dimanche 31 janvier 2010

L'homme aux yeux clairs - Blue Blazes Rawden


Blue Blazes Rawden
1918
William S. Hart
Avec: William S. Hart

Le premier mot qui viendrait à l'esprit en voyant cet opus Hartien est "dommage". On tient là un western du Grand Nord qui aurait pu être un authentique bon film, qui a tout juste et tout correque pour emporter l'adhésion du spectateur même biberonné à la 3D, mais qui échoue singulièrement par son scénario curieusement peu ambitieux. Jugeons sur pièce: notre héros violent bourru et impulsif gagne un saloon en tuant son propriétaire véreux à la loyale. Survient la mère du défunt, qui ignorant tout des turpitudes de feu son fils, s'attache alors à notre outcast comme à son propre fils. Hart est donc pris dans les tourments de la culpabilité car il ne peut pas avouer le meurtre à la vieille. Heu oui, et c'est tout ? Tout ça pourrait fonctionner dans un petit court-métrage comme pouvait en faire Broncho Billy (l'intrigue rappelle d'ailleurs Broncho Billy's fatal joke), mais devient plutôt ridicule quand on parle d'un film dont les personnages ont une affectivité si exacerbée qu'ils en viennent à se laisser mourir volontairement dans le grand froid à cause des sentiments d'une vieille qu'ils ne connaissaient pas deux jours plus tôt, alors qu'ils ont l'habitude de tuer du grizzly pour le petit déjeuner. Soyons honnêtes, les tenants et les aboutissants de ce film sont risibles, un peu comme si Roland Emmerich produisait un film catastrophe sur un nid de moineaux en perdition sur la Sèvre en crue.
Dommage alors parce que le tout est impeccablement réalisé. Les 20 premières minutes menant à la mort du fils sont extraordinaires, en commençant par le saloon, immense bâtisse de rondins énormes (le film débute avec Hart abattant un gigantesque séquoia à la hache), lieu aux multiples pièces et étages mêlant les habitants, les clients et la débauche renforcée à grand coup d'intertitres enflammés et déclamatoires. Le duel, forcément truqué envers Hart pour bien montrer que quoique fort rustre, on a quand même affaire à un bon gars, fait remuer la foule et Hart y est sublime, déchainé, presque fou. La scène est quasi anthologique, mais ensuite, l'ennui s'installe, et toutes les fulgurances qui suivront, telle le jeu de Maude George (une actrice qui arrêta le cinéma, devinez quand, avec l'arrivée du parlant) outré comme une caricature du muet , la pendaison subitement interrompue du deuxième fils ou la disparition finale du héros dans la tempête de neige sont totalement désamorcées par l'absence d'enjeu réel. On se console alors en notant la réalisation impeccable, un second rôle de Jack Hoxie et les intertitres qui se foutent de la gueule des franco-canadiens en reproduisant leur accent : "this ees my brothaire".
Bref, comme je le disais: dommage.

samedi 30 janvier 2010

Le serment de Rio Jim - The Bargain


The Bargain
1914
Reginald Barker

Avec: William S. Hart

Le voilà. The Bargain c'est le western qui propulse William S. Hart au rang de star du cinéma. On y trouve tout ce qui fera le succès de ses films: figure du bandit qui se range par amour, attaque de diligence les deux flingues en pogne, fuites dans la wilderness (tourné au Grand Canyon, quand même 8 ans avant le Sky High de Tom Mix!), réalisme à tous les étages et désespoir déterminé dans le regard. On n'y trouve pas non plus ce qui alourdira ses œuvres les plus tardives: bon sentiments, puritanisme à gogo et redondance des intrigues. The bargain est direct, sec, incisif et simple. Les scènes s'enchaînent sans temps mort, les décors et les situations sont variées, les péripéties sont parfois inattendues, telle celle montrant un shérif fautant à la table de jeu, et oui personne n'est tout blanc ou tout noir dans ce petit monde...
L'ouest décrit n'est pas un ouest de pacotille comme celui de
Tom Mix. Ce n'est pas forcément un Ouest véridique comme on voudrait tant le croire, mais c'est un Ouest qui a quelque chose à raconter, sans doute le dénuement de ces années et la pauvreté, la rusticité et la simplicité d'un monde disparu. Les hommes ne sont que vareuses élimées, galures déformés et hauts de forme usés. Les bâtiments couverts de poussière craquent silencieusement et les rocs déjà subliment les tourments humains.
Au milieu de tout cela,
William S. Hart et Thomas H. Ince posent leur expérience du théâtre, présentation introductive des personnages (qui montre au passage, que le grimage était déjà très performant à l'époque), découpage en cinq actes et jeu d'acteur affirmé. Et malgré cette influence théâtrale, on n'oublie pas non plus qu'on a affaire a du vrai cinéma, en témoigne ce long travelling dans la salle de jeu, qui détaille le petit monde crapuleux de l'ouest (et raciste envers les mexicains) avec en plus des personnages qui sortent du champ et que l'on retrouve - raccords - au bon endroit ensuite. Fabuleux non?
Coté acteurs, chaque hésitation, chaque douleur, chaque fragment d'espoir de notre acteur fétiche se ressent encore sur ces pellicules qui ont bientôt cent ans. Soudain notre héros éclate de rire, d'un rire franc du collier. Hart, avec son visage encore juvénile parvient toujours à nous toucher un peu alors qu'on commence à connaître son jeu par cœur.
Alors vous l'aurez compris, si vous devez ne voir qu'un seul western muet, choisissez un Ford majeur (The Iron Horse ou Three Bad Men), mais si vous avez le courage d'en voir un deuxième, choisissez donc un Hart!

