samedi 29 septembre 2007

Dix hommes à abattre



Ten wanted men
1955
H. Bruce Humberstone
Avec : Randolph Scott


Dix hommes à abattre, ou comment une communauté paisible échafaudée lentement au fil des années peut-être mise à bas en quelques jours.


« Un western pur et dur » prévenait le service « Review Express » de Télé Z. Et cette fois-ci, nous avons bien là un résumé du film tout à fait correct, il s’agit bien d’un western classique, brut, sans réelle surprise mais admirablement mené. Bien que le cœur de l’action soit lent à se mettre en place, la cohérence du récit amène les évènements à se succéder sans temps mort pour montrer l’inexorable avancée du mal dans la ville. Car, si comme le présente le service « Résumé Express » de télé Z, le film peut être vu comme une simple histoire de vengeance, le thème même du film est de montrer comment les efforts de toute une vie peuvent être démolis très rapidement par quelques personnes mal intentionnées. Tout commence à cause d’une femme (qui a dit encore ?) dont le rancher Wick Campbell (Richard Boone, excellent) est amoureux. Quand celle-ci se réfugie chez John Stewart (Randolph Scott), c’est la guerre. Wick Campbell appelle à la rescousse 10 hommes recherchés (Ten wanted men) menés par l’impayable Leo Gordon et incluant le second couteau Lee Van Cleef, dans un de ses fameux rôles de second couteau. Ces dix là sont de bons gros salauds qui provoquent les honnêtes gens en duel ou tuent de sang froid. Les choses dégénèrent rapidement et Randolph Scott et ses amis se retrouvent assiégés et bombardés à la dynamite. Un bombardement à la dynamite est en soi un gage de qualité pour tout western qui veut sortir du lot. Nos amis en réchappent, quoique sérieusement amochés. Randolph Scott est tellement énervé qu’il ne cherche même pas à pardonner Richard Boone qui pourtant veut faire amende honorable. Randy le provoque en duel, et pan ! Puis, il va nettoyer le reste de la bande à la dynamite, comme quoi le réalisateur H. Bruce Humberstone a bien compris ce qui faisait la qualité d’un bon western ;-).

Pas trop de chichi dans ce petit film donc. Il y a bien sûr une histoire d’amour qui sert à rien, mais elle ne vient pas trop polluer le propos. Les personnages sont un petit peu plus complexes qu’on ne pourrait le penser (l’attitude du jeune neveu de Stewart (Skip Homeier, en photo), l’évolution du chef de la bande (Leo Gordon) et le fond pas si mauvais que ça du personnage interprété par Richard Boone), et comme le film ne dure pas des plombes, il vous fait passer un agréable moment nostalgique. France 3 continue donc à nous gâter avec ces petits westerns classiques sans prétentions. On pourrait à la longue ressentir comme une lassitude car ces films ne présentent vraiment aucune surprise (à part la fausse attaque de diligence au début), mais quand on aime, on se régale, et rien que pour voir Lee Van Cleef jeune, ça vaut le coup ! La semaine prochaine : Le salaire de la violence. Télé Z a dors et déjà catalogué le film d'un lapidaire "Un western classique". Tremblez...

jeudi 27 septembre 2007

La brute, le colt et le karaté






Là dove non batte il sole
1974
Antonio Margheriti
Avec Lee Van Cleef, Lo Lieh



C’est encore et toujours une course au trésor, leitmotiv incontournable du western spaghetti, ou plutôt c’est une course aux indices pour trouver le lieu d’un trésor. Je ne vais pas dévoiler où sont situés ces indices vu que connaître ce détail à l’avance gâche environ 60% de l’intérêt du film, mais en tout cas, ceux qui ont déjà vu Viva la muerte…tua ne seront pas surpris !





Les 40% d’intérêt restant résident dans le mélange des genres western et kung fu que je n’ai jamais beaucoup apprécié pour une simple raison de crédibilité, qui se retrouve à nouveau bien exposé dans ce film : comment justifier qu’un type, aussi fort soit il au kung fu, parvienne à tenir en respect des hommes armés de revolver ? Une fois accepté ce postulat, on peut sans peine se divertir à ce genre de mix, mais le western soja reste pour moi une tentative ratée de faire repartir le genre vers autre chose, tentative condamnée dès le départ à l’échec par le peu d’ouvertures possibles au niveau scénaristique.



