mercredi 31 mars 2010

Mort ou vif


The quick and the dead
1995
Sam Raimi
Avec : Sharon Stone, Gene Hackman, Russel Crowe, Leonardo Di Caprio


En 1995, le western est mort depuis longtemps, personne ne songe à le réanimer, et surtout pas Sam Raimi qui nous présente là un pastiche fort bien léché mais dénué de la moindre petite touche d’émotion, d’affectivité, d’humanisme ou d’héroïsme.
Comme une mécanique bien réglée, Sam Raimi applique le manuel du parfait petit fan et oublie de faire un film. Alors d’accord, point de vue divertissement, on a tout, des ralentis sur des éperons qui font cling, des tenues crasseuses surmontées de gueules crasseuses farcies de dents cariées ou absentes, des zooms avant arrières, circulaires, zoom travelling ou travelling zoomés, plongées, contre-plongées et contre-contre plongées, tourbillons d’images parfaites et scintillantes. Quand il pleut, chaque goutte brille de mille feux comme un flingue astiqué de près, quand il y a des nuages, c’est du Turner puissance mille, quand il fait beau, le monde est ocre pastel magnifico caramba ! La caméra se promène comme une pro omnisciente toujours là pour capturer chaque détail important, soigner l’entrée des personnages, des éperons au visage, animée de mouvements fluides puis brusques avec bruitages qui percutent toutes les trente secondes à chaque fois qu’un percuteur fait clic, qu’une allumette fait scratch, qu’une porte fait bang, qu’un glaviot fait spioutch ou qu’un verre fait bling en tombant, clac clac boum, tu es mort, il est mort, nous sommes morts, hein qui est mort ? Ha c’est lui qui est mort ! Hooo le beau trou trou dans la tête qu’on voit le paysage à travers !

Coté fringues c’est un défilé de mode, des cache poussière, des vareuses noires, des costumes rutilants, aucune faute de goût, Raimi a bien bossé, ses scénaristes se sont décarcassés aussi pour trouver toutes les variantes possibles et imaginables à un duel, de face, de coté, en courant, en tuant, avec une pétoire rouillée, avec un indien immortel, oui rien à dire, c’est de la belle ouvrage !
Rien à reprocher non plus au sempiternel thème de la vengeance, c’est propre, c’est net, sans anicroche douteuse, tout comme la ville terrorisée par le dictateur sadique et ses sbires armés. Yep, les acteurs sont aussi tous aussi super-pro, Sharon Stone en tête qui fait très bien oublier l’incongruité d’une tireuse d’élite dans l’Ouest (mais quand même elle est mal peignée la Sharon !), Gene Hackman qui nous refait son Little Bill sans un accroc, Russell Crowe pas encore empâté et Leonardo Di Caprio carrément juvénile, et boudiou, y a même un cameo de Woody Strode!

Mais alors pourquoi on n’accroche pas, pourquoi on prend ça juste comme un respectable divertissement, pourquoi avec un tel savoir faire se contenter de décliner l’intégralité des poncifs possibles plutôt que d’essayer de scotcher le spectateur avec une vraie histoire, une tension qui grimpe, une tragédie au premier degré assumé pour faire larmoyer les ménagères, une empathie pour les personnages plutôt qu’un survol net et minimaliste de leurs motivations? Il aurait fallu nous montrer les faiblesses et l’humanisme de Herod, le coté sombre de Cort, les véritables blessures de l’héroïne, dépeindre des êtres vivants humains et touchants et non pas des mécaniques inertes qui ne parviennent pas à s’exprimer au sein d’un montage taillé à la serpe. Trois minutes dans le film, lorsque Hackman se bat contre Di Caprio, trois minutes où l’humain l’emporte sur le cynisme, où la tragédie commence enfin à s’exprimer, pourquoi tout le film n’est il pas comme ça ?
On va me dire, Sam Raimi a juste voulu se faire plaisir et nous faire plaisir avec un exercice de style totalement maîtrisé. Je le conçois, mais c’est juste très très dommage quand on a toutes les cartes en mains de miser petit quand on pourrait faire tapis.


