lundi 22 décembre 2008

Le Trésor du lac d'argent

Der Schatz im Silbersee
1962
Harald Reinl

Un indien, un trappeur et une chasse au trésor dans l'ouest yougoslave.
Premier western européen à avoir eu du succès (même si en allemagne uniquement), bien avant Pour une poignée de dollars, ce premier Winnetou séduira les amateurs de costumes impeccables, d'aventures enfantines non violentes, d'histoires de trésor aux multiples rebondissements et de magnifiques paysages. Enregistré sur Arte en décembre 2007, il m'aura fallu un an pour le voir. Il semblerait que la VF ait été refaite, ce qui est un peu gênant par moments. L'ensemble n'a rien d'extraordinaire, mais se suit sans déplaisir, un peu comme un Giuiliano Gemma première époque, mais sans la violence spaghetienne.

samedi 20 décembre 2008

Tepepa


Tepepa

1968
Giulio Petroni

Avec Tomas Milian, Orson Welles, John Steiner.

Les révolutions passent, et l’armée en gris continue d’aboyer sur les pauvres péons. Tepepa (Tomas Milian) le voit bien, lui qui a dû rendre les armes devant cette armée honnie, alors pourtant qu’il avait gagné la révolution. Au moment précis où il allait se faire fusiller, l’européen de service (tiens un anglais cette fois (John Steiner, pas vraiment à la hauteur d’un Franco Nero ni même d’un Lou Castel, mais à la maigreur intéressante)) le tire de là au moment fatidique (« apunten armas », ou quelque chose du genre) pour mieux le descendre lui-même. C’est que le sieur Tepepa a violé sa donzelle quelques années auparavant, et que celle-ci s’en est suicidée. Vengeance oblige donc, le docteur anglais sort son Mauser pour flinguer le révolutionnaire, mais s’en trouve empêché pour cause de poursuivance gouvernementale. Petit à petit, l’anglais va apprendre à apprécier Tepepa pour le dévouement qu’il porte à sa cause et va commencer à douter de sa culpabilité.

