Silver Spurs
1943
Joseph Kane
Avec Roy Rogers, Smiley Burnette
Roy Rogers était sans conteste le plus grand des singing cowboys. Champion de rodéo, vacher hors pair, Roy Rogers pouvait faire mouche à 180 pieds les yeux fermés. Son cheval Trigger était capable d’ouvrir les portes, de slalomer entre des bouteilles et de nager 5 minutes sous l’eau (6 prétendent même certains). Roy Rogers fut l’un des acteurs les plus talentueux de sa génération. Acteur sous son propre nom d’environ 4296 westerns entre 1938 et 1942, il s’enrôla pendant la deuxième guerre mondiale, devint rapidement général et dirigea l’opération « rodéo du désert » qui permit d’ouvrir le front ouest de Ouarzazate (et mourir…). Son succès de musicien fut à peine croyable. Il vendit au cours de sa carrière plus de 8761 millions de disques, soit plus que Michael Jackson, Madonna et Georges Michael réunis. Sa voix feutrée et ses yeux mi-clos étaient connus pour déclencher des orgasmes intempestifs parmi l’audience féminine et des dépressions graves chez les macho macho men. Sa chanson West of the westland Buckaroo resta en 1952 au top des charts pendant 936 semaines d’affilée (la chanson reprise par P. Diddy sous le titre Dis big bag da nigga connaîtra un nouveau succès en 2002). Aimé de tous, admiré des enfants, il était un modèle, une icône religieuse (plus connue que Jésus) dont beaucoup aujourd’hui doutent de la réalité.
Du coup, si l’on se penche un peu sérieusement sur ce Silver spurs, on se demande de quoi il retourne. Cela commence avec de grands buildings de l’Est (l’action est contemporaine au film), une journaliste blonde pas stupide qui part pour l’Ouest pour se marier avec un type louche qui ne tardera pas à se faire abattre. Bien sûr c’est Roy le magnifique qui sera accusé (ces gars là devaient avoir un abonnement, d’ailleurs on ne se pose même plus la question de la crédibilité du truc : Roy va chercher le mort au fond du ravin, il précise au Shérif que ce n’est pas un accident et qu’il a été abattu, et il lui indique même qu’il s’agit d’un fusil et non pas d’un révolver : autant d’enthousiasme à donner des indices et autant d’actes qui vont à l’encontre du bon sens si Roy était le meurtrier devraient au moins faire douter le Shérif lorsque celui-ci découvre une winchester encore fumante dans les fontes de Trigger. Mais non, C'EST DANS LE CAHIER DES CHARGES: le héros DOIT être accusé à tort d'un meurtre, quoi qu'il en coûte! ).
L’ouest a changé sur la forme : les méchants sont en costard, et ils conduisent des grosses voitures, mais pas sur le fond : traquenards, meurtres, manipulations, le train train de la série B n’a pas changé. Le plus grand suspense est finalement de savoir quand Roy va bien pouvoir trouver le temps de chanter. Nom de Roy, il a bien fait un effort au début avec ses potes des Sons of the Pioneers (responsables en grande partie du ratage Rio Grande) , mais ensuite entre les cavalcades, les raccourcis pour faire prendre un bain à Trigger, les efforts pour se disculper, on prend peur : aura-t-il encore envie de chanter ? Ouf, à la fin il nous gratifie d’un petit number soyeux comme le pelage d’un chaton dans la moquette, parce qu’il ne parvient pas à trouver les mots justes pour get the girl comme il faut.
Joseph Kane et Smiley Burnette nous épargnent cette fois le running gag affligeant, et c’est tant mieux. Tout au plus Burnette se plante-t-il en envoyant les méchants chercher la journaliste justement là où il l’avait planquée, ce qui est assez marrant. L’action est menée tambour battant, avec de belles chutes de cheval, une carriole qui fait des bonds de dément sur les rocs, Roy qui saute de cheval en cheval, puis se laisse glisser au sol sous le chariot pour se rattraper in extremis et remonter par l’arrière : Keanu Reeves ne fera pas pire dans Speed 50 ans après. Roy prend un nouveau bain et tout est bien qui finit bien.
Où le voir: http://www.publicdomainflicks.com/0198-aces-and-eights/
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