jeudi 29 novembre 2007

Buffalo Bill

Buffalo Bill
1944
William A. Wellman
Avec : Joel McCrea, Maureen O’Hara, Linda Darnell, Anthony Quinn
L’histoire de Buffalo Bill, ami et défenseur des Indiens, de son rôle dans les guerres indiennes au Wild West Show.

Profitons de ce blog pour revoir quelques idées reçues sur le génocide indien, idées reçues en général apportées par le western. Premièrement, la disparition des peuples Indiens est pour une très grande part due à l’arrivée de nouvelles maladies apportées par les Européens et non pas à des massacres en règle par les Tuniques Bleues comme pourraient le faire croire l’imagerie western. Ainsi, certaines tribus furent entièrement décimées au XVIIe siècle avant même d’avoir vu leur premier blanc. Les massacres successifs ne suffisent en effet pas à expliquer la disparition de quasiment tout un peuple. Deuxièmement, contrairement à ce que peut faire croire la culture ‘western’, l’anéantissement des Indiens était une affaire pliée dès 1850, c'est-à-dire avant la période 1870-1890 que couvre la plupart des westerns. Les massacres, batailles et spoliations de traités évoquées dans les westerns ne concernent donc que le reliquat d’une multitude de peuples déjà totalement détruits par les maladies, les massacres, les déportations, les traités violés, les guerres successives et les tentatives d’acculturation et de civilisation forcée du XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle. Quand on pense à la disparition des Indiens, on a souvent en tête le Général Custer ivre de violence tel qu’on peut le voir dans Little Big Man ou représenté sous les traits du Général Allister dans Blueberry, mais – sans nier les horreurs engendrées par ce type de personnages (généraux/colons/marchands d’armes, chasseurs de bison etc) qui eurent leur part dans le drame Indien – il est très réducteur de ne le cantonner qu’à cela.
En ce qui concerne la vision des Indiens dans le western, on a aussi souvent tendance à résumer la chose de façon simpliste : avant les années 1960, l’indien dans le western est un être méchant et dangereux qu’il faut exterminer, après 1960, l’indien est le bon sauvage parfait, le cinéma américain réalise l’abomination de l’extermination indienne et se fouette consciencieusement. En réalité, la prise de conscience avait débuté à la fin du XIXe siècle (soit beaucoup trop tard quand même) et le cinéma, s’il utilisait l’indien comme méchant dans la plupart des serials, ne tarderait pas, sinon à huer le massacre indien, au moins à reconnaître la spécificité du peuple indien et à dénoncer les multitudes de traités violés et les idées reçues sur les Indiens par les gens de l’époque. Tom Mix dans les années 30 prend déjà la défense des Indiens, Joel McCrea continue dans ce Buffalo Bill en 1944. Le western ne fait donc pas exception dans le cinéma américain, toujours prompt à réagir sur les points noirs de l’histoire de son pays (voir l’ensemble des films contestataires sur le Viet-Nam). Le western est quasiment toujours accusé à tort chez nous d’être extrêmement oublieux de l’Histoire, alors qu’en France on attend toujours un film sans concession sur la guerre d’Algérie ou sur Pétain, ou même pendant qu’on y est sur les guerres Napoléoniennes ou sur les horreurs des guerres de Vendée.
Buffalo Bill est donc un éclaireur qui connaît bien les Indiens. Il tente – souvent sans succès – de faire comprendre aux différents galonnés et aux huiles de la nation que les Indiens sont un peuple qui n’entre en guerre que quand on les cherche. Malgré tout, Buffalo Bill reste attaché à son camp et participe activement au massacre des bisons et aux batailles où il finira par tuer son ami Main Jaune (Anthony Quinn). En plus de tout cela, il fait la cour à la belle Maureen O’Hara qui voudra bien l’épouser malgré ses airs rustres. Elle lui donnera un fils et partira l’élever dans l’Est, à l’abri de la civilisation. Cette scène, où Buffalo Bill choisit en 5 minutes entre vivre avec sa famille et courir dans les plaines avec l’armée est extrêmement bien jouée par Mc Crea qui sait parfaitement montrer la soif de chevauchée qui coule dans le sang de cet homme. Ironiquement, le film se termine dans cette civilisation qu’il abhorre, où Buffalo Bill décide de montrer, à travers son show, de vrais indiens au monde entier.
L’ironie se place là aussi, dans le fait que Buffalo Bill a montré des indiens au monde entier, alors que les indiens du film sont joués qui par Linda Darnell, qui par Anthony Quinn. Linda Darnell déjoue les clichés, en institutrice indienne, mais son rôle n’a finalement pas une importance extrême. Anthony Quinn, pas encore découvert par Fellini, fait l’indien du mieux qu’il peut, mais manque malgré tout de crédibilité. Etrange paradoxe de vouloir faire un film qui rende sa place aux indiens sans leur donner de rôle.
La déchéance de Buffalo Bill dans l’Est, et son nouveau départ grâce à son show terminent donc ce film riche en péripéties, en humour, en action et en émotion. Un certain humour de caserne « Fordien » est en effet délicatement positionné ça et là au cours du film. L’émotion se cristallise surtout autour des scènes familiales : la demande en mariage, l’accouchement, la séparation et la mort de l’enfant, tandis que l’action et la révolte de la bonne conscience sont tout entières tournées vers les scènes indiennes. Un film surprenant, qui a le mérite de tordre le cou aux clichés que l’on se fait sur les « vieux » westerns.

dimanche 11 novembre 2007

China 9 Liberty 37

Monte Hellman et Tony Brandt
Amore, piombo e furore
1978
Avec Fabio Testi, Warren Oates et Sam Peckinpah dans un petit rôle.



