Hostiles
2018
Scott Cooper
Avec: Christian Bale, Rosamund Pike
Hostiles est plutôt un bon western, bien réalisé et prenant, bien que louchant largement trop vers le western contemplatif, le western qui prend son temps, le western qui fait des plans fixes pour bien montrer l'âme torturée de ses personnages. Le tout parsemé d'explosions de violence régulières pour nous réveiller. On suit un capitaine de cavalerie, qui a cassé de l'indien toute sa vie, qui escorte un vieux chef indien qui souhaite mourir sur ses terres natales. Ordre de Washington, on est en 1892 et l'opinion publique commence à se préoccuper du sort des sauvages dont les terres ont été confisquées depuis deux siècles. Le film tient un discours curieux, bancal, apparemment à dessein, de brouiller les pistes, de ne pas faire dans le politiquement correct. La démarche de Washington est vue comme une manoeuvre politicarde, le journaliste qui accuse le capitaine d'être aussi sauvage que les indiens semble être un vil manipulateur. Les indiens, montrés dans leur plus pure tradition de mal absolu dans une scène inaugurale d'une violence à couper le souffle, ne sont pas ces héros new-age en symbiose avec la nature. Mais le réalisateur coupe immédiatement sur la violence exercée envers les indiens, sans transition, pour appuyer - de façon certes un peu démonstrative - là où ça fait mal. On dirait qu'il veut couper court à la question des guerres indiennes, pas de bons, pas de méchants, il y a eu beaucoup de morts des deux côtés, de la sauvagerie égale par ailleurs, et puis c'était il y a si longtemps... C'est sans doute d'ailleurs le sens du dialogue final entre le vieux chef et le capitaine.
Quand une femme de Colonel prend la défense des indiens face au Capitaine qui a perdu deux hommes et à la fermière qui a perdu toute sa famille à cause des Commanches, on ne peut que compatir avec ces deux-là, qui vivent le "problème indien" de l'intérieur, quand les bourgeois font de belles phrases utopiques dans leurs salons. Et puis hop, le réalisateur contrebalance ça avec pêle mêle un soldat dont la haine des indiens n'a pas de limite, des trappeurs ignobles qui violent l'ensemble du casting féminin sans distinction de race, des propriétaires terriens qui tirent d'abord et posent des questions après, et un soldat qui, semble-t-il inspiré par la pluie, vient demander pardon au vieux chef pour tout le mal que les blancs ont causé à son peuple. Au bout du compte, ça fait beaucoup d'appels du pieds pour dire "Voyez comme mon film est profond en fait!"
Dans les cadrages aussi, on entend un peu trop le réalisateur penser. En intérieur il essaye de reproduire des peintures du XIXe siècle, avec l'air de quémander notre approbation à chaque plan. En extérieur, plus classiquement il met en valeur les magnifiques paysages américains. Les personnages aussi sont soignés. Christian Bale a bricolé sa mâchoire inférieure pour qu'elle avance et se donner un air un peu rustre. Il arbore une moustache magnifique. Rosamund Pike reste très crédible en femme de l'ouest, sauf quand elle décide de poursuivre l'aventure alors que le scénario ne le demande pas. Les indiens ont vraiment l'air d'indien, les seconds rôles sont soignés.
On pourrait croire que l'essentiel du film tient à montrer l'évolution du capitaine, qui de brute indifférente au sort des indiens finit par devenir leur défenseur au péril de sa vie. Mais c'est surtout le titre du film -Hostiles - qui résonne tout au long du film. Dès lors qu'ils quittent la civilisation, tout l'environnement devient hostile, chaque rencontre est une mauvaise rencontre, tout ce qui peut mal tourner tourne mal. Scott Cooper dépeint un monde qui n'est que violence, où le petit capitaine navigue en terre connue, mais au péril de sa santé mentale. Christian Bale joue alors un de ces héros de western déterminé, prêt à tout pour mener à bien sa mission, envers et contre tout, affrontant les épreuves les unes après les autres sans jamais rechigner. Cet état d'esprit, ce nihilisme permanent m'a rappelé les plus radicaux des westerns spaghetti, ça m'a rappelé également le livre The Son de Philipp Meyer avec sa radicalité dans la violence, ainsi que, j'ose à peine le dire, l'espèce d'ovni cinématographique qu'est le John Rambo de Sylvester Stallone, avec une scène finale similaire, montrant le regard féroce de la machine de guerre juste après le carnage. L'épilogue est une des plus belles scènes de cinéma qui m'ait été donné de voir depuis longtemps, Christian Bale, un peu gauche dans ses vêtements, hésite, puis monte dans un train qui est en train de démarrer. Je n'en dis pas plus pour ne pas trop spoiler, mais j'ai trouvé ça magnifique.