. L'indienne Sunsheearray n'a pas de chance: violée à l'album deux, elle se fait encore tentativedevioler à l'album quatre, puis violer par les mêmes à l'album cinq. Malgré l'hommage, on est bien loin de l'amour délicat de la Flèche Brisée. Les militaires sont des casseurs d'indiens butés, et, histoire de rétablir la balance, l'horreur des tortures indiennes ne nous est pas épargnée. Le héros, surnommé Wanted, est un chasseur de prime. Il a comme un début de conscience humaine, une certaine éthique, mais il semble presque s'en excuser. Finalement, il n'y a que l'indien blanc qui soit un poil sympathique.
Le scénario n'est pas follement original, histoire de vengeance pour commencer, puis histoire de trésor avec hommage appuyé à Blueberry ensuite. L'intérêt de l'histoire de vengeance tient dans l'évolution du personnage de Wanted au contact de l'indien. Cela fonctionne, certes, mais tout semble écrit d'avance, on le sait bien que Wanted va aider notre indien, bien malgré lui. L'histoire de la course au trésor ensuite apparaît parfaitement idiote, surtout avec cette histoire de carte tatouée sur un scalp.
Reste donc les dessins et la sérieuse documentation qui donne malgré tout à l'ensemble un certain coté réaliste. On apprend des choses sur la guerre de Sécession, on apprend des choses sur les indiens, dépeints ici de façon moins caricaturale qu'à l'accoutumée. Girod est totalement soumis à l'influence de l'autre Giraud, il réussit malgré tout de superbes décors et peuple ses planches de références visuelles aux films de Sergio Leone. Pourtant, si la violence et le "sale" ouest sont bien là, il manque l'ironie du western italien pour faire passer la sauce, et il manque cruellement l'humanité du western américain pour s'attacher à l'œuvre, comme si la nation américaine s'était construite par accident sur un ramassis de dégénérés occupés à plein temps à assouvir leurs pulsions les plus basses au détriment de toute volonté de construire de toute pièce un pays neuf.

dimanche 15 novembre 2009

The Iron Rider


1926
Jacques Jaccard

Avec:
Yakima Canutt

Sans être du tout un western de série A
, ce petit film de Yakima Canutt est un peu plus intéressant que Branded a Bandit, sans doute parce que son scénario, tout en restant archi-simple, est un peu moins commun. Yak se fait détrousser au poker par un gang de joueurs professionnels. Coup de pot pour lui, il s'avère que le gang est recherché par la loi, avec récompense à la clé. Yak va donc pouvoir se refaire et acheter un ranch à sa girlie.

Ce qui est (modérément) intéressant dans ce film donc, c'est de voir un héros sombrant au vice du jeu. On le voit hésiter, après avoir tout perdu, à mettre son fidèle cheval en jeu, et se rasseoir à la table, puis lorsqu'il sort, ayant perdu, il fait ses adieux à son fidèle compagnon. Toute la scène du poker est longue, le tenancier s'endort sur son bar, les filles de joies s'ennuient sur leurs chaises, il y a un clochard qui erre dans le bar à la recherche d'un coup à boire et les éclairages sont bien étudiés. C'est presque bien.
Rayon acrobaties, Yakima fait les mêmes que dans Branded a Bandit: il s'agrippe à sa selle et se tient sur le coté de son cheval, chevauche debout, et se bat avec un bad guy sur un seul cheval. Un petit gag marrant au début, Yakima ne parvient pas à aplatir une mèche rebelle de ses cheveux avant d'aller courtiser sa belle. Un de ses potes lui dégomme la mèche au révolver. C'est ça l'état d'esprit western, on ne finasse pas et on mène toute sa vie aux poings ou aux flingues :-)

Ce petit film aurait donc pu être une bonne petite série B à recommander, malheureusement, il faut bien admettre que Yakima Canutt a beaucoup moins la classe que dans Branded a Bandit (il porte un pantalon qui ressemble à un pyjama) et que la réalisation manque de souffle, l'utilisation des décors extérieurs, des trognes des méchants se faisant a minima. Il faudra que je me trouve The Devil Horse qui a bien meilleure réputation, ces deux récentes excursions dans la filmographie du cascadeur n'ayant pas été vraiment exceptionnelles.