Aussi le principe de base est-il le même que pour Mon nom est Shangaï Joe ou Soleil Rouge : le plaisir doit naître du choc des civilisations. Le petit chinois bondit, saute, high kick en tout genre et fait sauter les revolvers, il est en prise au racisme anti-chinois. Il a quelques problèmes avec la langue (« C’est toi fils de femme qui offre son corps contre de l’argent ! » « Dis fils de pute, ça ira plus vite ! ») et connaît des remèdes pour un peu tout, est un modèle de sagesse et est plus fort en maths que n’importe qui (la désolante scène de prédiction déterministe dans le casino). Bref, faire rire des oppositions et des clichés entre deux héros totalement différents, c’est la base de ce « buddy movie » avant l’heure.





Lee Van Cleef est plutôt bon dans ce film, surtout quand il se met torse nu pour jouer de la mitrailleuse, et Lo Lieh de la Shaw brothers ne manque pas finalement de charisme et d’intelligence, bien qu’il soit étranger dans ce pays. Ces deux là s’entendent plutôt bien, et c’est surtout grâce à eux que le film n’est pas totalement inintéressant. Si l’on rajoute une galerie de méchants totalement frappadingues (un prêtre exalté qui voyage en église-roulotte, une brute indestructible, un gros maniaque du fouet) pour pimenter le tout, on arrive a un résultat somme toute potable, rehaussé par une certaine ampleur accordée au budget du film : beaucoup de figurants, quelques scènes situées en Chine et des intérieurs/extérieurs très riches. Fait assez rare dans le western spaghetti, un léger zeste d’érotisme très frais vient chatouiller le spectateur mâle plutôt habitué à être interpellé dans ce genre là par de grossières scènes de tentatives de viol en veux tu en voilà.

Antonio Margheriti, réalisateur du très bon Et le vent apporta la violence et du correct Avec Django, la mort est là, signe donc ici un film en dessous de son potentiel, mais qui ne démérite pas totalement. On voit bien qu’il a un peu de mal avec les scènes de Kung Fu, beaucoup moins impressionnantes que dans La 36e chambre de Shaolin diffusé sur Arte l’autre jour et réalisé tout juste quatre ans plus tard, mais ces scènes sont finalement assez peu nombreuses. La musique prend parfois ces accents dramatiques que l’on aime dans le genre, parfois elle joue le jeu du western-comédie que le film cherche à devenir. La Brute le colt et le karaté est donc un film à recommander aux fans uniquement.



Le DVD Seven 7 : excellente qualité d’image avec un format respecté, ce qui, avouons le, améliore significativement l’appréciation que l’on peut se faire d’un film. Voir un navet dans de bonnes conditions, et voir le même navet, mal doublé, délavé et recadré n’est pas du tout la même chose. A noter que dans la présentation du film, il est dit que La brute, le colt et le karaté est le premier western soja réalisé, en 1974, alors que Mon nom est Shangaï Joe date de 1972 et Soleil Rouge date de 1970 (et déjà en 1968 dans 5 hommes armés, il y avait un samouraï).


mardi 25 septembre 2007

La rivière de nos amours



The Indian Fighter
1954
André De Toth
Avec : Kirk Douglas


Kirk Douglas, amis des Indiens, aimerait bien se baigner dans la rivière avec une belle indienne toute nue. Pendant ce temps, d’autres blancs sans scrupules cherchent à prendre l’or qui se trouve sur le territoire des sioux et mettent la paix en danger.


