samedi 23 février 2013

Colorado

La resa dei conti
Sergio Sollima
1967
Avec: Lee Van Cleef, Tomas Milian

Voici quelques captures de ce grand classique du western européen.




Au centre, Nello Pazzafini, l'un de ces habitués des seconds rôles que l'on repère et auxquels on s'attache. Il fait, dans ce très réputé western de Sergio Solllima une apparition éclair. Clignez des yeux, il va être abattu par Lee Van Cleef.



Ha, non, avant cela, la caméra se décale un peu vers la droite pour faire apparaître un pendu. Il y a quelque chose de réjouissant dans le western spaghetti, la morbidité d'un plan savamment composé est toujours dégoupillée par l'ironie de la situation, soulignée ici par l'ignorance crasse des trois malfrats.



Une belle caricature de baron prussien, avec son monocle, son balai dans le cul et ses moustaches en pointe. Il a beau avoir un holster fait sur mesure pour dégainer plus vite, il n'aura aucune chance face à Corbett (Lee Van Cleef) qui doit pourtant extraire un colt de 700 pouces de long de son pantalon. Valorisation de la technicité, toujours, cet amour des armes, mais qui ne vaut pourtant rien face à l'instinct du vrai surhomme.



Une image comme ça, avec un pistolero qui descend de cheval dans un tel décor, sur fond sonore de chtouings à la guitare du grand Morricone, c'est ce que j'appelle du cinéma. Les décors, avec ces maisons de torchis et ces bouts de bois qui se dressent au ciel, évoquent tout à la fois le Mexique, des habitations indiennes, et les bidonvilles du 20e siècle. En une image, Sollima crée un langage, un monde distant du western américain et pourtant si familier...



Toujours cet attachement à démontrer la technicité de ses personnages: Cuchillo (Tomas Milian) se protège derrière son cheval pour échapper à Corbett.



Le blaireau dans la bouche du barbier, repris quelques années plus tard par Valerii dans Mon nom est Personne.



Cuchillo donne corps à la caricature du Mexicain, il en joue, il la joue. Pouilleux à l’extrême  les habits déchirés, il joue au lâche et fait semblant - devant les gringos - de supplier, de demander pardon, en implorant et implorant encore, pour mieux se moquer d'eux quand ils ont le dos tourné.



Un autre exemple sur la même thématique, associé cette fois-ci à ce que la plupart des gens des pays développés ne connaissent plus: mendier pour manger. Mais au final, Cuchillo se jouera de tous ces gros bras du ranch. Cuchillo, c'est un peu la revanche du tiers-monde sur l'occident.



"Même les animaux ont besoin de manger".



"Une chance pour moi que les murs de mon pays soient faits de boue et de crachats!"



Fernando Sancho, ou la police au service du pouvoir, plutôt qu'à celui du citoyen.



La dextérité de Cuchillo aux couteaux, dextérité qui lui donne son nom. Là encore, Sergio Sollima renverse un poncif mexicain. Le couteau est d'habitude une arme de lâche, sournoise, douloureuse utilisé par d'odieux greasers sournois, comparée aux revolvers, qui tuent net et sans bavure, et dont l'usage en duels donne une vision presque chevaleresque. Ici, Cuchillo s'en sert d'égal à égal face à l'homme au revolver et paraît donc à chaque fois désavantagé. Le couteau ne se recharge pas, le couteau ne permet pas de tirer loin. C'est alors le revolver qui devient une arme de lâche, un symbole des puissants qui oppriment les pauvres péons.



"Il se cache paraît-il dans le champ de canne à sucre". Le western européen a toujours aimé les incongruités ou les pseudo-incongruités, les lieux inattendus dans le cadre d'un western. Un champ de canne à sucre, un bel endroit pour mourir.



La fronde, qui comme le couteau, démontre la supériorité en courage et en intégrité du péon, malgré l'avantage technologique de ses poursuivants.






Sans cheval, Cuchillo rampe plus qu'il ne marche, patauge dans la boue, se déplace à quatre pattes, se fond dans le décor, homme rendu à son état de bête par les hommes qui le pourchassent, parce que s'il s'arrête pour s'expliquer, ils vont le tuer.



Un savoureux plan, qui en plus d'inaugurer un duel inédit, montre l'état des pieds du pauvre gars qui sert de bouc émissaire aux pulsions perverses de quelques privilégiés.