Film politique écrit par Franco Solinas (qui a scénarisé tous les westerns étiquetés de gauche : El chuncho, Colorado, El mercenario), démonstratif au point d’en être légèrement pesant, Tepepa est un vrai western Zapata de gauche pur et dur et – semble-t-il – sans distanciation ironique autre que la conclusion. L’armée régulière massacre, mutile, exécute les révolutionnaires et brule les villages. Les propriétaires terriens fouettent et exploitent les péons, les hommes au pouvoir bafouent les idéaux de la révolution. Dépossédés de leur simple droit à un petit lopin de terre, les hommes prennent les armes et d’une manière générale, perdent. La musique d'Ennio Morricone portée par des envolées ressemblant énormément à celles de Bruno Nicolai (d’ailleurs c’est lui qui a dirigé l’ensemble) ne prend non plus aucune distance ironique et souligne parfaitement la dramatique destinée de l’entreprise révolutionnaire, sans chercher à créer un quelconque lyrisme exaltant la beauté des idéaux : on se bat parce qu’il n’y a plus le choix.
Donc, ça ne rigole pas, et l’intrigue parallèle, la petite histoire qui veut rejoindre l’Histoire, n’est pas là pour faire marrer non plus, en jouant cette fois dans la cour du tragique flamboyant. « Qu’est ce qu’une femme, comparée à la révolution ? » pourrait être la phrase résumé du film, mais c’est tout le point de vue misogyne précédant cette phrase qui révèle un Tepepa antipathique, non limité à sa dimension de héros. Chaque personnage suit donc les traits propres à sa classe : Tepepa sauve son peuple, mais il massacre et viole comme un vulgaire bandit, l’Anglais sauve des vies et suit un bel idéal héroïque personnel (très prisé à notre époque individualiste), mais bien qu’il ait une certaine admiration pour Tepepa, il méprise profondément la race inférieure du Mexique (voir la scène initiale où les péons poussent sa voiture, et la conclusion finale du gamin Paquito, qui fait écho à sa première rencontre avec l’anglais, et prouve que le film n’a pas été écrit avec les pieds). Les péons sont présentés comme une masse facilement exaltable (voir la harangue de Tepepa après le massacre du village), animé d’un bel idéal révolutionnaire, mais le péon individualisé n’hésite pas à trahir sa cause quand le besoin devient trop insupportable (José Torres, sans les mains, que l’on a toujours plaisir à voir). On pourrait donc presque dire qu’en façade le film arbore un discours prorévolutionnaire appuyé, mais que par derrière, Franco Solinas a voulu démontrer que les hommes n’échappent pas à leur caricature (le révolutionnaire est un bandit, le médecin est une élite méprisante, le péon est un lâche). Alors, sous son discours politique, le film, qui fait écho à la physiognomonie, cette pseudo-science qui prétend reconnaître la personnalité aux traits du visage, thèse naturellement réfutée par le docteur anglais, chercherait-il finalement à la remplacer par un énoncé identique qui verrait l’appartenance de classe substituée aux traits du visage? Cela semble d’autant plus plausible, que le colonel Cascorro (Orson Welles, qui bougonne, maugrée et soupire avec ses yeux à la Garfield), lui, joue le méchant de première avec application, mais avec une lucidité et un recul qui fait qu’il n’est dupe, ni de son statut, ni de l’issue de ces massacres incessants. Il est le seul qui semble assez intelligent pour ne se prêter ni à des idéaux utopistes, ni à des idéaux individualistes bornés, ni à une obéissance aveugle à un quelconque régime, mais il n’en continue pas moins à jouer son rôle, comme s’il en était prisonnier. Le petit gamin qui à la fin devient un authentique révolutionnaire, le seul vrai personnage qui échappe aux travers de sa propre caricature pour n’en conserver que l’aspect pur et positif, peut sembler contredire cette analyse purement spéculative, pourtant la scène finale, qui voit Paquito chevaucher avec ses hommes avec une image de Tepepa en surimpression fut paraît-il une source de conflit entre le réalisateur Giulio Petroni et le scénariste qui détestait la scène, car il ne l’avait pas écrite, comme si Petroni avait voulu donner une fin plus jolie, moins désespérée à son film, avec une image plus « romantique » de la révolution. Ainsi, si Tepepa semble traiter son sujet avec sérieux, on constate déjà un point de vue amer sur l’idéal révolutionnaire, qui sera développé plus tard avec ironie dans d’autres westerns Zapata tels que El Mercenario, Companeros ou Il était une fois la révolution.
Mais voilà, je vous barbe avec une analyse tarabiscotée, et vous vous demandez encore si le film vaut le coup d’être vu. Réalisé par Giulio Petroni (La mort était au rendez-vous), le film est bien sûr tourné de manière très professionnelle, sans détails foireux, avec des moyens conséquents, une très belle utilisation des paysages almeriense, des morts partout, des soldats mexicains qui virevoltent, de la dynamite en veux-tu en voilà, Tomas Milian qui joue sérieusement sans (trop) cabotiner, une musique d’Ennio Morricone qui n’est pas sa meilleure mais qui tient le coup quand même, quelques scènes incongrues bienvenues (l’anglais dans le lit de la femme du geôlier), Orson Welles qui est une incongruité à lui tout seul, des flash backs au ralenti avec une femme qui court et qui pourrait vous faire croire que c’est pompé sur les flash back d’Il était une fois la révolution, sauf qu’une fois de plus, le film lui est antérieur (au point que je commence à me demander s’il y a quoi que ce soit d’original dans Il était une fois la révolution…), bref, c’est du bon, allez-y foncez, mais attendez un peu que Wild Side nous le sorte en français, au lieu de le regarder en anglais comme je l’ai fait.

