lundi 20 décembre 2010

Adios Hombre


Sette pistole per un massacro
Mario Caiano
1967
Avec: Craig Hill, Eduardo Fajardo, Piero Lulli


Il y a bien longtemps que je n’avais mis une galette spaghetti dans la machine, et ma foi j’avais un peu perdu mes repères. Grand dieux ! Qu’est ce que c’est que ces décors minables au possible ? Une ville tout sauf crédible (le fronton de la banque qui fait toc, au secours!), vide, au ciel bas et froid ! Pas d’Almeria, pas de chaleur, pas de mobilier, le néant. Mario Caiano a beau soigner ses plans et ses perspectives, on se retrouve brutalement plongé dans la misère spaghettienne la plus nue. Lorsque Craig Hill (en bonne place dans le palmarès des acteurs de western spaghetti sans charisme) rentre dans le saloon, il y a un peu plus de monde, on pourrait y croire, on se dit même que cela ressemble à un effet recherché mais on est alors frappés par l’indigence de la vestimentation. Où sont les tenues baroques et étudiées, où est le choc esthétique procuré par les accessoires, où est le soin apporté au détail ? Eduardo Fajardo a rarement été aussi peu inquiétant, tant il est mal sapé et même Piero Lulli ne fait guère d’effet engoncé dans son costume simili-cuir mal ajusté.
Heureusement, peu à peu, le charme ineffable du western italien agit. Après deux ou trois chtouig à la guitare de la partition de Francesco de Masi, après deux ou trois coups de feu à l’écho ultra exagéré, après l’apparition de têtes aimées comme celle de Nello Pazzafini, on reprend plaisir au truc, la machine se remet en marche, le cerveau se remet sur les rails, et youpi, on n’a plus qu’à cataloguer la ribambelle de points positifs de l’entreprise. En premier lieu, un scénario solide, bien ficelé, bien mené et que l’on suit avec plaisir jusqu’au bout. Bon, étant donné le pitch – à savoir une bande de bandits qui tient une ville en otage – on se serait attendu, de la part d’un western italien, à plus de démesure dans les sévices, brimades et autres violences diverses à l’encontre de la population locale, mais comme le dit en introduction Jean-François Giré dans un argumentaire un peu bancal, Caiano fait partie de ces réalisateurs qui ont affirmé leur personnalité en copiant le classicisme américain plutôt que le style Leonien (bon je caricature un brin, mais ça revient à ça). Donc, de la violence oui, ma non troppo. Quoi qu’il en soit, le huis-clos étouffant est bien mené, bien rythmé, avec en filigrane des histoires de trahison et de vengeance qui tiennent la route. Les femmes ne font pas que de la figuration, on apprécie l’implication de Giulia Rubini, l’importance des dialogues qui lui sont accordés, le temps consacré à son personnage. Spartaco Conversi apparaît à la fin pour notre plus grand bonheur, et même si l’on sait avant même que la diligence n’arrive qu’elle sera remplie d’hommes de loi, et bien ma foi le film a rempli son office, il a permis de passer une bonne petite soirée spaghetti sans prise de tête, tout en rêvant, comme d’habitude, de ce qu’aurait pu être le film avec plus de moyens, plus de tripes et plus de cran. Malgré tout, un spagh honnête quoi, ni plus, ni moins.



Le DVD Seven 7: image pas tip top, manquant de netteté, couleurs légèrement délavées par moment, un peu vives à d'autres moment, il manque les tons ocres du genre. Introduction factuelle de Jean-François Giré qui dit tout ce qu'il peut sur un film somme toute assez mineur malgré ses qualités de mise en scène.

samedi 18 décembre 2010

Bandido Caballero




Bandido !
1956
Richard Fleischer
Avec: Robert Mitchum, Gilbert Roland, Ursula Thiess

Dix ans avant Damiano Damiani, Richard Fleischer nous fait découvrir le Mexique révolutionnaire, avec son armée de gris vêtue qui se fait tailler en pièces, ses péons hurlants qui tombent comme des mouches, les révolutionnaires guerilleros bardés de cartouchières, les automobiles primitives et sa course au trésor, bien qu’ici c’est d’une chasse au dépôt d’armes qu’il s’agit. Le duo entre l’occidental arriviste et le Mexicain révolutionnaire est déjà là aussi, bien que le mexicain joué par Gilbert Roland ne suive pas la pente initiatique vers la révélation sociale que suivront ses successeurs italo-cubains. Robert Mitchum, par contre, avec son flegme et son absence de scrupules, préfigure bien la ribambelle de pingouins polako-finlandais qui déferleront sur le territoire du Mexique Spaghetti dans les années soixante, mais western américain oblige, c’est la femme (Ursulla Thiess) qui lui donnera une leçon d’humanité, et non pas le rustre indigène local. On est tout surpris également de trouver un Mexique verdoyant et varié (le film a bel et bien été tourné au Mexique selon imdb), à mille lieues des cailloux désertiques d’Almeria, mais aussi des gorges épineuses de Peckinpah. La mer au Mexique ? Mais oui, c’est possible. Des marais poisseux ? Mais oui, aussi !
Si le film aura alors un incontestable attrait pour les amateurs de western zapata, il n’en reste pas moins agréable à suivre pour le commun des mortels, avec des moyens, des grenades, du second degré et une lisibilité limitée des intentions du héros. Mitchum est bien, sans flingue et sans chapeau, Gilbert Roland un peu moins convaincant, en révolutionnaire presque intellectuel.

Image: USMC sur Western Movies

Les Commancheros




The Commancheros
Michael Curtiz
1961
Avec:  John Wayne, Stuart Whitman, Ina Balin, Lee Marvin


Ce que l’on retiendra de cet ultime western de Michael Curtiz, ce n’est pas justement, qu’il fut son ultime western, terminé, pour cause de maladie, par John Wayne lui-même. On ne reviendra pas non plus sur la prestation en demi-teinte de Stuart Whitman en fade joueur de cartes, qui rappelle Tony Curtis dans Les années sauvages. L’on ne s’attardera pas non plus sur la sympathique prestation du bedonnant John Wayne, en Texas Ranger paternaliste, au cours de laquelle le Duke joue très bien le Duke comme il aimait à le rappeler, alors qu’on préfère se rappeler pour notre part de ses prestations dans La Prisonnière du désert ou Le fils du désert, dans lesquelles le Duke parvenait haut la main à surpasser le Duke.
C’est plutôt le personnage de Pilar Graile et son interprétation par Ina Balin pour le coup qui nous a marqué, tant par son sourire ravageur, sa personnalité indépendante, ses répliques imprévisibles, son intérêt trouble pour Stuart Whitman et son insensibilité totale à la virilité vieillissante du Duke. Dommage qu’une fois l’action pliée, elle rentre dans le rang, enlève son pantalon pour le troquer contre une robe et regarde langoureusement le lisse Stuart Whitman d’un air de femme bien élevée. Tsss.
Il reste à se mettre sous la dent beaucoup d'action, des indiens qui tombent comme des mouches, une apparition bien trop courte mais savoureuse de Lee Marvin, une autre apparition de Guin 'Big Boy' Williams et  des anachronismes en veux-tu en voilà (comme ces winchester dans les années 1840). Le film étant sympathique mais pas exceptionnel, je me réserve pour plus tard les westerns de Curtiz avec Errol Flynn (Les conquérants, La caravanne héroïque et La piste de Santa Fé), qui selon Christian Viviani, sont beaucoup plus personnels et intéressants.

Image: lasbugas sur western movies

jeudi 28 octobre 2010

Mais qu’avez vous fait à Solange?



Cosa avete fatto a Solange ?
1972
Massimo Dallamano
Avec: Fabio Testi.