dimanche 8 novembre 2009

Branded a bandit




Branded a bandit
1924
Paul Hurst
Avec : Yakima Canutt

Yakima Canutt est le plus connu des cascadeurs d’Hollywood. Son prénom n’indique aucune origine indienne, il s’agit en fait du nom de son village. Connu pour ses chutes de cheval spectaculaires dans les films de John Ford (en particulier La chevauchée fantastique, où il passe sous la diligence), Yakima Canutt se blessa plusieurs fois au cours de son travail, et devint réalisateur de deuxième équipe et fut en particulier en charge de la course de char du fameux Ben Hur.
Mais il eut une vie avant cela, au temps du muet, où sans être aussi connu que Tom Mix, Bill Hart ou Harry Carey, il jouissait néanmoins d’une popularité suffisante pour jouer le premier rôle dans de nombreux westerns (dont le réputé Devil’s Horse, avec le cheval Rex). La petite histoire dit que suite à une maladie sévère, sa voix cassée l’empêcha de continuer dans cette voie, au tournant du parlant.
Branded a bandit n’offre rien de très original. Une mine d’or, un vieillard abattu, un cowboy désigné coupable par erreur, de folles cavalcades, un happy end. Le film contient déjà tous les ingrédients des centaines de westerns B qui seront tournés dans les années trente et quarante. On prend alors plaisir à regarder le casting. Yakima Canutt a un physique intéressant, et ce n’est pas ici une façon détournée de dire qu’il est moche. De grande jambes, un visage fin, jeune et anguleux, il parvient à exprimer à la fois la jeunesse, la beauté et la maturité et se démarque des traits tourmentés des Mix, Hart et Carey. Alys Murel est aussi physiquement intéressante, et malgré son rôle sans intérêt, elle a une intensité dans le regard qui la détache des nunuches affolées habituelles. Dommage que sa carrière fut si courte (je n’en connais pas la raison, mais à cette époque, les actrices arrêtaient fréquemment toute activité à partir du moment où elles se mariaient). La petite fille turbulente et mal peignée qui lui sert de sœur n’est pas mal non plus.
Coté action, ce n’est pas folichon. Beaucoup de plans très larges montrent des poursuivants et des poursuivis minuscules comme des fourmis, suivis par d’imposants nuages de poussière. Yakima Canutt déploie ses prouesses athlétiques sans rien faire de réellement spectaculaire. La bataille finale, aquatique et harassante, est bien menée, et puis c’est peut-être le seul western où un cowboy s’échappe à cheval en passant DANS un aqueduc.

jeudi 29 octobre 2009

Sky High


1922
Lynn Reynolds

Avec :
Tom Mix, Eva Novak, Sid Jordan

Un curieux western contemporain, dont la vedette est presque autant le Grand Canyon que Tom Mix lui-même. Le film débute par quelques faits chiffrés sur cette merveille naturelle, on voit le Grand Canyon tel qu’il était en 1922, avec déjà, des bancs en fer pour que les touristes puissent admirer la vue. Puis toute l’action est imaginée de sorte à mettre en valeur ses parois et ses vues à couper le souffle. Et c’est pour cela que Tom Mix prend l’avion pour pourchasser les bandits, et se suspend dans les airs comme Belmondo cinquante ans plus tard.




L’intrigue a peu d’importance, et résonne pourtant à nos oreilles contemporaines, puisque déjà, il s’agit d’immigration illégale, avec des chinois qui inspirent peu d’humanité au réalisateur. Tom Mix fait ce que le public de l’époque lui demande, il court, il sourit et se bat avec entrain, toujours avec cette grâce un peu efféminée qui le distingue des autres. Un intertitre interpelle le spectateur français : « Pour la première fois au monde, un homme fait la course avec son ombre, et gagne… », Tom Mix, le prototype de Lucky Luke en somme. On reconnaît parmi les méchants, son copain Sid Jordan, qui se prend une raclée, et Tom Mix naturellement, get the girl à la fin.