Un traitement de la lumière solaire, qui éblouie et irradie les personnages, ainsi que le spectateur.



L'intérêt trop grand que l'on peut apporter au genre peut en diminuer la saveur. Cette dune, visible dans tant de westerns tournés en Espagne, est en fait une dune au bort de la mer. A chaque fois que je la vois, j'imagine les acteurs regardant la mer étale, les narines emplies d'iode, tandis que l'on est censés croire à un désert accablant au fin-fond des Etats-unis. Mais que cela ne vous empêche pas de savourer ce chef-d'oeuvre du western italien à sa juste valeur.

mercredi 20 février 2013

Les disparues

The missing
2002
Ron Howard
Avec: Tommy Lee Jones, Cate Blanchett

Les
Disparues de Ron Howard dispose d'un atout: son méchant est réussi. Un sorcier à la dentition ravagée qui souffle des poudres dans les yeux et les narines, qui vend des blanches aux Mexicanos,  qui torture à distance en tressant des cheveux. Toutes les scènes réussies du film sont à son crédit, comme celle où il fait avaler de la poussière à une damzel in distress,  comme un écho à la scène similaire dans Shalako.

Tout le reste est plutôt de la veine chiante, parlottes gonflantes + musique ronflante= ennui profond. Tommy Lee Jones, absolument ridicule et non crédible, achève l'équation. Cate Blanchett sauve l'honneur, ainsi que toutes les actrices du film. Malgré un pitch banal,  Ron Howard a pourtant essayé de faire un western qui sort des sentiers battus, par son traitement des personnages et des décors et par son scénario à la lisière du fantastique.  Mais on est vite barbé par la quête initiatique, par le thème de la réconciliation familliale consensuelle (que de mauvais pères se rachètent dans le cinéma et les séries américains) et par le plat affrontement de la rationalité face au chamanisme du dimanche. Oh, et puis on apprend que les indiens n'étaient pas tous méchants et qu'il ne faut pas avoir d'idées préconçues sur les peuples et les races. On se couchera moins bête.
Pourtant, je vous recommande ce film (si) parce que le méchant a de la gueule, et qu'il sauve le film à lui tout seul. L'acteur s'appelle Eric Schweig, et je suis heureux ici de lui rendre hommage.

samedi 16 février 2013

Les petites choses dans Pour Une Poignée de Dollars

Et revoici, après Le Bon la Brute et le truand, Et pour quelques Dollars de plus, Il était une fois la Révolution et Mon Nom est Personne, un nouvel épisode des petites choses dans lequel je livre mes points de vue personnels, cette fois sur le film qui lança le genre.




Où voir Pour Une Poignée de Dollars dans les années 80
J'avais dans les dix ans, et j'étais en vacances dans les Pyrénées, et il me tardait alors de découvrir Pour Une Poignée de dollars, qui était le dernier western de Leone qu'il me restait à voir, avec il était Une fois dans l'Ouest qui était interdit aux moins de treize ans. Ce soir là, on devait récupérer ma soeur au train à Tarbes, et je dis tout de go à mes parents: "On n'a qu'à en profiter pour aller voir Pour une poignée de Dollars au cinéma". Dans mon jeune esprit, il était évident que n'importe quelle ville moyenne de France avait au moins un cinéma qui passait Pour une poignée de dollars le soir, douce innocence de l'enfance. Sauf qu'il s'avère que ce soir là, le film passait bien à Tarbes, et rétrospectivement, si je croyais en Dieu, je dirais que c'était un signe et que j'aurais mieux fait de me signer. Je fus malgré tout ravi, pas comme ma soeur qui dut se taper un Sergio Leone après ses cinq heures de train. Tout ça pour dire que dans les années 80, on pouvait encore voir assez facilement tous les Sergio Leone en salle, et que je suis content d'être assez vieux pour avoir vécu ça.


