Affichage des articles dont le libellé est Don Siegel. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Don Siegel. Afficher tous les articles

samedi 31 décembre 2011

Ce vieux John Wayne… (3)



Et voici la dernière fournée de « John Wayne vieux », ces films mi-réussis mi-ratés de sa fin de carrière, qui manquent d’ampleur par absence de grands réalisateurs aux commandes, mais qui sont en général sauvés par la prestance du Duke, ou par notre bienveillance à son encontre. A noter que John Wayne est imprimé à jamais dans l’inconscient américain puisque pas plus tard que dans la saison 7 de Desperate Housewives, Felicity Huffman doit sa démarche « à la John Wayne » à un abus de galipettes avec son amant.



L’on commence donc avec Les Géants de l’Ouest (The Undefeated, 1969) de Andrew V. McLaglen. On a du mal à le croire comme ça, mais c’est sorti la même année que La Horde Sauvage, pourtant c’est d’un classicisme à toute épreuve. McLaglen nous montre un monde où les rancœurs de la guerre de Sécession se règlent à coup de Bourbon, un monde dans lequel un jeune indien peut courtiser sans problème une femme de race blanche. Trop gros, ça passe pas, tout comme cet espèce d’enthousiasme collectif Fordien des hommes en groupe, que l’on nous ressert depuis Le cheval de fer. La communauté soudée, qui fait passer l’honneur avant tout, les décisions prises ensembles, avec concours de belles phrases et envolées lyriques : on va les aider ces maudits sudistes, de toute manière, les seuls vrais salauds ce sont ces cons de français avec leurs sabres, yihaaa ! C’est plaisant, ça vous arrache un sourire complaisant envers la race humaine, mais ça ne fait pas un grand film. Heureusement il y a Rock Hudson, et il y a John Wayne, qui font un beau numéro d’acteurs, ainsi que toute la clique habituelle (Ben Johnson, Harry Carey Jr, Bruce Cabot). Malgré son âge, Wayne papote avec une dame et lui parle de fonder une famille. On lui pardonne, c’est la magie du cinéma.


On passe rapidement à une production du même type, The Big Jake (1971, George Sherman), une œuvrette plutôt sympa et décontractée, bien ficelée, bien menée, bien troussée, bien balancée mais sans l’ampleur qu’un grand réalisateur n’aurait manqué de tricoter au sein du canevas de départ. Pour autant, on est en droit de ne pas bouder son plaisir : une intro magnifique avec même des extraits du tout premier western tourné (Le vol du rapide) ancre l’œuvre dans la veine crépusculaire mais sans le coté désenchanté. Ce qui justifie illico la présence d’automobiles et de motocyclettes dans l’histoire. Et les cascades réalisées à moto ont un effet immédiat : non seulement elles renouent avec les facéties virevoltantes de Tom Mix, mais elles rejoignent également toutes ces séries B des années 30 avec John Wayne, ces « John Wayne maigres », qui mélangeaient allègrement les automobiles les chevaux et les trains dans des poursuites toujours plus folles. Certes ce constat ne fait pas naître une émotion à la hauteur d’une Prisonnière du désert ou d’un Fils du désert, mais au moins ça rend le film un peu moins creux qu’un simple Voleurs de trains. Pour le reste, les interprétations sont très bonnes (dont Richard Boone), les interactions entre personnages fonctionnent, les caricatures aussi, et les multiples types d’armes (derringer, pistolet, fusil à lunette, machette…) aussi. Hop comme dirait Achille.