La belle langue italienne parlée au beau milieu de Londres, voilà qui offre déjà un peu de piquant pour ce giallo édité par Neo Publishing. L’on commence fort gentiment avec une belle tripotée de jeunes filles en fleur pédalant doucement sous la belle musique d’Ennio Morricone. D’emblée on est saisi par la lourde ambiguïté de ce type de métrage, ces riantes jeunes demoiselles veulent respirer l’innocence qui alimentera la haine vengeresse du spectateur choqué par leur horrible supplice. Et en même temps, si le spectateur va voir ce film, c’est bien qu’il espère en voir de belles, des nichons et des fesses, des yeux révulsés de terreur et du sadisme bien pimenté. Qu’à cela ne tienne, coté cul et nichons, l’intégralité des plans est sur la jaquette du DVD Neo Publishing, donc rien ne sert de mettre la galette dans le lecteur pour cet inavouable penchant là, et en plus, je vous en remet une couche…:





Pour le sadisme, le sort réservé aux gaies mutines est également décrit sur la jaquette, de surprise point donc, et malgré quelques plans graphiques corsés, le sadisme de l’affaire paraît bien fade avec les années. Reste alors le suspense, le scénario alambiqué qui malgré une lenteur toute relative reste cohérent, maîtrisé et surtout assez inattendu au niveau de la révélation du pourquoi du comment de toutes ces saletés. L’interprétation est bonne, Fabio Testi en tête bien qu’il s’efface plus ou moins vers la fin au profit de Joachim Fuchsberger, l’inspecteur local. On est également surpris de voir certains personnages disparaître prématurément alors que le suspense reposait plus ou moins sur eux, tandis que d’autres formatés et catalogués depuis le début évoluent lentement et révèlent d’autres facettes de leur personnalité, comme la teutonne femme du héros joué par Karen Baal, qui une fois qu’elle a dénoué son rigide chignon sait faire preuve de grâce et de compréhension. Notons au passage qu’à part une grosse mégère tricoteuse, l’ensemble du casting féminin est sidérant de beauté, ce qui n’est pas le cas du libidineux, torve et crispé casting masculin constituant la ribambelle de pervers suspects qui gravite autour du collège de jeunes filles en jupettes (dont le spaghettiesque Antonio Casale). La Solange du titre apparaît fort tardivement, elle est joué par Camille Keaton, la petite fille de Buster Keaton, qui nous marquera plus huit ans plus tard dans l’horrible et vieilli I spit on your grave. Un film bien fait, qui permet de se replonger dans l’ambiance seventies où la libération sexuelle se confrontait à la rigidité ecclésiastique, sans que l’on sache bien qui gagne à la fin, car si les meurtres sont unanimement condamnés, force est de constater qu’elles l’avaient bien cherché les salopes, comme si le mal à l’état pur n’existait pas, comme pour rassurer le bon père de famille : rien de tel n’arrivera à vos filles si elles se tiennent à carreau ! Et puis, l’on sait désormais où Brian De Palma a été cherché ses idées de nymphettes sous la douche collective et de caméra subjective pour suivre l’assassin.

Pathfinder

Pathfinder
2007
Marcus Nispel
Avec: Karl Urban


L’Amérique du Nord précolombienne est un fatras de grosses racines enchevêtrées nimbées d’une brume permanente savamment CGIsée. Les arbres semblent avoir oublié que pousser tout droit est une option, les précipices de trois kilomètres de haut disposent judicieusement d’une étroite corniche pour que les Vikings puissent se promener. La pluie et la neige sont si nettes et si belles qu’on en viendrait à mépriser le soleil. C’est dans cet environnement véritablement étudié au pixel près que Karl Urban, taillé comme un panneau cédez le passage, charcle du méchant Viking pour le compte des gentils indiens. Il faut dire qu’il a été Viking dans sa jeunesse, et donc, qu’il sait manier l’épée, et donc qu’il est capable de débiter du Viking au kilomètre, aidé également par le fait que ceux-ci ont la sale manie de se battre au ralenti, ce qui permet d’ajuster ses coups. Le ralenti à outrance, fléau des années 2000 est ici bien de la partie, les chevaux galopent au ralenti, les têtes éclatent au ralenti et le héros baise l’indienne au ralenti, anéantissant totalement l’érotisme d’une scène obligée qui n’émoustillera plus grand monde (par contre, les nuages parfois, avancent en accéléré, allez comprendre...).



Les Northmen pourtant sont magnifiques, Marcus Nispel en a fait des monstres, des tas de muscles impressionnants, des montagnes puissantes recouvertes de peau de bêtes, de cotes de maille, de casques aux excroissances cornues anarchiques. Le responsable costumes a du s’éclater. On ne sait plus où est l’humain là dessous, parfois on surprend un regard ou une dentition déplorable. La bête Viking feule, grogne, parle rarement, et quand elle parle c’est pour se désigner comme “être humain” alors que justement elle n’a rien d’humain, ni pitié, ni amour, ni humour. Et cette opposition avec les indiens simples, presque pas armés, souriants, aimant, formant une communauté vivante résonne avec le peuple Cheyenne des westerns qui eux aussi se désigneront sous le terme “êtres humains” et est renforcée par le fait que les indiens parlent anglais alors que les Vikings parlent un sabir incompréhensible.
Le film sait être efficace et n’hésite pas à flirter avec le n’importe quoi sans jamais dépasser le seuil de tolérance nanardesque du plus ingrat des fans de film à testostérone. Après une poursuite en luge (le réalisateur fait faire du surf des neiges au héros sur un bouclier, totalement improbable, mais celui-ci reste couché sur son bouclier tout de même, pas debout, ce qui là aurait été véritablement ridicule…), les Vikings vont faire un peu de spéléo dans des grottes curieusement peu photogéniques, puis de l’alpinisme, encordés et tout et tout. L’espace, les dangers naturels (glace qui craque, avalanche qui gronde, grizzly massif qui fonce) sont bien exploités, le film évite de s’apesantir trop longuement sur une élimination one by one Rambo style avec des pièges aux piquants de bois couverts de mousse pour favoriser une sorte de huis clos à ciel ouvert, avec tension palpable et comment vont-ils s’en sortir et tout le toutim.



Bref, malgré tout, on en vient à se dire que tout cela est fort divertissant et qu’on prend bien son pied, et ce n’est pas l’immonde, mais ô combien fréquent préchi-précha à deux balles des indiens qui va nous arrêter. Trouve ta propre voie, chacun sa route, chacun son chemin, passe le message à ton voisin. L’homme est dévoré par deux forces qui s’opposent, l’amour et la haine bla bla, suis mes conseils et je suivrai ta voie, on s’y perdrait si on écoutait, mais heureusement on n’écoute plus, on préfère admirer les monstrueux Vikings éclater des têtes à la masse d’arme, juchés sur d’improbables montures qui tiennent plus du char d’assaut que du cheval. Et c’est dans les scènes coupées qu’il faut aller chercher des séquences qui échappent un peu au marasme consensuel hollywoodien actuel: l’indienne subrepticement, vérifie que la bite de son héros gravement blessé est encore à l’endroit où elle devrait être et l’indien muet pète, au détour d’un bivouac, pour détendre l’atmosphère. La musique ne dépasse pas le cadre du simple accompagnement, les cordes font lourdement “honnnn” tandis que des chœurs discrets tentent d’appuyer la monstruosité des crimes commis, mais ça ne décolle jamais, parfois on croit que ça va s’élever, nous filer des frissons comme le ferait Arvo Pärt, mais non, malheureusement, tout cela reste au ras des pâquerettes, comme ces corbeaux qui sont là à chaque fois que les Vikings apparaissent. Mais si vous êtes bon public comme moi, le film devrait grandement vous satisfaire, même si le cinéma est relégué au second plan derrière l’esthétique, d’autant que le film qui n’a pas marché a sûrement déjà le statut de film “maudit” ou “culte” ou ce que vous voudrez. Et pour les fans de western, on retrouve deux acteurs native, Jay Tavare (The missing, Cold Mountain, Into the West) et Russel Means (Tueurs nés, Into the West, Le dernier des Mohicans), ce qui me permet de classer ce film dans “En marge du western”, hop!