Où le voir ? Je viens de vous le dire, faut attendre encore un peu…


lundi 15 décembre 2008

Blindman


Blindman il pistolero cieco
Ferdinando Baldi
1971

Avec : Tony Anthony, Ringo Starr


Blindman est un film qui n’a peur de rien, et surtout pas du ridicule. Et pas de l’excès non plus ! Consacrer un aussi gros budget sur un scénario aussi délirant, les producteurs devaient être eux-mêmes aveugles. Pourtant, dans une certaine mesure, bien leur en a pris ! C’est l’histoire d’un pistolero aveugle, qui se ballade sur son cheval d’aveugle avec une Winchester à baïonnette en guise de canne blanche. Il a un contrat pour retrouver un convoi de 50 femmes enlevées par un chef desperado (et son frère joué par Ringo Starr). Ledit chef desperado commande une petite armée d’hommes de main au look Mad Max parfaitement assumé. Les femmes sont destinées à un général (mexicain comme il se doit), prétexte à montrer plein de femmes nues se faisant asperger d’eau d’abord, puis plein de femmes habillées martyrisées par les officiers mexicains ensuite. Mais finalement, tout cela n’aura servi à rien puisque le chef desperado décide de massacrer tous les destinataires. De toute façon, à quoi ça sert une armée mexicaine, à part se faire décimer à la mitrailleuse? Le pistolero aveugle, pendant ce temps là, réajuste ses haillons et son chapeau plat et descend frénétiquement quatre hommes de Ringo Starr. Car il est aveugle, mais il tire juste le bougre !
Et tout ça n’est que le début !
Ici, c’est au spectateur de décider. Soit c’est un nanar grandiose, soit c’est le plus grand western de tous les temps ! Et ça peut aussi être les deux à la fois ! Le plus fort, c’est que le film fonctionne parfaitement, la mise en scène de Ferdinando Baldi est très fluide et le scénario se tient malgré tout. Tout en délivrant un portnawak grandiose. Voilà donc encore un film culte, dont tout le monde a entendu parler en termes dithyrambesques et dont l’appellation (culte Zatoichien incontrôlé) n’est pour une fois pas galvaudée. Mais encore faut-il pourtant pouvoir remettre le film à plat. Ne pas s’attendre à un film extraordinaire qui aille au-delà des extravagances précitées. Car si Tony Anthony parvient (difficilement) à émouvoir dans son rôle d’aveugle qui poursuit son but obstiné malgré son handicap, si Ringo Starr, en bad guy amoureux est un petit peu touchant, il est indéniable malgré tout que manque au film ce qui fait la force des grands films : une bonne touche d’humanité. Le devenir du pistolero aveugle ne nous affecte que de loin, on ne se sent guère concerné par sa quête (dont le pourquoi n’est d’ailleurs guère explicité), le sort des 50 femmes dans le désert ne nous touche que par sa grandiloquence démesurée, pas par la déchéance de ces femmes qui ne sont que des fantômes durant tout le film. Le massacre de l’armée mexicaine n’est que ça, un massacre d’armée mexicaine qui est bien loin des mitraillages de La Horde Sauvage ou de Il était une fois la révolution, tant les mitrailleurs comme les mitraillés ne sont que des silhouettes. On assiste donc à un délire gratuit, sans être partie prenante, sans ressentir la force picaresque des Leone, ni l’intimité subtile que Baldi avait pourtant su développer dans Le dernier des salauds, ni même la force brute et désespérée à l’œuvre dans son Texas Addios. Malgré tout, pour sa seule réussite formelle, pour son jusqu’auboutisme dans l’exploration du filon des extravagances spaghettienne, Blindman est un film à ne pas manquer, comme un point de non retour d’un cinéma de genre qui ne sait plus se réinventer, avant que Trinita ne sonne le glas. Mais veillez à être dans de bonnes conditions d’humeur et d’entourage (ie, pas avec votre grand-mère…), sinon vous allez rater votre rendez vous avec Blindman.

Où le voir
:
Le film existe en DVD à l’étranger en anglais/ allemand et/ou italien sous-titré en italien et/ou anglais, un truc comme ça. Plus accessible pour les frenchies italo-anglo-germano-agnostiques, Blindman a été diffusé sur CineClassic en VF (je crois), donc des âmes charitables (i.e. not me) pourraient bien l’avoir enregistré sur DVD-R. Mais surtout, Blindman est prévu pour bientôt (d’ici dix ans en tout cas) chez Wild Side, avec Tepepa, Far West Story, O’Cangaceiro et Navajo Joe. Que du bon, donc, en espérant que Wild Side soit à la hauteur de leur précédent travail sur Django, El Chuncho, Keoma et Quatre de l’apocalypse.