Les cordes de la potence ensuite (1973, U.S. Marshall Cahill), réalisé à nouveau par Andrew V. McLaglen, fonctionne bien, malgré l’âge avancé de son interprète principal. Wayne laisse un peu la place aux deux jeunes gamins (Gary Grimes, un de ceux du Sang dans la poussière, et Clay O’Brien, présent déjà dans Les Cowboys) qui tiennent le principal de l’intrigue sur leurs frêles épaules. Les méchants, George Kennedy en tête, ont une bien belle présence, et Andrew V. McLaglen leur concocte des plans classieux sous la pluie digne des meilleurs spagh. On note la présence de Jackie Coogan, le Kid de Chaplin, en poivrot qui manque de se faire assassiner dans son sommeil, et puis Harry Carey Jr. dans un petit rôle. Le Duke s’endort avec le double chien de son shotgun armé, ceci face à ses prisonniers. Tant pis pour eux s’il a la bougeotte pendant son sommeil ! Neville Brand nous fait un numéro savoureux de demi Comanche, amateur de cigares, le scénario est plutôt intéressant, bref, une fois de plus, si ce Duke n’est pas un chef d’œuvre, il y a tout ce qu’il faut pour passer un bon moment, sans ode inutile à la gloire du Duke. Plutôt pas mal, donc, même si on ne peut pas s’empêcher de sourire devant l’aisance des personnages à se mouvoir avec épaule trouée ou jambe cassée.



On termine avec Le dernier des géants (The Shootist, Don Siegel, 1976) qui émeut tout le monde à cause de la résonance entre le destin de l’acteur et celui du personnage (en allant jusqu’à présenter une intro faite de stock shots des films du Duke), mais qui ne fonctionne que par ce biais là. En effet, pour le reste, il faut bien dire que les derniers instants d’un vieux pistolero atteint d’un cancer ne sont guère passionnants. C’est Wayne que l’on regarde mourir, et non pas John Bernard Books. Le film en devient sordide et voyeuriste, même si en réalité, Wayne n’avait pas encore fait sa rechute quand il a tourné ce film. La patte de Siegel ne se reconnaît qu’à la toute fin, sinon c’est filmé de façon plate et conventionnelle. Tué dans le dos de deux coups de shotgun, notre héros a le temps d’acquiescer lorsqu’il voit Ron Howard (que l’on a vu aussi dans Du sang dans la poussière, qu’est ce qu’ils avaient ces jeunots à faire du western avant d’être des hommes !) jeter au loin son arme avec dégout, faisant suite à une thématique à peine esquissée du gamin qui veut se mesurer à la légende. Si j’en crois imdb, cela aurait dû être le personnage de Ron Howard lui-même qui tuait J.B. Books, dégoûté ensuite par son acte. Wayne a demandé à rajouter le barman en intermédiaire, allez savoir pourquoi. Du coup, plus rien ne fait sens, on ne comprend pas pourquoi le barman tue Books, on ne comprends pas trop non plus pourquoi le personnage de Ron Howard est si dégoûté de son acte qui est pourtant plus un réflexe qu’un assassinat délibéré. En bref, Wayne a perverti le film. Admiratif de Don Siegel et de son Dirty Harry, il rend le travail de celui-ci impersonnel à force d’exigences ajoutées les unes après les autres (il a aussi fait supprimer une scène où il abat un homme dans le dos). Sans doute l’une des raisons pour lesquelles tous ces « John Wayne vieux » sont relativement fades et sans saveur, la star imposant une routine standardisée et une norme aseptisée à ses réalisateurs.



mercredi 19 août 2009

Sierra Torride


Two Mules for Sister Sara
1970
Don Siegel
Avec: Clint Eastwood, Shirley MacLaine

Clintou sauve une nonne du viol et va l’aider à combattre les français au Mexique. Sergio Leone avait deviné la véritable identité de la nonne au bout de dix minutes. Si vous n’êtes pas Sergio Leone, ou si vous n’avez pas son intelligence supérieure, je vais essayer de ne pas spoiler la fin, sinon, vous voilà prévenus.

Clintou a bien sûr une place à part dans mon panthéon en plâtre. Après avoir vu la trilogie des dollars, je fus déçu de découvrir que Leone n’avait réalisé que cinq westerns, mais je fus bien aise d’apprendre que Clintou avait tourné un certain nombre de westerns du même acabit dans sa carrière ultérieure. Du même acabit, voire, car l’acteur/réalisateur prit bien soin de ne pas faire la même chose qu’en Italie, des westerns comme Josey Wales, Unforgiven ou L’homme des hautes plaines, malgré d’évidentes influences, prennent une ampleur autre, et ne manqueront pas de décevoir les amateurs qui rechercheraient des duplicatas des films de Leone. D’autres westerns, comme Pale Rider ou ce Sierra Torride peuvent néanmoins constituer une sorte de passerelle, les chaînons manquants entre les films de Leone et les westerns plus ambitieux d’Eastwood.