PS : on note aussi certains plans de Sharon Stone, la clope au bec, qui de nos jours, font carrément subversifs !

mardi 30 mars 2010

Shootin' Mad


Shootin’ Mad
1919
G.M. Anderson
Avec : G.M. Anderson, Joy Lewis


On retrouve G.M. Anderson et son gros derrière et Joy Lewis et ses affreux cheveux (qu’elle a ici la bonne idée d’attacher) dans ce Shootin’ Mad qui fait partie des films de cinq bobines produits par Anderson dans le cadre de sa tentative de retour en indépendant. Il semblerait néanmoins que l’un des producteurs responsable de l’export ait eu le dernier mot en ce qui concerne le marché international, et ait décidé de manier les ciseaux avec dextérité pour ratiboiser la pellicule et transformer ledit cinq bobines en deux bobines seulement.

C’est la version dépecée qui est parvenue jusqu’à nous. Le résultat est narrativement assez époustouflant, puisque tout se tient correctement sans trop d’ellipses brutales, à l’exception du background du héros qui manque manifestement à l’appel. En revanche c’est artistiquement bien sûr n’importe quoi, les longues scènes introductives appellent un développement conséquent des personnages mais débouchent sur du vide, ce qui naturellement provoque une manifeste impression de gâchis de moyens et de talent. Le jeu d’Anderson est beaucoup moins développé que dans The Son of a gun et pour ainsi dire, l’ennui pointe assez vite le bout de son nez, surtout que la morale puritaine voit à nouveau triompher, comme dans un sous Hell’s hinges, la bonne parole civilisatrice de l’église sur le vice saloonesque qui ne fait rien qu’à avilir l’homme et la société en construction. On s’en lasse*.

Où le voir quand même: de toute façon, c'est en bonus du DVD Unknown video de The Son of a gun, donc si vous vous intéressez à Broncho Billy, vous l'aurez avec ledit Son-of-a-gun que vous le vouliez ou non.


*Et on note en aparté qu’à chaque fois l’église, et donc la civilisation, a besoin d’une bonne grosse brute au grand cœur pour faire le ménage chez la racaille et répandre son message d’amour, ce qui est finalement plus ou moins le pitch de L’homme qui tua Liberty Valance, sauf que Ford accorde le bénéfice de l’action de la grosse brute à la démocratie américaine et non pas à l’église, preuve que le Pappy avait su évoluer avec son temps.

samedi 27 mars 2010

The son-of-a-gun!



