dimanche 29 janvier 2012

La légende de Jesse James


The Great Northfield Minnesota Raid
1972
Philip Kaufman
Avec: Cliff Robertson, Robert Duvall


Devisant aux chiottes avec un accent de péquenot, les cheveux rares ramenés sur le devant du front, le Jesse James de Philip Kaufman, joué par Robert Duvall est un semi cinglé bègue qui ahane des visions piquées à son complice Cole Younger. Frank James est de la même étoffe (des zéros) et Cole Younger (Cliff Robertson), le seul à être un peu au dessus du lot, en a marre de passer à côté de la gloire.
Voilà le portrait qui se veut totalement irrespectueux et sans doute aussi plus réaliste de cette fameuse légende de l'ouest. Exit le romantisme, exit la grandeur d'âme, James s'apparente plus à un terroriste guérillero qui vient foutre le bordel en territoire ennemi dix ans après la fin de la guerre. La démarche peut énerver, mais au moins, c'est marrant, et puis quand les armes parlent, Kaufman n'hésite pas à faire ressortir le caractère légendaire de ces gars là, en en rajoutant de belles et bonnes couches dans l'exagération de leur habileté aux armes et de leur résistance aux balles (Cole, criblé de balles, qui se maintient néanmoins debout devant la foule extatique).






Comme tous les westerns de cette époque, l'on cherche également à se distinguer avec une imagerie qui tranche avec les us et coutumes du genre, par exemple ce tracteur à vapeur que l'on retrouve également dans un film de la même année (John McCabe) ou cette partie de baseball qui se termine par un coup de carabine en plein vol. Bref, on veut à tout prix se détacher des glorieux aînés des années cinquante. Brion n'aime pas, et une fois de plus il se trouve à sec pour présenter le film (j'espère qu'il n'est pas payé pour ça). Pourtant, le tout reste maîtrisé, iconoclaste et divertissant, et cela fait plaisir de voir les américains capables de traiter leurs légendes sous tous les angles.






Cependant, vu juste après le très bon Les Charognards et le plus ambitieux Soldat Bleu de la même époque, The Great Northfield Minnesota Raid déçoit, laisse comme un goût d'inachevé, échoue à dépasser la simple mise en image politiquement incorrecte du mythe. OK c'est différent, OK c'est maîtrisé, mais il manque le petit supplément d'âme pour que l'on s'attache malgré tout aux personnages. Le plus touchant étant finalement Luke Askew, avec sa lèvre explosée, qui passe sont temps à la cacher au monde sous un foulard ou une fausse moustache, même devant ses copains, même pour manger.




vendredi 27 janvier 2012

Les charognards

1971
The Hunting party
Don Medford
Avec: Oliver Reed, Candice Bergen, Gene Hackman


Le viol dans le western est toujours un moment pénible. Parfois parce que le metteur en scène réussit à faire vaguement passer la vraie pénibilité de l’épreuve (par exemple Clint Eastwood dans Pale Rider ou Josey Wales, encore qu’ici le viol soit aussi une manière de soigner l’entrée du héros). Parfois aussi parce que le réalisateur réussit une scène bien sordide, installant un malaise indéfinissable chez le spectateur (par exemple Clint Eastwood encore dans L’homme de hautes plaines, ou Lucio Fulci dans 4 de l’apocalypse). Mais la plupart du temps, le viol dans le western est une affaire pénible parce qu’il n’est qu’un gimmick, une scène obligée censée titiller nos bas instincts. C’est déjà pénible en soi, mais en plus, les scènes ont bien souvent vieilli, les cris paraissent surjoués et peu réalistes. En gros, cela n’atteint même plus son but initial, même les plus pervers d’entre nous mâles baillent en attendant que le héros vienne faire cesser les brassages de jupons. C’est comme ça dans la plupart des westerns spaghetti, c’était déjà comme ça au temps du muet (en plus suggéré).


Les charognards de Don Medford, réussit à être particulièrement pénible dans tous ces domaines. L.Q. Jones tente par deux fois de violer Candice Bergen de façon classique, c'est-à-dire la façon où on s’emmerde à attendre que quelqu’un vienne la sortir de là pendant qu’il s’échine à éplucher toutes les couches de jupons qui font obstacle. Clairement, c’est du typique, on attend que ça passe. Mais il y a aussi deux autres viols, pénibles pour les autres raisons. Le premier est un viol conjugal de Candice Bergen (encore) par Gene Hackman, scène quasi muette, qui ne paraît pas être un viol à première vue, mais dont le montage en parallèle avec une scène montrant des bandits en train de découper une peau de bête fraichement tuée permet d’en faire ressentir de façon assez saisissante la violence sourde et la douleur.



