dimanche 11 février 2007

Mannaja, l'homme à la hache



Mannaja
Réalisateur : Sergio Martino
Acteurs : Maurizio Merli, John Steiner, Sonja Jeannine
Durée : 95 minutes
Année de sortie : 1977


Comme tout un chacun, Mannaja veut venger la mort de son père, écrasé sous un arbre alors qu’il était exproprié par un méchant qui voulait ouvrir une mine d’argent sur ses terres. Depuis, pour conjurer ses démons, Mannaja se sert d’une hache avec pas mal d’habileté. Enfin je suppose que l’explication de la hache vient de cette histoire d’arbre, sinon, toutes mes excuses. Donc Mannaja revient chez lui, et comme d’habitude la région est sous la coupe du méchant en question, avec moult hommes de main à son service. Les mines d’argent sont un calvaire pour les mineurs qui se ruinent la santé à extraire le minerai, et tout le monde est terrorisé.

Le scénario suit ensuite son cours, calibré comme un métronome : paf une baston dans la boue, paf l’homme de main se retourne contre son employeur, paf notre héros se fait prendre, paf il se fait salement torturer, paf petit massacre en règle dans la mine, paf notre héros se remet doucement dans une grotte, paf il tue tout le monde. Je ne sais pas si cela vient d’une certaine lassitude de ma part, mais j’ai de plus en plus de mal à apprécier ces westerns spaghetti qui suivent tous le même canevas, même quand c’est fait avec talent, comme c’est le cas pour Mannaja. Peut-être faut il se limiter à une seule « histoire de vengeance dans un pays où la tyrannie règne et qui finit amèrement car tout le monde est mort » par mois pour continuer à y prendre plaisir.Quoi qu’il en soit la qualité formelle est au rendez vous, avec un prologue «chasse à l’homme » dans un marais gluant, agrémenté de nombreuses chutes au ralenti dans la flotte froide où chaque goutte d’eau scintille, au milieu d’effets sonores qui rendraient Christophe Gans fou de jalousie. Sauf qu’au bout de la troisième chute du fuyard au ralenti j’en avais déjà marre, c’est beau, c’est bien fait, mais la forme ne suffit pas (plus). Après c’est la pluie torrentielle dans une ville limite fantôme où tout le monde a peur, avec des gros plans bien sentis sur l’œil d’un coq ou la bave de chiens hargneux. Bien senti, mais déjà vu aussi. Arrive la première baston dans la boue et là, difficile de faire plus sale, chaque participant ressort crade dégueu noir de boue et de sang. Là aussi évidemment, déjà vu 1000 fois. Notez que d’habitude ça ne me gêne absolument pas, mais ici j’ai frôlé l’overdose, surtout que l’un des sbires a déjà été vu comme second rôle dans 1000 westerns spaghetti auparavant (après recherche, il s’agit de Nello Pazzafini, il avait un rôle assez important dans Arizona Colt). L’ensemble du film est bien réalisé et dispose d’importants moyens et d’une bonne panoplie vestimentaire bien variée (capes, manteaux, fourures…) mais cela n’a pas suffi pour m’accrocher, et dans ce cas de figure, les invraisemblances habituelles paraissent d’autant plus criantes : le héros qui tire juste, les autres qui tirent mal, la mort qui n’a aucune importance et, apothéose, le héros qui se fabrique des haches avec du silex. J’arrête ici de descendre ce film, d’autant que ce n’est pas du tout un nanar, et qu’il contient quand même quelques éléments qui ont failli me tirer de mes mauvaises prédispositions ce jour là :
Il y a d’abord le message vaguement écologique et anti-capitaliste, qui même s’il n’est pas très développé a le mérite d’être là. Rappelons que La forêt d’émeraude et Pale Rider datent tous deux de 1985, soit 8 ans de retard sur Mannaja.
Il y a ensuite le personnage du patriarche dans sa chaise roulante qui perd le contrôle de la situation mais qui garde quelques zones de mystère. La vengeance en devient du coup plus riche, plus complexe qu’il n’y paraît.
Enfin, il y a la scène du massacre de la diligence, avec tout plein de ralentis, mais accompagnée d’une musique genre bal populaire western (car la scène alterne avec un spectacle de filles qui lèvent la jambe) qui est en totale opposition avec ce qui est montré. Résultat, l’attention du spectateur est portée sur ce qui se passe vraiment : des hommes des femmes sont en train de mourir. La mort, qui est d’habitude un simple divertissement dans les westerns spaghetti quand elle est accompagnée de musique à la Morricone, devient ici un motif perturbant ! Bon, pas trop longtemps quand même, le spectacle reprend vite ses droits… Notons aussi une scène bien réussie, celle du cocher à moitié mort qui conduit sa diligence sous une bande son qui accentue le caractère fantomatique de l’équipage.
Mais pour reprendre une expression à la mode en ce moment, tout ça ne fait pas un film. Alors au final, Mannaja n’est certainement pas un mauvais western spaghetti, mais en ce qui me concerne, Adios California est bel et bien le dernier vrai « grand » western italien.

