High Noon
1952
Fred Zinnemann
Avec: Gary Cooper, Grace Kelly
Encore un classique de mon enfance que je n'avais pas revu depuis des lustres, empêché par un souvenir vivace d'inaction totale, et par les propos de Hawk sur son Rio Bravo qui serait l'anti-High Noon par excellence. Et comme j'aime beaucoup Rio Bravo, j’ai attendu longtemps. L’autre jour je l’ai vu chez Noz aux cotés de deux Terence Hill retitrés: Trinita remet le couvert et Trinita reprend l’avantage. J’ai pris le Gary Cooper.
High Noon commence par cette belle image de Lee Van Cleef. Etrange destinée de cet acteur, qui fait que rétrospectivement on attache de l’importance à ses rôles de seconds couteaux. En tout cas, dans ce film, même si son personnage n’est pas très développé, il survit pendant quasiment toute la durée du métrage. C’est déjà bien.
Les lèvres bougent pendant la chanson du générique, mais on n’entend pas leurs paroles. L’effet est étrange, comme si on épiait les deux hommes, et comme si le réalisateur nous prenait pour des gens intelligents, capable de comprendre un film sans en avoir toutes les clés.
La ballade, chantée par Tex Ritter, est langoureuse à souhait, ce qui a pour effet de dédramatiser la chevauchée de ceux dont on ne saurait pas encore qu’ils sont les méchants si l’on n’avait pas reconnu Lee Van Cleef.
La chanson s’efface au profit des cloches. C’est beau. On se dit que Leone dans ses films n’a fait qu’exacerber un esthétisme déjà en place pour mieux nous le révéler.
En parlant de Leone, une gare et trois truands, on y est. L’un deux se rafraichit la figure dans un baquet qui traine par là. Le pittoresque au service du cinéma.
Les yeux incroyablement perçants de Grace Kelly, dont c’est l’un des premiers films.
Des seconds rôles bien écrits. Le film a l’intelligence de ne pas leur faire faire ce que l’on attend d’eux: les couards restent couards, les indépendants restent indépendants, les butés restent butés, et le Shérif Kane sera finalement aidé par la personne qu’il attendait le moins.
Gary Cooper, encore beau, fringant et sûr de lui, n’a pas encore commencé sa mue en vrai héros de western.
Le juge se barre et emporte son drapeau avec lui. C’est la civilisation qui recule devant la barbarie. Je n’ai pas bien compris en quoi ce film pouvait être une dénonciation du maccarthisme, mais ce genre de plan va certainement à l’encontre du mythe de l’Ouest en perpétuelle marche en avant vers la civilisation.
Le maitre d’hôtel (Howland Chamberlain si j’en crois imdb), un savoureux petit enfoiré, mesquin et détestable.
Le swearengen du coin, encore un tout petit personnage intéressant (Larry J. Blake toujours selon imdb), légèrement louche et pas vraiment sympathique non plus.
Le regard de Gary Cooper commence a trahir la pression, le découragement, la peur…
… au point qu’il se laisse aller à pleurer sur son bureau. Pas étonnant que le Duke n’ait pas aimé.
L’omniprésence de cette horloge, filmée quasi en temps réel, en plans de plus en plus rapprochés, contribue fortement à l’efficacité du film, sans aucun temps mort malgré l’absence totale d’action.
Autre gimmick visuel, seules lignes de fuites de ce western essentiellement urbain, les rails vers l’horizon, échappatoire impossible puisque de là vient le danger.
La dernière minute avant l’arrivée du train est extraordinaire, succession de plans de plus en plus rapides et de plus en plus rapprochés, qui permet de revoir tous les personnages du film…
… jusqu’à cette belle composition.
Gary Cooper a achevé sa métamorphose. Sueur, saleté, peur, mais aussi classe et détermination, on y est, le western peut commencer.
Formidable mouvement de grue qui symbolise la solitude du shérif face au danger. De nos jours ce genre de plan révèle des hordes de soldats pixélisés à l’infini. Là on découvre du vide, économie de moyens pour effet maximal.
Quand je disais que le western vient seulement de commencer, en plus il n’est pas avare de poncifs.
Le héros à terre. Belle image d’impuissance couplée à une belle scène d’action. Efficace.
Encore un poncif oui, mais un poncif avec Grace Kelly n’est pas un poncif.
Autre plan redoutablement bien mené: la rue qui soudainement se remplit de monde alors que la ville semblait désertée.
Le plan final, qui me fait plus penser à la scène parodique que l'on trouve dans Lucky Luke que l’inverse. C’est le problème d’être né trop tard pour avoir découvert les choses dans l’ordre.