samedi 16 janvier 2010

Django arrive, préparez vos cercueils


C'é Sartana... vendi la pistola e comprati la bara
Anthony Ascott
1970
Avec: George Hilton, Charles Southwood, Piero Lulli

IF (morosité > joie de vivre) THEN

  • OPEN(DVD player)
  • PUT(Django arrive, préparez vos cercueils)

IF (Jaquette Fluide Glacial stupide) THEN
PRINTF (Notons tout de même que la dessinatrice a pris soin de visionner le film et qu'elle a saisi correctement l'essence du film: gags et mortalité élevée).

IF (Titre français stupide)
{ENUM

  • Retitrer un film "Django" pour augmenter l'audience, les distributeurs de l'époque étaient déjà pas mal cons.
  • Retitrer un film Django alors que les deux personnages principaux sont Sartana et Sabata dans la version italienne, faut vraiment être très con vu que ces deux noms de personnages étaient déjà des pompes à fric.

}
THEN PRINTF (On s'en cogne, on a l'habitude!)

IF (Sourire < "Jusqu'aux oreilles") THEN COUNT (Détails Pittoresques OR marrants) {ENUM

  • Sartana, ses miches de pains, ses œufs durs, sa serviette à carreaux et sa salière.
  • Des hommes planqués sous terre pour attaquer un chariot minable
  • Une gourde percée en plein vol pour éteindre une mèche.
  • Deux hommes qui tirent une charrette avec une botte de paille dessus
  • Un type qui allume des allumettes coincées entre ses doigts de pied avec son flingue
  • Un derringer à quatre canons
  • Un jeu de dames avec des verres d'alcool à la place des pions: à chaque pion pris, il faut boire le verre!
  • Sabata avec son ombrelle.

}

IF (Sourire --) THEN IGNORE
{ENUM

  • Musique de Francesco De Masi franchement faiblarde
  • Le coup du porte-manteaux pompé chez Leone
  • Le coup de la dynamite qui se révèle être une bougie, déjà vu ailleurs
  • Les situations prévisibles comme les fusils disposés aux fenêtres pour faire croire qu'il y a des hommes armés aux aguets.

}

WHILE (Sourire STILL NOT "Jusqu'aux oreilles") THEN PLEASE NOTE FOR THE SPAGHETTOPHILES
{ENUM

  • Pierro Lulli en banquier véreux = JOIE
  • (Rick Boyd + Luciano Rossi) très très malsains et vicieux = CHOUETTE MOMENT
  • Spartaco Conversi avec ALWAYS barbe blanche = YOUPI
  • Marco Zuanelli + regard fou + tête dans la soupe = BONHEUR
  • Nello Pazzafini en bandido mexicano furioso enervado = ÉTAT DE GRÂCE
  • George Hilton, il est bien en fait!

}


IF (Viewer IS NOT westernophile) THEN

PRINTF (Erika Blanc elle aurait pas comme un air de Mélanie Laurent ???)


IF (Viewer == SPAGHETTOPHOBE)

{

  • PRINTF("Attention, tu vas pas aimer!!")
  • PRINTF("On t'aura prévenu!!")
  • AUTOEJECT
  • PUT (La Chevauchée furieuse des Apaches fantastiques OR La Charge Glorieuse de Fort Bravo OR Rio Hondo)
  • BREAKS

}

END

dimanche 10 janvier 2010

White Oak






White Oak
1921
Lambert Hillyer

Avec : William S. Hart

William S. Hart retrouve ici Lambert Hillyer, son réalisateur habituel de ses dernières années. On sent la fin proche, plus que quelques westerns, et William S. Hart laissera la main pour plus d’une décennie aux cowboys fantaisistes et athlétiques, avant que le western ne redevienne une affaire sérieuse dans les années 40. Le scénario est ambitieux, mais presque trop complexe. Hart, avec une coupe de cheveux qui ne lui sied guère, vole au secours de sa sœur dont la vertu est menacée par un faux dandy. Il n’y a pas viol, mais il faut lire entre les lignes et comprendre que c’est tout comme, la jeune femme ne survit pas à l’affront et meurt de dépression. Hart n’hésite pas à traiter de sujets graves. La vertu des femmes est en danger constant dans ce film, si l’on considère également le love interest (Vola Vale, la même que dans Silent Man) de Hart qui manque également de se faire violer par son père adoptif, homme d’église de surcroît, ainsi que la fille du chef indien victime du même dandy qu’au début.