Sid Jordan


Peu de films de Tom Mix ont survécu, ces histoires sans complexité, sans noirceur et sans violence réelle faisaient déplacer les foules dans des proportions qu’on a du mal à imaginer aujourd’hui, lorsque l’on regarde ces bandes usées, un brin poussives, muettes et qui tentent malgré tout de dire quelque chose à nos cerveaux qui ne sont plus formatés pour elles.
Où le voir: à télécharger légalement mais pas gratuitement sur www.eztakes.com

samedi 24 octobre 2009

Broncho Billy's Sentence


G.M. Anderson
1915
Avec: G.M. Anderson

Troisième et dernier Broncho Billy du DVD Sinistercinema sur les centaines ayant été tournés, Broncho Billy’s Sentence a été fabriqué en 1915, au crépuscule de l’existence du personnage. On veut alors en voir des symptômes, on cherche les raisons du déclin. D’après Larry Langman dans A guide to silent westerns, ce film a été remarqué par plusieurs historiens pour sa complexité narrative et son sens de l’économie. La mise en scène semble pourtant aussi peu inspirée que sur les deux précédents, les décors sont peu ou mal utilisés (toujours cette abondance de feuillages). Broncho Billy est un bandit pris en chasse par un posse. Le résultat donne plus l’impression d’une bande de gamins se pourchassant d’une maison à l’autre que d’une poursuite sauvage dans le vieil ouest.
On note toutefois la volonté de produire une histoire plus sombre, plus violente que dans les deux précédents. Broncho Billy prend un vieillard et sa fille en otage, il se fait quasiment descendre par celle-ci, ce qui constitue presque un coup de théâtre.
On a envie d’y voir l’influence des films de William Hart, surtout que Broncho Billy est gratifiée d’une conversion soudaine et subite lorsqu’il se réfugie chez un pasteur dont le femme lui fait découvrir la Bible. Mais il s’agit probablement d’un hasard, si l’on en croit les résumés disponibles dans le livre de Langman certains Broncho Billy antérieurs sortent du lot pour les mêmes raisons, par exemple Broncho Billy’s last Deed (Broncho Billy se rend pour qu’un vieux couple touche la rançon, puis meurt en prison) qui date de 1913, et Broncho Billy’s Christmas Dinner (avec le prototype du « bon bandit ») qui date de 1911, bien avant les films de Bill Hart. G.M. Anderson semble bien alors un pionnier, c'est à dire un artisan businessman qui jeta toutes les bases d'un genre, mais qui laissa aux autres le soin de les sublimer.

vendredi 23 octobre 2009

No Man's Law





1927

Fred Jackman

Avec: Oliver Hardy, Barbara Kent, Theodore Von Eltz, Rex le roi des chevaux sauvages

A tout point de vue, No Man’s Law est sinon un western exceptionnel, à tout le moins un western muet tout à fait remarquable. Du point de vue de sa production d’abord. Hal Roach est avant tout connu pour avoir produit et lancé Harold Lloyd et le duo comique le plus connu de la planète (après Bud Spencer et Terence Hill) : Laurel et Hardy, ainsi que la série comique Les petites canailles, tournée avec des enfants, qui était encore diffusée sur Récré A2 en 1984. Pourtant, occasionnellement, il mettait sur pied des westerns sérieux, durs et sans concession, à l’image de No man’s law.

C’est sans doute pour cette raison que l’on retrouve au casting Oliver Hardy, le plus gros des deux comiques mondialement connus. Il est ici quasiment méconnaissable en Sharkey Nye, tout en vice suintant, la barbe de trois jours, le bandeau sur l’œil et les dents avariées achevant de faire oublier son habituel visage poupon. A un gag près, qui ressemble plus à un clin d’œil complice qu’à un gag réel délivré dans le but de faire rire (à l’époque, Laurel et Hardy étaient déjà bien lancés), Oliver Hardy se réinvente totalement en une sorte de mélange annonciateur entre Slim Pickens et le Jack Elam vieillissant. Un régal de fourberie grassouillette et vicelarde!