Le DVD: Il existe un DVD Seven 7 avec VF, mais comme ils ont mis trop longtemps à le sortir, je me suis acheté un DVD allemand avec bande son en anglais. Je ne peux juger que la piste anglaise, car je ne comprends pas du tout l’allemand. J’ai eu quand même du mal à saisir certains dialogues, dont ceux du petit vieux au début. Les petits vieux, faut toujours que ça baraguouine.Coté image, tâches et pertes de synchro sont au menu. Pas trop grave pour quelqu’un comme moi qui regarde encore des vieilles VHS, impardonnable pour d’autres qui ne conçoivent pas de voir un film sur une télé 4/3 chez mémé. Si vous avez aimé la musique de Keoma, vous n’aimerez pas forcément celle de Mannaja, bien qu’elle ait aussi été écrite par les deux mêmes frangins (G.& M. De Angelis). On retrouve des sonorités similaires, mais ce qui contribuait grandement au désespoir mélancolique de Keoma est absent ici, et par moment on croirait entendre Zucherro. Sur les Bronzés ça le fait, mais sur un western spaghetti, c’est moins efficace.
Dans les suppléments, vous trouverez tout un tas de bande-annonces, en allemand, pour des films d’horreur bien barrés. C’est finalement ce qu’il y a de plus intéressant dans ces bonus, avec la bio du réalisateur et de l’acteur principal.

Du Sang dans la Poussière



The Spikes Gang
Réalisateur : Richard Fleischer
Acteurs : Lee Marvin, Gary Grimes, Ron Howard, Charlie Martin Smith
Durée : 92 minutes

Trois adolescents de ferme, Will, Les et Tod, découvrent un homme blessé et le soignent dans l’écurie. Cet homme, c’est Spikes, un pilleur de banque (Lee Marvin) qui leur raconte les nombreux avantages de prendre l’argent là où il se trouve. Spikes parti, les garçons fuient leur quotidien triste et rigoureux pour découvrir le monde. La vie est dure pour les vagabonds, et très vite ils se retrouvent en train d’attaquer une banque. Ils vont alors recroiser le chemin de Spikes, qui va entreprendre d’en faire de vrais bandits.

Du Sang dans la Poussière a été diffusé à la télé pendant ma jeunesse, la même semaine que Du Sang sur la Piste avec Randolph Scott (c’est juste pour l’anecdote, existe-t-il un western intitulé La Poussière de la Piste pour boucler la boucle ? Malheureusement non). Le titre français a été perdu pour l’édition DVD , sans doute pour suivre un effet de mode sur les titres en vo, effet de mode qui n’existait pas à l’époque.

Bien que je n’en aie pas trouvé confirmation, je suis presque sûr que le film a été tourné en Espagne. Mais c’est bien d’un film Américain qu’il s’agit, avec son dénouement moral, ses personnages religieux et certaines scènes typiques, comme celle où Ron Howard raconte un rêve censé nous éclairer sur la destinée globale du trio. Datant de 1974, le film ne lésine pas sur la violence sanglante et s’inscrit d’emblée dans le genre crépusculaire. Les affaires de nos jeunes gens ne se terminent pas bien, et celles du grand Lee Marvin non plus. Cette violence ainsi que de nombreux détails triviaux, crasseux où inattendus (les lunettes du troisième larron) donnent également au film une touche bienvenue de réalisme et de modernité, loin de la propreté de Randolph Scott dans Du Sang sur la Piste, mais loin également des exubérances vestimentaires et des tueries délirantes des westerns italiens. On prend plaisir à suivre les déconvenues et la chute de ces gamins qui rêvent à haute voix de la belle vie. Lee Marvin, en bandit au grand cœur, est moins spectaculaire que dans ses rôles de grosses brutes à la Liberty Valence, mais le dénouement final en fait un personnage plus ambigu que prévu. Les trois gamins, Gary Grimes en tête, distillent la bonne dose de candeur, de naïveté touchante et détermination résolue. La dernière scène, montrant Will rêvant au ralenti d'un retour à la normale, est très belle bien que très pessimiste. Du Sang dans la Poussière n’est pas le western du siècle, mais il constitue plutôt une bonne surprise, et au prix où on le trouve couramment, les amateurs de westerns auraient tort de se priver.