samedi 9 octobre 2010

Le Survivant des Monts Lointains



Night Passage
1957
James Neilson
Avec: James Stewart, Audie Murphy, Dan Duryea, Olive Carey


C'est Anthony Mann qui aurait du tourner ce film, hors, c'est à un gars de la télévision qu'échut la tâche, et ça se sent. James Stewart joue de l’accordéon pour vivre. Comme souvent, il joue le gars tout fragile de partout mais qui en fait est un grand tireur qui s’auto-refoule. Audie Murphy est son jeune frère, pile du mauvais coté de la force, avec son attirail clinquant et son attitude de loubard des années cinquante. Le scénario est un peu complexe, guère passionnant. Le déchirement familial peine a produire l’effet escompté, et l’une des deux stars meurt sans qu’on soit plus touché que cela. Dan Duryea reprend son personnage de Winchester ’73 en plus cabotin, et donc en moins crédible. Il y a une ou deux nanas qui gravitent aussi autour de ce beau monde, histoire de rajouter du piment à la mayonnaise.
Tout cela rend le film sympathique, mais non passionnant, au point que ce qui retient le plus l’attention au final, ce sont les petits détails qui ne s’accordent pas avec l’imagerie habituelle du western. Primo, le James Stewart qui joue de l’accordéon, ce qui donne lieu à une intéressante confrontation avec Audie Murphy lorsqu’il lui joue un air de leur enfance. Deuxio, les décors finaux, avec ces mines et leur téléphérique, qui tranchent bien sûr avec les lieux typiques du western, la ville, le désert, le canyon.
On est content aussi de voir un film graviter autour d’une ligne de chemin de fer en construction, avec le riche visionnaire dans son wagon, parce que ça nous rappelle Il était une fois dans l’Ouest, alors qu’en principe c’est Il était une fois dans l’Ouest qui aurait dû nous rappeler ce film et d’autres du même genre. C’est ça le problème d’être né trop tard et de se construire une connaissance cinéphilique à rebours, en piochant au hasard des diffusions et des sorties DVD sans avoir le fil conducteur de l’Histoire en tête.
Enfin, on note la prestation d’Olive Carey, la femme d’Harry Carey, qui elle aussi contribue à imprimer la marque de sa famille dans l’Histoire du Cinéma. Elle joue également dans La Prisonnière du désert, où elle pleura, paraît-il, après que John Wayne rendit hommage à son mari avant de s’éloigner à travers une porte.


Captures: USMC sur Western Movies

dimanche 3 octobre 2010

The Local Bad Man

1932
Otto Brower
Avec: Hoot Gibson


Hoot Gibson, toujours sans armes, d’une élégance rare, habillé en vrai cow boy avec ses chaps et ses jambes arquées, dégage une étrange assurance, une morgue et une répartie non dénuée de violence intériorisée, tel un garçon gentil qu’il ne faudrait pas chatouiller trop longtemps pour qu’il explose. Cette tension retenue est paradoxalement accentuée par son physique rondouillard et ses sourires désarmants. Super à l’aise sur son cheval (il fut champion de rodéo), il maîtrise tant la gent équestre qu’il ne juge pas nécessaire d’en faire des tonnes comme Tom Mix ou Yakima Canutt
pour nous impressionner. Mais c’est sûr, Hoot irradie. Et c’est tout l’intérêt de ce petit western de série B, Hoot Hoot et encore Hoot, qui éclipse ses deux sidekicks comiques, qui éclipse l’habituel scénario de complot, qui éclipse la girl de service, le tout étant uniquement destiné à nous faire passer le temps agréablement. Le temps est une denrée rare de nos jours, donc le film échoue à l’aune des critères de divertissement actuels, il nous donne l’impression de nous le faire perdre, notre temps, et dans le même temps, on se dit que tout ce petit monde là, disparu pour toujours, mérite bien qu’on stoppe pendant cinquante minutes le rythme de nos vies effrénées.

samedi 25 septembre 2010

Vers l'Ouest

Betty Miles, Ken Maynard, Hoot Gibson

Westward Bound
1944
Robert Emmett Tansey
Avec: Ken Maynard, Bob Steele, Hoot Gibson

Western de série B d’une quarantaine de minutes, Vers l’Ouest n’est pas mentionné dans le livre de Didier Lodieu parce qu’il date des années 40 et que le western B des années 30 intéresse si peu de monde en France que le tome 2 de son ouvrage – centré donc sur les années 40 – ne se fera sans doute jamais. Mais il évoque quand même cette série des “Trail Blazers” qui fait jouer ensemble trois stars importantes du western B: Bob Steele, Ken Maynard et Hoot Gibson.
En 1944, Bob Steele était toujours le petit gars nerveux, bon boxeur et séduisant. Le voir ici aux cotés de Ken Maynard montre à quel point il était petit. Bob Steele a déjà beaucoup été mentionné sur ce blog (cliquer sur l’intitulé en bas de l’article) alors que Ken Maynard n’a eu que les honneurs de l’excellent Hell Fire Austin. Ici Ken Maynard a pris un peu de bide. Son fidèle Tarzan n’est plus le même que dix ans auparavant. Il est un acteur sur le déclin, prétendument irascible, ivrogne et tapant sur les nerfs de son entourage. Mais dans le film bien sûr il est bon, il est fort, il est brave.
Hoot Gibson, je crois n’en avoir encore jamais parlé, alors qu’il apparaît pourtant en 1917 dans Straight Shooting et en 1919 dans By Indian post (c’est lui le gringalet en cache-poussière) de John Ford. Autant dire qu’en 1944, c’est déjà un sacré vétéran du western. Hoot Gibson est une personnalité à part du western de série B. Champion de rodéo, la bouille ronde et sympathique, il n’a pas le physique du jeune premier intrépide. Il joue au contraire de sa rondeur, de son humour. Presque jamais armé dans ses films, Hoot Gibson est très populaire et enchaîne les premiers rôles dans des westerns de veine plutôt comique. Dans ce Westward Bound, il se bat en effet à coup de tarte à la crème, joue du lasso et pilonne les bad guys à la dynamite comme un gros gamin qui fait une farce, avec un bon vieux gag final à la Tex Avery. On ne peut pas détester un gars comme Hoot Gibson.


Bob Steele (à droite) en pleine action


Et le film sinon? Et bien c’est le tempo habituel des séries B sans surprises et sans originalité, à part que nos trois héros ne portent pas de noms de scène, mais se font appeler par leurs vrais noms d’acteur. On voit également une cow-girl (Betty Miles) qui monte sacrément bien à cheval et qui est plutôt moins nunuche que la moyenne. Le tout reste bien sûr très agréable et très divertissant quand on aime de genre de vieilleries, et en plus, il y a une VF!

dimanche 19 septembre 2010

Law West Of Tombstone

A gauche, Harry Carey


1938
Glenn Tryon
Avec: Harry Carey, Tim Holt, Evelyn Brent, Ward Bond


Très apprécié par Didier Lodieu dans son livre Le Western B, Law West of Tombstone est une sorte d’OVNI dans le petit monde formaté des westerns de série B. Le héros - mais s’agit-il d’un héros ? – est un vieux briscard menteur, voleur, baratineur, charmeur. Il est interprété par Harry Carey, la légende vivante – mais ici sacrément vieillissante – du western muet. Harry s’amuse beaucoup, affiche de larges sourires, ne semble jamais s’en faire, et devient une sorte du juge Roy Bean tenant justice alambiquée dans son saloon entre deux tournées générales (d'où le titre, en référence à la loi à l'Ouest du Pecos). Le scénario est difficilement compréhensible, et ce n’est pas faute de ne pas comprendre l’anglais, ce film a été diffusé sur Ciné-Classics avec des sous-titres français!. Harry a donc une fille dans le film, mais une fille qui ne sait pas qu’il est son père et qui ne doit pas le savoir. Il y a aussi une histoire loufoque avec une réserve indienne, le jeune premier Tim Holt qui joue une espèce de Billy The Kid qui ne tuerait point et qui serait poli avec les dames, des “punchlines” parfois assez réjouissantes, une ambiance à l’amoralité gentiment piednickelesque et des méchants qui font penser aux Clanton. Ajoutez à cela que le film se paye le luxe de débuter à New York, qu’Harry se retrouve obligé de voyager avec un singe et que Ward Bond fait une apparition, et vous conviendrez qu’on est loin du canevas habituel avec le héros intrépide qui déjoue un complot et sauve une jeune fille en cinquante minutes. Pour autant, si Law West of Tombstone est une curiosité, il ne faut rien y voir de plus qu’un amusant divertissement, tant son apparente immoralité et sa décontraction ne débouchent sur rien de spécifiquement original. In fine, tout est bien qui finit bien comme dans toute série B qui se respecte, mais pour découvrir une nouvelle facette de l'immense Harry Carey, et pour son scénario abracadabrantesque, Law West of Tombstone mérite le détour.