Le deuxième est le viol de Candice Bergen (avait-elle lu le scénario ?) par Oliver Reed, qui a le mérite d’être moins bruyant, plus en retenue, plus en douceur, et donc plus crédible, tout en installant un malaise du fait qu’il est inattendu. En outre, le personnage de Candice Bergen semble s’en accommoder, et finit par tomber amoureuse du gars. On a donc là une morale vachement féministe : si vous devez absolument violer une femme, faites le avec douceur, peut-être qu’elle tombera amoureuse de vous. Histoire de dédouaner le pauvre Oliver Reed qui n’est qu’un bandit qui a ses besoins, Gene Hackman viole de façon particulièrement sadique une pute chinoise, pour bien montrer que le vrai méchant c’est lui.



Comme vous avez pu le remarquer, Les charognards est déjà vachement malsain sur le plan du viol. Mais il faut ajouter qu’il n’est pas avare en hémoglobine non plus. Le pitch est tout bonnement formidable. Les bandits qui avaient enlevé l’institutrice Candice Bergen pour qu’elle apprenne à lire a leur chef (Oliver Reed) se font décaniller les uns après les autres par Gene Hackman et ses hommes, armés de carabines très longue portée. Les bandits ne peuvent rien faire d’autre que fuir, car leurs poursuivants prennent soin de se tenir toujours hors de leur portée. C’est une très belle idée de scénario, que le peu connu Don Medford pousse jusqu’au bout, le film prenant sur la fin des airs de fable. Candice Bergen et Oliver Reed redeviennent des hommes primitifs (Oliver Reed s’étant débarrassé de ses armes devenues inutiles), des sortes d’Adam et Eve poursuivis par un Dieu colérique. Et la fin est bien dans le genre du film, c'est-à-dire sordide.
Riz Ortolani signe une superbe musique dramatique, et le film étant tourné en Espagne, c’est l’occasion de revisiter la plupart des lieux de tournage des westerns de Sergio Leone, dont cette immense dune qui fait office de désert. Le DVD de Seven 7 est OK, avec une présentation totalement inutile de Patrick Brion qui n’aime pas le film et qui ne s’en cache pas. Jean-François Giré aurait peut-être lui, eu des choses plus intéressantes à dire. En tout cas, un western des années 70 assez peu connu, et pourtant particulièrement soigné, original, bien qu’assez dur et morbide dans l’ensemble. A voir.

dimanche 22 janvier 2012

Soldat Bleu



Soldier Blue
1970
Ralph Nelson
Avec : Candice Bergen, Peter Strauss, Donald Pleasence


Surtout connu pour son massacre final, qui fait de Soldier Blue l’un des westerns les plus radicalement pro-indiens, voire anti-américain de l’histoire, c’est finalement plus l’espèce de tragi-comédie précédant le massacre – et constituant la matière principale du film – qui nous surprend aujourd’hui. Candice Bergen, plutôt fade et anachronique dans La chevauchée sauvage, est tout aussi anachronique ici, mais loin d’être fade. C’est elle qui est chargée de réveiller la conscience du pâlot Peter Strauss, déclamant des facts and figures documentés qui pourront vous resservir pendant vos discussions de café du commerce. Démonstratif dans sa violence finale, le film l’est aussi dans son propos. Enfonçant des portes désormais grandes ouvertes depuis longtemps, Soldier Blue reste au ras des pâquerettes sans vraiment convaincre. Pire, la violence finale des Tuniques Bleues est tellement outrée, leurs rires vicieux sont tellement surjoués, que cette violence à l’encontre des indiens se révèle in fine moins percutante que celle mieux maîtrisée, plus courte, émotionnellement mieux amenée de films, comme Little Big Man ou Danse avec les loups. Le malheur dans tout cela étant que ce massacre évoque des massacres bien réels, celui de Sand Creek en 1864 et celui de Mŷ Lai au Vietnam en 1968.