The son-of-a-gun !
1919
G.M Anderson
Avec : G.M. Anderson, Joy Lewis


On l’a vu avec Naked Hands, ‘Broncho Billy’ Anderson avait tenté, après quelques années d’absence, un ambitieux retour aux écrans. Mais si Naked Hands avait pu laisser quelques doutes sur sa date de tournage, il apparaît clairement dès les premières images que The son-of-a-gun n’est en presque rien affilié aux Broncho Billy première période (pour autant que je puisse en juger correctement puisque je n’en ai vu que trois sur deux cents cinquante !) et qu’il appartient bien aux cinq (ou dix, rien n’est sûr) longs métrages tournés par G.M. Anderson pour sa compagnie indépendante Golden West Producing Company après qu’il ait revendu ses parts de la Essanay. Le budget est ambitieux, les figurants pullulent et les décors sont de vrais décors, avec de vrais saloons et non pas une ou deux bâtisses filmées de près pour faire office de vieil ouest. L’exposition prend son temps, les personnages sont développés, la mise en scène soignée et portée sur le détail. Le film, sans être même modérément intéressant pour ceux non portés sur la chose, est notable sur plusieurs points pour les craqués comme moi.
Tout d’abord sur son scénario ambitieux et simple à la fois. Anderson joue un cowboy flamboyant, violent et un peu fou répondant au surnom de Son-of-a-gun, qui est une expression anglo-américaine qui signifie peu ou prou « fils de pute ». Anderson nous la joue un peu à la William S. Hart, c’est à dire que son regard croise celui de la femme (Joy Lewis, aux cheveux très mal peignés, et ceci n’est pas un aparté sur les démodées coiffures féminines du muet, là elle est vraiment mal peignée) et qu’il en est bouleversé, mais Anderson en fait un catalyseur beaucoup moins grossier que dans les films de Hart. Son héros n’en ressort pas radicalement transformé, il n’embrasse pas soudain un nouveau sacerdoce les yeux emplis de pathos, non, il se fait simplement expulser et part continuer ses conneries ailleurs. Cet aspect comme dégradé de l’intrigue Hartienne par excellence, associé à l’extrême simplicité de l’histoire (pas de méchant très méchant, pas de complot, pas de jeune fille en danger) renforce le réalisme et la crédibilité du scénario et des personnages. Le rachat du personnage sera limité au sauvetage du frère de la fille, en train de se faire plumer au poker. G.M. Anderson récupère en réalité une intrigue de base qui aurait pu servir à un Broncho Billy de la grande époque, et l’étire sur cinq bobines, sans rajouter d’éléments dramatiques supplémentaires. Il en ressort presque l’impression de regarder un western d’auteur, où l’important ne serait pas l’action, mais le contexte. Ajoutons à cela que le héros meurt à la fin sans avoir du tout eu l’occasion de se taper the girl (faut dire qu’avec la nature de cheveux qu’elle a, bref…) et on convient alors aisément de l’étrangeté de la chose dans le contexte de l’époque.
Deuxième point notable, le jeu de G.M. Anderson. S’il est largement desservi par son double menton et son gros cul, l’acteur compense au centuple par son personnage de chien fou aux yeux déments, tirant à tout va dans les saloons, offrant un mélange de force brute et de générosité (il paye toujours la tournée générale), incapable de discuter autrement qu’en aboyant les flingues à la main. Quand il se fait expulser, il se marre, prend son temps, plie ses affaires avec manières, se moque ouvertement de l'autorité. Quand il rentre dans un dancing, il a les yeux fous d’un illuminé en état de transe. Quand il lui faut du feu, il balance une grande claque dans le dos d’un petit notable, ou alors craque son allumette sur le violon du dancing. Quand il meurt, il a encore le sourire aux lèvres, les yeux humides et prêche soudain la bonne parole. Anderson nous fait là un Broncho Billy dérangeant, incapable de vivre en société mais bon en dedans. Si les courts Broncho Billy avaient pu faire douter du réel talent d’acteur de cette première star du western, The son-of-a-gun dissipe les malentendus et démontre l’implication et l’honnêteté de G.M Anderson dans son travail. A voir donc, pour les craqués de G.M. Anderson, c’est à dire, à n’en pas douter, une proportion majuscule et sans cesse grossissante de la population francophone.


Où le voir : DVD Unknown video. Si vous voulez découvrir Broncho Billy Anderson, je vous conseille d’abord ses courts de la ESSANAY (ici, ici et ) avant de mesurer la différence avec The son-of-a-gun.

