samedi 23 février 2013

Colorado

La resa dei conti
Sergio Sollima
1967
Avec: Lee Van Cleef, Tomas Milian

Voici quelques captures de ce grand classique du western européen.




Au centre, Nello Pazzafini, l'un de ces habitués des seconds rôles que l'on repère et auxquels on s'attache. Il fait, dans ce très réputé western de Sergio Solllima une apparition éclair. Clignez des yeux, il va être abattu par Lee Van Cleef.



Ha, non, avant cela, la caméra se décale un peu vers la droite pour faire apparaître un pendu. Il y a quelque chose de réjouissant dans le western spaghetti, la morbidité d'un plan savamment composé est toujours dégoupillée par l'ironie de la situation, soulignée ici par l'ignorance crasse des trois malfrats.



Une belle caricature de baron prussien, avec son monocle, son balai dans le cul et ses moustaches en pointe. Il a beau avoir un holster fait sur mesure pour dégainer plus vite, il n'aura aucune chance face à Corbett (Lee Van Cleef) qui doit pourtant extraire un colt de 700 pouces de long de son pantalon. Valorisation de la technicité, toujours, cet amour des armes, mais qui ne vaut pourtant rien face à l'instinct du vrai surhomme.



Une image comme ça, avec un pistolero qui descend de cheval dans un tel décor, sur fond sonore de chtouings à la guitare du grand Morricone, c'est ce que j'appelle du cinéma. Les décors, avec ces maisons de torchis et ces bouts de bois qui se dressent au ciel, évoquent tout à la fois le Mexique, des habitations indiennes, et les bidonvilles du 20e siècle. En une image, Sollima crée un langage, un monde distant du western américain et pourtant si familier...



Toujours cet attachement à démontrer la technicité de ses personnages: Cuchillo (Tomas Milian) se protège derrière son cheval pour échapper à Corbett.



Le blaireau dans la bouche du barbier, repris quelques années plus tard par Valerii dans Mon nom est Personne.



Cuchillo donne corps à la caricature du Mexicain, il en joue, il la joue. Pouilleux à l’extrême  les habits déchirés, il joue au lâche et fait semblant - devant les gringos - de supplier, de demander pardon, en implorant et implorant encore, pour mieux se moquer d'eux quand ils ont le dos tourné.



Un autre exemple sur la même thématique, associé cette fois-ci à ce que la plupart des gens des pays développés ne connaissent plus: mendier pour manger. Mais au final, Cuchillo se jouera de tous ces gros bras du ranch. Cuchillo, c'est un peu la revanche du tiers-monde sur l'occident.



"Même les animaux ont besoin de manger".



"Une chance pour moi que les murs de mon pays soient faits de boue et de crachats!"



Fernando Sancho, ou la police au service du pouvoir, plutôt qu'à celui du citoyen.



La dextérité de Cuchillo aux couteaux, dextérité qui lui donne son nom. Là encore, Sergio Sollima renverse un poncif mexicain. Le couteau est d'habitude une arme de lâche, sournoise, douloureuse utilisé par d'odieux greasers sournois, comparée aux revolvers, qui tuent net et sans bavure, et dont l'usage en duels donne une vision presque chevaleresque. Ici, Cuchillo s'en sert d'égal à égal face à l'homme au revolver et paraît donc à chaque fois désavantagé. Le couteau ne se recharge pas, le couteau ne permet pas de tirer loin. C'est alors le revolver qui devient une arme de lâche, un symbole des puissants qui oppriment les pauvres péons.



"Il se cache paraît-il dans le champ de canne à sucre". Le western européen a toujours aimé les incongruités ou les pseudo-incongruités, les lieux inattendus dans le cadre d'un western. Un champ de canne à sucre, un bel endroit pour mourir.



La fronde, qui comme le couteau, démontre la supériorité en courage et en intégrité du péon, malgré l'avantage technologique de ses poursuivants.






Sans cheval, Cuchillo rampe plus qu'il ne marche, patauge dans la boue, se déplace à quatre pattes, se fond dans le décor, homme rendu à son état de bête par les hommes qui le pourchassent, parce que s'il s'arrête pour s'expliquer, ils vont le tuer.



Un savoureux plan, qui en plus d'inaugurer un duel inédit, montre l'état des pieds du pauvre gars qui sert de bouc émissaire aux pulsions perverses de quelques privilégiés.



Un traitement de la lumière solaire, qui éblouie et irradie les personnages, ainsi que le spectateur.



L'intérêt trop grand que l'on peut apporter au genre peut en diminuer la saveur. Cette dune, visible dans tant de westerns tournés en Espagne, est en fait une dune au bort de la mer. A chaque fois que je la vois, j'imagine les acteurs regardant la mer étale, les narines emplies d'iode, tandis que l'on est censés croire à un désert accablant au fin-fond des Etats-unis. Mais que cela ne vous empêche pas de savourer ce chef-d'oeuvre du western italien à sa juste valeur.

4 commentaires:

  1. Grand, très grand film. C'est l'un des premiers que j'ai découvert "hors-Leone". C'était il y a au moins 12 ans sur Canal+, via Dionnet et son Cinéma de Quartier. VF oblige, nous avions eu droit à une version courte mais appréciable.
    La dimension socio-politique du film n'est pas ce qui m'avait marqué le plus à première vue. Je l'ai vu avant tout comme du spectacle haut de gamme.
    Et j'ignorais également les secrets des lieux de tournage. Grâce à cet oeil neuf, j'ai aimé croire que les deux héros du film se séparaient dans un désert brûlant.
    Tu as raison Tepepa, depuis ce temps, à force de séances de rattrapage intensives, on en deviendrait presque blasé par ses sempiternels figures imposées que sont les paysages d'Alméria (entre autres).

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  2. Le pendu au début, ça me rappelle la première scène de "Les implacables " de Raoul Walsh. Clark Gable et Gordon Mitchell avancent dans un superbe paysage sauvage, la caméra pivote et on découvre un pendu. Gable remarque "Tiens, la civilisation".
    J'avais trouvé le décor de cette scène moins "italo-espagnol" que d'habitude. On dirait presque du Mann.

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  3. Gordon Mitchell, tu es sûr ?

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  4. Non, pardon, Cameron :)
    D'ailleurs c'est amusant : Gable / Ryan / Mitchell c'est le western classique / Moderne / Européen à venir.

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