The Way West
1967
Andrew V. McLaglen
Avec: Kirk Douglas, Richard Widmark, Robert Mitchum
Encore une de ces odyssées en chariots bien trop longues pour qu'on ait le courage de s'y coller jusqu'au bout. Du trio de stars, seul Kirk Douglas retient l'attention, de par la noirceur de sa composition. Le reste n'est que clichés, tirades grandiloquentes, ennui pesant, malgré quelques petits seconds rôles sympas. Si ce film a pu fonctionner à l'époque, il est plutôt à éviter aujourd'hui.
1965
The Halelujah Trail
John Sturges
Avec: Burt Lancaster, Donald Pleasence
Pour: Sympathique western parodique qui permet de passer agréablement son temps dans des décors somptueux, aux côtés de Burt Lancaster, dans la bonne humeur générale. A la fin, les indiens découvrent le Champagne, à leurs dépens.
Contre: Interminable pochade à grands moyens, longue comme un jour sans pain, pas drôle, surjouée, plombée par des chansons sans intérêt, dont tous les gags tombent à plat, et qui n'a malheureusement pas cette espèce d'humanisme chaleureux que même les plus mauvais Ford ont.
Sans opinion: sans opinion
Spoilers: toute la cargaison de whisky, argument central du film, va disparaître pour que la morale soit sauve. Comment ça vous vous en doutiez dès le début?
Bonus: pour Vincent d'Inisfree. Il y a dans ce film, de nombreuses scènes de bain.
Jo Limonade
1964
Oldrich Lipsky
Arte nous a donné récemment l'occasion de voir cette curiosité Tchèque de 1964, non dénuée de qualités formelles et d'inventivité. Ce western en noir et blanc, truffé de scènes musicales et d'éléments parodiques, propose un scénario ironique confrontant les pires soudards de l'Ouest, adeptes du Whisky et de la bagarre, aux ligues de vertu, pronant la sobriété par dessus tout. L'originalité vient du fait que le côté des vertueux se trouve comme champion un chevalier blanc qui est également un commercial pour la célèbre boisson gazeuse KolaLoka. L'ironie cinglante du film vient qu'à chaque morceau de bravoure, il fait un placement produit, s'assurant de bien mettre en évidence sa bouteille de soda face caméra. En outre, les ivrognes devenus sobres, deviennent meilleurs en tir, ne se ratent plus, et économisent à la société des frais médicaux.
L'aspect parodique, mêlant bagarres dantesques sous l'oeil atone des barmans, capacités athlétiques et justesse de tir ahurissantes du héros, propriétés décapantes voire explosives des tord-boyaux servis dans les saloons, force brute de l'homme de main du saloon qui bouffe son verre après avoir bu son - corrosif - whisky, bastons en accéléré, tricheur du saloon et ses multiples gadgets et cartes qui tombent de ses poches quand le héros le secoue par les pieds, tout cela fera immanquablement penser à Lucky Luke, même au plus endormi des aficionados.
Le héros, mélange de Tom Mix et Tex Ritter ou autre Gene Autry, est bien sûr un hommage direct aux héros des séries B des années 30, avec son costume blanc impeccable qui reste blanc même quand il descend d'une cheminée. Comme Benoit Brisefer, il a bien sûr un point faible: l'alcool, même à faible dose, le fait tomber raide évanoui. On passe un bon moment, d'autant que l'esthétique du film, très travaillée, offre un florilège de plans étudiés, de perspectives exagérées et de mouvements non naturels, accentuant l'aspect burlesque, presque dessin animé de l'oeuvre. Pour autant, toutes ces qualités n'en font pas un grand film, tout au plus une curiosité, un brin longuette tout de même surtout du fait des incessantes chansonnettes, mais qu'on remercie bien bas Arte de nous avoir présentée dans une aussi belle copie.
Capture: Edocle sur Western Maniacs.
En bonus, la critique du film dans le Paris-Match du 12 juin 1965 (cliquez pour lire):
Cuatro balazos
1964
Agustín Navarro
C'était en 2004 ou 2005. Depuis quelques années déjà, c'était l'effervescence dans le petit monde des aficionados du western spaghetti car le grand boom du DVD était là. De nombreux films sortaient, tous genres confondus, et les westerns spaghetti allaient enfin pouvoir être vus par une génération lassée d'attendre les diffusions télé, trop jeune sans doute pour avoir profité à plein de la manne de la VHS. Les sorties s'échelonnaient , sans réelle hiérarchie, et on trouvait de tout, du connu et de l'inconnu.
4 balles pour Joe (qu'incidemment il faut prononcer Joey comme dans Joey Starr et non pas Joe comme dans Joe Dalton) faisait partie de cette fournée de films mineurs aux titres pourtant aguicheurs: 4 balles pour Joe, Django le Proscrit, Cinq rafales pour Ringo. On les trouvait en kiosque, et bien vite à deux ou trois euros dans les brocantes et sur cdiscount.