C’est un thème classique dans la période de l’âge d’or du western : les indiens et les blancs auraient pu s’entendre, malheureusement à cause de la cupidité de quelques aventuriers blancs sans scrupules, la paix ne dure jamais longtemps. Nous avons donc Kirk Douglas qui fait tout ce qu’il peut pour parlementer, expliquer, traiter, négocier. D’un coté, les sioux, intransigeants, justes mais cruels, seulement désireux de vivre sur leurs terres telles qu’elles sont, sans luxe, sans or, mais avec des bisons. De l’autre coté, le fort et son commandement, désireux de faire régner la paix le plus longtemps possible. Entre les deux, le ressentiment anti-indien très fort des habitants du fort et les actes stupides des chercheurs d’or. Et pourtant de tout ça, Kirk Douglas se fout un peu, le but, le seul but c’est cette rivière du titre français. On y voit au début la belle indienne s’y baigner (Elsa Martinelli, pas vraiment très crédible en indienne, mais suffisamment crédible en objet de désir), puis Kirk Douglas et l’indienne y batifoler un peu violemment (il faut dire que Kirk Douglas a une manière assez virile de parler aux femmes), puis au final, ils s’y baignent tendrement. Tout va bien donc (et pourtant elle doit être sacrément froide), cette rivière symbolise l’attachement à la nature et au Far West sauvage que le réalisateur André De Toth se complait à filmer longuement. La rivière de nos amours est sinon un bon petit western classique sur fond de guerre indienne, avec son attaque de fort en règle et son ambiance légèrement pro-indienne beaucoup plus fréquente à l’époque qu’on ne le pense généralement, ses magnifiques paysages le plus souvent occultés par le sourire omniprésent de Kirk Douglas. « Classique, trop classique » aurait pu écrire le service critique de Télé-Z, et cela aurait été tout aussi vrai que pour Ville sans loi. Pour ceux que le classicisme n’effraie pas, un western correct en pleine nature, auquel il manque un zeste passion et de rythme pour être une découverte enthousiasmante. Réservé aux fans, donc, ainsi qu’aux fans de baignade dans les rivières de montagne avec des indiennes nues…



Où le voir: pour ma part il s'agit d'un vieil enregistrement sur VHS, mais il existe un DVD zone 2, qui malheureusement semble-t-il a des problèmes de son. Plus d'infos et de photos d'exploitation du film sur le forum de western movies

dimanche 23 septembre 2007

Le jardin du diable




Garden of Evil
Henry Hathaway
1954
Avec : Gary Cooper, Richard Widmark



Dans un patelin paumé du Mexique, une femme recrute cinq hommes prêts à tout pour porter secours à son mari blessé et coincé dans une mine.



Passé sur France 3 il y a quelques semaines, je l’avais enregistré puis laissé en plan, parce que souvent dans la vie on a d’autres choses à faire que regarder des westerns, et surtout parce que je n’aime pas Gary Cooper. Si j’apprécie assez Vera Cruz, c’est grâce à Burt Lancaster, sûrement pas grâce à Gary Cooper qui a toujours l’air trop vieux pour ses rôles, Le train sifflera trois fois m’a toujours fait le même effet qu’à Howard Hawk, à savoir qu’est ce que c’est que ce shérif qui passe son temps à rechercher de l’aide au lieu de faire son boulot, et je n’ai aucune envie de revoir L’Homme de l’Ouest et sa fameuse scène de striptease forcé uniquement à cause de Gary Cooper (et pourtant c’est un film d'Anthony Mann !). Que voulez vous, ça ne s’explique pas, c’est comme ça et c’est tout. Par contre, si j’avais su que Richard Widmark joue également dans ce film, je l’aurais peut-être visionné plus tôt, bien qu’ici Widmark n’ait pas un rôle extraordinairement significatif.



Quoi qu’il en soit, Le Jardin du Diable est un bon western qui lorgne beaucoup du coté du film d’aventure. On traverse de magnifiques décors au Mexique, dont une corniche à flanc de falaise sur laquelle les prises de vue ont un effet de réalité assez saisissant pour un film de 1954. La première partie est intéressante, quoi qu’un peu laborieuse : la petite troupe menée par la femme emmène tout son petit monde en direction de l’endroit où son mari se meurt : on a donc un rythme binaire : chevauchée, bivouac, chevauchée, bivouac. A chaque bivouac, on en apprend un peu plus sur les motivations de chacun et en particulier sur celles de la femme (Susan Hayward) qui est finalement très mystérieuse. A l’arrivée dans la mine, les évènements prennent une autre tournure mais malheureusement tout le galimatias psychologique construit jusqu’ici ne débouche sur rien de spectaculaire, a peine apprend-t-on qu’en fait la femme est beaucoup plus amoureuse de l’or que de son mari. Et cela n’a guère d’importance puisque les Apaches rodent et que tout le monde doit fuir. Le morceau de bravoure se situe sur la corniche : Richard Widmark prend de l’épaisseur et devient un héros, Gary Cooper reste le héros Gary Cooper. La menace indienne planante et invisible est bien menée (encore que, le coup de la flèche qui arrive de nulle part dans le bide d’un personnage sent vraiment le réchauffé). Lorsque les Apaches deviennent visibles, la déception pointe : ils restent sagement sans bouger à se faire tirer dessus comme au casse-pipe et quand ils bandent leurs arcs on dirait des mômes qui jouent en colonie de vacance. Mais sinon, l’interprétation est convaincante, le tout est bien troussé, les décors sont magnifiques et les personnages ont assez de consistance humaine pour qu’on y croit.