C'est qui? D'après imdb, c'est Ward Bond!

dimanche 12 septembre 2010

Le fils du désert

Three Godfathers
John Ford
1948
Avec : John Wayne, Pedro Armendariz, Harry Carey Jr., Ward Bond


Le film débute sur la silhouette d’un homme à cheval, en contre-jour. Il s’agit de Cliff Lyons, posant nonchalamment sur sa selle à la manière de Harry Carey, auquel le film est dédié. Cet hommage à la grande star du muet – « bright star of the early western sky » - morte quelques mois plus tôt, est particulièrement significatif dans le cadre de ce film-ci. D’abord parce que le sang de la star coule dans les veines de l’un des acteurs principaux (son fils Harry Carey Jr. joue dedans quoi…), ensuite parce que Le fils du désert est une énième version cinématographique du roman de Peter B. Kynes, et que Harry Carey avait joué dans deux d’entre elles, la première en 1916 réalisée par Edward Le Saint, la seconde en 1919 réalisée par John Ford déjà, sous le titre Marked Men.
La version de Ford de 1919 est réputée perdue. Celle de Edward Le Saint l’est sans doute aussi. Il est donc difficile de juger sur pièces, mais le fossé technique et narratif qui existe entre le cinéma des années 10 et celui des années 40 est tel qu’il est difficile de parler de remake. Inutile de fantasmer donc sur une virtuelle comparaison entre les deux versions du même réalisateur. Dans les années dix, John Ford et Harry Carey écrivaient leurs scénarios à deux, ils tournaient en quelques jours. En 1948, l’écriture du scénario à lui seul prendra quatre semaines. La différence d’investissement est telle qu’on ne s’étonne pas que tous ces petits films du muet aient été si peu considérés, même par ceux qui les avaient produits, et finalement perdus. Aujourd’hui on s’en mord les doigts. Même tourné à la va-vite dans des conditions de production quasiment à la chaîne, on aimerait bien découvrir ce Marked Men. Mais je m’égare.

Le fils du désert est un film magnifique. L’histoire est magnifique, les acteurs sont magnifiques, la photo est magnifique. Dieu soit loué celui-là n’est pas perdu. Oui, un non-croyant comme moi peut grincer des dents à la parabole chrétienne poussive, mais j’évite de grincer des dents, ça fait sauter les plombages. L’histoire est simple et belle, et notons que selon Larry Langman dans A guide to Silent Western, il y avait déjà un critique en 1916 pour trouver que le scénario et les personnages de la version de Edward Le Saint étaient invraisemblables. Peut importe de toute façon, si le politiquement correct de 1948 fait grincer des dents aujourd’hui, le politiquement correct d’aujourd’hui fera sauter les plombages des mes petits enfants dans cinquante ans. On a tout dit sur le coté volontairement gentil du film, les bandits bien sympas, le shérif (Ward Bond, formidable) qui s’appelle B. Sweet et qui n’est pas payé pour tuer les gens, la bonne humeur et l’absence de réelle violence. On l’a tellement bien dit ailleurs que c’est plutôt l’inverse qui m’a sauté aux yeux. Il y a d’abord le fait que la ville nommée Welcome s’appelait auparavant Tarantula. Il y a ce plan du bandit tenant un biberon d'une main et un revolver de l'autre. Il y a ce revirement du Shérif qui offre une prime à ceux qui abattront les fuyards quand il croit à tort qu’ils ont assassiné la femme et dynamité le puits. Et il y a aussi le personnage de Robert Hightower joué par John Wayne. Ses deux comparses ne sont pas réellement des bandits : Pedro (Pedro Armendariz) n’est qu’un voleur de chevaux, il a eu femme et enfants. The Abilene Kid (Harry Carey Jr.) n’est qu’un bandit en devenir. Mais Robert est un vrai bandit, c’est lui le chef, c’est lui qui monte le coup de la banque, et c’est un dur à cuir, pragmatique et presque insensible. Lorsque le Kid déclare qu’il ne pourra pas traverser le désert, Robert évalue la situation et acquiesce, en l’aidant à déboîter les talons de ces bottes. Lorsque Pedro, avec sa jambe cassée, demande un revolver pour se défendre contre les coyotes, Robert lui laisse son arme et l’abandonne sans se retourner alors qu’il sait très bien qu’il va se suicider. Deux des personnages principaux meurent pour la bonne cause, à l’image du sacrifice des trois canailles de Three Bad Men. Tous ces éléments bien sûr ne démontent pas l’analyse parabolique et gentillette du film, mais ils l’inscrivent dans un registre crédible et plus réaliste qu’on ne pourrait le croire. Et John Ford, connu pour filmer entre les pattes des chevaux, filme les guibolles chancelantes des hommes, les pieds las qui trébuchent dans la rocaille, les visages fiévreux sous le soleil, la poussière qui assèche et étouffe. Aujourd’hui encore, cette traversée du désert n’a pas perdu de sa superbe.

Bien sûr on ne négligera pas la nostalgie qui patine un film et le rend meilleur. Le bébé enduit de graisse de chariot qui avait bien fait rire ma mère, les cactus qu’on décapite pour en récupérer le jus – grand moment de mythologie du désert, les deux fantômes qui suivent John Wayne et qui, dans mon souvenir étaient présents beaucoup plus longtemps. John Wayne enfin, qui entre au saloon, un bébé dans les bras, demandant un biberon et une bière. Si ça c’est pas sublime ! John Wayne qui fait du John Wayne sans vraiment faire du John Wayne, le visage beaucoup plus torturé et moins monolithique que d’habitude, parfois si expressif qu’on a du mal à le reconnaître. Quand il obtient enfin sa bière, on est heureux avec lui, et c’est la grande force de ce film de faire passer autant de moments humains et réels dans un conte fabriqué de toute pièce.



