mardi 8 mai 2007

Le triomphe des sept desperadas


Un western de gonzesses avec des indiens de pacotille et des scènes d’(in)action assez pauvres.


Rudolf Zehetgruber (Gianfranco Parolini)
1966
Avec: Anne Baxter, Maria Perschy , Chista Linder , Roasella Como


Les indiens massacrent un convoi, en tout cas ils donnent des coups de lance qui se coincent sous les aisselles des soldats, et des coups de tomahawk qui portent à coté, mais qui tuent quand même. Restent sept femmes qui vont tenter de survivre dans le désert et échapper aux indiens, qui crèvent de chaud sous leurs perruques mal ajustées.


Un western de femmes, c’est assez rare pour être noté. Un western de femmes réussi, c’est encore plus rare, alors un western de femmes italo-autrichien réussi, faut pas trop en demander non plus. Le scénario rappelle bien évidemment Convoi de femmes (Westward the women), même si je me la pète un peu en disant ça, n’ayant pas vu Westward the women, ou alors il y a trop longtemps. La structure du Triomphe des sept desperadas est narrativement binaire : les sept femmes sont confrontées à un péril quelconque (indiens, paroi à grimper…) puis les sept femmes bivouaquent et discutent de la vie, des hommes, et du renoncement. Quelques idées sont assez savoureuses, comme le moment où on les croit sauvées par des cavaliers, mais que ceux-ci se font tous massacrer fissa – à coup de flèche qui ne se plantent pas, entre autres– par les indiens ratés ; ou le passage dans le territoire des morts des indiens qui relève d’un (petit) cran la tension. On note aussi le discours pro-indien et le discours sous-jacent sur la sauvagerie des hommes qui n’épargne pas les femmes. Mais le tout manque de souffle, de crédibilité et d’assurance. D’abord les scènes d’action sont ratées, ensuite les intonations des protagonistes donnent un petit air de fête aux dialogues qui ne colle pas vraiment à la situation, qui devrait être nerveuse et désespérée. La bande son en « vo » est d’ailleurs en espagnol, preuve que la v.o n’existe pas pour ces productions italo-austro-hispano-franco-germano-tchequo-suisse au rabais. Si vous espériez voir un film prenant et palpitant sur la condition féminine dans l’Ouest, c’est raté, si vous vouliez voir un pamphlet féministe dérangeant pour votre testostérone, c’est raté, et si vous vouliez voir de la sauvagerie italienne à base de viols, de nudité gratuite et de combats dans la boue, et bien c’est raté aussi. Et ne comptez pas sur la musique pour créer une mélancolie factice, c’est raté également. Les interprètes sont convaincantes sans plus, aucune réelle passion, aucune qui se détache du lot. Un film vite oublié malgré son sujet, un film qui permet juste de réviser son espagnol grâce à Arte, merci Arte !

Keoma, vu par Claude Aziza



A l’occasion du passage de Keoma sur Arte jeudi 27 avril 2006, voici un article écrit par Claude Aziza dans le supplément Radio-télévision du 11-17 mars 1991 à l’occasion de la diffusion du film sur M6. Article fondateur en ce qui me concerne, car ce fut le premier écrit journalistique pro-western italien que je lus, en même temps qu’une source d’information intéressante sur le genre, à l’époque où Internet n’existait pas et où la bibliothèque la plus proche de chez moi était à trente bornes environ.