Henry Hathaway est un honnête faiseur qui réalisera ultérieurement Nevada Smith et 100$ pour un Shérif. Nevada Smith est mémorable (entre autre) pour le meurtre horrible du début, et 100$ pour un Shérif est mémorable (entre autre) pour un final traumatisant dans un trou de serpent. On note dans le Jardin du Diable ces allusions aux sévices infligés par les Apaches (« ils m’ont laissé en vie parce qu’ils n’ont pas réussi à trouver de pire moyen de me faire mourir » dit le mari qui mourait à petit feu la jambe coincée sous sa mine) qui montrent que si Hathaway n’avait pas l’étoffe d’un grand réalisateur, il savait marquer les esprits.





Encore un petit mot pour mon petit France 3 en sucre qui a gentiment programmé ce western : merci (par contre si vous aviez pu le passer au format, cela aurait été encore mieux, parfois des personnages entiers sont coupés !) ! J’ai malheureusement raté Le fort de la dernière chance vendredi dernier, mais je me rattraperai avec 10 hommes à abattre le 28 septembre et Le salaire de la violence le 5 octobre. Faites chauffer vos graveurs !

vendredi 14 septembre 2007

Il était une fois l'armée mexicaine

On l'a tous oublié, mais dans les années 60-70, l'Italie a totalement anéanti l'armée mexicaine lors d’une guerre qui ne fit guère de bruit dans les médias. La preuve accablante de ce quasi-génocide en image:

Viva la Muerte, tua... Duccio Tessari, 1971



TepepaGiulio Petroni, 1968


Il était une fois la révolutionSergio Leone, 1972





El ChunchoDamiano Damiani, 1966





Les quatre desperadosJulio Buchs, 1969




5 hommes armésItalo Zingarelli, 1969



BlindmanFerdinando Baldi, 1971




CompañerosSergio Corbucci, 1970



El mercenarioSergio Corbucci, 1968



Saludos HombreSergio Sollima, 1968



Pour une poignée de dollars, Sergio Leone, 1964




Arizona Colt, Michele Lupo, 1966



C'est donc un massacre oublié de la communauté internationale, que je me permets d'évoquer ici, d’autant que ces preuves sont loin d’être exhaustives, d'autres séquences de ce type sont disponibles dans de nombreux films! Des milliers de soldats morts qui laissent femmes et enfants sur le careau, dans l'indifférence la plus totale!

Certains murmurent même que les italiens auraient reçu un coup de main des américains, mais on a tellement l'habitude de tout leur mettre sur le dos que cette rumeur est sujette à caution!

Les 100 fusilsTom Gries, 1969



La horde sauvageSam Peckinpah, 1969



Captures réalisées sur mes DVD, ou pour certaines, volées sur le site de Shobary: http://spaghettiwesterns.1g.fi

dimanche 9 septembre 2007

The Proposition


The proposition
2005

John Hillcoat

Avec : Ray Winstone, Guy Pearce, Emily Watson, John Hurt.




Le capitaine Stanley (Ray Winstone) appréhende un dangereux hors la loi (Guy Pearce) et son jeune frère. Il lui donne neuf jours pour tuer son frère aîné (Danny Huston), sinon son jeune frère sera pendu.