Clint Eastwood arrive dans le brouillard.
Quelques mois auparavant, j'avais découvert Et pour quelques dollars de plus en salle, donc. Mon père lui, redécouvrait ces films qu'il n'avait pas revus depuis vingt ans. A la fin de Et pour quelques dollars de plus, comme chacun sait, Clint Eastwood pose son cul sur une charrette pleine de cadavres et s'en va au soleil couchant. Mon père me dit alors: "Ce qui est curieux fils, c'est que si je me souviens bien, au début de Pour une Poignée de dollars, Clint Eastwood arrive justement dans le brouillard sur une charrette pleine de cadavres... (pause)... Et pourtant, vu les titres, il serait plus logique que Et pour quelques dollars de plus soit la suite de Pour une Poignée de dollars!" Il se souvenait mal, et moi, ne mettant pas en doute la parole paternelle, j'étais en joie, car je ne pouvais imaginer meilleur début de film que Clint Eastwood débarquant dans le brouillard sur une charrette pleine de cadavres. Déjà, les prologues du Bon la Brute et le Truand et de Et Pour Quelques dollars de plus étaient exceptionnels, mais là, Clint Eastwood qui se pointe peinard dans le brouillard sur une charrette de cadavres, je ne pouvais rêver mieux! Comme chacun sait, il n'y a ni brouillard, ni charrette de cadavre au début de Pour Une Poignée de Dollars, et je fus alors légèrement déçu. Mais il y a un bref plan tout blanc, entre le générique et le premier plan sur Clint Eastwood,  un plan de transition que personne ne remarque. Ce blanc, à chaque fois que je le vois, je me dis: "c'est le brouillard..."





Clint Eastwood boit à la louche
Ce puits sur la voie publique, la façon dont Clint Eastwood s'en sert, ça résume en une seule scène tout le cinéma de Leone et tous les westerns spaghetti qui vont suivre. D'abord, l'homme sans nom ne demande pas la permission, non, il se sert, point barre. On a déjà le pistolero ténébreux totalement hors de la société, mais qui n'en souffre pas. Il n'a pas besoin de demander la permission puisqu'on voit mal qui pourrait lui refuser la permission de se servir de cette louche à l'aspect louche pour s'abreuver. Et s'il boit, c'est juste une concession au caractère organique de sa personne. Il n'en a rien à foutre de boire, il observe le petit manège du petit Jesus et de son père qui se fait taper par Mario Brega, à la limite il aurait tout aussi bien pu ne pas boire. C'est un surhomme, qui boit parce qu'il faut boire, mais pas parce qu'il a soif. Il est au dessus du lot, il a l'impunité, et ce genre d'attitude a dû en faire rêver plus d'un, être détaché des tracas, être insensible au rire, aux femmes et n'aller que là où bon nous semble, se libérer en quelque sorte de sa condition humaine pour dominer nonchalamment toute cette comédie (humaine), c'est un peu le propre du héros de western spaghetti.
Aujourd'hui cette scène me fait aussi à chaque fois penser à une histoire réelle qui s'est passée en Espagne dans les années 70, et que l'on raconte dans la famille. Il y avait eu un accident sur la chaussée, et deux motards de la Guardia Civil étaient là pour veiller au grain. A un moment l'un d'eux rentre dans un jardin,  pourtant privé,  sans rien demander à personne, cueille une grappe de raisins sur une vigne, et retourne sur la route pour la manger, tranquillement, sûr de son droit. Où l'on voit donc ce que ça donne, quand les rêves d'impunité deviennent réalité.




Clint Eastwood et sa mule.
Curieusement, je ne m'étais jamais demandé pourquoi l'homme sans nom arrive sur une mule. Le scénario lève le voile là-dessus: l'homme sans nom est en fait un soldat confédéré en fuite, qui a volé le poncho et la mule d'un péon après avoir traversé le Rio Grande. On peut faire ce que l'on veut de cette information, elle n'appartient pas au film, elle ne fait que dévoiler que le film n'est peut-être pas tout à fait celui qui était prévu au départ. Elle jette aussi un doute sur les dires de l'acteur qui affirme avoir eu l'idée du poncho. Tout comme l'on peut faire ce que l'on veut du prologue tourné par les américains pour "justifier" les actions du héros. Tout ça c'est du contexte, ce qui importe, c'est que Clint Eastwood arrive sur une mule, et qu'à cause de ça, quatre gars vont y passer.



Une corde de pendu en guise de bienvenue
Avant de tuer les quatre types, Clint Eastwood passe sous une corde de pendu. Là aussi on touche au coeur du western spaghetti. Cette corde ne représente qu'un état mortifère, une ambiance morbide qui dessine le fantasme européen de l'Ouest sauvage, expurgé de tout contexte moralisateur, de tout discours sur une civilisation qui se construit. Cet Ouest là est au contraire une civilisation qui se déconstruit, comme en témoigne ce tapis de roulette qui ne sert plus, un monde imaginaire où on peut se faire entretuer un nombre écoeurant de gens sans conséquences.