Note : certains osent prétendre que Trois hommes et un couffin est un remake de ce film. Honte à eux :-)

Sources : John Ford par Patrick Brion. John Ford par Philippe Haudiquet
Capture: Western Movies

samedi 28 août 2010

Soleil Rouge



1971
Terence Young
Avec : Charles Bronson, Toshiro Mifune, Alain Delon, Ursula Andress, Capucine


Multi-diffusé à la télévision, Soleil Rouge est un western de production française, tourné à Almeria, qui, bien que commençant à vieillir, est toujours aussi agréable à regarder. Pourquoi commence-t-il à vieillir ? Parce que certains défauts qui étaient invisibles à l’époque sautent aux yeux aujourd’hui : quelques longueurs dans les pérégrinations du duo de héros, des indiens plus que ridicules, et quelques détails marrants : au début, lorsque Charles Bronson ôte la selle de son cheval, il se prend l’étrier en pleine gueule, mais réussit à faire comme si de rien n’était. A la fin, Alain Delon effectue un saut de trois mètres du haut d’un grenier, se loupe et manque se vautrer, mais rétablit la situation en sauvant la face. Est ce l’ère numérique et ses images ciselées au pixel près qui nous fait voir ce genre de détails qui nous échappaient autrefois ? Verrait-on ce genre de chose dans un film avec un casting aussi prestigieux aujourd’hui ?
Toujours est-il que malgré ces « défauts », le film est très bon, en tout cas bien meilleur que ce que certains affirment. D’une part le duo de stars, Charles Bronson, la star américaine qui avait joué dans Les Sept Mercenaires et Toshiro Mifune, la star japonaise qui avait joué dans Les Sept Samouraï, fait merveille. Mifune, stoïque, rigide et implacable en samouraï vole même la vedette à Charles Bronson, sympa et un brin cabot. Ensuite Alain Delon est bien moins mauvais que ce qu’on peut lire un peu partout, y compris chez Giré. Delon est beau, il interprète un bandit un peu dandy, un peu loubard, et il réussit à être un peu inquiétant et crédible. Sa tenue « de prisunic » comme dit Giré, peut faire sourire, mais on peut l’interpréter comme la tenue maladroitement chic d’une gouape qui veut paraître civilisée et qui se serait acheté un beau costume de cow-boy rutilant, et il n’est pas loin en ce sens de la classe des héros de western des thirties et de leur élégance ridicule. Ursula Andress fait le minimum, montre ses jambes et gueule sur Bronson, puis vingt minutes plus tard montre ses seins et gueule encore sur Bronson. On préfère à la rigueur le court rôle de Capucine (qui jouait dans la Panthère Rose) et qui en fait moins. Les fans de cinéma européens se régaleront à reconnaître les seconds couteaux, pour ma part je n’ai reconnu que Luc Merenda qui joue le (faux) berger lors de l’attaque du train.
Le final dans les roseaux m’a rappelé un film Japonais intitulé Onibaba (1964) et qui se déroule intégralement dans les roseaux, où le bruit du vent permanent hypnotise et rend fou. Hommage ou pas à ce film, je ne sais pas, mais ce qui est sûr c’est que Soleil Rouge a été conçu pour réussir au Japon, en rendant hommage sans mépris à ses traditions et en castant l’un de ses acteurs les plus prestigieux (Toshiro Mifune) et l’acteur étranger le plus populaire là bas (Alain Delon). Le film fit en tout cas, beaucoup d’entrées en Europe, et je garde pour ma part beaucoup de tendresse pour ce film, ses gags (le moustique), ses coups de katana sanglants et le charisme des deux acteurs principaux.

PS: bien que les puristes risquent de m'écharper, je classe ce western dans 'western spaghetti', faute de mieux.

Où le voir: à la télé.

Image: Metek sur Western Movies

lundi 16 août 2010

The Night Rider

George Gabby Hayes, Harry Carey, Julian Rivero
The Night Rider
1932
Fred C. Newmeyer
Avec : Harry Carey, George Gabby Hayes, Bob Kortman


Harry Carey est une étoile emblématique du western muet, indissociable du jeune John Ford avec lequel il trouve le succès. Sorte de chaînon manquant entre Tom Mix et William S. Hart, Harry Carey n’a ni la démesure athlétique de l’un, ni l’emphase dramatique de l’autre. Avec son visage buriné qui le fait apparaître plus vieux qu’il n’est réellement et sa gestuelle étudiée, Harry Carey devient pourtant l’une des stars majeures du western des origines.
Aujourd’hui, Harry Carey est assez difficile à voir. Il commence sa carrière en apparaissant dans quelques Griffith comme The Battle at Elderbush Gulch mais il faut un œil de vautour pour le repérer. Puis, il tourne avec Ford, mais de tous les « Cheyenne Harry » qu’il a tourné avec le prometteur jeune réalisateur ne subsistent que Straight Shooting et Bucking Broadway. En 1921, Carey et Ford se séparent, ce qui n’empêche pas l’acteur de continuer sur la voie du succès. De tous les westerns tournés par la star dans les années 20, il semblerait que Satan Town soit disponible (Didier Lodieu affirme d’ailleurs dans son livre qu’il s’agit d’un excellent western), mais le reste est difficilement trouvable. La filmographie muette de l’acteur semble donc perdue ou difficile à obtenir (beaucoup plus en tout cas que celle de William S. Hart), il faut donc se rabattre sur ses films parlants pour se rendre compte du travail de Harry Carey.
En effet, dans les années trente, Harry Carey est toujours une star malgré son âge (la quarantaine bien tassée) et l’arrivée du parlant. Il alterne les premiers rôles dans les westerns de série B et les seconds rôles dans des films plus ambitieux (Duel au soleil, Monsieur Smith au Sénat, La rivière rouge). The Night Rider fait partie de ces séries B bon enfant qui se regardent avec plaisir. Les grincheux contemporains remarqueront la faiblesse de la sonorisation balbutiante (parfois les lèvres bougent, mais il n’y a pas de son), la faiblesse du scénario de roman feuilleton et le peu d’ambition de l’ensemble. Les amateurs apprécieront la bonne humeur générale, le numéro facétieux de George Gabby Hayes, les apparitions de Bob Kortman et la teneur ‘Comic’ de l’ensemble (jusqu’à la vestimentation du Night Rider qui fait immanquablement penser à celle de The Shadow, personnage vengeur apparu à la même époque et plus tard adapté en bande dessinée). Carey ne fait pas son geste emblématique dans ce film, ce geste simple qui consiste à tenir son bras gauche avec la main droite et auquel John Wayne rend hommage dans la Prisonnière du désert. Il ne le fait pas non plus dans Straight Shooting ni dans Bucking Broadway. Le fait-il dans Satan Town ou dans d’autres de ses films parlants encore disponibles, ou bien ce geste est-il une légende perdue avec les bobines de ses films ? Je vous tiendrai au courant au fur et à mesure de mes découvertes.


Où le voir : Alpha Vidéo

jeudi 29 juillet 2010

Malec chez les indiens



The paleface
1921
Buster Keaton
Avec : Buster Keaton.


Malec n’est plus guère connu de nos jours, raison pour laquelle ce film est désormais souvent titré Buster chez les indiens en France. Sans être le meilleur court-métrage de Buster Keaton (La guigne de Malec, par exemple au cours du tournage duquel il se blessa en sautant d’un plongeoir sur une fausse dalle en ciment, est plus drôle, plus grinçant, plus inattendu), The paleface mixe avec bonheur l’habituelle frénésie de Keaton (en chasseur de papillon !) avec les clichés sur les indiens (danse autour du poteau de torture, arcs et flèches) et un petit discours en faveur des défavorisés que l’on a plus l’habitude de voir chez Chaplin que chez Keaton. Certains gags sont brillants et surprennent encore le spectateur contemporain, comme lorsque Malec semble s’enfuir soudain par peur des indiens alors qu’il se jette en réalité sur un papillon. Même si le film s’essouffle vers la fin par manque de cohésion, l’apparition d’indiens quasi-nus parce qu’ils « ont tout perdu au strip poker » et le baiser final qui dure deux ans ne manqueront pas de ravir les amateurs de burlesque.