«Le Christ recrucifié
Ce film noir, presque atroce, d’Enzo Castellari, qualifié à tort de western-spaghetti, est une parabole exemplaire du juste, un hymne à la souffrance. L’ultime coup du cinéaste et du cinéma italien aussi.
Un homme seul, désespéré. Dans un village de boue, de pluie et de sang que la peste ravage, hostile, irrémédiablement. Keoma, l’Indien, est privé désormais de ses trop faibles appuis : un musicien noir, un vieux père adoptif, une femme qui attend un enfant. Tous trois ont péri ou vont disparaître. Tel est le thème de Keoma, exemplaire parabole du juste que vont – à la lettre – crucifier ses frères et dont l’univers, depuis qu’il est né, n’est fait que de souffrances, de haine et d’humiliation. De solitude aussi. Car, pour lui, « bien peu de choses comptent sur cette terre » et « le monde n’est que pourriture ». Film noir, atroce, hymne tout entier à la souffrance. C’est ainsi que s’achève, en 1975, l’ère du western italien. Elle n’aura duré qu’une petite décennie.Ce western, on l’a très vite et grotesquement qualifié de western-spaghetti (choucroute ou paella, pour ses cousins germaniques ou ibères), voulant moins lui donner par là une tonalité nationale, par le biais de la gastronomie (a-t-on jamais parlé de western-hamburger ?) qu’indiquer, inconsciemment, nous semble-t-il, qu’il s’agissait d’un objet de consommation, dépourvu de tout arrière plan idéologique, historique, esthétique. On a fait depuis lisière de ces a priori (1). On a montré la force de l’idéologie qui sous-tend la plupart de ces films, les références historiques qui les parsèment et l’esthétique si particulière qui les engendre, inspirée du baroque et de l’enflure. Si bien que si western-bouffe il y a, c’est au sens que l’on doit donner au terme dans « opéra-bouffe ».Pourtant Keoma nous entraîne bien plus loin. Chant du cygne du western, ultime coup d’éclat d’un cinéaste sans génie – mais non sans talent -, Enzo G. Castellari (en fait Enzo Girolami, fils du réalisateur Marino Girolami), auteur d’une transposition du Hamlet de Shakespeare dans le cadre du western (Quella sporca storia nel West, 1968). C’est un film qui nous rappelle, bien tardivement, une constante du genre, dépouillé de ses arlequinades : son premier mythe reste le Christ.
Que de Passions revécues, en effet, dans cet univers de la violence donnée et subie où le héros est, tour à tour, mourant de soif en plein désert (le Bon, la Brute et le Truand, Sergio Leone, 1966), enterré vif sous le soleil de plomb (La mort était au rendez-vous, Guilio Petroni, 1967), fouetté (Texas addio, Ferdinando Baldi, 1966). Où il a les mains broyées (Django, Sergio Corbucci, 1966), les cordes vocales tranchées (Le Grand Silence, du même, 1968). On ira jusqu’à le crucifier (Yankee, Tinto Brass, 1967 ; Blindman, le justicier aveugle, Ferdinando Baldi, 1971 ; et, enfin, Keoma).
Ce Christ recrucifié, mutilé, humilié, se doit de souffrir pour que la vengeance s’accomplisse, la sienne et celle de tous les opprimés, les innocents que la mort a frappés : villageois asservis, femmes meurtries, Noirs, métis ou indiens soumis à l’esclavage et à la violence aveugle. On comprend mieux, dès lors ce cérémonial sanglant qu’est le western italien, ce rituel de la souffrance qui le fait ressembler à certaines cérémonies païennes comme le culte d’Attis ou celui de Cybèle, voire celui de Baal-Moloch.
La Bible y est omniprésente. Depuis la première séquence de Pour quelques dollars de plus(Sergio Leone, 1965), où le chasseur de primes à l’allure de pasteur tient une Bible à la main, jusqu’à cette même Bible sur laquelle se venge Requiescant (Requiescant, Carlos Lizzani, 1967), au nom symbolique, tout comme celui du héros de Una lunga fila di croci (Sergio Garrone, 1969) : « Bibbia », (Bible). Il n’est que souffrance dans Keoma, mais une souffrance nécessaire : le monde est injuste, cruel, nous dit le film, seul un nouveau Messie pourrait le racheter. Mais si Keoma est, lui aussi, brimé, frappé, mutilé par ses frères, s’il cherche son père, s’il vient en aide aux faibles et aux oppromés, il n’y a en lui nul désir de pardon, nulle paix, nul espoir. La mort est sur ce chemin de croix. Pour les autres, amis et ennemis, certes, mais surtout pour lui qui s’en va, abandonnant la seule lueur d’espérance de ce monde perdu : un enfant – dont la naissance a causé la mort de sa mère.N’est ce pas l’ultime preuve que le mal gagne quand même et que la solitude est au bout de tout chemin ? « Personne n’a besoin de personne sur cette terre ! » Ce sont les ultimes paroles de Keoma. Elles sonnent aussi le glas du western italien, qui va céder la place au film d’horreur, au « gore », à la violence outrageusement mise à nu, comme pour l’exorciser. Ultime vomitorium après une trop grosse platée de spaghetti.
Claude Aziza

