Jack Holt
Wild Horse Mesa
1925
George B. Seitz
Avec : Jack Holt, Billie Dove, Douglas Fairbank Jr., Noah Beery, George Magrill
Wild Horse Mesa est avant tout un roman de Zane Grey. Zane Grey fut un romancier américain extrêmement populaire du début du vingtième siècle, qui s’était spécialisé dans les romans westerns. Son sens de la description était reconnu (il avait fait plusieurs voyages pour se documenter), son talent dramatique et ses personnages hauts en couleurs attiraient les lecteurs. Ses romans les plus connus, comme Riders of the purple sage furent adaptés de nombreuses fois au cinéma.
Bien que Wild Horse Mesa ne fut pas l’un de ses plus grands succès, il fut adapté trois fois au cinéma. C’est la première des trois adaptations qui nous occupe présentement. La deuxième version, expurgée semble-t-il de certains thèmes adultes, fut tournée en 1932 par Henry Hathaway, avec Randolph Scott. La troisième date de 1947 et présente Tim Holt dans le rôle principal.
L’histoire s’éloigne très sensiblement des canons de la série B, mêle plusieurs personnages et plusieurs sous-intrigues et pose en filigrane certains problèmes de société comme l’appât du gain rapide à tout prix, la cruauté envers les animaux et – classique – le problème indien. Au bout de vingt minutes, on ne sait toujours pas qui sont les gentils et qui sont les méchants, chaque personnage ayant sa part d’ombre, ce qui est une excellente nouvelle pour nos âmes du XXIe siècle peu friandes de manichéisme. La cinématographie de Bert Glennon est superbe, avec de larges plans sur des troupeaux de chevaux sauvages chevauchant les canyons arides. Le réalisateur George B. Seitz a le sens du cadre et compose également quelques très beaux plans, et la copie de Grapevine Video est encore a peu près correcte à l’exception de certains plans devenus beaucoup trop lumineux (l’image étant pour ainsi dire quasiment effacée de la pellicule). Toutes les conditions sont donc réunies pour profiter de cet excellent western, qui sans être un chef d’œuvre, se hisse malgré tout facilement dans le haut du panier du western de cette époque encore disponible.
En effet, on se retrouve vite pris par l’intrigue simple mais captivante par le fait même qu’elle sorte des sentiers battus. Le héros est joué par Jack Holt, star aujourd’hui totalement oubliée, qui dégage un incontestable charisme (sauf quand il révèle ses cheveux dégarnis en ôtant son chapeau) avec une dégaine mal rasée et un accoutrement de cowboy assez réaliste qui tranche avec les acteurs bondissant de ce temps. Il ne joue pas les héros, se fait désarmer facilement et souffre d’une réputation de squaw lover, un mal rédhibitoire à cette époque. Il est en effet ami d’un chef Navajo joué de façon très convaincante par Bernard Siegel. Et ce n’est pas le héros qui fera leur affaire aux trois méchants (dont le chef joué par Noah Beery), mais bien le Navajo, les snipant à la winchester d’une distance improbable, parce que ceux-ci avaient violé sa fille.
Bernard Siegel
L’Ouest présenté ici n’est donc pas un Ouest de cour de récréation : les gens meurent, souffrent, et se battent pour gagner leur vie. Jack Holt fout une trempée au cowboy opportuniste (George Magrill) qui avait l’intention de capturer les chevaux sauvages avec un piège de barbelé, au risque d’en perdre la moitié déchiquetés par le fil de fer. La baston fait rage, le cow-boy se fait balancer dans le barbelé à plusieurs reprises afin de goûter au supplice qu’il voulait faire endurer aux chevaux. Pas de doute, on est loin des fantaisies de Tom Mix.
La star féminine, c’est Billie Dove, très belle, pas nunuche, avec un style incontestablement moderne, aidée sans doute par son regard vif et sa coupe courte. Actrice talentueuse, peintre, pilote d’avion, elle exprime dans Wild Horse Mesa de la pitié pour les chevaux, de la compassion pour son père et ses problèmes financiers, de la perplexité face à un amour naissant pour le héros (ça l’emmerde un peu qu’il ait la réputation de se taper des squaws) et même une sorte de paternalisme pour le jeune frère du héros (Douglas Fairbank Jr.) qui la courtise. Il y a comme dans beaucoup de westerns de cette époque, le mythe de l’étalon, cheval blanc superbe indomptable qui mène le reste de la horde. Lorsque Jack Holt parvient à le capturer, et que Billie Dove le supplie de le relâcher, on ne peut s’empêcher de penser anachroniquement aux Désaxés.
Billie Dove
Douglas Fairbanks Jr, fils du grand Douglas Fairbanks, n’atteindra jamais la notoriété de son père, mais jouira d’une longue carrière dont il n’aura pas à rougir. L’ensemble du casting contribue donc grandement à la réussite de ce film, qu’il ne faut certes pas oublier de remettre dans le contexte général de son époque. Sans atteindre la perfection des grands chef d’œuvre du muet, Wild Horse Mesa est une incontestable réussite du western de cette époque.
Douglas Fairbank Jr., Billie Dove
Note : le film date de 1925, le roman date lui de 1928 selon à peu près toutes les sources. Je n’ai pas encore résolu cette contradiction. De même, de nombreuses sources (dont la jaquette Grapevine Video) prétendent qu’un jeune Gary Cooper fait une apparition dans ce film, mais John Howard Reid dément l’information dans son livre : Silent films and early talkies on DVD : a classic movie fan’s guide.
Sources:
- Wikipedia (oui je sais, c'est le mal)
- Silent films and early talkies on DVD : a classic movie fan’s guide.
- A guide to Silent Western