dimanche 10 juin 2007

Navajo Joe


Un Corbucci qui n’est pas exceptionnel reste un Corbucci à voir…

Un dollaro a testa
1966
Sergio Corbucci
Avec : Burt Reynolds, Aldo Sambrell, Nicoletta Machiavelli


Navajo Joe (Burt Reynolds) voit sa tribu massacrée par des chasseurs de scalps, menés par le métis Duncan (Aldo Sambrell). Pour Navajo Joe, la vengeance sera brutale et sans concession.

La vengeance de Navajo Joe débute sous le signe du génie transalpin. Navajo Joe, en haut d’une montagne, nargue les chasseurs de scalps, hors de portée de leurs armes. Il reste là, immobile et il attend, sans un geste, qu’on vienne l’affronter. Si vous avez aimé l’attitude de Néo qui fait son petit geste de la main dans Matrix, ce n’est rien à coté de la force tranquille de Navajo Joe en haut de sa montagne, qui attend qu’on ose venir le chercher. Deux hommes de Duncan sont dépêchés sur place pour faire la peau à ce sale Indien. Aussitôt Navajo Joe disparaît du haut de la montagne. Les deux hommes montent vers le sommet, l’ascension est lente et Sergio Corbucci la filme quasiment dans son intégralité. Les deux hommes se séparent pour prendre l’Indien en tenaille. Grossière erreur. Des coups de feu résonnent, Duncan et ses hommes sont dans l’expectative, les gros plans pullulent. L’indien réapparaît, en haut de sa montagne, dans la même position que précédemment, se remet à attendre, tandis qu’un cheval ramène les cadavres des deux chasseurs de scalp. Le film n’est pour l’instant pas disponible en DVD en version française, ni même avec des sous-titres français, mais pas besoin de comprendre l’anglais, l’italien ou le japonais pour ressentir la force purement spaghettienne de ce prologue, ce mélange de flamboyance, de violence esthétisée et d’attitudes stoïques et démonstratives. Du pur bonheur.
Après cette introduction grandiose, on peut reprocher à Corbucci d’avoir tourné un peu vite, on peut voir des défauts (les indiens assez peu réalistes), on peut voir des invraisemblances (Duncan et ses hommes sautent dans le train sans s’inquiéter de l’absence du frère de Duncan), on peut même trouver l’ensemble assez médiocre en comparaison avec Django ou Le Grand Silence, mais on est content. Le reste du film se suit sans déplaisir, avec de l’action pure, la déchéance obligatoire du héros - pendu par les pieds, les personnages anti-héroiques mis à l’honneur comme le pianiste et ses prostituées et pour finir, le règlement de compte dans un cimetière indien qui voit les baddies se faire éliminer un par un jusqu’au dernier. Navajo Joe se moque éperdument de l’argent, Duncan non, et c’est l’énorme différence entre les deux hommes, le sang mélé de Duncan en fait un être impur, condamné par son attirance pour l’argent. Navajo Joe sème de l’argent pour attirer Duncan à lui comme on attire une souris avec du fromage. Et si, avant le duel final, Navajo Joe a demandé aux contribuables de la ville « un dollar par tête » pour les débarrasser des bandits, ce n’est pas pour l’argent, c’est pour leur rappeler que les chasseurs de scalp (qui étaient payés un dollar par scalp) étaient à l’origine payés par ces mêmes contribuables.
Pour assurer, au milieu du fracas des armes, le petit coté social et contestataire du film sans lequel un western italien ne serait pas un western italien, vous entendrez Navajo Joe remettre un petit notable à sa place, avec un petit discours bien senti sur la définition d’un « vrai » américain, discours qui pourrait faire sourire aujourd’hui par son coté politiquement correct, mais qui à l’époque était encore assez rare. Vous entendrez aussi Duncan raconter la solitude du métis, et la haine et la violence qui en découlent, avant d’abattre froidement un prêtre. Burt Reynolds, mi-italien mi-Cherokee assure son premier grand rôle dans la peau de Navajo Joe. Il n’est pas encore l’immense star qu’il deviendra par la suite, et bien qu’il donne à Navajo Joe un visage monolithique nécessaire au rôle, on devine dans le regard une certaine fragilité qui le rend attachant. Aldo Sambrell dans le rôle de Duncan, campe un méchant comme souvent beaucoup plus expressif que le héros, tourmenté par les vexations subies dans sa jeunesse. La musique signée Ennio Morricone est entêtante à souhait, on aime ou pas. Si on n’aime pas, c’est sûrement très dommageable pour le film tant elle est omniprésente. Mais si on aime, c’est un peu comme le paradis…

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