samedi 20 mars 2010

Galloping Gallagher


Galloping Gallagher
1924
Albert S. Rogell
Avec Fred Thomson


Si l’on en croit Grapevine video, il n’y a que deux films de Fred Thomson ayant survécu jusqu’à nos jours : Thundering Hoofs et Galloping Gallagher. Et encore, Galloping Gallagher n’est pas complet, tout le début du film étant expliqué à grand renfort d’intertitres et d’images fixes. On ne perd sans doute pas grand chose coté scénario puisque l’intrigue semble être des plus basique, on y gagne même en flamboyance, jetés que nous sommes au cœur de l’action, sans préparation et sans exposition inutile. Des bandits, une jolie nana, Fred Thomson beau comme un soleil, nous sommes menés directement à l’essentiel, comme si le film avait été résumé aux constantes les plus spectaculaires du genre.
Du point de vue de la réalisation, Albert S. Rogell fait quelques efforts notables pour se démarquer du tout venant. Les mouvements de caméra subjective lors du sempiternel sauvetage de la femme en perdition sur un chariot (je ne sais pas si les femmes au XIXe siècle étaient réellement incapables d’arrêter un attelage emballé, mais vu les risque pris par nos héros pour les rattraper à chaque fois, cela aurait été judicieux de leur apprendre), le combat en ombre projetée où l’impressionnant et expressif méchant Frank Hagney tente à plusieurs reprises d’étrangler Fred Thomson, les doigts écartés comme Nosferatu, les tronches très freakesques des habitants, adjoint géant, petits vieux tordus et croque-mort hideux (la caricature même du croque-mort de Lucky Luke et son humour noir, toujours déçu quand il n’y a pas de morts) associés au contraste assez poussé de la photographie, confère à ce petit western un aspect assez expressionniste dont l’étrangeté est renforcée par l’absence de début.
Curieusement, on ne retrouve pas du tout la même ambiance dans Thundering Hoofs (réalisé la même année par le même Albert S. Rogel) beaucoup plus conventionnel mais doté semble-t-il d’un plus gros budget. Galloping Gallagher reste cloisonné dans une petite ville typique et sur des chemins de campagne, mais à la fin, tous les méchants sont entassés, pêle-mêle et sonnés, dans main-street sous les hourras des habitants. Alors que Fred Thomson fait à la femme pasteur (Hazel Keener) une demande de confession qui ressemble fort à une demande en mariage, celle-ci lui répond « Oh sweet thing » et le visage de Fred s’illumine, alors qu’elle s’adressait en fait à son cheval Silver King. Le film se termine, sans que le quiproquo soit levé, une originalité de plus pour ce petit film mutilé.

mercredi 17 mars 2010

Three Word Brand


Three Word Brand
Lambert Hillyer
1921
Avec: William S. Hart.

En ce mois d'octobre 1921, les acteurs semblent s'être donné le mot pour sortir des films dans lesquels il jouent deux rôles. Mary Pickford dans Little Lord Fauntleroy, James Kirkwod dans The great impersonation et Charlie Chaplin dans The idle class. William S. Hart surenchérit en jouant carrément trois rôles dans Three Word Brand.

Au crépuscule de sa carrière, Hart joue un père de famile qui se sacrifie pour sauver ses deux jumeaux de la menace des indiens, et c'est donc le premier film de Hart dans lequel il m'est permis d'assister à la mort de l'acteur, et ce, en outre au bout de dix minutes seulement, avec quelques peaux rouges qui trépassent également dans l'explosion du chariot. Le prologue est simple et direct, touchant, inscrivant comme souvent la petite histoire dans la grande, avec ce changement de génération, la disparition des Cheyennes et la civilisation toujours en marche.

Devenus grands, les deux jumeaux (tous deux joués par Hart) ont chacun été élevés par une famille adoptive différente et ignorent l'existence l'un de l'autre. L'un est devenu Gouverneur, adepte de la politique non politicienne, l'autre est devenu co-propriétaire de ranch, dur à cuire et répondant presque toujours par courtes phrases de trois mots (pas plus), d'où le titre Three Word Brand (Brand étant son prénom).

Ce renoncement de l’acteur au personnage du bon-mauvais bougre cavalant par monts et par vaux, toujours joué par Hart jusqu'ici, pour un prosaïque rancher plus attaché aux veaux qu'au vaux dit bien l'état d'esprit de l'acteur à l'époque, qui ne doit plus qu'un seul film à la Paramount après celui-ci, et qui désire avoir des enfants et acheter un ranch. On arrive bien au bout de la piste pour notre grand acteur.

Néanmoins, business is business, et une intrigue politicienne à base d'accès à l'eau vient interférer avec l'éveil à l'amour de Brand, Hart nous refaisant pour la centième fois la scène de l'homme rustre en arrêt béat, la bite au garde à vous devant la féminité épanouie (c'est une image rhétorique bien sûr, pas une image du film). Pas mal de redites (tournant au poncif) émaillent ici et là Three Word Brand, le clou du spectacle étant cependant constitué par Brand prenant incognito la place du gouverneur à Salt Lake City, donnant ainsi l'occasion à Hart de performer un grand numéro d'acteur, riche en sueur froide, en décalgags et en mimiques inquiètes (la future femme du gouverneur s'étonnant de le retrouver "brun comme un indien").
Pour le reste, les méchants de l'histoire offrent peu de consistance, bien qu'ils parviennent à blesser séverement le gouverneur (voir illustration). S'ils avaient réussi, Three Word Brand aurait été le film où Hart meurt deux fois, mais il n'y aurait alors pas eu le happy end qui semblait alors tout à fait incontournable dans le western de l'époque. A la fin, Brand get the girl et lui dit "I love you". Trois mots, encore...