Ze DVD: L’encodage est foireux : regardez bien, le ciel clignote sans arrêt et on distingue clairement les macro-blocs MPEG2. A vrai dire, une fois qu’on a repéré ce défaut, il devient difficile de se concentrer sur autre chose, mais si on n’y prête pas attention au début, ça ne se remarque pas. A part ça il reste pas mal de tâches sur le matériau d’origine et les couleurs ont pris un coup de vieux. Dommage, pas de vo. La vf est néanmoins de bonne qualité.

[Edit] Il existe maintenant une édition Seven 7 de bien meilleure qualité!

samedi 10 février 2007

Black Killer



Deuxième DVD « collection italian western » techniquement impeccable de Neo Publishing, pour un film assez inégal.
Carlo Croccolo
1973
Avec : Klaus Kinski, Fred Robsham

A Tombstone, les shérifs tombent comme des mouches à cause des cinq frères O’Hara qui font la loi dans toute la région. Un avocat (Klaus Kinski) et un pistolero arrivent en ville. Le pistolero accepte le poste de shérif, l’avocat manigance des trucs pas très nets !

Cette fois, je ne vais pas tourner autour du pot. Black Killer est un film ni bon, ni vraiment mauvais, voici donc ce qui m’a parut réussi et de ce qui est franchement nul ou involontairement comique.
Ce qui est plutôt pas mal :
-La petite musique qui rappelle le thème de Cheyenne dans Il était une fois dans l’Ouest.
-Les dialogues à coup de « article 47.9 du code pénal » entre l’avocat Klaus Kinski et le juge corrompu.
-L’interprétation de Klaus Kinski et ses sourires en coin
-La scène « hippie » et « bucolique » de bonheur entre l’indienne et le frère du nouveau shérif. Cela détonne un peu dans un western italien.
-La réussite formelle du passage à tabac + viol + meurtre + incendie qui suit. Le passage à tabac est assez percutant, le viol n’est pas traité de façon divertissante et l’ensemble est presque perturbant. Dommage que l’incendie manque un peu de flammes. (Au passage, la ferme en question apparaît dans pas mal de westerns, on a l’habitude de reconnaître les décors d’un western spaghetti à l’autre, mais de là à étendre exactement la même paille par terre que dans Django et Sartana…
-La dénonciation du racisme anti-indien, naïve et légère, mais toujours bienvenue.
-Les variations autour des rideaux derrière lesquels Kinski se cache, et ses regards manipulateurs du haut des fenêtres et ses oreilles qui traînent un peu partout.(pour les fans de films d’horreur, ceci est une image, Klaus Kinski n’a pas les oreilles coupées…)
Ce qui est plutôt risible :- Klaus Kinski qui cache des révolvers dans ses livres et qui a prévu un trou pour laisser passer les balles. Ce genre de délire n’est pas totalement une surprise dans le western italien, mais ça reste limite ridicule, bien qu’un long plan montre la faisabilité technique de l’astuce.
- La nudité féminine totalement gratuite. Notez que ça ne me gêne pas vraiment, mais c’est risible néanmoins. L’indienne est blessée par balle, le héros doit donc la lui extraire à l’aide d’un couteau. Pour l’aider à se concentrer, l’indienne se met carrément à poil, alors que bizarrement dans tous les westerns que j’ai vu contenant cette scène ultra classique, le blessé garde toujours ses vêtements. Je suis loin d’avoir vu la majorité des westerns spaghetti, mais il me semble que c’est un genre où la nudité est assez rare.
- Le coup de théâtre final, complètement sans intérêt et bancal.
- Le look « fête foraine » des méchants avec leur bandeau autour de la tête de mexicain de pacotille, sans compter qu’ils s’appellent O’Hara qui est un nom plutôt Irlandais. De même l’idée d’appeler la ville Tombstone alors que (presque) rien ne rattache le scénario au célèbre règlement de compte à OK Corral, est un peu dommage. Sergio Leone inscrivait toujours ses films dans un univers le plus réaliste possible (à part l’habileté aux armes extraordinaire des personnages), malheureusement la plupart de ses imitateurs n’avaient pas compris cet aspect là de la réussite de ses films.
- Quelques scènes d’action paresseuses, l’indienne qui ressemble à une indienne comme moi à Jackie Chan, le manque de moyen, les ellipses toujours un peu speed, la routine quoi...
Malgré tout les amis, il vaut parfois mieux regarder un film bancal comme Black Killer sur un support qui respecte un minimum l’œuvre d’origine, que regarder un film nettement plus réussi comme Adios California, mais édité par Evidis. Black Killer est donc un film inégal, comme je l’ai déjà dit en intro, mais un film auquel on a laissé toutes ses chances !