Vicelard et mû comme tout le monde par le sexe et par l’argent. Il forme un tandem avec le peu recommandable Spider O’Day (Theodore Von Eltz), tandem dont la méfiance est l’un des moteurs (ils ont une façon intelligente de mettre leurs deux flingues en lieu sûr pour être certains que l’un ne va pas descendre l’autre pendant leur sommeil). L’argent d’abord, en découvrant par hasard une mine pleine d’or qui appartient à un vieillard sans défense. Le sexe ensuite, en réalisant que le vieillard a une fille qui se baigne à poil dans les points d’eau. Barbara Kent, pour sa troisième réalisation, offre un mélange détonnant de grâce, de lolita allumeuse et de garçon manqué (elle porte un pantalon et s’appelle Toby). Sept ans avant Jane dans Tarzan, on voit une femme nue se baignant dans l’eau (en réalité elle avait une combinaison couleur chair), mais ce n’est pas tant cette scène que toute la tension sexuelle qui découle de sa présence qui fait la force du film. Alors qu’elle se baigne, Sharkey Nye la regarde, sans gêne, le sourire lascif, faisant même un nœud aux jambes du pantalon de la belle (resté sur la berge), pour être sûr qu’elle ne puisse pas se rhabiller rapidement.

Plus tard, alors que les deux hommes, Toby et son père sont tous dans la cabane, et que la tension est à son comble, elle allume carrément le moins mauvais des deux (Spider O’Day) dans une sorte d’impulsion amoureuse naissante et ingénue. Tout ça finit forcément très mal, avec tentative de viol à la clé. On ne va pas se lancer dans des comparaisons anachroniques avec Peckinpah, mais vous voyez où je veux en venir.

D’autant qu’époque oblige, ça ne finit pas mal. Car la dernière particularité de ce film muet à voir absolument, est qu’il s’agit d’un film dont la cinquième vedette est le cheval Rex. Rex est un magnifique étalon qui apparaît dans plusieurs films de la période, dont The Devil Horse avec Yakima Canutt. Il avait son entraîneur attitré et répondait à une demande du public friand d’animaux plus ou moins savants. Pourtant ça ne fait pas de No Man’s Law un film enfantin. Rex est dans ce film un cheval sauvage, qui prend inexplicablement la défense de Toby à chaque fois qu’elle est en danger. Rex est alors presque un élément surnaturel, dont l’absurdité première tend à inverser l’effet du happy end de rigueur. Non dans la vraie vie, il n’y aurait pas eu de cheval salvateur, la fin aurait été exactement celle que vous avez failli avoir. Mon reagard tronqué des années 2000 me fait penser que c’est uniquement dans ce but que Rex a été placé là : mettre en lumière l’imbécillité de ces milliers de happy ends où le héros évite le pire à tout le monde. Et pour tout cela et tout ce que j’ai dit avant, pour ces décors secs et arides magnifiquement utilisés, pour cette main qui se crispe sous les sabots du cheval, pour ce mourant qui se fait une cigarette et qui fout du tabac partout, No Man’s Law est un putain de western muet indispensable.




Captures: DVD SinisterCinema
Où le trouver: www.eztakes.com

jeudi 22 octobre 2009

Broncho Billy and the greaser


1914
G.M. Anderson
Avec : G.M. Anderson, Lee Willard, Marguerite Clayton

Greaser est un terme péjoratif anglais pour désigner les mexicains, utilisé couramment au Sud-ouest des Etats-Unis au XIXe siècle. On le trouve fréquemment dans les films muets californiens (deux Broncho Billy l’utilisent en titre). L’intrigue consiste donc en une confrontation entre Broncho Billy et un mexicain (Lee Willard, maladroitement grimé) qui avait importuné une dame. Constatant son infériorité au revolver, le vil latino entreprend donc de faire son affaire à l’universel héros WASP avec l’arme du lâche : le couteau.