 
(1) Voir, entre autres, les suppléments Radio-télévision datés 21-22 juin et 11-12 octobre 1987. Aucune réflexion sur le western italien ne peut se passer de la remarquable trilogie de Gian Lhassa, Seul au monde dans le western italien, éd. Grand Angle, 1983-1987.»
A noter que Claude Aziza confond probablement Texas Addio avec Le temps du massacre de Fulci.
Histoire de détendre l’atmosphère, voici la critique du premier Trinita qui passait la même semaine sur feu La 5 par Jacques Siclier :
On l’appelle Trinita
Un Cow-boy dont le frère est un shérif imposteur aide un clan de mormons menacés par des bandits. La déchéance du western italien. C’est exaspérant de voir revenir régulièrement ce genre de films sans intérêt.
Jacques Siclier.

Nevada Smith


Steve McQueen est une star, et ça se voit !
1966
Henry Hathaway
Avec Steve McQueen.

 
La vengeance c’est mal ! Steve McQueen finit par le comprendre mais il y met le temps. Après que son père et sa mère aient été sauvagement torturés et assassinés par trois bandits, il apprend à tirer dans le but de se venger. C’est peine perdue au début, il tue le premier des bandits au couteau. Puis, il prend quelques vacances en Louisiane dans une prison au milieu des marécages. Ici, il expédie le second en enfer non sans avoir fait mourir une innocente cajun dans la foulée. Il a beau dire qu’il est désolé, on ne le croit pas, il n’a que sa vengeance en tête. Tuera t il le troisième larron ??

Pas de lézards ici, la star, c’est Steve McQueen. Il occupe toute la pellicule, tout le scénario et toute la piste sonore. Mais il ne nous fait pas le coup du héros monolithique, Max est presque un anti-héros, dans sa gaucherie, sa naïveté, et son obstination malsaine à venger la mort des siens. La mort d’une femme n’y fera rien, l’histoire convaincante du prêtre ne le fera pas renoncer. Il poursuit son chemin. Aidé au début par la chance du débutant, il devient au final rusé et calculateur et perd peu à peu son capital sympathie. Mais comme Steve McQueen reste Steve McQueen, on l’aime bien quand même.
En 1966, il semblerait que le western spaghetti ait déjà commencé à laisser quelques tâches de bolognaise sur les productions américaines. Le meurtre inaugural est un peu moins suggéré que d’habitude. Le récit du prêtre est également assez insoutenable. On n’est plus ici dans un monde dont les horreurs restent cachées. Et l’humanité est réduite à une galerie de personnages peu sympathiques, la méfiance est de mise. Ainsi le seul personnage un tant soi peu positif est un marchand… d’armes... Enfin, le plus intéressant dans ce western est l’originale incursion dans les marais de Louisiane qui donnent au film un petit air de Pont sur la rivière Kwaï, avec ses moustiques, ses serpents ses sables mouvants, son directeur sadique et sa prison qui n’a pas de murs parce que le marais est le meilleur rempart contre les évasions, qu’il est impossible de s’échapper sans se perdre et patati et patata. Sauf que Steve McQueen est plein de ressources…Quelques curieuses incohérences jalonnent le film. Pendant l’évasion dans le marais, Steve McQueen étrangle le gardien pour lui prendre son arme. On se dit ouah, il devient vraiment un personnage négatif ! Et puis dix secondes plus tard, voilà le gardien bien en forme sur ses deux jambes qui le pourchasse. Alors quoi ? C’est un mort-vivant ? Il était juste inconscient ? Les producteurs ont filé une mandale au crétin de scénariste qui a osé rendre Steve McQueen antipathique ? En outre, lorsque Max s’infiltre dans la bande du troisième bandit, il me semble bien que ce gros porc de bandit parvienne à le démasquer en l’appelant par son nom, au lieu de son faux nom. Pourquoi alors ne sait il plus par la suite lequel de ses hommes est Max ? J’ai du louper un truc ! Et quand bien même, pourquoi n’est il pas capable de le reconnaître, surtout sachant que Max est un métis ? Même s’il ne l’a vu que quelques secondes au début du film, il devrait quand même se douter que c’est le dernier arrivé dans sa bande qui est celui qui cherche à l’abattre ? Ce genre de petits détails ne sont pas vraiment importants, mais quand vous passez une bonne partie du temps imparti à essayer de les comprendre, vous ratez malgré vous ce qui fait l’essence du film : les postures de Steve McQueen, les mimiques de Steve McQueen, les yeux plissés de Steve McQueen, la démarche de Steve McQueen, la prestance de Steve Mc Queen et la souplesse de Steve McQueen (dans un monde de Steve Mc Queen, il n’y aurait pas de portes aux maisons, on passerait toujours par le fenêtre.)
Les scènes d’action sont très bien menées et souvent imprévisibles (la réaction du second bandit dans le marais, la fausse attaque de banque, la bagarre au couteau) mais le film souffre de certaines longueurs, comme cette incursion chez les indiens aussi gnangnante qu’inutile, et l’apprentissage avec le marchand d’arme, un peu trop étiré à mon goût.
Malgré tout, voilà un bon western tout à fait recommandable, ambigu, violent, et qui vous comblera totalement pour peu que vous aimiez un tout petit peu Steve McQueen.

