dimanche 25 mai 2008

Acquasanta Joe


Mario Gariazo
1971
Avec Ty Hardin, Lincoln Tate, Richard Harrison

L’image se présente totalement écrasée, on se dit que c’est le temps de laisser passer le générique, comme dans nos antiques VHS, mais qu’après ça sera salement recadré comme un vulgaire Sergio Leone, mais non, ça reste totalement écrasé, les comédiens adopteront un profil de limace effilée tout le long du film, et cela leur sied bien. Richard Harrison a droit à un crédit vert fluo pendant le générique, tandis que tous les autres se contenteront de jaune avec des étoiles. C’est que Richard Harrison est la Guest Star du film, le mec super mondialement connu et tellement cher qu’on ne peut pas se permettre de lui filer le premier rôle. C’est vous dire le niveau élevé du budget du film.
Donovan, un chef de bande (Ty Hardin) vole un canon pour attaquer une banque. Entre temps, il bouffe ses cigares au lieu de les fumer. On ne sait pas pourquoi. Il les renifle, il trouve que ça pue, alors il les chique. Bref, il pille une banque. Pas de chance, dans cette banque il y a 50 000 dollars appartenant à Acquasanta Joe (Lincoln Tate). Acquasanta Joe c’est un chasseur de prime. Il fait tourner la roulette avant de tuer son homme de huit coups de revolver, puis il nous sort un « C’est une question de principe » piqué dans Ringo. Après il se fait attaquer par trois bandits dont un habillé en pantalon à rayures, pendant qu’il saute une donzelle. Prévoyant, il garde son six-coups sous les draps et dézingues les trois sbires de neuf coups successifs. Le nombre de morts par balles s’améliore, on sent que le budget armurerie est déjà bien entamé. Pendant ce temps là, Donovan bouffe un autre cigare. Puis il y a une ellipse curieuse, Charlie Bennett (Richard Harrison, donc), l’homme de main de Donovan a disparu avec les 50 000 dollars (ou 500 000, je sais plus), sauf que Acquasanta Joe l’a déjà retrouvé. Quand Richard Harrison ne nous la joue pas ténébreux, il est plutôt marrant avec sa moustache et son crâne qui se déplume, il a l’air espiègle et heureux. Tant mieux pour lui. Il échappe à Acquasanta Joe grâce au coup des bottes gros comme une maison mais se fait rattraper au bout d’une poursuite grotesque et voulue comme telle. Et oui, Acquasanta Joe n’est pas tout à fait une farce post-Trinita, mais presque. La musique est enjouée, le jeu des acteurs est sur jouée, les doubleurs repassent une couche d’indigence par-dessus, c’est du « fin lourd ». Lourd parce que parfois c’est très lourd, fin parce que ce n’est pas lourd 100% du temps. Du coup, on arrive à survivre, entre deux cigares bouffés par Ty Hardin. Une indienne veut se taper Acquasanta Joe qui ne refuse pas et avant ça (ou peut-être après, allez savoir), il y a une pendaison et une tuerie totalement incompréhensibles. D’ailleurs Donovan ne comprend pas non plus (« Qui vous a dit de tirer ? »). L’embuscade est censée s’inspirer du cheval de Troie, mais j’ai dû mal lire Homère, c’est juste une tuerie bête et méchante. Les soldats ouvrent la porte d’un chariot. A l’intérieur, il y a le traditionnel mort, mais on ne sait pas qui c’est. « Les salauds, ils l’ont tué !! » Qui ? On s’en fout, on ne le connaît pas. On ne saura jamais qui il est. Entretemps, Donovan dit à un de ses hommes : « ça te plaît de tuer les gens comme ça ? » On ne sait pas trop pourquoi il dit ça, d’ailleurs le gars s’en fout, il continue à tirer. Mais il y a plus grave, Donovan offre un cigare à Acquasanta Joe et celui-ci refuse de le bouffer. Donovan est furax et retient Acquasanta Joe prisonnier (à moins que ce soit encore pour les 5 000 000 de dollars, je ne sais plus). La suite s’embrouille passablement : en pleine poursuite, Donovan cueille des mûres. Le final est un grand n'importe quoi, les comédiens courent dans tous les sens dans ce qui ressemble à une carrière d'argile et tirent à tout va en se ratant sans arrêt. Acquasanta Joe, désarmé, pourrait ramasser les armes des types morts, mais il préfère monter et descendre toujours la même butte d’argile. Et si vous tenez jusqu'au bout, vous aurez droit à une sorte de duel entre un homme armé d'un canon, face à Acquasanta Joe armé d'un arc! C’est grandiose, on a le droit à toutes les étapes du chargement, poudre, boulet, écouvillon, visée, mèche, tir. Acquasanta Joe aura besoin de cinq flèches pour venir à bout du type. Allez, ne nous mentons pas, c'est complètement nul, mais ça fait bien plaisir quand même.