Capture: Shobary

samedi 13 décembre 2008

4 de l'apocalypse


I Quattro dell'apocalisse
1975

Lucio Fulci

Avec Fabio Testi, Tomas Milian

1975, le western italien se meurt, Lucio Fulci sort 4 de l’apocalypse, une des dernières tentatives sérieuses du genre après les ravages des farces Trinita. Dernière tentative du genre, voire! Honni de tous, détesté par de nombreux amateurs du spagh comme par ses détracteurs, 4 de l’apocalypse se situe bien dans le continuum spatio-temporel du genre, mais s’apparente plus à un road movie vers l’horreur, un bad trip au peyotl plutôt qu’aux fayots, une odyssée satanique plutôt qu’à une tragique vengeance familio-winchesterienne. Rien de commun en effet entre ce film là et Le temps du massacre du même Fulci. De héros ténébreux subissant le supplice des justes avant d’irradier sa vengeance (divine) nous n’en verrons point. A la place : la lie de la société, un dingue noir, un benêt alcoolique, une pute angélique enceinte, un joueur de cartes fauché. Et Chato, l’antéchrist, le mal absolu, reniflant l’air et maugréant ployé sur sa selle, tortionnaire à ses heures, massacreur de mormons et violeur de ses dames, avec sa winchester rutilante, sa coupe hippie, son bandana et ses tatouages énigmatiques (pour rappeler Charles Manson paraît-il). Tomas Milian n’en fait pas trop, son cachet sans doute exorbitant fait qu’il disparaît une bonne demi-heure du film (affirmation gratuite sans l’once d’une vérification) pour réapparaître vers la fin, face à un Fabio Testi qui peu à peu commence à se transformer en archétype du pistolero spaghetti : vareuse noire, gestes assurés, gueule impassible, les germes du tueur sont là, comme si avec ce film Lucio Fulci avait voulu montrer la genèse de nos héros favoris, comment un type normal, bon fond bon teint, au contact de la violence continuelle de la société primitive se retranche en lui-même, durcit son cœur et tue pour se défendre ou pour se venger. Les compagnons d’infortune disparaissent tous en route, la mélancolie noire désespérée, sombre, glauque, sale, dramatique, morbide, obscure, ténébreuse, voilée, morose, taciturne, triste, voire morne, amère, pessimiste, sinistre, funèbre, tragique, funeste, angoissante, inquiétante est soulignée par une musique pop plaisante (d’un groupe nommé Cook and Benjamin Franklin Group (?)) qui achève de démarquer le film du genre. Les paysages typiques du genre sont là pourtant, mais pour une fois, pas de trésor, pas de vengeance qui se mange froide, pas de trahisons entre amis/ennemis, pas de beaux duels langoureux. Après le pogrom puritain initial, les coups de feu se comptent sur les doigts de la main. Les blessures sont mortelles, et on crève à petit feu. Le joueur de carte et la prostituée se retrouvent dans un village de mineur, et là l'enfant naît, et on a droit à une très longue séquence où les mineurs sont tout sourires et tous mielleux comme dans un mauvais Walt Disney. Ainsi Fulci montre les deux facettes de l'homme : la violence la plus atroce envers les êtres, et l'attendrissement le plus niais devant la vie qui commence. Mais ce qui est le plus frappant dans cette histoire, c'est cette lenteur qui épouse le cheminement des protagonistes. Ce n’est pas tant un manque de rythme qu’un rythme particulier, propre au film, qui pourra rebuter les amateurs de western, tous comme les quelques scènes chocs pourront rebuter les gens intelligents conscients de se faire manipuler. Un cinéma audacieux mais complaisant, 4 de l’apocalypse est en effet surtout connu pour quelques scènes gores gratuites qui bien qu’ayant largement mal vieilli, n’en demeurent pas moins gratuites. C’est tout le paradoxe du cinéma de cette époque : audacieux et sans complaisance, mais complaisant à force d’être audacieux, et parfois même, manquant d’audace dans la complaisance. Les scènes de torture, l’anthropophagie, le viol sec et froid sont donc à mettre en arrière plan et à considérer de l’œil complice de celui à qui on ne la fait pas : « hé, on sait que tu avais besoin de mettre quelques scènes comme ça pour qu’on parle de ton film, regardons donc ce qu’il y a derrière ! ».
A vous de voir, moi je trouve que ça vaut le coup de jeter un œil derrière le rideau de la provocation...

Où le voir: DVD Wild Side des années 2002, trouvable facilement, film complet et joliment restauré, en français, en anglais ou en italien (boudiou que les éditeurs étaient généreux à l'époque) avec livret explicatif de JF Giré. Que ce temps semble loin...