Tire encore si tu peux!
Se sei vivo, spara
1967
Giulio Questi
Avec: Tomas Milian, Piero Lulli, Ray Lovelock
Attention gâchages! Les captures ci-dessous dévoilent une grande partie du film.
Western culte et dérangeant, Tire encore si tu peux! - encore un western italien mal servi par son titre français - donne le ton dès la première image.
La main de Tomas Milian qui sort de nulle part (en fait d'un tas de gravats d'une mine madrilène), reprise sur l'affiche, est à la fois dans le cadre esthétisant du western italien et en dehors à cause de la musique - assez entraînante et donc volontairement hors de propos - qui accompagne la scène.
Le flashback continue de jouer avec la convention: le ralenti, l'exécution sommaire, la lumière surexposée qui tranche avec l'obscurité du prologue, mais là aussi, le montage très saccadé avec changements de point de vue et bande son de bombardements préviennent l'aficionado que l'objet qu'il a devant les yeux n'est pas du western spaghetti conventionnel.
Le massacre des Tuniques Bleues est - lui - tout ce qu'il y a de conventionnel, en plus d'être fauché du point de vue budget. Mais cette caméra qui s'attarde sur ce soldat fauché en pleine baignade, l'est déjà moins.
Pour autant, Giulio Questi - au début - n'en rajoute pas des tonnes dans l'avant-gardisme - on n'est pas encore au niveau d'un El Topo. Les gueules de sadique qui se marrent, les trahisons, les peones qui se font tirer comme des lapins, les gammes sont là et bien maîtrisées.
Mais ces pauvres bougres, qui creusent leur propre fosse nous remémorent bien sûr, les pires heures de la seconde guerre mondiale. Les deux indiens ne sont pas des indiens mais des anges gardiens. Les balles en or, destinées à la vengeance, le retour de l'au-delà du héros, tout cela façonne très rapidement une atmosphère fantastique et oppressante.
L'imagerie dévie très rapidement également de la sauce spaghetti habituelle. Ce petit garçon nu, cette petite fille aux cheveux ébouriffés, évoquent bien plus le Tiers Monde, un pays en guerre, ou encore une cour des miracles peuplée de tziganes et de gens bizarres.
Première apparition d'une des chemises noires fascistes/homosexuelles (Sancho Gracia). A partir de ce moment là, Questi prend le parti de sortir les amateurs de western de son film, pour ne garder que les plus curieux, les plus ouverts, les plus endurants.
Questi retourne un poncif de plus. Les bandits que l'on imaginait martyriser la population du village, se retrouvent vite aux prises avec des individus encore plus barrés qu'eux, qui en plus privent le héros d'une partie de sa vengeance.
Tomas Milian, toujours très bon, regarde longuement les cadavres pendus et suppliciés. Totalement indifférent aux balles qui semblent le traverser comme un fantôme, il touche alors le chef des bandits et termine en 30 minutes ce que l'on pensait être le pitch du film. La scène suivante, dans laquelle les villageois cherchent à récupérer à la main, toutes les balles en or d'un Piero Lulli pourtant encore vivant est l'une des plus dérangeantes du western italien - à surtout remettre dans son contexte dans la mesure où aujourd'hui, certains effets ont particulièrement mal vieilli.
Que faire alors à partir de là? Questi part dans le bizarre, l'incongru, le symbolique. Tomas Milian se lave fréquemment les mains, les apparitions surgissent, les chemises noires festoient. Je ne peux pas chercher à comprendre vraiment. Certains l'ont fait, mais seul Questi a les clés, et surtout, on a parfaitement le droit de trouver cela un peu vain aujourd'hui, même si l'intrigue du film, son fil conducteur scénaristique, reste parfaitement lisible.
Entre outrances, provocations (pour l'époque) et vraies belles scènes nihilistes, Giulio Questi livre une vision de l'humanité aussi noire que possible. Conformément aux codes du genre, tout le monde y passe petit à petit. L'appât du gain, seule motivation du petit peuple spaghetti -souvent pour un effet épique voire comique - prend ici une tournure teintée de folie et de démesure.
Quand ce n'est pas la volonté d'en faire trop, c'est parfois l'effet daté des scènes gore qui nous sort du film. Mais la sincérité du propos est bien là. Questi ne filme pas l'horreur pour faire parler de son film ou pour attirer les foules, mais pour exorciser la noirceur qui s'est installée en lui.
Et quand arrive la scène de l'iguane et de la chauve souris, une chose est sûre, on se dit que Tire encore si tu peux n'est certainement pas un film de premier choix pour qui voudrait s'initier au western spaghetti. Mais quand arrive l’extraordinaire final, on se dit qu'il est indispensable pour qui voudrait avoir une vision aussi complète qu'extrême du genre.
Question initiation, c'est curieux parce que c'est en tombant sur ce film, tout à fait par hasard, que je me suis mis sérieusement au western italien. Avant je ne connaissais que les Leone et trois ou quatre autres classiques attrapés au vol à la télévision.
RépondreSupprimerAvec celui-ci, je crois qu'il y a vraiment tout ce les italiens ont pu apporter au genre, le baroque, le décalage, ce grain de folie si peu américain. Loin des nombreuses imitations et des parodies à venir, c'est une sorte de classique.
Oui en effet c'est curieux. Je n'imagine pas la ménagère de moins de 50 ans partir à la découverte du western italien après ce film. Mais ça prouve juste que tu n'as rien d'une ménagère de moins de 50 ans.
RépondreSupprimerLe gars qui montre ses petites miches là, tu parles d’une capture tristounette ! On voit mal le Duke exhibant son super cul de percheron de cette misérable façon, trop la classe !:)
RépondreSupprimerBah finalement ce film est rien que deadly, héritier des vieilles lunes noires du frénétisme romantique, rien de nouveau ni de bien original mais j’apprécie à petites doses…
RépondreSupprimerNon, le vrai grain de folie et de non-conformisme en nos temps de permissivité décadente demeure Old West et américain : c’est le Duke chargeant winchester au vent et la bride entre les dents cinq adversaires d’un coup !