Le pistolero Clayton Drumm va être pendu. Il se voit offrir le deal habituel : tu tues un mec, on te laisse la vie sauve. Il accepte, et puis finalement il préfère coucher avec la femme de celui qu’il doit tuer. Il faut dire qu’elle est très jolie…
Des poules en fond sonore, un rythme lent comme si on avait la vie devant soi alors qu’on a toujours la mort dans le dos, des accords d’harmonica et de guitare, un érotisme latent, on sait tout de suite que l’on est dans l’univers ‘western moderne’ propre à Sam Peckinpah et Monte Hellman. China 9 Liberty 37 peut être décrit comme suit : un western italo-espagnol dirigé par Monte Hellman avec Warren Oates et Fabio Testi, et Sam Peckinpah dans un petit rôle. Voilà qui a au moins le mérite de faire saliver.
Le film est visionnable gratos sur bmovies.com (où vous pourrez également voir Bad taste de Peter Jackson), donc il n’y a pas à hésiter les poteaux, foncez.





Pour ceux qui hésitent quand même, le film mérite plus d’être vu comme une curiosité que comme le chef d’œuvre oublié du western cryptico-psychologique. Tourné en Espagne à Almeria, Tabernas ainsi qu’en Italie, le budget du film semble riquiqui. Le réalisateur préfère naturellement s’attacher davantage aux relations complexes entre personnages et aux tréfonds de l’âme qu’au déroulement de l’intrigue, ce qui peut marcher avec des acteurs consistants, mais qui ne fonctionne pas complètement avec un Fabio Testi en demi-teinte que l’on a connu plus inspiré. Certaines ellipses sont brutales, comme si des scènes n’avaient pas fini d’être tournées. Le démarrage est lent, mais l’action s’emballe un peu plus vers la fin. La musique, très seventies, est belle mais n’est pas suffisante pour relever le niveau d’une œuvre que les conditions de visionnage sur bmovies ne permettent pas de juger dans des conditions optimales (bien que la qualité soit meilleure que sur movieflix.com).
Je ne tiens donc pas trop à m’avancer plus avant sur cette perle, j’aimerais le voir sur un DVD devant ma vraie télé plutôt que devant mon PC et ses enceintes pourries. A vous de vous faire une idée !

samedi 10 novembre 2007

Will Penny le solitaire



Will Penny

Tom Gries

1968

Avec Charlton Heston, Joan Hackett, Donald Pleasance


Les aventures d’un cowboy vieillissant dans un Ouest enneigé et désanchanté. Will Penny (Charlton Heston) se fait moquer de lui parce qu’il est vieux, puis Will penny a une échauffourée avec une bande de hors la loi pas nets, menés par un Donald Pleasence bien chtarbé, puis Will Penny ramène un ami quasi mort chez un médecin suite à l’échauffourée, puis il accepte un boulot l’hiver en montagne, puis il est laissé pour mort par la bande de hors la loi pas nets qui l’ont retrouvé, puis…

… puis ça se tasse un peu. Jusque là on prenait plaisir à suivre les pérégrinations de ce cowboy voulu authentique et pourtant pas si vieux que ça. Le travail des cowboy était bien rendu, leur vie de misère également, dormant dehors et ayant du mal à se lever le matin, nourris par la bouffe infecte de Slim Pickens. Ensuite, l’errance de Will Penny à la recherche d’un travail captait l’attention. La confrontation avec la bande de Donald Pleasance faisait détourner les yeux des plus sensibles et comblait l’amateur de spagh’ avide de cruauté et de bandits bigarrés. Le souci c’est qu’après ça, on tombe dans le pire du cliché à la hollywoodienne. Will Penny est sauvé par une femme (Joan Hackett) et son petit garçon qui avaient trouvé refuge dans la cabane que Will Penny devait occuper. Ces trois là vont donc être forcés de cohabiter pendant les longues heures d’hiver enneigé. Si on était resté dans le spaghetti malsain, les trois auraient fini par s’étriper sadiquement dans un crescendo tristement lugubre décrivant posément la noirceur de l’âme humaine. Là on passe plutôt à Blanche Neige et les sept nains. La gaucherie du cowboy face à l’hygiène de vie de la femme, l’attachement naissant du cowboy à la vie de famille, l’amour indicible qui se révèle dans les demi-confessions pourraient être des scènes géniales si elles étaient menées avec intelligence, malheureusement on connaît la musique, et Tom Gries ne fait rien pour nous éviter l’embarras de ce genre de situations cucul déjà subies mille fois pendant lesquelles le cœur de la ménagère de moins de cinquante K€/ans est censé chavirer. L’apothéose est cette soirée de Noël, pathétique au possible bien heureusement gâchée par le retour de Donald Pleasance et sa bande. C’est ensuite une certaine tension qui demeure jusqu’à l’anéantissement final des malfrats dans un bon style bien western qui fera dire à ceux qu’ils ont vu le film: « Si c’est bien ? Ben c’est un western quoi… », comme si un western ne pouvait être ni bon ni mauvais, un western étant juste un western et l’œuvre n’ayant pas besoin de qualificatifs plus explicites pour justifier son existence. Le final en anti-happy-end, le réalisme des situations et des accessoires, l’action bien menée et une musique agréable font pourtant de ce Will Penny un bon western, dans la veine crépusculaire, malgré les violons dégoulinants dans la cabane. De toute façon, rien ne vous empêche de le voir, pas moyen d’être déçu, il s’agit d’un western, c’est pas moi qui le dit, c’est les gens.