Lee Willard, the greaser

A vrai dire, si l’on ne se renseigne pas sur le sens du mot greaser, cet aspect foncièrement raciste (pas spécialement sur le fait d’utiliser un mexicain comme méchant, mais sur l’emploi du terme, Hollywood ne cherchant pas encore, à cette époque, à vendre ses films dans le monde entier, peu de cas était fait des sensibilités nationales) passe parfaitement inaperçu, tant le mexicain en question ne correspond pas au poncif communément admis du mexicain de western.
Le greaser en question apparaît alors comme le méchant archétypal, fourbe, lâche et sans pitié. Le western devient un conte, avec son grand méchant loup, peu en prise avec la réalité. Broncho Billy est un chevalier qui aide les faibles, le méchant est capturé, le héros est sauvé grâce à la belle (hé oui). Les distances sont abolies, le vieillard en détresse s’évanouit à deux pas de la cabane de Broncho Billy qui lui même habite près du dancing et du magasin. Les décors sont minimalistes, quasi-symboliques, l’action est efficacement filmée, sans erreur mais sans invention, selon une recette éprouvée et répétée.

Le feuillage omniprésent, le jeu exagéré du muet (Marguerite Clayton)

L’ouest, ce sens mythique de l’ouest, l’hommage aux pionniers et à la conquête ne se trouvent pas ici, tant Anderson se contente de plaquer une geste chevaleresque dans le décor d’un genre qui reste encore largement à inventer.

Un humour uniquement tributaire du burlesque


Captures: DVD SinisterCinema

Broncho Billy's fatal joke



1914
G.M. Anderson
Avec : G.M. Anderson, Marguerite Clayton

G.M. Anderson fut la première star de western au monde. Après avoir joué plusieurs rôles dans le Vol du Rapide en 1903, le premier western jamais réalisé, dont le rôle du voyageur qui se fait descendre de façon théâtrale, G.M. Anderson part à l’Ouest et fonde la compagnie Essanay avec George K Spoor. Il écrit et tourne alors à Niles (devenu Fremont, en Californie) plus de trois cent soixante quinze westerns entre 1908 et 1915, dont il interprète également le rôle principal : Broncho Billy. D’après Robert Florey dans son livre Hollywood années zéro, G.M. Anderson ne savait même pas monter à cheval. Il apprit sur le tas, et eut toujours recours à des doublures pour les chevauchées. En tant que producteur, il parvint également à débaucher Charles Chaplin du studio de Mack Sennet, pour le perdre assez rapidement ensuite.
Difficile d’opérer un jugement sur les films de Broncho Billy disponibles. En voir quelques un parmi les centaines tournés revient à découvrir Sergio Leone en se contentant d’une scène au hasard parmi tous ses films : on n’a pas assez de matière ni de référent solide pour juger. Les trois que j’ai vus ont été tournés en 1914 et 1915, c’est à dire vers la fin de la série des Broncho Billy, quand Anderson commençait sans doute à en avoir assez de son personnage. C’est le seul indice que l’on peut avoir sur un quelconque manque de qualité des films vus par rapport à la norme.
‘Broncho Billy’ Anderson tournait ses films à un rythme d’enfer, à une époque où le cinéma s’inventait chaque jour, où la demande était forte en quantité, pas encore mature en qualité. Les acteurs, presque toujours les mêmes d’un Broncho Billy à l’autre étaient payés à la semaine et enfilaient les tournages comme on pointe à l’usine. La recherche artistique n’était pas encore déterminante, il faudra attendre les grandes œuvres de Griffith pour que le cinéma commence à être pris au sérieux en tant qu’art, et non pas en tant que divertissement populaire seul.
Quoiqu’il en soit, les Broncho Billy sont tournés à l’économie et cela se voit, comparativement aux William S. Hart, qui lui commençait à percer à la même époque, alors qu’Anderson déclinait. Pas de plan large, aucune mise en valeur des extérieurs qui se résument à quelques branchages et quelques collines aperçues de loin. Aucun plan large des décors non plus, les cabanes sont filmées de près, le même magasin général sert d’un film à l’autre.
Dans Broncho Billy’s Fatal Joke, les mines sont symbolisées par une pancarte plantée au pied d’un rocher. Broncho Billy fait une mauvaise blague à un vieux prospecteur qui malheureusement meurt d’une crise cardiaque. Broncho Billy va tout faire pour réparer cela et faire en sorte que la fille du vieux récupère quelque chose de sa mine. Bien sûr, il en tombe amoureux. Très courts, les Broncho Billy fonctionnent comme des fables avec une morale naïve. Même s’ils sont très « plan plan » au niveau de la réalisation, ils bénéficient d’un sens très sûr du montage (quasiment sans intertitres pour ceux que j’ai vus) et de la narration, et d’un jeu d’acteur tout à fait acceptable. Le résultat est remarquable connaissant les conditions de tournage. Mais ces qualités semblent issues d’un métier répété cent fois et non pas d’un talent inné, d’une manufacture déjà bien rodée, et non pas d’un genre à la naissance de son art.