Deux coups dans un sens, trois coups dans l'autre sens.
Quand il descend les quatre types, Clint Eastwood tire d'abord deux coups de gauche à droite en commençant par le milieu. Il y a une imperceptible pause, puis il tire trois coups toujours de gauche à droite, mais en partant de l'extrémité gauche. Bam bam... bam bam bam! On peut y chercher une stratégie si l'on veut. Il tire d'abord sur les deux qu'il a jugé les plus dangereux, puis sur les deux autres. On peut aussi remarquer qu'il lui faut cinq balles pour quatre types, pas très précis l'homme sans nom. On peut aussi se contenter d'écouter la musique des tirs. Pan pan, pan pan pan! J'ai vu Mission : Impossible 4 l'autre jour. Non seulement c'est une sombre daube, mais en plus ça manque vraiment de petits trucs comme ça.






Ça me fait comme quand je jouais aux peaux rouges
Cette petite remarque de Silvanito (José Calvo) vous aide, messieurs les détesteurs de spagh, à vous détendre les sphincters. Youhou, tout ça n'est qu'un jeu, un Ouest de cour de récréation. Ne venez pas nous les briser avec le sang rouge tomate, la frontière de pacotille, le non respect des mythes américains, l'invraisemblance des situations, les ersatz de décors. Il y a assez de westerns américains géniaux à voir pour que vous ne perdiez votre temps avec ce film.

Le massacre de l'armée Mexicaine
Sergio Leone inaugure ici le génocide de l'armée Mexicaine qui durera une bonne dizaine d'années. Il y reviendra dans Il était une fois la Révolution. Vraiment, on se demande d'où vient ce fantasme ultime d'anéantir à soi tout seul une armée vêtue de gris, encore qu'ici, les Bleus ont pris cher également.





Rubio!
Quand un homme armé d'une Winchester est faccia a faccia avec un homme armé d'un revolver, l'homme au revolver est un homme mort. Mais avant d'en arriver là, protégé par une plaque d'acier, l'homme au revolver peut compter sur son holster pour garder son arme près de soi. Pour l'homme à la Winchester, c'est plus compliqué que ça. Il lui faut un homme de main, nommé Rubio (Benito Stefanelli), qui lui garde son arme au chaud en temps normal, et qui lui jette en cas de besoin. Rubio! Rubio lui jette la Winchester du Rio Bravo vers le chariot. Rubio! Rubio lui jette la Winchester du haut du balcon. Rubio ne sert qu'à ça. Il ne peut pas aller pisser, il ne peut pas retourner voir sa femme, il ne peut pas aller boire un coup avec ses camarades, il faut qu'il soit là pour jeter sa Winchester à Ramon où qu'il soit. A la fin, quand l'Etranger a fait le ménage et qu'il n'a plus que Ramon face à lui, celui-ci a l'air inquiet. Pas parce qu'il risque de mourir, non, mais parce que même s'il en réchappe, il n'aura plus son Rubio pour lui garder sa Winchester.




Un plan simple





Clint tape sur les tonneaux avec son colt
Vous en avez sûrement marre de mes petits radotages, mais j'adore ces petits détails insignifiants, ces objets détournés de leurs usages, ces petits gestes que l'on a tous essayé au moins une fois ("ce mur sonne creux, y aurait-il un trésor à cet endroit?"). Vous avez vu des choses comme ça dans The Dark Knight Rises vous ?





Le deguello de Morricone
Plus que la musique sifflée et entêtante du générique, le plagiat du Deguello par Ennio Morricone est LE thème du film. Lorsqu'il résonne pendant l'échange de Marisol contre le fils Baxter, le film, de rip-off habile et couillu d'un film de sabres, devient une tragédie opératique frissonnante. J'en ai la chair de poule à chaque fois. C'est inexplicable, ça déclenche des transes qui prolongent le film, qui le montent dans la stratosphère, qui rendent beaux et magnifiques tous ces demi-dieux qui se dévisagent, et extraient du film un concentré de dramaturgie d'une pureté inouïe! Ou alors je suis chtarbé, c'est peut-être juste ça.




Et curieusement, depuis que j'ai des enfants, je suis beaucoup plus sensible à la scène ci-dessus.