Comme tout le monde dans la blogosphère - vous noterez comme ce mot est devenu has been - je m'étais acheté ces films à pas cher, je les avais mis dans le lecteur, j'en avais regardé cinq minutes, et les avais remis, bien vite dépité, dans leur boîte. Certains sur les forums (pour les plus jeunes, un forum est un espace d'échange pré-facebook/twitter) regardaient jusqu'au bout, poussaient les autres à en faire de même, mettaient en avant le peu de moyen de l'entreprise, louaient le sérieux et l'intégrité de l'affaire et mettaient un nom sous tous les seconds rôles du film.
C'est que pour la plupart, ces films étaient des "proto-spagh", c'est à dire des westerns européens certes, mais qui intervenaient avant la révolution Leone, des films d'un classicisme absolu qui copiaient la manière américaine avec application.
Dans 4 balles pour Joe, la première image m'avait marqué. Un cowboy assis sur un muret, à coté d'une route qui paraît trop moderne, accompagné d'un mouvement de caméra trop amateur. Je crois que je m'était arrêté là, horrifié par le flagrant manque de moyen de cette amorce. Dix ans plus tard, je me dois de réparer cette injustice, parler de ce film qui a tout de même du financement français dans les veines, un scénario solide, une réalisation qui tient la route. Premier point, le cowboy raté de la première image aura son importance plus tard, tout se tient, tout fait sens. Deuxième point, le titre n'est absolument pas mensonger. Joe se prend quatre balles, pas une de moins pas une de plus. Il se les prend dès le début en pleine nature, et petit raffinement du réalisateur Augustin Navarro, la caméra s'attarde sur son cheval qui continue à avancer avec le cadavre de son maître sur le dos, avant finalement de le voir choir par terre. Ce n'est certes pas original, mais ça marche. Suite à ce meurtre, Cathy Dalton (Liz Poitel) est accusée et condamnée à faire de la prison. La belle ne supporte pas l'idée et s'enfuit en courant avant de se faire écraser par une charette. On remarque que la charette ne s'arrête pas, à nul instant on ne voit le conducteur de la charette s'approcher pour voir comment va la malheureuse. La charette a en effet rempli son office d'instrument des divines voies impénétrables, elle peut disparaître. C'est un cinéma de l'économie, qui va droit au but et ne se déroute pas pour capturer des moments d'humanité. Cathy Dalton morte dans les bras du Shérif (Fernando Casannova), tout le monde redoute alors l'arrivée de Frank Dalton (Paul Piaget), car c'est bien la soeur du redoutable bandit qui vient de traverser sans regarder à gauche et à droite. Mine de rien, Augustin Navarro parvient à créer une belle tension dramatique lorsque la ville retient son souffle en attendant l'arrivée de Frank Dalton. Par contre, en 1964, il n'y a pas encore eu Pour Une poignée de dollars, il n'y a pas encore eu Django, il n'y a pas encore eu Le Temps de Massacre, ce qui fait que quand Frank Dalton arrive, il ne massacre pas les villageois, il ne fouette personne, il arrive seul et préfère mener sa petite enquête. Propre comme un sou neuf, il semble faire le concours de la chemise la mieux repassée avec le Shérif. Pour la crasse, la sueur, la barbe de trois jours, il faudra attendre encore quelques mois.
Le cowboy du tout début qui en sait plus que les autres sur qui a tué Joe meurt aussi à son tour. A ce stade, si vous n'avez pas été attentif au scénario dès le début, c'est mort pour vous, et vous ratez le seul intérêt du film, c'est à dire une enquête policière bien ficelée qui demande un minimum d'attention de la part du spectateur. Au moins ne serez vous pas dérangés par une psychologie de comptoir. Le héros est droit dans ses bottes, héritier direct de Tom Mix. Un court instant, on veut nous faire croire qu'il pète un câble, qu'il se laisse dominer par son pouvoir, mais on sait bien que ce n'est qu'un piège. L'identité du coupable n'a finalement pas grande importance, on observe avec bienveillance le réalisateur faire de son mieux avec peu de moyens, on remarque les plans de la piste (de la route goudronnée avec de la poussière dessus en fait) qui sont réutilisés plusieurs fois pour faire croire à une longue chevauchée. On sourit lorsqu'une montre musicale prend soudain une importance majeure dans le film (Sergio, avais-tu vu ce film?), on s'amuse des personnages qui poussent des tonneaux en arrière plan pour simuler l'activité d'une ville américaine de la deuxième moitié du XIXe siècle. Tout cela concours à recréer sous nos yeux cet Ouest de carton pâte, totalement déconnecté de la réalité, mais qui existe pourtant dans un coin de nos mémoires, cet Ouest fantasmé à travers des séries B et des séries TV de troisième zone, cet Ouest imaginaire où la géographie et l'histoire n'ont pas de prise et qui nous servait de terrain de jeu. Y retourner de temps en temps ne sert pas à grand chose, mais autorise au moins une certaine indulgence pour ce type de film.