Rio Conchos
Gordon Douglas
1964
Avec: Richard Boone, Stuart Whitman, Jim Brown, Edmond O'Brien, Anthony Franciosa
Je voulais voir Rio Conchos depuis longtemps, depuis que j’avais lu dans le guide des films de Jean Tulard une phrase qui, à propos de Pour une poignée de dollars, disait à peu près ceci : «La même année sortait Rio Conchos, et personne ne cria au génie, allez comprendre… ». Ah ça, ça vous pose un film, hein ? J’imagine le petit rédacteur allergique au spagh, obligé de pondre une notule de trois lignes sur Pour Une poignée de dollars, et qui se dit, voyons, qu’est ce qui est sorti en 1964 comme western américain et qui vaut à peu près le coup ?
Rio Conchos, de Gordon Douglas donc. On connait Gordon Douglas pour son film de petites bêtes qui deviennent grosses (Them !) et pour son remake de Stagecoach (La diligence vers l’Ouest) qui tient le coup mais sans plus. Mais ses autres westerns (Le trésor des sept collines, la charge sur la rivière rouge, Chuka le redoutable…) nous sont inconnus (ouais, quand on veut faire sérieux, on dit « nous » au lieu de « je ». Bon sur un blog, c’est point grave, mais si vous voulez écrire un bouquin, mettez « nous », genre on est toute une bande de spécialistes aguerris à plancher sur le western, même si vous êtes tout seul à suer pour recouper vos fiches et vos DVD…), mais il paraît que Gordon Douglas est un artisan talentueux et que Rio Conchos est son meilleur film. Alors commençons par celui-là. En tout cas, tout comme Major Dundee tourné la même année (avec lequel il partage cette trame du périple qui part en couilles), il est la preuve que le western américain avait commencé sa mutation bien avant l’arrivée de la déferlante spagh, histoire de contrer une idée reçue selon laquelle le spagh aurait forcé le western américain à évoluer. (Mais qui se soucie encore de ces fadaises de nos jours ? Les nouveaux venus qui tombent dans le western consomment tout ce qu’ils trouvent avec le même bonheur, et c’est tant mieux.). Personnages non schématiques, torturés, violence fréquente, sauvagerie, l’Ouest et son mythe en prennent déjà pour leur grade en 1964. Tom Mix et Buck Jones sont déjà partis loin, et on ne les reverra plus jamais, car cela fait cinquante ans maintenant qu’à chaque fois qu’un western sort, on affirme haut et fort qu’il déboulonne le mythe de l’Ouest sauvage ! Coños, l’Ouest démystifié avec sa sueur et sa poudre est devenu un mythe à lui tout seul.
Dans Rio Conchos, les personnages sont cyniques (en particulier Richard Boone), ils ont la trahison facile et la gâchette ou le couteau chatouilleux. Même Stuart Whitman, le fadasse bellâtre des Comancheros, compose ici un militaire dont la mauvaise conscience lui file des aigreurs d’estomac. Et comme c’est un nordiste, on lui colle un sergent noir (l’athlétique Jim Brown dans son premier rôle) dans les pattes. Le quatrième larron est le latino Anthony Franciosa à l’irritante séduction, mais qui a le bon goût comme le dit Bertrand Tavernier dans le bonus du DVD d’échapper au stéréotype du greaser. Le casting est complété par l’incroyable Edmond O’Brien en gradé sudiste qui comme il se doit refuse la fin de la guerre, pète un câble, est atteint de la folie des grandeurs et agit comme un exalté. Le scénario est tout bonnement excellent et imprévisible. Même si le canevas de base (une mission pour récupérer un chargement d’armes) est tout ce qu’il y a de plus banal, on parvient rarement à deviner ce qui va se passer ensuite jusqu’au baroque finale.
Bien sûr, à cause de Tulard, je n’ai pas pu m’empêcher de comparer Rio Conchos à Pour une poignée de dollars. Ce film, aussi visuellement intéressant et ambitieux qu’il soit, peut-il être à la hauteur de la claque du maestro italien ? Pour moi, la réponse est non, mais je n’ai pas pu m’empêcher de noter une foultitude de détails qui plairont aux accros du spagh. En premier lieu la belle musique de Jerry Goldsmith qui préfigure les chtouigs Morriconiens. Ensuite cette scène inaugurale, où la vue en plongée sur Richard Boone sous son chapeau qui décanille des indiens évoque… Django. Sans parler de la violence qui ne fait pas dans la dentelle, de la sueur palpable, des esprits torturés, tout cela montre à nouveau que le western transalpin n’a rien inventé, mais plutôt catalysé une évolution en marche. Et d’ailleurs, prochainement si tout va bien, je vous causerai de Barquero.