Un petit jeu de cache cache à cheval
Clint, dans une belle nuit américaine, joue à cache cache à cheval. Il coupe à travers les montagnes, se planque derrière des buttes, parcourt beaucoup de kilomètres, mais arrive quand même avant ceux qui suivent la piste à bride abattue. Encore un jeu, un gars un peu plus malin que les autres, un espace réduit à un décor où l'on se cache et que l'on parcourt en tous sens. Un western de gosses quoi, dont l'aspect puéril est contrebalancé par le passage à tabac qui suit.




Un passage à tabac corsé
On prend le passage à tabac américain, on lui rajoute le double de longueur, des rires particulièrement sadiques, des blessures graphiques, et des conséquences longues et douloureuses. L'homme sans nom rampe, se traîne avec une lenteur désespérante, met des semaines à s'en remettre, est quasiment mort. Mais il lui reste le regard, la force de l'âme, ce regard quand il a écrasé Mario Brega, ce regard que même John Wayne n'a pas. 





Pour un petit massacre de plus
Ramon et ses hommes finissent par massacrer tous les Baxter. On remarque pour commencer une vengeance des latinos sur les WASP. D'accord l'homme sans nom va revenir pour terminer le carnage et mettre tout le monde à égalité, mais là quand même, on est au-delà du mexicano crasseux qui fait la sieste. C'est comme pour le passage à tabac, ça rigole, ça dure, et ça rigole, puis ça tue même la femme, sans pitié, mais là quand même ça ne rigole plus, comme si un trop plein était atteint, une overdose de sang, une réalisation soudaine que tout ça n'a pas de sens. Pas étonnant que quelques dents aient grincé devant ce spectacle.







Le pied de Ramon en gros plan
Ce pied, ciselé avec cette botte, classe, mais sans savoir que c'est classe, tout en restant authentiquement vraisemblable. Et puis cette façon de rentrer dans le champ... j'en reste sans voix!




Un peu de théâtre
Avec son explosion de dynamite, l'homme sans nom soigne son entrée en scène. Avec sa carapace de métal, il assure le spectacle. Gian Maria Volonte n'est pas en reste quand il tournoie la bouche en sang. Le duel homme avec une carabine/homme avec un révolver y est pour beaucoup. A la dynamique d'un duel classique, on ajoute un duel technique, une opposition de savoir-faire dans l'art de tuer. Au western classique, Leone ajoute une exploration plus poussée des codes qui enrichissent le genre plutôt que n'être qu'un simple contexte, enrichissement qui fait sens dans les esprits d'aujourd'hui. La question Winchester vs revolver résonnera chez tous ceux confrontés à ce genre d'épineuses questions: Mercedes ou BMW? Gaule classique ou lancer à moulinet? Quand un homme armé d'un téléphone Apple rencontre un homme armé d'un téléphne Android, l'homme au téléphone Android est un homme mort. Ramon et l'homme sans nom, tout comme Tuco et le Colonel Mortimer sont des geeks du gunfight qui assurent le show. Un show moins intellectuellement stimulant qu'une Prisonnière du désert, mais un show dont je ne me lasse pas depuis trente ans.




Captures: DVD MGM, aux dominantes paraît-il, trop bleues, ce qui n'est pas flagrant, sauf peut-être sur ces deux dernières captures.

dimanche 3 février 2013

Les 100 fusils


100 Rifles
Tom Gries
1969
Avec : Jim Brown, Burt Reynolds, Raquel Welch

Je me suis acheté une télé Samsung UE69ES6300, et pour faire le test je me suis mis un petit western de derrière les fagots. En plus de son écran 69" qui me bouffe la moitié de mon salon, cette télé ultra HD a un mode d'upscaling 400 Hz qui permet d'augmenter la définition de l'image de 64 pixels par pixel d'origine. Ma nouvelle télé, tu lui mets une VHS, tu as la qualité d'un DVD, tu lui passes un DVD, t'as l'impression de regarder un Blu-ray, tu lui colles un Blu-ray, tu te retrouves avec la qualité d'un 4K, et si tu lui balances une source 4K, tu obtiens une image de résolution meilleure que la vraie réalité vraie. C'est bien simple, après avoir regardé Les 100 fusils de Tom Gries, j'ai jeté un oeil à mon fils qui mangeait sa pom'pote dans la cuisine, et j'avais l'impression que la réalité s'était transformée en PAL 8 bits. Ma nouvelle télé invente des détails que le réalisateur n'avait pas escomptés. Alors que je zoomais sur le visage déjà en gros plan de Burt Reynolds, je pouvais distinguer flottant au vent des poils de nez que la caméra de l'époque n'avait même pas capturés. Le son ultra surround de la barre de son intégrée me permettait d'entendre le sang battant aux tempes du noir Jim Brown lorsqu'il se tape scandaleusement Raquel Welch, scandaleusement pour 1969, preuve que les combats d'arrière-garde ne sont pas si vieux que ça. J'appuyais ensuite sur la touche 3D de ma télécommande, qui permet de tridimensionner en temps réel n'importe quelle source 2D, et mon salon se retrouvait soudain environné par la poussière d'Almeria, Burt Reynolds sortant de l'écran, avec ses poils de nez flottant vers moi, le film prenant alors une toute autre dimension. Impressionné j'étais ! 