mardi 9 mars 2010

Les Cheyennes


Cheyenne Autumn
John Ford
1964

Avec: Richard Widmark


Un début poignant avec des indiens tellement dignes et stoïques que les araignées y font leurs toiles, des paysages magnifiques dans tous les sens, un scénario qui allie la Tragédie à l'Histoire. Soudain, un intermède à Dodge City totalement décalé et Blake Edwardesque qui - petit miracle - réussit à s'insérer dans le drame en mettant en exergue la connerie des blancs, et puis retour à la sinistrose avec une séquence quasi-concentrationnaire dans un fort, pour finir en happy end mollasson où la poignée de Cheyennes survivants va pouvoir attendre la fin, vaincus, mais peinards.
Un demi-grand Ford, quoi, tout y est, mais rien ne fonctionne totalement. Marrant aussi de voir qu'en 64, Ford faisait encore sauter des précipices à des cavaliers émérites. Radotage édenté ou hommage à un truc qui date du muet? A chacun de se faire son opinion!

Capture: J.L. sur western movies

samedi 6 mars 2010

Le plagiat du Vol du rapide

The great train robbery, sorti en 1903, est considéré comme le premier film narratif de l'histoire du cinéma et comme le premier western de l'histoire du cinéma. J'en avais parlé ici. Le film fut un succès énorme à l'époque, G.M Anderson décrivant une réaction enthousiaste du public qui n'avait jamais rien vu de tel.
Le film fut plagié plan par plan par Siegmund Lubin en 1905. Le résultat est visible ci-dessous:







A l'époque, il n'y avait pas de copyright, et pas de lois pour protéger l'œuvre des cinéastes. La guerre commerciale, parfois violente, portait alors sur les brevets des caméras (qui servaient également d'appareil de projection) et sur les droits de distribution.
Siegmund Lubin n'eut alors aucun problème (ni aucun scrupule) pour faire ce qui est considéré comme le premier remake de l'histoire du cinéma, alors qu'il s'agit bel et bien d'un plagiat honteux. On peut jouer alors au jeu des sept différences, le passager abattu se contorsionne un peu moins, les décors peints sont clairement visibles, la scène finale où le spectateur est tenu en joue est beaucoup moins efficace, et le mannequin qui se fait balancer hors du train est tout aussi évident. La compagnie d'Edison, propriétaire de l'original, va quand même se lancer dans la bataille juridique pour tenter de faire valoir ses droits, alors qu'elle avait elle-même copié de nombreux films pour son propre profit. Les pionniers du cinéma étaient également des pionniers du droit d'auteur et des pionniers du plagiat.
Et pour conclure sur les à-cotés de ce film mythique, la même année, le studio Edison sortira une sorte de parodie de son propre film, The little train robbery, où tous les acteurs sont des enfants. Je ne vous ai trouvé que la première partie sur Dailymotion, pour le reste il faudra attendre que ça sorte en Blu-Ray:-)