Où le voir : intégrale des court-métrages, coffret Arte Video

dimanche 25 juillet 2010

Square Deal Sanderson



Square Deal Sanderson
Lambert Hillyer
1919
Avec : William S. Hart, Ann Little, Frank Whitson


Réalisé en 1919 pour la Artcraft, Square Deal Sanderson est basé sur un livre de Charles Alden Seltzer, romancier américain qui écrivait des histoires sèches et concises de cowboys en pleine wilderness. Le livre est disponible gratuitement sur internet, et une lecture rapide est suffisante pour se rendre compte qu’il ne s’agit pas de grande littérature, mais d’un roman à deux sous reposant en grande partie sur des dialogues permanents au détriment d’un sens de la narration et de la description. Malgré tout, l’auteur utilise avec bonheur des dialogues efficaces et incisifs pour installer un climat délétère assez bienvenu. On remarque bien sûr que le scénario du film simplifie grandement les tours et les détours de l’intrigue d’origine (en sabrant en particulier un certain nombre de personnages secondaires), même si le ton général, âpre, rugueux, violent de l’histoire est parfaitement préservé.
Car si les films de William S. Hart sont généralement plus noirs que le Tom Mix moyen, celui-ci détonne dans sa filmographie et installe une violence sourde et suggérée qui ne cesse d’aller crescendo. Le film donne la part belle à tous les poncifs du western sur l’absence de civilisation dans l’Ouest : poursuite des voleurs de chevaux, règlements de compte dans la nature, tentative de lynchage sauvage, corruption à tous les étages, évasion, tentative de viol, c’est là encore du classique, mais Square Deal Sanderson en rajoute une couche avec le massacre de 3000 têtes de bétail par empoisonnement (plus trois cowboys en victimes collatérales) puis le mode opératoire assez ignoble utilisé par notre héros de se débarrasser du bad guy. Avec une corde, Hart pend le méchant (Frank Whitson) par le cou par dessus un mur, et massacre avec application les mains du pauvre type qui essaye de s’agripper au faîte du mur pour échapper à la strangulation ! Même si au final il se retient de le tuer tout à fait, cette scène est notée avec respect dans une critique de l’époque (reproduite dans le livre The Complete Films of William S. Hart) qui fait remarquer qu’après des dizaines de milliers de kilomètres de pellicules westerns tournés depuis Broncho Billy Anderson, il était difficile d’innover encore dans ce genre de scène, et que Hart s’en sortait ici avec brio.
Sans en rajouter sur le fait qu’en 1919, les critiques pensaient que le western avait déjà plus ou moins dit tout ce qu’il avait à dire, il convient de remarquer pour aller dans son sens que peu de westerns des années ultérieures seront aussi imaginatifs dans leur climax, et que Hart n’a rien à voir là dedans puisque la scène est dans le bouquin.
Cette violence assez poussée pour un muet (bien que sous-entendue pour la majeur partie) est parfaitement accompagnée par une série de dialogues magistraux assez fidèlement reproduits du livre. Chose curieuse, les dialogues par intertitres fonctionnent merveilleusement bien dans le cadre du western, propice aux affrontements verbaux peu verbeux. La première rencontre entre le héros et le bad guy est à ce titre exemplaire, et le jeu de William S. Hart est toujours en ces cas précis, extraordinaire. J’avais déjà évoqué, la première fois que j’avais parlé de Hell’s Hinges, d’une proximité de jeu entre William S. Hart et Clint Eastwood, et si la comparaison est souvent faite à propos des deux acteurs, c’est surtout dans un film comme Square Deal Sanderson qu’elle est la plus visible : mâchoire serrée, répliques assassines, moue ironique, William S. Hart est bien le héros Eastwoodien, calme, sûr de lui, un brin nonchalant et rapide aux armes.
Square Deal Sanderson est donc un film à voir pour tous ceux qui seraient intéressés par l’acteur, malheureusement, la copie vendue par Loving The Classics n’est vraiment pas de bonne qualité. Si l’image est relativement stable, elle pique les yeux tant elle est floue.
Mais quand on aime….

PS: imdb affirme que ce tueur n'est autre que Bob Kortman: vu sa gueule, c'est bien possible:




Le livre en Comic sans MS:  http://infomotions.com/etexts/gutenberg/dirs/1/6/5/9/16597/16597.htm

vendredi 23 juillet 2010

The Showdown

Art Acord à cheval au Saloon

The Showdown
1921
William James Craft
Avec : Art Acord, Jack Richardson, Edward Burns, Marcella Pershing


Art Acord pourrait être une invention de journaliste de cinéma, tant sa vie correspond à l’archétype de l’idée que l’on peut se faire d’un acteur du début du western. Tout y est, à commencer par l’origine « cowboy réel » certifiée par ses titres de champion du monde de rodéo 1912 et 1916 (chevauchant le taureau endiablé et luttant pour le titre contre Hoot Gibson). Viennent ensuite ses débuts de cascadeur, puis sa fulgurante carrière de héros sans peur et sans reproche pour la Bison d’abord, puis de nombreux autres studio ensuite. Sans avoir le statut de superstar à la Tom Mix, sa notoriété était tout de même solide, et comme tous les cowboys de l’époque il avait son cheval attitré. Naturellement, une star de cette envergure ne peut pas mettre son extrême bravoure de coté au front lors de la première guerre mondiale, d’où il ramènera la croix de guerre. Tout cela semble simple, limpide, trop beau, il faut donc rajouter du drame, un penchant pour les femmes et l’alcool, une carrière stoppée nette par l’arrivée du parlant (comme il se doit pour un archétype de l’acteur muet), et une mort suspecte au cyanure au Mexique en 1931. Suicide diront les autorités, meurtre diront ses amis, persuadé qu’Art a été assassiné par un politicien jaloux.
Difficile de se pencher sur le travail de l’acteur à la vue de ce seul The Showdown (la plupart de ses films étant perdus). Art Acord rentre à cheval dans un saloon, il s’amuse, il rattrape sa belle au lasso au vol lorsqu’elle chute d’un ravin, déjoue les pièges, gagne à la fin. Difficile pour nos yeux contemporains de voir une réelle différence de style, de jeu et de films entre Art Acord, Fred Thomson, Yakima Canutt et Tom Mix, même quand on commence à en avoir quelques uns derrière les paupières. On reconnaît les têtes, quelques détails propres à chacun, mais les intrigues sont interchangeables, les personnages aussi. Peut-être que dans cent ans, les cinéphiles curieux ne verront pas de différence entre Matt Damon et Daniel Craig, entre Tom Cruise et Charlie Sheen, entre Arnold Schwarzenegger et Dolph Lundgren. Mais en 1920, était-il impossible de confondre Art Acord et Tom Mix, par différence d’envergure, de moyens et d’aura ? Difficile de juger. Aujourd’hui, leurs noms subsistent, ils sont tous « le plus grand » ou « le premier », ils ont tous leur étoile au Walk of Fame, mais leur spécificité, leurs différences dans le jeu et le talent se sont perdues avec leurs films et le peu d’ambition de leurs œuvres (au contraire du burlesque, dont les plus grands ont été étudiés et comparés (Chaplin, Keaton, Lloyd) et sont toujours connus de nos jours, tandis que les imitateurs ont été oubliés). Comme une illustration de ces propos, The Showdown est en bonus – même pas mentionné sur la jaquette - du film Sand de William S. Hart sur le DVD Unknown Video, en compagnie de No Kidding avec Snub Pollard, un burlesque de petite envergure aujourd’hui totalement oublié.

Sources: tous les sites racontant la bio d'Art Acord racontent la même chose, la source d'origine étant peut-être : The strong, silent type: over 100 screen cowboys, 1903-1930. Pour dépasser cette vision simpliste de l'acteur, ce livre pourrait être intéressant: Art Acord and the movies: a biography and filmography

vendredi 16 juillet 2010

Sand

Sand
1920
Lambert Hillyer
Avec : William S. Hart, Mary Thurman


En 1917, William S. Hart tournait The Narrow Trail pour la Artcraft. Se défiant désormais de son mentor Thomas H. Ince, il avait réussi enfin à obtenir un salaire cohérent avec son statut de star mais continuait malgré tout à travailler sous la (maigre semble-t-il) supervision de Ince. Suite à une dispute avec celui-ci à propos de son cheval Fritz, William S. Hart décida que sa monture (un cheval Pinto assez fougueux) n’apparaîtrait plus à l’écran. Il faut savoir que, comme le cheval de Tom Mix ou celui de Fred Thomson, Fritz était une star à part entière que le public était ravi de retrouver de film en film. Il convient de noter que dans le cas de Fritz, cet engouement était assez curieux, puisque bien que Hart fut très attaché à son cheval dans la vie réelle, il ne mettait jamais en avant Fritz en tant que cheval d’action dans ses films (peu de cavalcades effrénées, pas de trucs de cheval savant) mais plutôt en tant que confident des tourments de son maître.
Quoi qu’il en soit, Fritz disparut des écrans dans les quinze ou seize films suivants de Hart. En 1919, Hart était fatigué de jouer les « Two gun Man » dans des shoot’em up de plus en plus répétitifs. Désireux de ficeler des westerns plus sensibles, plus subtils et plus humanistes, Hart refusa de s’associer avec la toute jeune United Artist fondée cette même année par Charlie Chaplin, Mary Pickford, Douglas Fairbanks et D.W. Griffith pour s’engager avec la Paramount où il aurait, pensait-il, les mains libres.