Ce que ma nouvelle télé ne pouvait pas faire cependant, c'était changer mes préférences hormonales. Raquel Welch m'a toujours fait autant d'effet qu'un bout de bois ramolli dans un aquarium oublié. Brigitte Bardot, pareil. Allez savoir pourquoi parfois on ne va pas dans le même sens que la majorité. Ça m'arrive fréquemment, on est entre mecs, assis à se raconter des conneries et tout d'un coup il y a des murmures, comme un flottement, des sourires entendus dans le groupe, et là il faut comprendre qu'une nana canon vient de rentrer dans la pièce. Alors je me retourne évidemment pour la voir, je la cherche, je regarde partout, mais je ne la trouve pas. Ne comprenant pas, je finis par repérer une blonde assez grande, au visage quelconque, avec d'assez gros seins, et je reste ahuri, incapable de m'expliquer ce qui a ainsi pu chez cette fille mettre en émoi mes estimés camarades. C'est exactement l'effet que me fait Raquel Welch, même avec deux fois plus de pixels que d'habitude. On va me dire que je suis trop jeune pour être sensible au style des années 60, mais ce n'est pas ça,  par exemple, donnez moi Claudia Cardinale et ses yeux à damner un sein,  je fais ma valise tout de suite.  Donnez moi Grace Kelly, et ses lèvres parfaites,  je demande l'exil fiscal sur le Rocher. Bref, ça me rend triste pour toutes les filles bien gaulées de la Terre, même si elles ont tout comme il faut là où il faut, il n'est pas impossible que l'homme de leur vie le jour où elles le rencontrent soit totalement imperméable à leur charme, et il faudra qu'elles se rabattent sur leur choix numéro deux.
Pour revenir au film, il est bien. Il participe de façon notoirement efficace au génocide de l'armée Mexicaine entrepris minutieusement par le western de ces années là. Ça devrait suffire je pense à vous le faire acheter illico. 



vendredi 1 février 2013

Django Unchained


2013
Quentin Tarantino
Avec Christoph Waltz, Jamie Foxx, Leonardo Di Caprio

Dès la première image, j’ai su que j’allais adorer le film. Cette chanson mythique, parfaitement adaptée à la marche des esclaves enchaînés et dodelinants, j’ai su que Tarantino tenait un excellent film. 

Et puis je me suis rendu compte que je m’étais trompé. Au bout d’une demi-heure je regardais ma montre, figurativement, puisque je n’ai pas de montre. Avez-vous remarqué que depuis l’avènement du téléphone mobile, beaucoup de gens tirent leurs téléphones de leur poche intérieure pour regarder l’heure, comme dans les westerns on tire sa montre à gousset ? Je me suis dit qu’il y aurait donc peut-être un marché pour des smartphones rétro, avec quand même de bonnes specs, 2 Go de RAM, proco quad-cœurs, APN de 13 Mpix et Android JB 4.1.2, dans le style montre à gousset, avec petite mélodie de Morriconne en option, et une chaîne pour pas se le faire piquer dans le RER B. Mais c’est un autre débat. 
Au bout d’une heure j’étais lassé des circonvolutions verbales de Christoph Waltz. L’employer en méchant Nazi dans Inglourious Basterds était une bonne et originale idée. Tenter de nous refaire le coup avec le rôle d’un gentil ne fonctionne plus, et encore moins dans un western. On sait d’avance qu’à chaque situation tendue, Waltz va nous sortir une phrase à rallonge et l’effet de surprise n’y est plus. 