1905 - The Little Train Robbery 1 of 3

La rédemption de Rio Jim – The return of Draw Egan



1916
William S. Hart

Avec : William S. Hart, Robert McKim, Louise Glaum

C’est amusant de voir que l’archéologie du western muet produit les mêmes résultats que l’archéologie du western spaghetti, en terme de réflexion sur notre propre capacité à distinguer le bon du mauvais. Nous voilà confrontés à des films qui font bailler – ou rire - le commun des mortels, et nous on cherche la petite bête, le petit truc en plus qui fait que tel ou tel film va être légèrement au-dessus de la production moyenne. Une scène outrée, un rictus encore jamais vu chez un acteur, un mouvement de foule saisissant, et on se dit « this is it », ou plutôt on voudrait se dire « this is it », toujours à la recherche de la perle, du petit chef d’œuvre exhumé, en une quête toujours renouvelée.
The return of Draw Egan n’est donc pas un chef d’œuvre, malgré ce rictus d’amusement intérieur qui marque la face de marbre de l’acteur William S. Hart à chaque fois que son personnage est confronté à une situation inédite. Bandit de grand chemin, Draw Egan devient en effet Marshall de Yellow Dog (une ville voisine de Broken Hopes, où « le seul péché impardonnable est d’être trop curieux sur le passé des autres », une fois de plus, la poésie des noms de lieu et la qualité des intertitres me laissent sans voix), et prendra soudainement très à cœur sa nouvelle mission après son usuel coup de foudre avec la fille d’un notable (Margery Wilson).
Comme dans Hell’s hinges, le notable véreux est encore un personnage inconnu dans le paysage du western. Les complets vestons favoris sont ici les représentants de la civilisation respectable. Les cowboys rigolards et les putes en sont la lie : Robert McKim, débraillé, moustache tombante et œil torve fait partie des uns, Louise Glaum, vulgaire et d’une beauté abîmée fait partie des unes. Comme dans le western spaghetti, on retrouve donc les mêmes acteurs et les mêmes actrices de film en film, évoluant sur les mêmes décors (ces villes toutes semblables, ce chemin serpentant dans la montagne toujours propice aux poursuites et aux attaques de diligences).
En terrain connu donc, William S. Hart, toujours impeccable, roule sa cigarette d’une main et craque son allumette de l’autre (sur la paume calleuse, la flamme sortant tel un numéro illusionniste), d’une indifférence apparente au mastard menaçant auquel il tourne pourtant le dos. « Si j’avais su qu’ils acceptaient les animaux dans ce saloon, je serai venu avec mon cheval » répond-il à la forte gueule. On y est encore, ça a beau dater de 1916, c’est bien du western. La violence relativement rare de The return of Draw Egan est malgré tout sèche et rapide, à l’image du duel final ou Egan utilisera à son avantage les reflets des vitres à l’encontre du pauvre McKim. Ajoutez à cela les habituels atermoiements moraux du bon-bandit-qui-veut-se-racheter-par-amour-mais-qui-ne-veut-pas-que-sa-belle-découvre-son-passé-trouble, et vous obtenez un bon William S. Hart, standard, bien fait, comme d’habitude quoi. Mais avec un petit rictus en plus que je n’avais pas encore vu sur le visage de l’acteur…

PS : comme pour le western spaghetti, les titres français révèlent la grande liberté des distributeurs français. Bien que le personnage joué par Hart ne soit jamais le même de film en film, les titres français sont tous à base de « Rio Jim », personnage aussi inexistant que la série virtuelle ainsi créée. Et il devient assez dur de s’y retrouver. Ainsi La rédemption de Rio Jim est un titre qui demande confirmation, d’autres sources attribuant le titre La Capture de Rio Jim à ce film. Il faut dire que les titres anglais ne sont pas toujours sûrs non plus puisqu'au cours des années 20, après que Hart ait quitté la Triangle/Kay Bee, ses premiers westerns étaient ressortis sous d’autres titres, Hart étant alors en compétition avec lui-même pour ses nouveaux films. The return of Draw Egan est aussi connu sous le titre The fugitive selon certaines sources, The fugitive correspondant à un titre altenatif de The taking of Luke McVane selon d’autres, qui aurait alors pour titre français La capture de Rio Jim, ces mêmes sources attribuant alors le titre La rédemption de Rio Jim à The conversion of Frosty Blake. Comme il n’y a pas de capture du héros dans The return of Draw Egan, mais plutôt une rédemption, je penche plutôt pour La rédemption de Rio Jim comme titre français de The return of Draw Egan, et la Capture de Rio Jim correspondrait plutôt à The taking of Luke McVane. Néanmoins, rien n’est moins sûr, heureusement ça n’empêchera pas le monde de tourner.

Où le voir : DVD Grapevine video, avec un petit court-métrage comique de la Keystone: Droppington’s family tree, avec Chester Conklin, un acteur comique totalement oublié aujourd’hui.