Et donc, déçus de cette radicalité annoncée qui tombe plutôt à plat, on est par contre charmés par le reste, le road movie qui précède. Candice Bergen, loin d’être fade donc, possède en plus de son extra-lucidité sur le problème indien, un franc parler appréciable, une débrouillardise de tous les instants, des rôts bien modulés, des injures de charretier, et des vêtements qui s’amenuisent sans cesse. Peter Strauss s’applique à être benêt, et fait tout pour que l’inversion des rôles soit la plus caricaturale possible. La scène dans le chariot où il ne peut se résoudre à détacher avec les dents les liens de Candice Bergen sans préalablement lui couvrir pudiquement les fesses ballotantes, en est la plus marrante illustration. Donald Pleasence, de son côté porte le patronyme de Isaac Q. Cumber, ce qui ne jurerait pas dans un western parodique. De ce coté là, Soldat Bleu est vraiment bien inscrit dans la lignée des années 70, où le western se retrouve réduit à un simple décor convenu, dans lequel on fait son intéressant en détournant malicieusement les codes du genre un par un. Rencontres pittoresques, aventures iconoclastes, ton décalé, musique seventies de type Jon Baez, on apprécie la liberté de cette époque, la volonté de faire des films différents, d’inventer quelque chose de neuf, tout en restant formellement accessible et divertissant. Le contraste avec le massacre final aurait dû en être d’autant plus violent, mais comme on est au courant à l’avance de ce qui va se passer, tout est largement désamorcé, surtout qu’en terme de boucherie, Il faut sauver le soldat Ryan et John Rambo ont largement fait sauter le verrou supérieur depuis. Restent donc quelques images symboliques fortes, comme cette armée américaine qui piétine le drapeau américain et le drapeau blanc. Ce qui est quand même couillu, même dans les années 70.


Le dividi Studio Canal : ne vous fiez pas à la jaquette, il y a bien la VOST, et heureusement car la VF a certaines intonations grotesques à fuir.

dimanche 1 janvier 2012

L'ange et le mauvais garçon


1947
Angel and the badman
James Edward Grant
Avec: John Wayne, Gail Russell, Harry Carey, Bruce Cabot


Curieux western qui paraît atypique dans la carrière de John Wayne, et qui l’est d’autant plus qu’il en est le producteur. C’est l’histoire de Quirt Evans (John Wayne), un homme violent, mais pas foncièrement mauvais – comme pourrait le faire penser le titre – qui est recueilli par une famille de quakers, non-violents. Le film est en noir et blanc, le générique possède une touche de série B des années 30, et on y trouve d’ailleurs les noms de Harry Carey et de Yakima Canutt (comme assistant réalisateur). Le contraste entre cette mise en matière tonitruante (la musique de serial) et le calme nonchalant de l’ensemble du film est saisissant. La caméra s’attarde sur les réactions charmantes de Penny (Gail Russell) , tombée instantanément amoureuse de Quirt, qui écoute les propos délirants du blessé révélant un passé empli de femmes et de fureur. On observe aussi tranquillement la vie de la ferme, le biberon d’une jeune chèvre, la messe des quakers, et Quirt qui évolue peu à peu, sans appui grossier de la caméra. John Wayne adoucit un peu son personnage habituel, Quirt est moins brute et plus attentionné : la femme n’est pas ici un être que l’on se contente de respecter pour s’en éloigner dès que possible, c’est bel et bien une femme que l’on tente de comprendre. Ajoutons en outre que le comédien de doublage de la VF n’est pas l’habituel Raymond Loyer, mais –si j’en crois wikipedia – Claude Bertrand, qui lui donne ici une voix très tendre. Le DVD en ma possession n’ayant pas la version originale, je n’ai pas pu juger si John Wayne lui-même a adouci son timbre de voix pour ce film (On trouve le film en VO en streaming facilement, mais la qualité est épouvantable.)
Si on est mal disposé, l’ennui finit pourtant rapidement par s’installer, le film étant bien bavard, l’action rare et la conclusion évidente. La rechute, suivie de l’électrochoc salutaire qui orientera définitivement Quirt dans la voie de la non-violence se suivent sans réelle émotion. L'ensemble manque finalement de densité. Quelques scènes réussies nous réveillent, dont toutes celles faisant apparaître Harry Carey, l’immense star du western muet, qui tourne ici son dernier western. C’est lui qui sauve Quirt au final, et qui lui permet de s’en sortir en renonçant à la violence tout en se débarrassant de ses ennemis, ce qui est un beau tour de force. Le film sera un échec cuisant au box-office, ce qui ne doit pas vous empêcher de le savourer comme une curiosité.