Où le voir : Le DVD (ESI), collection « westerns mythiques »
Le son est pourri et des zébrures colorées parcourent l'image, mais à ce niveau de qualité cinématographique, une image impeccablement restaurée serait presque une insulte.

samedi 24 mai 2008

Les cruels




I crudeli
1966
Sergio Corbucci
Avec : Joseph Cotten, Norma Bengell, Julian Mateoas

Tout tourne autour d’un cercueil. Jonas, officier de l’ex-armée confédérée rêve de reprendre la lutte. Pour cela, aidé de ses trois fils et de deux acolytes, il massacre dans la joie et l’allégresse un détachement Yankee qui convoyait des dollars. L’eau du fleuve devient rouge sang, les armes à feu chantent et produisent leur écho spaghetti style. Les deux acolytes y passent aussi, car ils n’ont pas la foi. C’est la spaghetti attitude, pas de modérés, quelques hommes suffisent à anéantir un bataillon, le nombre de morts époustouflant est une convention comme l’était l’exagération du nombre de combattants dans les chroniques médiévales. La petite famille sudiste cache l’argent dans un cercueil afin de l’acheminer tranquillement à bon port et reprendre la lutte. Cacher quelque chose dans un cercueil, que ce soit de l’argent ou un homme en fuite n’est jamais une bonne idée, il y aura toujours un moment ou un représentant de l’ordre zélé demandera à l’ouvrir. Pour éviter ce genre de déconvenue, Jonas a pensé à tout : il a engagé une femme pour tenir le rôle de la veuve du virtuel macchabé. Mais ça ne suffira pas à prévenir les péripéties multiples, la folie des hommes et le sens tragique de la spaghetti attitude.