Où les voir : DVD Broncho Billy Shorts Volume 1 de sinistercinema qui reprend trois Broncho Billy, disponible sur amazon.com. J’ai bien l’impression qu’il n’y a pas de volume 2. La qualité de l’image est correcte, mais comme d’habitude, le recadrage laisse à désirer, il manque de l’image à gauche et parfois à droite. J’aimerais bien connaître la raison technique de ce défaut récurrent, peut être la dégradation des bandes.

PS. Je n'ai pas trouvé confirmation si le Bronco Billy de Clint Eastwood est un hommage à Broncho Billy, mais il y a de grandes chances.


Image du haut: capture DVD Sinister Cinema
Image du bas: wildwestweb.net

mardi 20 octobre 2009

The Disciple

1915
William S. Hart
Avec: William S. Hart, Dorothy Dalton, Robert McKim, Charles K. French

The disciple, western de 1915 tourné pour la Kay Bee, annonce certaines thématiques qui seront développées avec plus d'emphase dans Hell's hinges: la ville du pêché, le tenancier de saloon qui voit l'arrivée d'un prêtre comme une menace et les quolibets des habitants. Ces points communs ne sont néanmoins pas - au contraire de ceux de Hell's Hinges - les éléments déclencheurs du drame. Peut-être soucieux de se renouveler, Hart et son producteur/scénariste Thomas H. Ince orientent fortement ce western vers le drame familial, dénué de véritable méchant et de scène d'action mémorable. William S. Hart joue un pasteur venu mettre de l'ordre dans la ville du pêché, mais que Dieu va rudement mettre à l'épreuve "par derrière" comme le dit le personnage lui-même, en jetant sa femme dans les bras d'un autre. Le pêché n'est pas toujours là où on le croit.
L'essentiel de la dramaturgie va alors se jouer entre Hart et Dieu, tandis qu'aucune affre familiale liée à la désertion d'une mère ne nous est épargnée: la mère (Dorothy Dalton, débutante assez convaincante) déboussolée, l'enfant qui réclame sa maman et qui tombe malade, le père abattu. L'amant (Robert McKim) n'est pour une fois pas un escroc et semble réellement amoureux de la femme. Son rôle devient presque touchant à la fin et agrémente le film d'une richesse supplémentaire.
Cependant, malgré un sens du tragique très prononcé, la morale prude et très vieux siècle de l'intrigue devait certainement déjà en barber plus d'un à l'époque, et il n'est guère étonnant, malgré toutes les qualités cinématographiques et dramatiques de ce genre de film que les spectateurs préférèrent bien vite le style bien plus bondissant et léger de Tom Mix. Néanmoins, ce film reste admirable et très prenant, de par la force du récit, et l'interprétation saisissante de William S. Hart. Le regard de cet acteur est en effet déterminant, bien plus que le gimmick de ses deux révolvers pointés dans la plupart de ses autres films (il est souvent surnommé The Two-gun man). Et c'est dans ce film, où il n'est quasiment pas armé, que l'on s'en rend compte le mieux.
(On notera tout de même la scène un peu ridicule, sans doute même à l'époque, du prêtre forçant le respect de son auditoire sous la menace d'une arme, preuve que personne ne pouvait concevoir un western avec
William S. Hart sans au moins une scène où il tient un révolver.)