Régulièrement mentionné sur le Spaghetti Web Board en 2006, The Proposition était présenté par certains comme un digne successeur du western spaghetti, un film violent et noir qui ne faisait pas dans la dentelle. Une bande annonce circulait sur Internet, on caressait plus ou moins l’espoir de le voir sortir un jour en France, et puis rien, à moins qu’une sortie riquiqui dans trois salles obscures de Paris nous ait échappé.
On s’est alors rabattu sur le DVD zone 1. Pas de sous-titres français, mais des sous-titres anglais pour les malentendants, c'est-à-dire des sous-titres qui décrivent l’environnement sonore (« dog hawling, barking, distant thunder ») en plus des dialogues. C’est un peu emmerdant à suivre parce qu’on a l’impression d’être au ciné avec un type qui commente sans arrêt l’action, mais c’est mieux que pas de sous-titres du tout, parce que dans l’Australie du XIXe siècle, beaucoup de gens ont tendance à bouffer leurs mots.
Car en fait de western, The Proposition se situe dans l’Australie du XIXe siècle. On pourrait alors ergoter des heures sur le fait de savoir si de ce fait, il s’agit véritablement d’un western ou non, mais là n’est pas le sujet, on se contentera de le classer en « western atypique » pour les maniaques de la classification. Film anglo-australien réalisé par John Hillcoat, The Proposition réinvente et retranscrit tout une mythologie western dans le désert australien : bandits, chasseurs de prime, vengeance, soldats, winchesters, chevauchées, tout est là, identique au western et en même temps terriblement différent, c'est-à-dire adapté à la mode anglaise. Dans l’Ouest américain des années 1880, l’influence anglaise était déjà une vieille histoire, pas dans l’Australie des années 1880, où le capitaine Stanley et sa femme (Emily Watson) tentent désespérément de recréer les charmes de la vieille Angleterre sur leur bout de désert. Les paysages de Monument Valley sont remplacés par de splendides couchés de soleil dans le bush australien, le « problème » indien est remplacé par le « problème » aborigène et les diligences sont tirés par des chameaux. Pour le reste, habillement, cheveux longs et sales, sueurs, violence, noirceur des âmes, on est effectivement dans la lignée du western spaghetti et des films de Sam Peckinpah. Bien que les gunfights soient finalement peu nombreux, la violence et la cruauté sont bien réelles et se ressentent durant tout le film.



Mais The Proposition n’est pas un western spaghetti du tout. The proposition est un film lent, assez contemplatif qui suit parallèlement les tourments de deux communautés : celles des bandits planqués dans la montagne, dont Charlie Burns (Guy Pearce) qui se demande s’il doit ou non tuer son propre frère pour en sauver un autre et celle de la petite ville où le capitaine Stanley (Ray Winstone) doit faire face au ressentiment croissant des ses hommes (tous cruels et stupides) et à la pression croissante de sa hiérarchie pour arrêter les bandits, tout en préservant sa femme (Emily Watson) des horreurs de ce trou paumé. Le personnage d’Emily Watson, loin d’être un personnage féminin de remplissage, sort clairement le film du cadre du western pour le recentrer davantage vers le drame psychologique. Le scénario a été écrit par Nick Cave (oui oui, le musicien) et il est clair que celui-ci a essayé de faire un peu plus qu’un simple western violent, introduisant des citations de poètes anglais et une référence à Darwin dans la bouche de gens pourtant peu habitués à fréquenter les médiathèques. La musique, également co-signée par Nick Cave sort des sentiers battus Hollywoodiens – et c’est tant mieux – sans toutefois sombrer dans l’exotisme facile à base de didgeridoo couplé à un synthétiseur bon tant-pis – et c’est tant mieux aussi. La spécificité australienne du film sort également clairement le film d’un bête western qui aurait été situé en Australie pour un simple renouvellement de paysage. La lenteur, le ton ocre des images, la musique, la prononciation à l’anglaise rappellent plus un film comme Rabbit-proof fence (Philip Noyce, 2002) qu’un western. Les similitudes avec Rabbit-proof fence sont en effet nombreuses : violence incroyable du racisme (les aborigènes sont inférieurs), paysages (l’âpreté de l’Outback), trackers (dont l’acteur aborigène David Gulpilil que l’on retrouve dans les deux films), obsession des autorités à « civiliser » le pays de façon volontaire et programmée. Une impression de fatalité sous cette chaleur écrasante, le sentiment d’être ans un pays perdu qui ne parvient pas à se construire.
A l’origine, on avait acheté The Proposition pour voir un western plein de sang. On a été bien servi de ce coté là mais on a obtenu au final autre chose : un aperçu d’une autre Histoire qui s’est construite sur la douleur et la violence, le début de ce qu’on pourrait imaginer être un autre mythe cinématographique tout aussi intéressant que celui de la conquête de l’Ouest, avec ses héros, ses batailles, ses traumatismes, ses dettes et ses remises en cause.