Thème connu de la revanche du Sud, autorité familiale (Joseph Cotten, regard fanatique impeccable), déchirements familiaux, frère un brin psychopathe (adepte de la baïonette) que l’on protège malgré tout, tout est connu dans ce western, mais tout est différent. D’abord parce qu’il n’y a pas de héros au sens propre (ou sale d’ailleurs) : le petit groupe est le personnage du film, tous sont des crapules, sauf l’un des frères qui semble un peu moins salaud que les autres. Pas de pistolero qui, bien que bourru, représente le bien. La deuxième veuve (la première, alcoolique y passe assez vite) est un personnage moral, qui comme dans les westerns classiques, essaye de faire ce qu’elle peut pour empêcher les hommes de s’entretuer. Elle y arrivera presque d’ailleurs, lors d’un petit twist scénaristique très bien vu dans un fort Yankee. Mais la spaghetti attitude veut que le destin des hommes les rattrape quoi qu’il arrive, dans un final baroque boursouflé. Jonas rampe dans la boue séchée et craquelée, normal, on est dans un Sergio Corbucci.
C’est un Corbucci, mais pas un Corbucci comme les autres, et c’est aussi pour ça que ce film est différent. Jean-François Giré indique dans son livre (L’excellent Il était une fois le western européen, à re-paraître prochainement) qu’il s’agit probablement d’un western de commande. Ceci donne un cachet « classique » au film, c'est-à-dire que si on retrouve bien la noirceur des autres films « sérieux » du bonhomme, c’est par petites touches, presque invisibles pour les néophytes. La linéarité du scénario et l’absence d’exagération font que le film se suit comme un petit western tranquilou avec ses péripéties ad-hoc et ses retournements de situation appropriés, mais sans en avoir l’air, Corbucci nous fait quand même du Corbucci. Et curieusement, on y prendrait presque autant de plaisir que dans ses films réputés (Le Grand Silence et Django en tête) ou la noirceur, le pessimisme, l’hiératisme et le climat (boue, neige) atteignent un degré tel que ces films tournent à l’exercice de style déshumanisé. Dans Les cruels, la noirceur et le pessimisme sont là, mais ils ne sont pas assénés à coup de crosse, les personnages ne prennent pas la pose d’oiseaux vengeurs désincarnés malgré leur destinée qui les mène droit au cimetière, le désert minéral participe à l’ambiance morbide, mais de façon moins appuyée que la boue ou la neige. Tout ceci fait que le film se suit le cœur beaucoup plus léger que Django ou Le Grand Silence, mais que l’émotion ressentie lors du final n’en est que plus réjouissante. Moins de Corbucci dans un Corbucci permet donc parfois d’apprécier d’autant plus le style Corbucci.




Au rayon des petits plaisirs purement dans la tradition du western spaghetti, on a des gros plans sympas (comme ce chardon en avant-plan), l’attention portée au détail (le convoi des Tuniques bleues qui traversent un cours d’eau, avec un soldat qui mouille sa chemise pour guider les bêtes, la partie de poker qui se suit comme un mini-récit), les petites attentions gothiques (le cimetière avec ses croix bigarrées et penchées un soir d’orage) et bien sûr une foultitude de seconds rôles pour jouer au « qui qui joue qui ». A ce jeu là, on a donc Aldo Sambrell qui vient montrer son grand sourire deux minutes avant de finir au bout d’une corde, Al Mulloch (le tout premier visage du Bon la brute et le truand) qui vient faire le pitre deux minutes avant de finir embroché et Benito Stefanelli que j'ai eu du mal à reconnaître en joueur de cartes avec des lunettes (je ne suis pas très fort au « qui qui joue qui »). Un bon petit western spaghetti donc, avec une bonne petite musique d’Ennio Morricone (déjà entendue sur Le jour du jugement) qui permet à ce western méconnu en France (car inédit jusqu’alors) de s’envoler jusqu’au nichoir des « pas le film du siècle, mais incontournable pour les fans du genre ».



Où le voir. Je me suis visionné la version anglaise d’excellente qualité (anglais bien compréhensible). Mais il y a une VF qui a été déjà diffusée sur les chaînes satellitaires, et le DVD Studio Canal avec VF is due in July 2008. Si cela sort vraiment en juillet, je risque bien de me l’acheter, mais pour l’instant, il est tout aussi possible qu’il ne sorte jamais.
[Edition Août 2008]: le DVD Studio Canal avec VF est bien sorti, j'en parle ici