1964
Avec: Richard Boone, Stuart Whitman, Jim Brown, Edmond O'Brien, Anthony Franciosa
Je voulais voir Rio Conchos depuis longtemps, depuis que j’avais lu dans le guide des films de Jean Tulard une phrase qui, à propos de Pour une poignée de dollars, disait à peu près ceci : «La même année sortait Rio Conchos, et personne ne cria au génie, allez comprendre… ». Ah ça, ça vous pose un film, hein ? J’imagine le petit rédacteur allergique au spagh, obligé de pondre une notule de trois lignes sur Pour Une poignée de dollars, et qui se dit, voyons, qu’est ce qui est sorti en 1964 comme western américain et qui vaut à peu près le coup ?
Rio Conchos, de Gordon Douglas donc. On connait Gordon Douglas pour son film de petites bêtes qui deviennent grosses (Them !) et pour son remake de Stagecoach (La diligence vers l’Ouest) qui tient le coup mais sans plus. Mais ses autres westerns (Le trésor des sept collines, la charge sur la rivière rouge, Chuka le redoutable…) nous sont inconnus (ouais, quand on veut faire sérieux, on dit « nous » au lieu de « je ». Bon sur un blog, c’est point grave, mais si vous voulez écrire un bouquin, mettez « nous », genre on est toute une bande de spécialistes aguerris à plancher sur le western, même si vous êtes tout seul à suer pour recouper vos fiches et vos DVD…), mais il paraît que Gordon Douglas est un artisan talentueux et que Rio Conchos est son meilleur film. Alors commençons par celui-là. En tout cas, tout comme Major Dundee tourné la même année (avec lequel il partage cette trame du périple qui part en couilles), il est la preuve que le western américain avait commencé sa mutation bien avant l’arrivée de la déferlante spagh, histoire de contrer une idée reçue selon laquelle le spagh aurait forcé le western américain à évoluer. (Mais qui se soucie encore de ces fadaises de nos jours ? Les nouveaux venus qui tombent dans le western consomment tout ce qu’ils trouvent avec le même bonheur, et c’est tant mieux.). Personnages non schématiques, torturés, violence fréquente, sauvagerie, l’Ouest et son mythe en prennent déjà pour leur grade en 1964. Tom Mix et Buck Jones sont déjà partis loin, et on ne les reverra plus jamais, car cela fait cinquante ans maintenant qu’à chaque fois qu’un western sort, on affirme haut et fort qu’il déboulonne le mythe de l’Ouest sauvage ! Coños, l’Ouest démystifié avec sa sueur et sa poudre est devenu un mythe à lui tout seul.
Dans Rio Conchos, les personnages sont cyniques (en particulier Richard Boone), ils ont la trahison facile et la gâchette ou le couteau chatouilleux. Même Stuart Whitman, le fadasse bellâtre des Comancheros, compose ici un militaire dont la mauvaise conscience lui file des aigreurs d’estomac. Et comme c’est un nordiste, on lui colle un sergent noir (l’athlétique Jim Brown dans son premier rôle) dans les pattes. Le quatrième larron est le latino Anthony Franciosa à l’irritante séduction, mais qui a le bon goût comme le dit Bertrand Tavernier dans le bonus du DVD d’échapper au stéréotype du greaser. Le casting est complété par l’incroyable Edmond O’Brien en gradé sudiste qui comme il se doit refuse la fin de la guerre, pète un câble, est atteint de la folie des grandeurs et agit comme un exalté. Le scénario est tout bonnement excellent et imprévisible. Même si le canevas de base (une mission pour récupérer un chargement d’armes) est tout ce qu’il y a de plus banal, on parvient rarement à deviner ce qui va se passer ensuite jusqu’au baroque finale.
Bien sûr, à cause de Tulard, je n’ai pas pu m’empêcher de comparer Rio Conchos à Pour une poignée de dollars. Ce film, aussi visuellement intéressant et ambitieux qu’il soit, peut-il être à la hauteur de la claque du maestro italien ? Pour moi, la réponse est non, mais je n’ai pas pu m’empêcher de noter une foultitude de détails qui plairont aux accros du spagh. En premier lieu la belle musique de Jerry Goldsmith qui préfigure les chtouigs Morriconiens. Ensuite cette scène inaugurale, où la vue en plongée sur Richard Boone sous son chapeau qui décanille des indiens évoque… Django. Sans parler de la violence qui ne fait pas dans la dentelle, de la sueur palpable, des esprits torturés, tout cela montre à nouveau que le western transalpin n’a rien inventé, mais plutôt catalysé une évolution en marche. Et d’ailleurs, prochainement si tout va bien, je vous causerai de Barquero.