Jonathan des ours
1993
Jonathan Degli Orsi
Enzo G. Castellari
Avec: Franco Nero
Le film est dédié à Sergio Corbucci, et ça m'a fait un bien fou de voir ça, affiché sur l'écran en préambule. Imaginez, en 1993, quand tout le monde a oublié le western spaghetti à l'exception des Sergio Leone, Enzo G. Castellari et son pote Franco Nero remettent le couvert, et en plus ils dédient leur film à Sergio Corbucci. Pas à Sergio Leone qui mettait déjà tout le monde d'accord à l'époque, mais à Sergio Corbucci, le rejeton un peu moins glorieux de la famille. C'est dire que Castellari et Nero ne renient rien. On présente souvent ce film comme un western post-spaghetti, avec son message écolo, sa défense des indiens et sa philosophie de la nature. C'est pas faux. Mais moi j'ai surtout vu la violence implacable, les impacts de balle dans les corps qui sursautent, les ralentis ad nauseam sur les cascadeurs qui se vautrent avec application dans la boue. J'ai vu le regard bleu acier de l'inaltérable Franco Nero qui se fait crucifier comme du temps de Keoma, j'ai vu le méchant vociférer et mettre les fers au patelin du coin comme à la belle époque. Comme si rien n'avait changé en vingt ans, Castellari nous refait des cadrages spectaculaires et nous ressert les flashbacks en insert direct (avec le héros qui regarde le flashback à l'intérieur de la scène même) de Keoma. Seuls ont changés les décors (le film est tourné en Russie) et la musique, qui bien que peu avare en mélopées à la trompette, reste assez loin des standards spaghettien. Mais pour le reste Castellari et Nero s'en tiennent à ce qu'ils savent faire, défauts compris. On note toujours des plans foireux, ratés, voire ridicules quand les truqueurs veulent nous faire croire que Nero est une pointure en tir à l'arc. Les indiens manquent de crédibilité, je crois même avoir vu une squaw en pull, et Castellari n'oublie pas les délires les plus improbables du genre, avec cette bande de méchants en blouson de cuir type post-apocalyptique.
Les grands poncifs du western spaghetti sont donc bien en place et malheureusement personne à la production n'a cherché à sublimer ces poncifs qui restent à l'état de poncif, comme si Castellari et Nero se rendaient hommage à eux-même sans chercher le moins du monde à tester de nouvelles choses.
Heureusement, le film montre une autre ambition dans ses aspects plus dans l'air du temps des années 90. Le réalisateur parvient à concilier plusieurs thèmes, dont la défense des indiens, l'écologie, une histoire avec des ours, des flash-backs bien montés, tout en enrobant le tout dans un genre de ballade contée avec un Bob Dylan local qui accompagne l'action à la guitare. Le film n'est pas avare en phrases pompeuses à la mode indienne sur la Nature nourricière, suis ta voie, c'est ton destin, la Terre n'appartient pas aux hommes, c'est les hommes qui appartiennent à la Terre. La belle indienne (Melody Robertson) est quand même vachement belle, bien que assez typée caucasienne malgré ses tresses.
Avec tout ça, on passe au final tout de même un bon moment, même si on aurait aimé plus d'audace formelle et d'inventivité dans les scènes d'action, plutôt qu'une resucée de ce qu'on a vu déjà mille fois, agrémenté de thèmes certes hors du cadre habituel du western spaghetti, mais déjà traités ailleurs en mieux (Pale Rider, Danse avec les loups). Mais bon, on ne va pas faire la fine bouche, c'est un western européen à voir et qui aurait mérité d'être un peu plus connu au-delà du cercle des amateurs du genre.
Captures: western movies et western maniacs