samedi 17 octobre 2009

Seraphim Falls


2006
David Von Ancken
Avec: Pierce Brosnan, Liam Neeson

1868. Il s'agit d'une chasse à mort entre deux gradés de la guerre de Sécession qui ont des comptes à se rendre. Les poursuites, d'abord dans la neige, ensuite dans les plaines, puis dans la vallée de la mort sont palpitantes, bien menées, bien conçues. Les poursuivants et le poursuivi fonctionnent à l'économie. Dans la neige, le feu est primordial, dans le désert, c'est l'eau. L'importance des chevaux est très bien montrée, tout comme l'ensemble des détails survival (Pierce Brosnan allume un feu avec une cartouche et son énorme Bowie Knife). De même, les blessures et autres aléas de la vie aventureuses ne sont pas oubliées dix minutes après avoir été reçues: Pierce Brosnan ressent sa blessure au bras jusqu'au bout et accomplit l'ensemble de ses tâches avec un seul bras. On savoure l'aspect brut et premier degré de l'intrigue et on s'embarque dans un bon trip westernien qui ne cherche rien à démontrer, ni à expliquer, avec des réminiscences d'œuvres antérieures (Jeremiah Johnson, Josey Wales). On est bien également dans un western des années 2000: chapeaux melons, redingotes, pas lourds des chevaux, vapeur qui sort des naseaux, tout est là.
Le problème, c'est que le réalisateur a pris le parti de faire durer son film une heure quarante cinq minutes. Si le scénario est bien bâti pour ne pas être répétitif, la confrontation finale déçoit finalement parce que le réalisateur décide de ne pas suivre son idée jusqu'au bout, de laisser tomber la simplicité de l'intrigue pour tenter de raconter autre chose. Il a dû se dire, c'est pas possible que mon film ne soit qu'une poursuite sauvage sans autre but que la poursuite sauvage, il faut bien que mes personnages ressortent changés de leur aventure. C'est bien beau mais pour ça, il faut du talent et de l'originalité. David Von Ancken, lui nous refait le coup de la fin mystico-pas-claire, avec apparitions bizarroïdes (un indien qui garde un point d'eau, la mort dans sa carriole), symboles oniriques destinés à brouiller les pistes et à montrer que la confrontation est passée à un plan plus spirituel qui va in fine enrichir les deux hommes.
La conclusion définitive est donc "mouais". Tout ça pour ça, j'aurais préféré un film qui dure trente minutes de moins avec à la fin une éventration en règle (au moins, vu certaines morts violentes commises en cours de film) de l'une ou l'autre des deux têtes d'affiche, et non pas une énième tentative ratée de montrer par une ambiance faussement fantastique que tout cela est plus profond qu'il n'y paraît.
Mais c'est sans doute également dû à la présence de ces deux stars dont aucune des deux n'avait visiblement envie de jouer un salaud intégral, voir par exemple la ridicule scène de la maison brûlée où tout est fait pour justifier la haine de Liam Neeson envers Pierce Brosnan sans pour autant que ce brave Pierce ne soit un vrai enfoiré. Ridicules conventions hollywoodiennes dont on se passerait bien.
Pour autant, les deux acteurs sont parfaits, Pierce Brosnan en tête qui parvient à cent pour cent à faire oublier James Bond. L'action est omniprésente, les seconds rôles ont des gueules savoureuses, et tout ça ma foi, est déjà très bien.

Image: USMC sur Western Movies

vendredi 16 octobre 2009

Knight of the trail

1915
William S. Hart
Avec: William S. Hart, Leona Hutton, Frank Borzage

Pour changer, William S. Hart joue un bandit qui veut se racheter. Il nous épargne cette fois ci le coup de foudre rédempteur, les deux tourtereaux sont déjà fiancés quand l'histoire commence, ce qui nous donne une jolie scène de flirt pré-nuptial dans un restaurant. L'élément dramatique est ici la découverte du butin du bandit sous le plancher par la belle (Leona Hutton, dont la carrière sera très courte), qui va donc annuler le mariage.
Une fois de plus, en vingt trois minutes, notre héros aura la possibilité de se racheter. Il s'agit ici de démontrer qu'il y a pire qu'un bandit au grand cœur. Il y a des escrocs bien sapés qui promettent le mariage afin de voler les pauvresses sans défense. Frank Borzage (plus connu en tant que réalisateur) s'en sort correctement. William Hart est forcé de l'abattre alors qu'il est à terre. Ce n'est pas super glorieux, mais il se prend quand même une balle dans l'épaule (qui semble juste l'étourdir) et comme le dit l'intertitre final: "L'erreur est humaine, le pardon est divin". Hart est toujours aussi magnétique, avec son physique particulier, ses épaules tombantes, il dégage pourtant une force, une détermination sans égales. Un bon petit western muet sans prétention, sans génie, mais avec beaucoup de plaisir.

