dimanche 9 septembre 2007

The Proposition


The proposition
2005

John Hillcoat

Avec : Ray Winstone, Guy Pearce, Emily Watson, John Hurt.




Le capitaine Stanley (Ray Winstone) appréhende un dangereux hors la loi (Guy Pearce) et son jeune frère. Il lui donne neuf jours pour tuer son frère aîné (Danny Huston), sinon son jeune frère sera pendu.


Régulièrement mentionné sur le Spaghetti Web Board en 2006, The Proposition était présenté par certains comme un digne successeur du western spaghetti, un film violent et noir qui ne faisait pas dans la dentelle. Une bande annonce circulait sur Internet, on caressait plus ou moins l’espoir de le voir sortir un jour en France, et puis rien, à moins qu’une sortie riquiqui dans trois salles obscures de Paris nous ait échappé.
On s’est alors rabattu sur le DVD zone 1. Pas de sous-titres français, mais des sous-titres anglais pour les malentendants, c'est-à-dire des sous-titres qui décrivent l’environnement sonore (« dog hawling, barking, distant thunder ») en plus des dialogues. C’est un peu emmerdant à suivre parce qu’on a l’impression d’être au ciné avec un type qui commente sans arrêt l’action, mais c’est mieux que pas de sous-titres du tout, parce que dans l’Australie du XIXe siècle, beaucoup de gens ont tendance à bouffer leurs mots.
Car en fait de western, The Proposition se situe dans l’Australie du XIXe siècle. On pourrait alors ergoter des heures sur le fait de savoir si de ce fait, il s’agit véritablement d’un western ou non, mais là n’est pas le sujet, on se contentera de le classer en « western atypique » pour les maniaques de la classification. Film anglo-australien réalisé par John Hillcoat, The Proposition réinvente et retranscrit tout une mythologie western dans le désert australien : bandits, chasseurs de prime, vengeance, soldats, winchesters, chevauchées, tout est là, identique au western et en même temps terriblement différent, c'est-à-dire adapté à la mode anglaise. Dans l’Ouest américain des années 1880, l’influence anglaise était déjà une vieille histoire, pas dans l’Australie des années 1880, où le capitaine Stanley et sa femme (Emily Watson) tentent désespérément de recréer les charmes de la vieille Angleterre sur leur bout de désert. Les paysages de Monument Valley sont remplacés par de splendides couchés de soleil dans le bush australien, le « problème » indien est remplacé par le « problème » aborigène et les diligences sont tirés par des chameaux. Pour le reste, habillement, cheveux longs et sales, sueurs, violence, noirceur des âmes, on est effectivement dans la lignée du western spaghetti et des films de Sam Peckinpah. Bien que les gunfights soient finalement peu nombreux, la violence et la cruauté sont bien réelles et se ressentent durant tout le film.



Mais The Proposition n’est pas un western spaghetti du tout. The proposition est un film lent, assez contemplatif qui suit parallèlement les tourments de deux communautés : celles des bandits planqués dans la montagne, dont Charlie Burns (Guy Pearce) qui se demande s’il doit ou non tuer son propre frère pour en sauver un autre et celle de la petite ville où le capitaine Stanley (Ray Winstone) doit faire face au ressentiment croissant des ses hommes (tous cruels et stupides) et à la pression croissante de sa hiérarchie pour arrêter les bandits, tout en préservant sa femme (Emily Watson) des horreurs de ce trou paumé. Le personnage d’Emily Watson, loin d’être un personnage féminin de remplissage, sort clairement le film du cadre du western pour le recentrer davantage vers le drame psychologique. Le scénario a été écrit par Nick Cave (oui oui, le musicien) et il est clair que celui-ci a essayé de faire un peu plus qu’un simple western violent, introduisant des citations de poètes anglais et une référence à Darwin dans la bouche de gens pourtant peu habitués à fréquenter les médiathèques. La musique, également co-signée par Nick Cave sort des sentiers battus Hollywoodiens – et c’est tant mieux – sans toutefois sombrer dans l’exotisme facile à base de didgeridoo couplé à un synthétiseur bon tant-pis – et c’est tant mieux aussi. La spécificité australienne du film sort également clairement le film d’un bête western qui aurait été situé en Australie pour un simple renouvellement de paysage. La lenteur, le ton ocre des images, la musique, la prononciation à l’anglaise rappellent plus un film comme Rabbit-proof fence (Philip Noyce, 2002) qu’un western. Les similitudes avec Rabbit-proof fence sont en effet nombreuses : violence incroyable du racisme (les aborigènes sont inférieurs), paysages (l’âpreté de l’Outback), trackers (dont l’acteur aborigène David Gulpilil que l’on retrouve dans les deux films), obsession des autorités à « civiliser » le pays de façon volontaire et programmée. Une impression de fatalité sous cette chaleur écrasante, le sentiment d’être ans un pays perdu qui ne parvient pas à se construire.
A l’origine, on avait acheté The Proposition pour voir un western plein de sang. On a été bien servi de ce coté là mais on a obtenu au final autre chose : un aperçu d’une autre Histoire qui s’est construite sur la douleur et la violence, le début de ce qu’on pourrait imaginer être un autre mythe cinématographique tout aussi intéressant que celui de la conquête de l’Ouest, avec ses héros, ses batailles, ses traumatismes, ses dettes et ses remises en cause.

1 commentaire:

  1. Oui de toute façon derrière mon clavier, je ne risque rien, c'est sûr que face à face tu m'en aurais peut-être déjà collé une, j'espère que t'as pas de bagues aux doigts :)

    Mais comme tu dis, tu as rebondis sur un truc pas spécialement rebondable. Dans la première partie de la phrase, je parle aussi de héros et de batailles, j'englobe donc toute cette potentielle nouvelle mythologie, et pas seulement cette histoire de remise en cause et de dette. Et en outre, il s'agissait juste d'un constat: le film The Proposition opère partiellement cette remise en cause (tout comme de nombreux westerns l'ont fait sur le problème indien), et non pas une prise de position de ma part. Que les australiens expriment une certaine forme de remord à travers leur cinéma est intéressant sociologiquement mais ne m'intéresse pas spécialement du point de vue cinématographique. En effet, un film "coup de poing" et très démonstratif ne fait pas forcément un bon film, c’est même rare.

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