Au bout de deux heures, j’en avais marre aussi de Di Caprio et de cette tension fatigante, sur le mode « à quelle nouvelle horreur, à quel nouveau supplice va-t-on encore avoir droit ? ». La tension graduellement montante lors des échanges verbaux d’Inglorious Basterds aidait à former de véritables petits films dans le film, de purs moments de cinéma, et parvenaient, miracle, à ne pas parasiter le premier degré de l’histoire. Ici curieusement, on ne ressent rien de cela. Il n’y a aucune intensité lors de la délivrance inaugurale de Django, et s'il y en a lors du dîner chez Monsieur Candy, elle monte et descend comme un yoyo tellement la scène est longue. L’accompagnement musical, mélange de rap et de musiques spagh, m’a régulièrement sorti du film, alors que je remarquai à peine les mêmes musiques spagh dans Inglourious Basterds, qui semblaient donc mieux adaptées. Entendre Le retour de Ringo m’a rappelé que Tarantino était censé faire un western spaghetti, ce qui est dommage vu qu’il fait tout autre chose. Faire autre chose n’est pas un problème en soi, et c’est même très bien, mais dans ce cas, l’utilisation des musiques spagh donne plus envie de revoir un bon vrai spagh bourré de défauts qu’autre chose. 

Par ailleurs, les auteurs du blog Il a osé ont pourfendu le fond finalement assez nauséabond de Inglourious Basterds, parce que montrer des juifs qui se vengent et qui tuent des nazis, c’est propager l’idée que les juifs forment un peuple soumis, qu’ils auraient pu et qu’ils auraient dû se battre. Ici c’est pareil. Di Caprio nous sort une théorie physiologique sur la servilité noire, qui expliquerait de façon génétique l’incapacité des noirs à se révolter. Comme on est au XXIe siècle, on sait que tout ça n’est que foutaises, n’empêche que Tarantino a posé la question : pourquoi ne vous révoltez vous pas, cons de noirs ? Pourquoi vous faîtes pas comme Django, prenez des flingues et tuez tous les esclavagistes ! Pourquoi il vous a fallu 400 ans pour vous libérer bande d’incapables ? Le regard de Django sur les trois esclaves qu’il laisse dans la geôle roulante en dit long. Le western spaghetti a toujours pris parti pour les exploités, pour les marginaux, pour les faibles. Dans Django Unchained, on pourrait presque penser le contraire, tant la vengeance de Django et sa quête familiale paraît avant tout individualiste, et tant le regard sur les noirs manque d’humanité. Spike Lee a bien eu raison de ne pas vouloir voir ce film. 

Pour le reste, Django Unchained reste quand même un bon western, bien ficelé, bien troussé. Chaque homme explose comme une outre à chaque impact de balle, chaque trogne d’esclavagiste vicelard est un régal et surtout, Tarantino ne se dépare pas de son mauvais esprit, n’hésitant pas à faire disparaître des personnages clés au moment où l’on ne s’y attend pas, n’hésitant pas à jouer avec les conventions narratives, sans pour autant sacrifier son histoire. Tarantino dispose en plus évidemment d’un budget conséquent, nous régale de plantations variées et diverses, de décors enneigés et d’une vision incongrue d’un Django en raquettes s’entraînant sur un bonhomme de neige, avec des flingues en tout genre, des costumes recherchés, une histoire brute, simple et forte, avec un Django obtus et déterminé comme un Burt Sullivan, une histoire d’amour cash et basique, de l’humour et des morts partout. J’envie les jeunes qui découvriront ce film, vierges de toute influence médiatique et de tout effet de mode, qui se laisseront prendre par le premier degré de l’affaire, la pureté des sentiments, la violence des effets et le happy end, et qui se prendront peut-être une claque cinématographique sans chercher plus loin, sans chercher les emprunts et le cinéma dans le cinéma, sans chercher à savoir si c’est jouissif, monumental ou quoi, juste le plaisir d’un film qui sans que l’on se l’explique vous marque à jamais. C’est ce que j’ai vécu avec Sergio Leone, qui partage pas mal de points communs avec Tarantino (mégalomanie, amour du cinéma, films référentiels, tics). J’espère que c’est ce qui se produit chez certains, parce que je ne vois pas trop qui d’autre que Tarantino, malgré tous ses défauts, pourrait aujourd’hui emballer des ados avec un film de genre. Mais en ce qui me concerne, je passe mon tour, je suis trop vieux pour ces conneries.