samedi 3 février 2007

Wanted




Un western italien «classique », sans fioriture et bon comme le bon pain.

Giorgio Ferroni
1967

Avec Giuliano Gemma, Teresa Gimpera, Serge Marquand et Nello Pazzafini dans un petit rôle remarqué de moine pas si catholique que ça.

Gary Ryan est nommé shérif d’une petite ville sans histoire sauf que, quand même, le maire de la ville est corrompu et voleur de bétail. Ryan est victime d’une conspiration, accusé de meurtre et recherché pour 5000 dollars. Il fera tout pour prouver son innocence.
Un petit film comme Wanted de temps en temps ça fait bien plaisir. Un héros positif, droit dans ses bottes, costaud, bon tireur et imaginatif, ça vous ragaillardit tout net. Une intrigue simple mais haletante, avec des rebondissements et du suspense, ça vous remet dans le droit chemin. Wanted ressemblerait presque à un western à l’américaine, avec son héros bien rasé, son début de liaison romantique avec la seule nana du film et sa musique heu… américaine. Le nombre de morts, les bagarres hyper punchy et un petit passage à tabac suffisent tout de même pour inscrire le film dans le registre « spaghetti » et Giuliano Gemma nous fait son show habituel, à savoir grands sourires aux dents blanches et sauts en tout genre dont le fameux « relevé sans les bras » après s’être pris une beigne. Pas de viol sadique, pas de sévices cruels, pas de mélancolie noire et désespérée, pas de contexte politique ni de discours « intellectuel », ici c’est l’Aventure dans le sens le plus divertissant du terme, un film uniquement destiné à occuper agréablement une heure et demie et qui devrait ravir les plus jeunes, tout comme Le Dollar Troué du même réalisateur. L’attention portée à certains détails du scénario (par exemple l’idée des fers pour maquiller les bêtes volées) tranche avec bon nombre de productions européennes où le souci des scènes « à faire » l’emporte bien souvent sur la crédibilité de l’ensemble. Un divertissement honnête qui ne constitue pas une entrée en matière fulgurante dans le monde du western italien mais qui se suit avec un plaisir amusé d’enfant coupable, surtout à la fin quand la jolie fille embrasse goulûment notre héros qui vient de se battre dans le purin !

Evidis, regarde et apprends ! Wanted est édité par Neo publishing au prix de 11.99€. Nous avons là une image d’une beauté à couper le souffle (enfin surtout si vous le regardez après un western Evidis), une bande son française ET italienne avec sous-titres français, des suppléments simples mais qui existent et un petit menu pour faire bien, sans oublier une jaquette réversible (soit une des affiches d’origine, soit un visuel plus sobre) et une livraison en un temps record. Le seul point commun entre Neo Publishing et Evidis c’est les commentaires un peu nazes à l'arrière de la jaquette (« Personne ne pourra arrêter sa soif de justice ! »). Alors voilà, les westerns Evidis sont vendus 4.99€ à Auchan ou 9.99€ en kiosque. En choisissant Neo Publishing pour une poignée d’euros en plus, vous avez un produit qu’on peut regarder sans se faire mal aux yeux et qui vous fait réellement plaisir. Alors je dis un grand Merci Neo Publishing !!!. Quant au Dollar Troué, par pitié Evidis, ne touchez pas à ce film. Seven 7, Wild Side, Studio Canal, Neo Publishing vite, sortez moi ça avant que les autres zozos gâchent tout. Et si vous pouvez nous sortir une version correcte de certains films massacrés par Evidis comme Adios California ou BlackJack, j’achète !