jeudi 15 octobre 2009

Le Justicier - Hell's Hinges


Hell's hinges
Charles Swickard
1916
Avec: William S. Hart, Clara Williams, Louise Glaum

J'en avais déjà parlé avant de l'avoir vu. Maintenant je l'ai vu. Et bien j'avais raison d'en avoir parlé avant de l'avoir vu. Ce film est superbe. Cinquante trois minutes de western rugueux et sombre. L'intrigue est un rêve d'intégriste catholique, sans une once de recul. Les bons notables d'un coté, les affreux dépravés de l'autre, l'héroïque église d'un coté, le saloon de l'enfer de l'autre. C'est simple, et ça fonctionne du tonnerre. C'est tellement outré que le film en devient génial. Suffit de prendre tout ça comme une convention de cinéma. William S. Hart, bien sûr, louvoie, mais il ne louvoie pas longtemps. On commence à le connaître, on attend et on prévoit le moment où il va poser ses yeux sur la splendide créature (Clara Williams, pas plus inspirée que dans The Ruse). Mais là, non seulement la belle le remet sur le droit chemin, mais en plus elle le convertit. Quand Hart entend sa voix, on dirait presque qu'il voit Jésus.
Convertir un bad guy, c'est bien, faire en sorte qu'il éradique le mal, c'est encore mieux. Le rêve de la purification par le feu se réalise. Hart brûle tout et stoppe l'avancée de Satan, pour aller recommencer sa vie ailleurs. Les notables eux, ont été contraints à l'exil tels des chrétiens primitifs sous l'empire Romain.
C'est du lourd, ça ne fait pas dans la dentelle, et c'est réalisé par un gars qui aurait encore sûrement des choses à apprendre aux cinéastes d'aujourd'hui s'il était encore vivant. La mise en scène est continuellement inspirée, le morceau de bravoure final est excellent.
Hart est brillant comme toujours, il est ici constamment nerveux, toujours prêt à se battre, toujours tendu, jusqu'à ce qu'il réalise sa mission divine et se relâche peu à peu. L'on n'invente rien. La ville s'appelle Hell's Hinges (les charnières de l'enfer) et rappelle d'ailleurs le Hell de L'homme des hautes plaines, des baraques en bois simples posées sur une étendue désertique plane, comme si le mal avait poussé comme une verrue par génération spontanée, totalement opposée aux visions idylliques de l'ouest présentées en début de film.
Jack Standing apporte également sa pierre à ce petit chef d'oeuvre en pasteur faible, le mec qu'a pas la vraie vocation. Il faut le voir halluciné par le vice, tentant de mettre le feu à sa propre église. C'est Louise Glaum qui se charge de le débaucher, et elle le fait bien (elle a tourné dans un film qui s'appelle tout simplement Sex, ça doit donc être un rôle un peu récurrent).
Les autres dépravés païens font la fête continuellement en rigolant grassement, ils voient la religion comme une atteinte à leur liberté. Le Swearengen du coin (Alfred Hollingsworth) voit la religion comme une entrave à son business. Mais leur point de vue n'est sans doute pas défendable, ils seront éparpillés dans la solitude infinie par un Hart furibard aux mâchoires serrées. Je l'avais déjà dit, Hart, seul qui tient tête à un saloon entier, n'est pas sans rappeler Munny dans Unforgiven. Plus mytho tu meurs. Plus tôt, on le voit, à genoux, le chapeau à la main, les deux flingues aux ceinturons, implorant Dieu au milieu de vieillards et de femmes inoffensifs. Un tableau pareil, ce n'est plus dans l'air du temps, mais c'est d'un mysticisme tel qu'il ne faut surtout pas le rater.

Image: Jicarilla sur Western Movies, à partir du livre The Complete films of William S. Hart
William S. Hart tente d'étrangler Louise Blaum.