Sierra Torride, donc, avec sa musique signée Ennio Morricone, son mercenaire solitaire barbu qui allume ses cigarillos et ses fulgurances d’action violente se rapproche en effet grandement de ce que Clint a pu faire en Italie, le tout ficelé dans une ironie mordante qui ne dépare pas le morceau, à l’image de ce bestiaire initial (puma, crotale, tarentule), placé là pour montrer que le film qui débute va être sans concession. Mais dès que la tarentule se fait grossièrement aplatir par le sabot du cheval de notre homme sans nom, on comprend également que tout ceci n’est pas à prendre vraiment au sérieux. Sierra Torride s’oriente rapidement en effet vers la comédie, sitôt que Shirley MacLaine a remis ses oripeaux (on remarquera d’ailleurs qu’elle est plus belle en nonne, les cheveux cachés) la confrontation entre elle et lui entrainera une succession de gags verbaux assez drôles, tous basés bien sûr d’une part sur l’inadéquation primaire d’une nonne avec ce milieu hostile, et d’autre part sur le décalage entre le comportement attendu d’une nonne et celui de son usurpatrice. Ce qui permet à Eastwood de nous servir à loisir son rictus désormais légendaire, mélange de mâchoire serrée et de regard incrédule, qu’il n’avait pas eu tellement l’occasion de peaufiner chez Leone tant il était occupé à faire passer son bout de cigare d’une commissure des lèvres à l’autre. Shirley MacLaine elle, n’est pas avare de son talent, elle minaude, elle fume, elle boit, elle aiguise sa répartie et casse des flèches. Je ne crois pas avoir vu d’autres films avec elle, mais quand on parle de ce film avec les anciens, ils disent « Ha oui, avec Shirley MacLaine », mais pourtant, ils ont du mal à citer un autre film dans lequel elle aurait joué. Comme si la renommée d’une actrice ou d’un acteur pouvait se faire indépendamment de ses films… En attendant de découvrir quelques uns de ses autres films, je ne me prononcerai donc pas.
Le reste du film se suit vraiment bien, on rit, on prend du plaisir à suivre toutes les péripéties et les retournements de situation, ainsi que la progression du rapport amoureux entre les deux têtes d’affiche, sans oublier la parodique musique d'Ennio Morricone. Et rien d’autre. Don Siegel suit le scénario de Budd Boetticher et n’y apporte aucune épaisseur, aucune consistance, aucune réelle noirceur comme il le fit pourtant pour les films précédant et suivant ce film dans sa filmographie : les grinçants Un Shérif à New York et Dirty Harry, ainsi que l’atypique Les Proies. Seule une scène d’exécution tente très fugacement de faire passer un début d’émotion qui soit autre chose qu’un chatouillement de zygomatique ou d’adrénaline : un mexicain se fait fusiller, et l’on voit clairement sur le visage de l’un des soldats français la détresse de l’acte accompli, l’horreur de la situation. C’est rapide et ça passe vite, l’attaque finale, à base de dynamite, de coups de machete gores et de soldats virevoltants revient dans un cadre purement entertainment et remplit son office comme on l’attend. Et Eastwood peut enfin se taper la nonne, de façon il est vrai assez peu élégante. Si Sierra Torride est loin de valoir les meilleurs films d’Eastwood, s’il n’arrive jamais à la cheville des Leone et s’il est même inférieur aux meilleurs films de Siegel, il se situe néanmoins à la croisée de toutes ces personnalités, une sorte de récréation réussie, un patchwork bien digeste qui remplit bien le ventre sans filer la colique.

Où le voir : hooo, z’êtes grands non ?
Capture: Mariaque sans son aimable consentement, mais dont vous pouvez lire l'avis ici