vendredi 3 août 2007

Le blanc, le jaune et le noir


Sergio Corbucci
Il bianco, il giallo e il nero
1975
Avec : Eli Wallach, Tomas Milian, Giuliano Gemma


L’histoire : prout, paf pif paf, blam blam blam, tagada tagada, pif paf, prout.

1975, le western italien se meurt. Certains travaillent à lui offrir un enterrement honorable (Keoma, Mannaja, Adios California) suite à l’épuisement de la veine parodique, Sergio Corbucci préfère jeter son dernier western dans la fosse commune de la vulgarité.
Le prologue est plutôt amusant, bien qu’une fois de plus Jean-François Giré ait jugé bon de le raconter in extenso dans son livre Il était une fois… le western européen (c’est d’ailleurs le défaut majeur de ce livre : la paraphrase n’était pas une gêne énorme en 2002 quand le livre est sorti, il le devient aujourd’hui que de plus en plus de westerns italiens sont disponibles). On subit ensuite une irritante musique des frères De Angelis, qui est d’autant plus mauvaise qu’elle vous trotte encore dans la tête trois jours après et que vous finissez par l’apprécier : on pourrait appeler ça de l’auto matraquage de masse. Les gags qui tombent à plat et les situations saugrenues s’enchaînent ensuite selon l’immuable cahier des charges de ce type de comédie : un peu de scato, un peu de burlesque, un peu de Tex Avery, beaucoup de bastons.
On a toujours plaisir à revoir Eli Wallach. Il a bien vieilli ici, et – fait remarquable – il joue un vrai honnête shérif un peu stupide mais pas tant que ça. A part ça, sa prestation reste tout de même en demi-teinte, très effacée.
Il faut dire qu’en face de lui, il y a Tomas Milian. L’acteur habitué des rôles déjantés – de l’albinos givré de Sentence de Mort au bossu timbré des polars futurs en passant par le burlesque Providence, Tomas Milian signe ici son rôle le plus loufoque, le plus exagérément cabotin, le plus énervant aussi. Interprétant un japonais apprenti samouraï légèrement con, doublé en VF de façon horripilante, il donne littéralement envie de lui coller des baffes tellement son jeu est exacerbé.
Heureusement, Giuliano Gemma est là pour exaucer notre souhait, grâce lui soit rendue d’en foutre plein la tronche au japonais. Gemma est un bandit suisse, légèrement dandy, un peu snob, mais pas vraiment attachant. Il devient même le plus antipathique des trois, car il est le seul finalement à être vraiment malhonnête. Son jeu est sobre, beaucoup moins efficace que dans Ben et Charlie.
Aucune des trois stars ne parvenant à emporter l’adhésion, les gags ne réussissent pas non plus à sauver l’entreprise. Du mal de dents navrant aux pets de poney, on soupire d’incrédulité. Il faut croire qu’il faut être dans un état d’esprit second pour apprécier ce genre d’humour et que j’ai raté le train pour celui-là. Les erreurs de vocabulaire à répétition du samouraï finissent par faire rire, pas parce qu’elle sont drôles, mais bien parce qu’elle sont répétées si souvent qu’on finit par succomber au matraquage. Quant au scénario, il est si navrant que ce n’est pas la peine d’en parler.
Et pourtant, Le Blanc le Jaune et le Noir a une certaine tenue, une réalisation efficace, des moyens conséquents et une bonne humeur communicative qui finit à la longue par faire céder la résistance du plus endurci des spectateurs. De façon incroyable, on finit par s’attacher au samouraï et à son sens de l’honneur presque anachronique dans ce type de film et on finit par prendre le personnage d’Eli Wallach en pitié. D’une façon incroyable, on prend le train en marche et on finit le film en se disant qu’on n’a pas passé un si mauvais moment que ça (surtout qu’à ce stade, on est déjà en train de se dire que la musique des frères De Angelis n’est pas si nulle finalement). Serait-ce le miracle Sergio Corbucci, ou plus prosaïquement le symptôme d’un sens critique émoussé ?
Pour avoir vu ce film en partie en famille et m’être tapé la fin seul, abandonné par tous ces lâches incapables de perdre 1h30 de leur vie devant un truc idiot, j’en suis maintenant convaincu : plus on regarde des westerns spaghetti, moins on est difficile !

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