Wyatt Earp


Les westerns à la télé sont devenus aussi rares qu’un western spaghetti sans passage à tabac, alors pour marquer le coup, penchons nous rapidement sur l’effort de programmation surhumain de France 3 en ce lundi de Pâques 2006 :
Wyatt Earp.
Lawrence Kasdan
1994
Avec Kevin Costner, Dennis Quaid, Gene Hackman

Wyatt Earp était un type au menton gras et sans charisme. Il savait faire des belles phrases aux dames, et quand il le fallait, il sortait son arme, parfois plus que de raison. La grande question du film est donc : va-t-il passer du coté obscur de la force ?

Les westerns spaghetti ont cet avantage sur les westerns américains que quand ils sont ratés, au moins ils le sont complètements et dispensent quelques fous rires bien sentis. Les westerns américains ratés sont en général bien foutus, les plans sont raccords, l’image est belle et l’intrigue compréhensible. Mais alors qu’est ce qu’on se fait chier !
D’abord il y a la musique, pompière, pompeuse, pompante pleine de violonades sirupeuses quand il faut être triste et de roulements de tambours redondants quand l’action se réveille un peu. Il y en a qui aiment, moi ça me fatigue vite, et là le film dure 180 minutes, soit grosso modo 100 minutes de trop. Bien sûr une musique de cette trempe ne peut-être accompagnée que de dialogues creux à base d’aphorismes creux pour distiller des idées toutes aussi creuses (« la mort parfois c’est mieux de l’autre coté », « L’important, ce n’est pas la vie, c’est ce qu’on fait », « Je t’attendrais tous les jours » « Je ne peux pas, j’ai Waterworld à tourner »). Des fois, ça fait mouche, surtout quand Doc Holliday s’énerve un peu, mais bon dans l’ensemble on s’ennuie beaucoup. La liste des petites contrariétés ne serait pas complète sans au moins un peu de romance inutile et navrante, histoire de montrer Wyatt Earp discuter de Nietzsche et de la météo marine avec une belle jeune fille au coeur d’une campagne luxuriante. Encore un qui a trop vu Alamo !
On se retrouve donc à patienter jusqu’au fameux règlement de compte de OK Corral qui arrive au 2/3 du film et qui est passablement surprenant par son traitement assez anti-spectaculaire, probablement pour respecter une certaine réalité historique. Les balles crépitent dans tous les sens, les blessures font vraiment mal, et les protagonistes se ratent sans arrêt alors qu’ils sont à cinq mètres les uns des autres. Les armes à feu de cette époque étaient en fait réellement imprécises, et ceci arrange bien nos scénaristes qui en rajoutent sans doute dans le nombre de coups de feux tirés. Et les Clanton se prennent quand même la patée.
Le petit intérêt du film est de montrer que les choses ne s’arrêtèrent pas là. Un des frères Earp se fait descendre par la suite sous une pluie battante, et Wyatt Earp, devenu hors la loi, pourchasse les meurtriers les uns après les autres avec une rage qui ne colle pas trop avec le visage gras du bide de Costner. On a malgré tout un beau gunfight dans les rochers, vraiment réussi, avec un semi ralenti ou la peur et la douleur se lisent sur les visages. Ces quelques moments de bravoure ne suffisent malheureusement pas à sauver un film qui manque sérieusement de peps et de passion. Les tourments sombres de Wyatt Earp et de Doc Holliday ne sont pas ignorés, mais ils sont juste survolés pour ne pas charger les héros de la légende et pour produire une œuvre politiquement correcte. Ce film a ses fans, mais je n’en fais pas partie. Kasdan est meilleur quand il fait du divertissement pur et dur à la Silverado, Costner qui campe un Earp assez fadasse, est meilleur dans ses propres westerns, en particulier Open Range où il parvient cette fois, à jouer un personnage véritablement ambigu. Mais merci quand même France 3, les gars, vous avez des tripes!