Pourtant, on se perd dans des sous-intrigues peu claires, on comprend à peine le stratagème tarabiscoté qui fait que le dandy et ses hommes provoquent l’attaque des indiens, on ne comprend que fort tard que le jeune homme qui apparaît soudainement est le frère du love interest de Hart, on ne comprend que trop tard qui a tué le prêcheur, et le derringer qui accuse Hart sent un peu le coup fourré scénaristique. Ajoutons à cela l’évasion, un poil risible, ainsi que la mise à mal invraisemblable d’une attaque indienne par un seul homme, et on frise le too much. C’est comme si William S. Hart, auteur du scénario, avait voulu trop en mettre, comme si personne n’avait relu son script pour lui dire d’élaguer un peu son sujet. Au point que certains aspects du personnage, comme son métier de joueur professionnel et toutes les implications émotionnelles qu’un tel personnage promettait (affrontement avec le père adoptif de sa belle, défiance de la belle, rédemption) sont à peine évoqués. Trop d’éléments, pas assez de psychologie, un comble pour un western de Hart, songez que c’est un chien qui sauve la situation, non mais ho, pourquoi pas le cheval de Tom Mix pendant qu’on y est ?


Mais le film bénéficie néanmoins de nombreux moyens (très importante figuration) et présente l’originalité d’être situé dans les années 1850, avec de nombreux chapeaux haut de formes, un bateau à vapeur et des fusils qui se rechargent pas la gueule. Le tout est comme toujours filmé avec beaucoup de soins, à part les ellipses scénaristiques dont j’ai parlé mais peut-être manque-t-il des bouts, l’image est assez sévèrement cramée par endroits. Pas le meilleur Hart, donc, mais il n’en subsiste pas tant que ça, et celui-ci est tout de même fort respectable.


samedi 9 janvier 2010

Jim Hood's Ghost


Jim Hood’s Ghost
1926
John B. O’Brien

Avec : Josie Sedgwick

Petit western qui a la particularité d’emballer en dix minutes une histoire finalement assez complexe et de donner le premier rôle à une femme (Josie Sedgwick), cascades comprises. Une femme saute par la fenêtre et grimpe sur son cheval sans passer par la case étriers. Puis elle galope après le méchant de service et lui saute dessus pour le faire chuter. C’est tellement rare que ça vaut la peine de le mentionner, d’ailleurs son love interest fait pâle figure à coté. Pour le reste, c’est vite pesé, vite oublié comme une bande fantomatique qui vous passe devant les yeux, et qui vous fait vous demander pourquoi elle est ainsi exhumée alors que tant de chef d’œuvres de l’ère du muet ont disparu.

vendredi 8 janvier 2010

Le droit d'asile - The Silent Man



The Silent Man
1917
William S. Hart

Avec : William S. Hart

The silent man, l’homme silencieux, un peu comme une perfection de titre pour un film muet, même si dans le cas présent, il ne s’explique guère. Le titre n’est pas le seul à poétiser le métrage. Les noms des personnages d’abord, de 'Silent' Budd Marr pour notre héros et Nicodemus pour son âne, à Handsome Jack Pressley pour le méchant vicieux en passant par ‘Grubstake’ pour le tramp du coin ; les noms de lieux ensuite, de Bakeoven pour la ville cuite sous le soleil au Hello Thar pour le bouge du coin sans oublier Chloride pour la ville voisine. Toute une grammaire musicale de la civilisation pas encore tout à fait mature.
William S. Hart, une fois de plus, impressionne. Lorsqu’il apparaît, avec sa mule en chercheur d’or, il fait penser à la célèbre photo de Théodore Roosevelt en explorateur, et à nouveau, le cinéma muet opère un étrange passage de témoin, factice mais émouvant, de la réalité à la fiction. William S. Hart sait tout jouer, la méditation face au serpent, la joie roublarde dans le saloon, le découragement et la faiblesse lorsqu’il perd sa mine, la rage lorsqu’il devient bandit. Malheureusement, cette rage ne déborde pas comme elle l’avait fait un an plus tôt dans Hell’s Hinges, lorsque l’église de son ami brûle, lorsqu’il blesse un enfant par erreur. Hart se livre, perd, et ne doit son salut qu’à un retournement de situation de dernière minute, rocambolesque et décevant. Dommage, on était chaud pour une petite démonstration Hartienne, le regard fou, les deux flingues à la main, les méchants terrorisés. Et à bien y regarder, le scénario qui promettait une belle morale de l’honnête homme devenu bandit par la vilenie des profiteurs avec une magnifique rédemption finale, ne tient pas ses promesses et ne décolle que rarement de la simple série B. Malgré tout, un Hart reste un Hart et vaut mieux qu’un Edmund Cobb ou un Fred Thomson, aussi joyeux et sympas soient ils.

Où le voir : DVD Sinister Cinema




Capture: DVD Sinister cinema.
Image Theodore Roosevelt: http://www.fuckyeahtheodoreroosevelt.com/