Anthony Mann
1951
Bend of the river
Avec: James Stewart, Arthur Kennedy, Rock Hudson
Un homme au passé trouble (James Stewart) escorte un convoi de fermiers vers la terre promise. En route, ils croisent un autre homme au passé trouble (Arthur Kennedy). Une fois la terre promise atteinte, les fermiers sont aux prises avec un homme d’affaire peu scrupuleux qui ne leurs envoie pas le ravitaillement qu’ils ont pourtant payé.
Apparemment, les hommes sont différents des pommes. Une pomme véreuse doit être jetée, alors qu’un homme véreux peut redevenir pur. Il y a le Bien, le Mal, et les hommes qui cherchent à appartenir à un camp ou à l’autre. Il semble d’ailleurs que Les Affameurs cherche à présenter tous les types d’homme, d’un bord ou de l’autre et leurs évolutions d’un bord vers l’autre. Glyn McLyntock (James Stewart) est l’homme jadis mauvais qui tente de devenir bon, en espérant que la société le lui permettra. Cole Garret (Arthur Kennedy) est l’homme jadis mauvais, qui fait semblant d’être honnête mais qui choisit vite la solution de l’argent mal gagné, convaincu que de toutes façons la société ne lui pardonnera jamais. Il y a le patriarche Jeremy (Jay C Flippen), bon du début à la fin (apparemment ça existe). Puis il y a ceux qui naviguent à vue : la fille Laura (Julie Adams), un instant tentée par la vie facile dans la ville minière et Trey Wilson (Rock Hudson qui décidément ressemble physiquement à Sylvester Stallone) qui semble toujours faire le choix du plus fort. Il y a ensuite le cas inverse : l’homme d’affaire Tom Hendrickx (Howard Petrie), d’abord honnête et généreux qui devient un enfoiré sans scrupules lorsque la fièvre de l’or l’atteint. Et enfin on trouve les baddies, les vrais, qui sont juste mauvais parce que sinon la vie serait ennuyeuses : les hommes de mains prêts à trahir à la première occasion, dont un grand costaud assez inoubliable avec son calot rouge sur la tête. La vie n’est donc qu’une suite d’interrogations pour certains et d’épreuves pour d’autres afin de choisir ou de confirmer un choix de vie approprié à sa conscience, et pas seulement dictée par les évènements.
Outre ces considérations psychologiques qui pourraient en faire bailler plus d’un, Les affameurs est un pur western comme pourrait le clamer haut et fort une jaquette Evidis. Un vrai spectacle qui ne manque pas de scènes d’actions et qui pourtant a un rythme très serein, très mélancolique et naturel. L’accrochage initial avec les Indiens, qui sert à démontrer les qualités d’homme de terrain de McLintock est très classique, mais très bien construit : Kennedy sauve d’abord la mise à Stewart, et on se dit que Stewart est à nouveau un de ces anti-héros qui va s’en prendre plein la gueule pendant tout le film, mais non, Stewart fait son affaire aux 4 indiens restants, un par un, et hors champ, de façon à donner à ses capacités un petit coté surnaturel.
Cet aspect indestructible et surpuissant se retrouvera au cours de la confrontation finale : abandonné seul, sans armes et sans cheval, McLintock fera preuves de capacités tout à fait exceptionnelles pour retrouver et retourner la situation en moins d’une demi-journée là ou les spectateur s’attendait à un longue quête de vengeance étalée sur plusieurs semaines. McLintock se débarrasse des hommes de main de Cole Garret les uns après les autres, toujours hors champ, et surgit là où on ne l’attend jamais, dans un séquence bluffante dont le parti pris spectaculaire enchante. Du western, du vrai !
Et des moyens qui vont avec : paysages superbes et grands espaces, convois de chariots, ville minière en effervescence et bateaux à vapeurs : allie la richesse psychologique des personnages à l’excitation de l’action intégrée dans un univers « western » à la fois typique et charmant et pimenté par un duo d’acteur épatant. Le grand Western classique et indémodable, riche et exaltant, avec tous les ingrédients nécessaires et le petit plus d’un cinéaste au sommet de son art.