samedi 8 septembre 2007

Ville sans loi

 
A Lawless street


1955

Joseph H Lewis

Avec: Randolph Scott



France 3 chérie a pris l’habitude de passer pas mal de westerns, dont un certain nombre le vendredi après-midi. On ne va pas s’en plaindre. Ville sans loi est l’histoire classique du shérif seul contre tous. « Classique, trop classique » avertit le service "critique lapidaire" de Télé Z. Et oui, très classique dirons nous, mais il subsiste encore en France une importante frange de personnes d’âges divers que ce type de film « trop classique » (comme si l’originalité à tout prix était une valeur en soi) enchante toujours. Alors oui, vous verrez dans Ville sans loi tous les poncifs : le marshall vieillissant qui doit de moins en moins compter sur sa rapidité, le vieil amour perdu à cause d’une vie trop dangereuse, le héros que l’on croit mort et puis non, la victoire de la loi en marche face à l’anarchie destructrice, la civilisation qui se construit. Vous adorerez aussi comptabiliser tous les motifs nécessaires et suffisants pour faire un bon western urbain:


- la bagarre de saloon
- Randolph Scott fragile en dedans et fort au dehors
- Les notables véreux
- La séance de barbier qui évidemment tourne court
- les types attrapés au lasso et traînés dans la poussière
- le bon docteur qui aide le héros
- le pistolero dangereux
- les scènes comiques et attendrissantes avec la patronne de l’hôtel.
- La femme qui prévient le héros du danger par la fenêtre

Tout ça ne suffit pas à faire un chef d’œuvre, ni même une curiosité, juste un solide western en couleurs pour un divertissement honnête et sans épate. Il y a de la place pour tous les cinémas dans le cœur des gens, et celui-ci n’a pas à rougir de sa désuétude. Si vous aimez, criez tous en cœur avec moi : « Merci France 3 ! »





samedi 1 septembre 2007

Un génie, deux associés, une cloche



Un Genio, due compari, un pollo
1975
Damiano Damiani



Un génie, deux associés, une cloche est un film associé à l’enfance et qui aurait dû y rester.

L’histoire aurait du avoir une certaine importance, car lorsqu’on se penche dessus attentivement, on se rend compte qu’elle est narrativement assez structurée. Le problème bien sûr, c’est que cela ne se ressent nullement à la vision du film, qui donne l’impression d’assister à une succession de scènes plus ou moins drôles, plus ou moins efficaces, mais totalement décorellées les unes des autres.

Pourtant essayons d’y voir plus clair : un général à barbe rousse enquête sur le détournement de 300 000 dollars réservés aux affaires indiennes. Des bandits veulent récupérer le magot bien sûr, ainsi que Joe Merci (Terence Hill) qui s’associe à Locomotive (Robert Charlebois) qui a l’avantage d’avoir une fausse barbe rousse (!) qui le fait ressembler au général. Après de multiples rebondissements, Joe Merci se débrouille finalement pour restituer leurs terres et l’argent aux indiens.

Sur le papier, cela fonctionne à peu près. Sur pellicule, le trop grand nombre d’invraisemblances, le je m’enfoutisme général perdent le spectateur le plus attentif. Exemple, Terence Hill, avec son habituelle agilité athlétique s’échappe du fort après un numéro de barres parallèles, ce qui en soit est marrant. Mais il réapparaît deux secondes plus tard avec un canon et un cigare allumé, pour faire la quête et à nouveau disparaître. Hein, allo, kekospasse ? Plus loin, Terence Hill et Robert Charlebois se courent après, se battent, parcourent des kilomètres, se retrouve au lieu de construction du chemin de fer, se retrouvent à l’endroit pile où ça doit sauter (prévu par Joe Merci à l’avance), puis on doit comprendre que cette explosion est censé faire croire aux soldats que les 300 000 dollars se sont volatilisés, puis après un timing parfait, les indiens arrivent pour récupérer l’argent. Joe Merci omniscient a tout prévu, les retournements de situation s’enchaînent, et non seulement on perd le fil, mais en plus on n’accorde plus aucune importance à l’intrigue qui se voulait pourtant une sorte d’hommage à L’Arnaque. Mais quand tout est possible, quand plus rien n’a d’importance, quand les repères temporels, spatiaux et le principe de causalité ne sont plus respectés, à quoi bon faire attention à l’histoire ?


Le problème de crédibilité dans un film comique n’est pourtant pas à négliger. Mon nom est Personne réussissait ce tour de force de proposer une véritable histoire, une intrigue assez vraisemblable pour que les facéties surnaturelles de Personne demeurent de simples parenthèses divertissantes. Bien sûr les invraisemblances pullulent dans Mon nom est Personne, mais jamais au point d’atténuer la force de l’histoire. Les facéties surnaturelles de Un génie deux associés une cloche prennent le pas sur l’intrigue et l’émotion au point de faire perdre prise au spectateur, ce que même un film comme On l’appelle Trinita avait su éviter.