Sand fut le premier film tourné par Hart sous la bannière Paramount. Il y joue un employé de chemin de fer amoureux et l’action se fait rare, laissant une plus large place aux sentiments. Les confrontations violentes sont avant tout verbales. Sand marque également le grand retour de Fritz à l’écran, et ce retour est intégré comme élément de scénario, le héros retrouvant dans le même temps les deux choses les plus importantes dans sa vie : celle qu’il aime (jouée par Mary Thurman) et son cheval adoré. Cet attachement hors norme pour son cheval donne lieu à un quiproquo semi-tragique car sa belle est persuadée qu’une femme occupe le cœur de son prétendant plutôt qu’un cheval, tandis que la substance héroïque du film est basée sur une histoire d’attaques de trains dont le chef est un rival du héros.

Adolph Zukor de la Paramount ne fut pas satisfait du changement de style que Sand opérait sur la filmographie de l’acteur et Sand fut remisé aux oubliettes. Il savait que le public attendait de l’action et des coups de feu, et Hart dut produire The Toll Gate dans lequel il joue un good bad-guy plus en accord avec ses habitudes (mais on note ironiquement que le héros de The Toll Gate cherche à faire « un dernier coup avant de se ranger », un peu à l’image des ambitions de l’acteur). The Toll Gate fut un succès, et la Paramount sortit Sand des tiroirs, força l’acteur à refaire la dernière bobine pour augmenter la dose d’action. Et en effet, la fin du film apparaît en décalage avec le reste de l’intrigue, Hart faisant nager son cheval, tenant en joue un ensemble de bandits en pleine attaque de train, tuant deux récalcitrants et démasquant son rival à la tête du gang, comme dans un mauvais roman feuilleton.
Sand est alors un film bancal, marquant le début de la fin pour William S. Hart, qui sera jusqu’à la fin contraint de composer entre les constantes de sa popularité pourtant déclinante et son désir d’offrir des films plus mûrs, mieux construits et de casser sa propre image. Cette ambivalence produira des films réussis (White Oak, Three Word Brand) mais moins digestes que ses premiers films, et ce jusqu’à son ultime baroud d’honneur : Tumbleweeds.


Sources :
- My life East and West, autobiographie de William S. Hart.
- Introduction du livre The Complete Films of William S. Hart (basée en grande partie sur l’autobiographie)
- Notes du DVD Unknown Video par Christopher Snowden

mardi 13 juillet 2010

Wild Horse Mesa

Jack Holt


Wild Horse Mesa
1925
George B. Seitz
Avec : Jack Holt, Billie Dove, Douglas Fairbank Jr., Noah Beery, George Magrill


Wild Horse Mesa est avant tout un roman de Zane Grey. Zane Grey fut un romancier américain extrêmement populaire du début du vingtième siècle, qui s’était spécialisé dans les romans westerns. Son sens de la description était reconnu (il avait fait plusieurs voyages pour se documenter), son talent dramatique et ses personnages hauts en couleurs attiraient les lecteurs. Ses romans les plus connus, comme Riders of the purple sage furent adaptés de nombreuses fois au cinéma.
Bien que Wild Horse Mesa ne fut pas l’un de ses plus grands succès, il fut adapté trois fois au cinéma. C’est la première des trois adaptations qui nous occupe présentement. La deuxième version, expurgée semble-t-il de certains thèmes adultes, fut tournée en 1932 par Henry Hathaway, avec Randolph Scott. La troisième date de 1947 et présente Tim Holt dans le rôle principal.
L’histoire s’éloigne très sensiblement des canons de la série B, mêle plusieurs personnages et plusieurs sous-intrigues et pose en filigrane certains problèmes de société comme l’appât du gain rapide à tout prix, la cruauté envers les animaux et – classique – le problème indien. Au bout de vingt minutes, on ne sait toujours pas qui sont les gentils et qui sont les méchants, chaque personnage ayant sa part d’ombre, ce qui est une excellente nouvelle pour nos âmes du XXIe siècle peu friandes de manichéisme. La cinématographie de Bert Glennon est superbe, avec de larges plans sur des troupeaux de chevaux sauvages chevauchant les canyons arides. Le réalisateur George B. Seitz a le sens du cadre et compose également quelques très beaux plans, et la copie de Grapevine Video est encore a peu près correcte à l’exception de certains plans devenus beaucoup trop lumineux (l’image étant pour ainsi dire quasiment effacée de la pellicule). Toutes les conditions sont donc réunies pour profiter de cet excellent western, qui sans être un chef d’œuvre, se hisse malgré tout facilement dans le haut du panier du western de cette époque encore disponible.
En effet, on se retrouve vite pris par l’intrigue simple mais captivante par le fait même qu’elle sorte des sentiers battus. Le héros est joué par Jack Holt, star aujourd’hui totalement oubliée, qui dégage un incontestable charisme (sauf quand il révèle ses cheveux dégarnis en ôtant son chapeau) avec une dégaine mal rasée et un accoutrement de cowboy assez réaliste qui tranche avec les acteurs bondissant de ce temps. Il ne joue pas les héros, se fait désarmer facilement et souffre d’une réputation de squaw lover, un mal rédhibitoire à cette époque. Il est en effet ami d’un chef Navajo joué de façon très convaincante par Bernard Siegel. Et ce n’est pas le héros qui fera leur affaire aux trois méchants (dont le chef joué par Noah Beery), mais bien le Navajo, les snipant à la winchester d’une distance improbable, parce que ceux-ci avaient violé sa fille.

Bernard Siegel


L’Ouest présenté ici n’est donc pas un Ouest de cour de récréation : les gens meurent, souffrent, et se battent pour gagner leur vie. Jack Holt fout une trempée au cowboy opportuniste (George Magrill) qui avait l’intention de capturer les chevaux sauvages avec un piège de barbelé, au risque d’en perdre la moitié déchiquetés par le fil de fer. La baston fait rage, le cow-boy se fait balancer dans le barbelé à plusieurs reprises afin de goûter au supplice qu’il voulait faire endurer aux chevaux. Pas de doute, on est loin des fantaisies de Tom Mix.
La star féminine, c’est Billie Dove, très belle, pas nunuche, avec un style incontestablement moderne, aidée sans doute par son regard vif et sa coupe courte. Actrice talentueuse, peintre, pilote d’avion, elle exprime dans Wild Horse Mesa de la pitié pour les chevaux, de la compassion pour son père et ses problèmes financiers, de la perplexité face à un amour naissant pour le héros (ça l’emmerde un peu qu’il ait la réputation de se taper des squaws) et même une sorte de paternalisme pour le jeune frère du héros (Douglas Fairbank Jr.) qui la courtise. Il y a comme dans beaucoup de westerns de cette époque, le mythe de l’étalon, cheval blanc superbe indomptable qui mène le reste de la horde. Lorsque Jack Holt parvient à le capturer, et que Billie Dove le supplie de le relâcher, on ne peut s’empêcher de penser anachroniquement aux Désaxés.