mardi 1 mai 2007

Ils n'aimaient pas Sergio Leone



Pour le plaisir, voici quelques extraits de critiques d’époque des films de Sergio Leone. Afin ne pas oublier que, si le western italien est assez bien accepté aujourd’hui, il était considéré jusqu’aux années 90 comme une insulte au "vrai" Western, comme un sous-genre qui n’aurait jamais du exister.


Pour Une Poignée de Dollars

« Ce faux western, plagiat d’une œuvre de Kurosawa, mérite notre mépris. Au sadisme gratuit et à la violence qui baigne constamment cette bande malsaine et grotesque, s’ajoute à notre dégoût une grande peine : celle de voir Sergio Leone (auteur du remarquable Colosse de Rhodes) se compromettre ainsi – pour pas mal de dollars !... »
René Tabes La Saison Cinématographique 1966


« De cette hécatombe d’Horaces et de Curiaces à la frontière mexicaine, d’une violence naïve, ingénue et au fond assez répugnante, ne restera – et encore – que le souvenir du héros Clint Eastwood, seul américain de cette galère. »
Cinéma 66 n°108



Et Pour Quelques Dollars de plus


« Le titre à peine modifié, Sergio Leone a voulu reprendre son Pour une Poignée de Dollars qui signala le western italien comme un genre reconnu. Ici, on sent l’essouflement : déraciné du terroir natal, la greffe du western ne se fait pas facilement, même à coup de bagarres et de poursuites pourtant bien réglées, il faut le dire. Sergio Leone a parfaitement assimilé les leçons de ses maîtres. Et, de loin, son film ressemble à s’y méprendre à ses frères d’outre-Atlantique. Western qui ne manque pas de qualités, mais que les violences, particulièrement cruelles, réservent aux adultes. »
Les Fiches du cinéma, septembre 1966




Le Bon, la Brute et le Truand


«Sans doute l'un des meilleurs techniciens européens, Leone manie la caméra avec un brio sans cesse heureux; on notera l'art raffiné avec lequel il compose des images dont l'impact est constant, on soulignera son emploi du gros plan dans la surface de l'écran large, son adresse au maniement des foules et la précision de son montage. Quant aux trois comédiens, de Lee Van Cleef à Clint Eastwood en passant par Eli Wallach, ils sont inimitables dans leurs gestes, leur allure ou leur regard. Le western italien pourrait y être surauthentique.»
Guy Allombert, La Saison Cinématographique 1969