L’hommage à Jules et Jim est un peu plus réussi, mais réellement trop superficiel. Les confrontations du trio et leurs rabibochages sont survolés, le personnage de Miou Miou réussit à être touchant sans toutefois créer de véritable émotion, de même que les origines indiennes de Locomotive peinent à prendre l’importance qu’elles devraient. Malgré tout, on s’attache assez rapidement à cet improbable trio pour suivre leurs (fausses) aventures avec un certain plaisir. Car pour le spaghettophile moyen, il y a de la matière : un humour lourd qui fait souvent mouche, de gros moyens, une musique de Ennio Morricone qu’on a toujours en tête trois jours après comme il se doit, et une galerie de trognes qui fait toujours plaisir à voir.

Au rayon humour, il y a bien sûr de brillantes pièces pour peu que vous goûtiez à l’humour de Mon Nom est Personne et On l’appelle Trinita. L’arrivée de Terence Hill en ville qui ne prend pas la peine de se réveiller quand on le sort de la diligence ou quand les poules viennent lui picorer le nez suffit notamment à mettre immédiatement un spectateur moyen tel que moi dans une transe joyeuse qui ne le quittera toujours pas trois jours après (le temps que la musique de Morricone vous sorte de la tête en fait !). La chute de l’excellent Klaus Kinski sur son cheval, le tour de carte, la course à la sacoche type rugby, ne sont que des exemples de moments forts qui devraient amuser (et qui amusent) petits et grand. De ce coté, le contrat est rempli !

La musique de Morricone, calquée sur celle de Mon Nom est Personne, produit le même effet entraînant, mais a été expurgée de tous ses effets dramatiques qui faisaient de Mon Nom est Personne bien plus qu’un film comique. Seule la course en diligence, où Morricone a tenté de reproduire en moins bien son « coup » de la Chevauchée des Walkyries en utilisant la Lettre à Elise parvient à produire une certaine beauté, Charlebois et Miou Miou se débarrassant de leurs déguisement, comme une délivrance, pendant que la diligence est lancée à pleine vitesse, puis Locomotive sautant de cheval en cheval comme dans un vrai western, toujours accompagné de la musique tonitruante ! Un de ces bons moments, trop rares dans Un génie, deux associés, une cloche, et surtout handicapé par cette volonté trop voyante de répéter les mêmes recettes gagnantes de Mon Nom est Personne.

Coté trognes, outre Klaus Kinski qui fait une apparition hilarante, on retrouve avec plaisir la présence de Raimund Harmstorf, qui jouera deux ans plus tard l’inquiétant et classieux chef des chasseurs de prime dans Adios California. Harmstorf est ici ridiculisé par Terence Hill, mais on retrouve pourtant une partie de son charisme dans ce personnage de sergent capable de parler indien. Outre le casting iconoclaste et joyeux de Robert Charlebois et Miou Miou, on note aussi le rôle important de Patrick McGoohan en major plus rusé que Locomotive, mais qui se fera quand même ridiculiser par Terence Hill. Enfin Mario Brega est le conducteur de la diligence, mais il a du maigrir car je ne l’ai pas reconnu.


Tourné dans Monument Valley, avec un budget confortable, le film est réalisé par le talentueux Damiano Damiani, le réalisateur du formidable Quien Sabe ? (El Chuncho), et produit par Sergio Leone. Celui-ci prétendra s’être trompé en engageant Damiani, plus à son aise dans le registre dramatique. Pourtant si l’on parcourt la filmographie de Tonino Valerii, le réalisateur de Mon nom est Personne, on trouve surtout des films sérieux, pas de comédies. L’échec relatif du film vient sans doute d’autre chose, un soin moins important apporté au scénario, ou peut-être du fait que les négatifs du film furent volés par on ne sait qui en Italie et jamais retouvés, et que le film dut être remonté à l’aide de rushs et autres prises de sécurité.

Quoi qu’il en soit, Un génie, deux associés, une cloche demeure un film raté, mais raté dans le sens où il est beaucoup moins réussi que Mon nom est personne, auquel il se réfère directement dans la scène avec Klaus Kinski. Par contre, en tant que western fayot, Un génie, deux associés, une cloche fait sans mal parti des fleurons du genre et est tout à fait recommandable, au point que s’il se décide un jour à sortir en DVD avec VF, je l’achèterai volontiers.