Billie Dove


Douglas Fairbanks Jr, fils du grand Douglas Fairbanks, n’atteindra jamais la notoriété de son père, mais jouira d’une longue carrière dont il n’aura pas à rougir. L’ensemble du casting contribue donc grandement à la réussite de ce film, qu’il ne faut certes pas oublier de remettre dans le contexte général de son époque. Sans atteindre la perfection des grands chef d’œuvre du muet, Wild Horse Mesa est une incontestable réussite du western de cette époque.


Douglas Fairbank Jr., Billie Dove


Note : le film date de 1925, le roman date lui de 1928 selon à peu près toutes les sources. Je n’ai pas encore résolu cette contradiction. De même, de nombreuses sources (dont la jaquette Grapevine Video) prétendent qu’un jeune Gary Cooper fait une apparition dans ce film, mais John Howard Reid dément l’information dans son livre : Silent films and early talkies on DVD : a classic movie fan’s guide.

Sources:
- Wikipedia (oui je sais, c'est le mal)
- Silent films and early talkies on DVD : a classic movie fan’s guide.
- A guide to Silent Western

samedi 10 juillet 2010

That Girl Montana



That Girl Montana
1921
Robert Thornby
Avec : Blanche Sweet, Mahlon Hamilton, Frank Lanning, Edward Peil Sr


Ce western mélodrame est adapté d’un roman de Marah Ellis Ryan publié en 1901. Marah Ellis Ryan était un écrivain populaire en son temps, et elle avait la particularité de bien connaître et de prendre la défense des indiens, ayant même vécu parmi les indiens Hopi. Les titres de certains de ses livres, aujourd’hui oubliés, reflètent bien cet intérêt : Squaw Eloise, Indian Love letters
Imdb est assez peu disert sur ce film, mais il ne semble pas que l’auteure ait été associée à l’écriture du scénario. De même, n’ayant pas lu le livre, je ne saurais juger de la qualité du matériau originel. Néanmoins, son parcours se reflète bien dans l’intrigue du film, puisque l’héroïne, sorte de garçon manqué embarquée dans des mauvais coups par son scélérat de père, trouve un temps refuge chez les indiens, avant d’être rendue à la civilisation blanche et de mettre des robes. Ce passage indien est assez peu exploité, il ne constitue qu’une parenthèse dans la vie de la jeune fille, utile pour expliquer sa disparition du monde civilisé, mais non significatif en tant qu’étape initiatique dans son parcours. En même temps, le monde des indiens (représenté brièvement par deux ou trois tipis au bord d’une rivière) est tout de même un lieu de sécurité et de sérénité dans un monde blanc corrompu et dangereux, ce qui est déjà remarquable dans un western de cette époque (bien que, l’ayant déjà fait remarquer dans ces colonnes, entre les westerns pro-indiens et les westerns qui représentent les indiens uniquement comme une menace de cinéma, les westerns ouvertement racistes et anti-indiens sont finalement plus rares qu’on ne le croît, même avant 1950).



Le mélodrame se joue ensuite, la fille devient partiellement propriétaire d’une mine, elle tombe amoureuse d’un beau gosse lisse et plat (Malhon Hamilton) qui est malheureusement marié, le père vicieux (Edward Peil Sr.) réapparaît bien sûr et réclame sa part, tandis que la fille retrouve son vrai père (Frank Lanning) et que la femme du beau gosse se fait adéquatement descendre à travers une porte sans que l’on ne comprenne bien pourquoi. Tout est bien qui finit bien donc.
L’héroïne est jouée par Blanche Sweet, une actrice dont la popularité n’égalait pas celle de Mary Pickford mais qui eut quand même son étoile au Walk of Fame. Sa popularité fut néanmoins rapidement déclinante, bien avant la fin du muet, et il est difficile à notre époque de se passionner pour sa prestation dans That Girl Montana. A vrai dire, Claire Du Brey qui joue la femme du beau gosse lisse provoque plus d’étincelles en cinq minutes que Blanche Sweet dans tout le film, mais c’est aussi leur rôle qui veut cela. A part ça, on remarque aussi le jeu passionné de Frank Lanning, et ça s’arrête là, le film ne brille ni par son originalité, ni par sa démarche artistique. La copie de Grapevine Video est exécrable, ce qui n’arrange rien, et ils s’en excusent d’ailleurs sur leur site. Un film qui vaut donc plus par son background (on serait curieux de redécouvrir les œuvres de Marah Ellis Ryan, fussent elles mauvaises) que par sa réussite cinématographique.

Une critique par Dana Savage: http://www.things-and-other-stuff.com/movies/reviews/that-girl-montana.htm





samedi 3 juillet 2010

La vengeance aux deux visages



1961
One-Eyed Jacks
Marlon Brando
Avec: Marlon Brando, Karl Malden, Katy Jurado, Pina Pellicer, Ben Johnson, Slim Pickens




Lenteur, violence rare mais brutale, chaleur, haine rentrée en dedans, anti-héros, vestimentation étudiée (Rio, joué par Marlon Brando a même un poncho), décors inhabituels (la mer), cruauté (séance de fouet, main broyée), intrigue légèrement œdipienne sur les bords (le héros fait un gosse à la fille adoptive de son père spirituel), La vengeance aux deux visages est un film ambitieux et réussi qui montre bien que le western américain était déjà en pleine mue dès le début des années soixante, sans avoir attendu Leone en 1964 pour le faire. Les rapports entre les hommes sont presque tous sur le mode de la confrontation, même entre complices. C'est parfois un peu longuet, mais cela reste toujours un excellent jeu, jeu du chat et de la souris des deux principaux protagonistes du film d’abord, jeu avec les conventions du western ensuite, jeu admirable des acteurs ensuite : Marlon Brando et ses murmures bien sûr, mais aussi Ben Johnson en crapule, Pina Pellicer en jeune fille en fleur, Katy Jurado en mama digne et inquiète, et bien sûr le veule arriviste Karl Malden, sans oublier le dégoûtant Slim Pickens et sa mâchoire protubérante, ni même Larry Duran, le mexicain, seul ami de Rio, qui se fait traîter de greaser avant d'être abattu.
Ces gueules, ces attitudes, ces carcans de société et cette fameuse scène de séduction sur la plage, suivie par la trahison du lendemain matin qui font vraiment très peu western (que ce soit par le thème, le traitement ou les costumes : montrez à quelqu'un un des gros plans de Brando issus de cette scène, il sera sans doute incapable de dire que cela provient d'un western: pas de chapeau, pas de foulard, une chemise limite contemporaine, une attitude de désœuvré...) évoquent plutôt les mauvais garçons des années 60 et le thème du jeune rebelle qui s'écarte de la société que le mythe de la frontière ou la thématique de la revanche libératrice. Quant à la situation de la jeune fille, sa culpabilité au sein de la famille, le poids de son acte, il s'inscrit également dans ce carcan de ces mêmes années qui commençait alors à se fissurer.
On peut alors se demander jusqu'à quel point Brando était intéressé par tourner un western et ce qu'il avait en tête en commençant le projet, sachant que le film fut d’abord scénarisé par Sam Peckinpah (alors plutôt inconnu) et prévu pour Stanley Kubrick (qui aurait d’ailleurs réalisé le début). La vengeance aux deux visages demeurera par ailleurs le seul film de Brando en tant que réalisateur. Ces conditions un brin chaotique et l’inexpérience de l’acteur en tant que réalisateur se ressentent à la vision du film, mais il n’empêche que ce que Brando y a apporté d’original en font un western à part, un brin atypique, et naturellement indispensable.


Où le voir : en 1988, Marlon Brando, oublia la demande de renouvellement du copyright auprès de la Bibliothèque du Congrès, faisant ainsi tomber le film dans le domaine public. De ce fait, toutes les éditions DVD disponibles sont très peu chères et toutes pourries. C’est dommage, mais il n’y a que ça à se mettre sous la main.