Il était une fois dans l’Ouest


« Ce qui nous paraît le plus contestable dans l'entreprise de Leone, ce ne sont point tant les emprunts éventuels dont il serait fastidieux de dresser le catalogue (des cache-poussières du Brigand bien-aimé de Ray à la cruauté d'un Walsh ou d'un Ray Enright) - après tout Mann et Kurosawa ont bien reconnu leur dette envers John Ford - que la sauce personnelle, et à vrai dire fort indigeste, à laquelle Sergio Leone accommode son film. Dès les premières images, le réalisateur donne le la : la roue d'une éolienne qui grince - et Dieu sait si elle grince ! - la mouche agaçante qui s'acharne sur le visage mal rasé de Jack Elam, la goutte d'eau tombant à un rythme régulier sur le chapeau de Woody Strode, le motif lancinant de Ennio Moricone modulé sur son harmonica par Charles Bronson, et qui reviendra au long du film, tous les effets sonores et visuels sont constamment et pesamment soulignés d'un air entendu et complice. La direction d'acteurs va dans le même sens : silences calculés, mimiques appuyées, regards lourds de sens, renforcés par de très gros plans, etc. Dans la critique qu'il consacrait à Et pour quelques dollars de plus (Saison 67), Jacques Zimmer parlait "d'excès de violence" et de "l'amoralité foncière de tous les personnages"... Ces deux traits caractérisent fort bien Il était une fois dans l'Ouest, une œuvre habile certes, menée de main de maître, mais lourde et complaisante dans la peinture des vices et des crimes, en un mot profondément malsaine : s'agit-il de montrer une mort ? Leone prend un plaisir glouton à prolonger l'agonie du personnage, sans inspirer chez le spectateur le moindre effroi, bien au contraire (cf. la pendaison d'un inconnu, dont les pieds reposent sur les épaules de son jeune frère, qui n'est autre que le joueur d'harmonica...). Était-il au surplus nécessaire, pour tourner cette scène, de planter le décor indigent d'un campanile dans le cadre grandiose d'un désert rocheux ? À ce gadget de luxe mystifiant qui prétendait démystifier, dernier avatar du bluff qui ne cesse de sévir dans le cinéma, manque en fin de compte l'essentiel : la sympathie pour les êtres, l'attention aux lieux où ils vivent.»
© Philippe HAUDIQUET. (in Image et Son, ancienne revue laïque de cinéma, année 1969).
Critique complète disponible ici : http://s.huet.free.fr/kairos/doxai/onceupon.htm


« Violence, sexe, ingrédients de tout cinéma à la mode, accentuent l’arbitraire d’un sujet réduit à un simple jeu de symboles. »Louis Marcorelles, Le Monde du 5 septembre 1969.




Il était une fois la Révolution


« Cette fois, Sergio Leone va un peu loin dans le je-m’en-foutisme… On aimerait savoir pour quelles raisons il prend tant de soin à servir le réalisme. N’hésitant pas à faire massacrer sous nos yeux des dizaines de milliers de Mexicains et cela à seule fin d’amener une idée de mise en scène qui doit faire son petit effet pour détendre les nerfs ou la rate du spectateur, Sergio Leone se fait plaisir pour le plaisir du plus grand nombre. On aurait tort de refuser sa part, non ? Quoi qu’il en soit, le Leone qui faisait illusion dans Le Bon, la Brute et le truand et Il était une fois dans l’Ouest n’est plus qu’un lointain souvenir. Ces deux heures et demie de révolution n’ont plus grand-chose à voir avec le cinéma.»
Jean-Claude Guiguet, La Saison Cinématographique 1972




Il était une fois en Amérique


«Sergio le magnifique a brodé la plus somptueuse, la plus folle des fresques. On y entre comme dans un rêve où défileraient, magnifiés par un regard amoureux et nostalgique, tous les mythes tels qu'en eux-mêmes le cinéma les a fixés. Les comédiens, De Niro surtout, sont superbes, l'image laisse pantois.»
Le Point, 1984




Tous ces extraits de critiques (à part celui dont le lien est indiqué) ont été récupérés sans vergogne dans le bouquin Sergio Leone de Gilles Gressard dans la collection J’ai Lu Cinéma. Mon exemplaire date d’avant la mort de Leone, je ne sais pas si la nouvelle édition contient encore ces extraits.

10 souvenirs de western

Un blog c’est aussi pour parler de soi il paraît, pour mettre en avant son petit coté narcissique contrarié. Alors allons-y franco, évoquons joyeusement mes dix souvenirs western les plus marquants de ma petite vie sans histoire.

4 ans : l’Appât (Anthony Mann)
Juste une image, deux cowboys avec leurs winchester, planqués derrière une butte. A leur coté, une femme inquiète et un prisonnier ligoté qui se débat. Ils sont encerclés par les Indiens. Cette image est restée gravée dans ma mémoire et c’est très récemment qu’un membre du forum Western Movies m’a indiqué qu’il s’agissait peut-être de l’Appât d’Anthony Mann. Je n’ai pas encore pu vérifier, mais comme on dit, yapuka !Bon allez hop, on s’en fout un peu, pressons pressons…

5 ans : Mon Nom est Personne (Tonino Valerii)
Mort de rire. Surtout quand Terence Hill dégomme les jambes en bois du nain sur ses échasses. En fait c’est surtout ça dont je me souvenais, avec le manège qui file des baffes et les miroirs déformants. Plus tard je l’ai revu, et là c’est plutôt la musique, la mélancolie, la liberté « marginale » de Personne qui ont retenu mon attention. OK on enchaîne…

6 ans : Le Dollar Troué (Giorgio Ferroni)
This is the story of Giuliano Gemma who get shot. The bullet stops at one inch of his heart because he has a one dollar coin in his chest pocket. And he wants revenge! Le premier film que je me souvienne avoir compris de bout en bout. Je ne l’ai pas revu depuis, mais ça va pas tarder!Next !

9 ans : Le Bon la Brute et le Truand (Sergio Leone)
Le choc cinématographique d’une vie, un bouleversement émotionnel sans précédent, un déclic ravageur, violent, perturbateur, décapant, une tornade irrationnelle dévastatrice, cataclysmique et révélatrice d’une nouvelle cinéphilie westernienne en devenir. Je pourrais rajouter d’autres mots compliqués du même genre, mais passons plutôt à la suite.

9 ans : La Bataille de la Vallée du Diable (Ralph Nelson)
Les indiens savent être méchants, très méchants, avec des tortures pas très sympa. Ce bras cramé qui dépasse d’une roue de chariot, ça vous traumatise un gosse. A la récré le lendemain, certains en rigolaient, genre « moi rien ne peut me traumatiser », pffff…. Aujourd’hui encore, je suis sûr que ces mecs là rigolent devant Hostel ou la scène de l’oreille de Reservoir Dog. Pfff même pas peur…

10 ans : 100 dollars pour un shérif (Henry Hathaway)
Restons dans les mini traumatismes. A la fin de 100 dollars pour un shérif, la petite jeune fille se retrouve malencontreusement dans un trou de saloperies de serpents à sonnettes, et John Wayne arrive TROP TARD ! La fille SE FAIT MORDRE aargh. Heureusement, l’été suivant j’ai vu Les dents de la mer qui permet de vite relativiser certaines peurs. Les serpents finalement bof…

10 ans : Silverado (Lawrence Kasdan)
Tagada tagada paw paw, blam haaa ! Heee yaa ! (ça c’est Kevin Costner)
Excellentissime ce western!Suivant por favor!

13 ans : Le Bon la Brute et le Truand (Sergio Leone)
Ouais super, le bon la brute et le truand repasse pour la troisième fois à la télé, c’est la fête, c’est la méga soirée de la mort, c’est trop génial, super cool. Malheureusement j’ai 39 de fièvre et mon entourage maternel me presse vivement d’aller me coucher bien que ce soir là Le Bon la Brute et le Truand passe à la télé sur FR3. Mais j’ai tenu, j’ai lutté, et ce soir là, malgré mes 39 de fièvre, j’ai apprécié Le Bon la Brute et le Truand pour la troisième fois de ma vie. A quoi ça tient en fait l’autorité parentale…

15 ans : La Horde Sauvage (Sam Peckinpah)
Yeah, dans Télérama y’a marqué qu’il y a plein de ralentis et de violence, mais que heureusement c’est pas un western spaghetti (oui dans Télérama ils aiment pas trop les westerns spaghetti). Bref c’est la fête chez ma mémé (ben oui on est chez ma mémé ce jour là). Et là c’est le drame ! Trop de violence tue la violence, en d’autres termes, la violence de La horde sauvage est si graphique que ça gâche un peu le spectacle. Too much is too much. En plus, ma mémé est toute rouge, au bord de l’apoplexie. ‘Tain Télérama, faut prévenir merde !

17 ans : Silverado (Lawrence Kasdan)
C’est quoi ce film à l’intrigue ultra-simplissime et manichéenne, sans une once de recul par rapport à des schémas narratifs super-codés et méga-risibles ? C’est quoi ces dialogues basiques sans aucun relief sous-jacent (Danny Glover : « C’est pas juste ! » pffffff) ?Une merde en fait ce western ! J'étais trop naze d'aimer ce film à 10 ans!!Next !

25 ans : Silverado (Lawrence Kasdan)
Tagada tagada paw paw, blam haaa ! Arrgh (le méchant qui meurt)! Vous avez remarqué comme c’est simple de devenir shérif ? Il suffit de descendre le shérif en poste !Meuh non, en fait il est génial ce western !! Qu'est ce qu'on se la pète à 17 ans!