vendredi 23 mai 2008

Don’t come knocking



Wim Wenders
2005
Avec Sam Sheppard, Jessica Lange

Wim Wenders fait partie de ceux qui étaient réalisateurs à la mode intellectuello-bcbg des années 80 (Les ailes du désir, Paris Texas) et dont on regarde chaque nouveau film avec un intérêt poli dans les années 2000. Million Dollar Hotel manque de souffle, Land of Plenty manque de souffle. Wenders filme lentement, mélancoliquement – comme il l’a toujours fait – la vie de marginaux auxquels on a bien du mal à s’attacher. Don’t come knocking narre le retour aux sources d’un acteur de western – jadis une star – qui apprend qu’il a un fils. Sam Sheppard met toute son énergie dans ce personnage (il a écrit le scénario) et pourtant, on n’est pas emballé. Wenders filme magnifiquement les paysages de westerns américains et pourtant, on n’est pas emballé. Comme d’habitude, le réalisateur place ici et là quelques personnages et scènes incongrus qui ne semblent avoir d’autre but que d’être incongrus pour le seul plaisir de l’incongruité. Alors oui, sûrement, il y a une raison dans la tête du réalisateur pour montrer un joueur de golf en plein désert, pour montrer une fille quasi-fantôme qui se ballade avec les cendres de sa mère sous le bras, pour montrer le héros qui reste des heures sur un canapé en plein milieu de la rue. Le problème de ces petites vignettes incongrues, c’est que lorsque le récit contient des moments qui semblent faire sens dans le sens primairement classique du terme (vous savez, un film avec une histoire, des personnages auxquels on s’attache, un début, un milieu, une fin (dans cet ordre)) on n’est plus trop sûrs d’avoir saisi la quintessence de ce qu’il y avait à saisir. On citera par exemple la compagnie d’assurance qui veut récupérer son acteur, l’acteur qui fait le con au casino qui s’inscrivent dans une dramaturgie avec des petits bouts de suspense dedans, mais dont on se demande finalement s’ils étaient bien nécessaires au film. La relation père-fils suit le schéma classique à coup de grands dialogues bateaux (« tu ne seras jamais mon père ! ») et de simili happy-end final. Qu’apporte cette histoire par rapport au même film qui serait tourné par l’écurie Disney avec trémolos dans la voix, tapes dans le dos et le chien qui jappe autour ? Rien. Certes, c’est tourné différemment (c’est du Wenders quand même), mais le résultat final n’apporte rien de plus à une histoire clichée. Le fan de western peut voir ce film pour les superbes paysages américain, mais il y aura fort à parier qu’il se sentira beaucoup plus attiré par le faux western dont on aperçoit des affiches (Just like Jesse James) – voire par l’espèce de western typé années 30 que joue l’acteur au début et à la fin du film (on reconnaît George Kennedy en réalisateur) – que par cette banale histoire parsemée d’incongruités.

dimanche 18 mai 2008

Gentleman Killer




Giorgio Stegani
1967
Avec :
Anthony Steffen, Eduardo Fajardo, Benito Stefanelli

Attention aux gâchages (spoilers) honteux qui émaillent ce texte.

Une petite bourgade sans moyen a le malheur d’être à la frontière américano-mexicaine. Quelque part, des huiles papotent pour décider du sort de ladite bourgade : soit elle reste américaine, soit elle devient mexicaine. Mais en attendant, les tuniques bleues qui assuraient la défense de la ville contre les bandits mexicains foutent le camp, laissant un seul capitaine sur le pont. Arrive un dandy joueur de cartes qui n’a pas froid aux yeux (et c’est normal, car il s’agit des yeux tout plissés d’Anthony Steffen).

Pour une fois que je reconnais des trognes dans un western spaghetti, je ne vais pas me priver. Les amoureux du genre se feront donc une joie de reconnaître Eduardo Fajardo – vu pour la dernière fois par l’auteur de ces lignes dans Et viva la révolution – et Benito Stefanelli, le Rubio de Pour une poignée de dollars, et le barbu qui regarde Terence Hill enquiller ses verres dans Mon nom est Personne. Pour le reste, il y a également la trogne d’Anthony Steffen, qui pour le coup est moins reconnaissable que d’habitude car il est rasé de près, et c’est d’ailleurs une curiosité suffisamment remarquable pour que ce film soit connu quasiment uniquement pour ce haut fait épilatoire. Anthony Steffen est rasé !!! Boudiou, et en plus il a troqué sa veste maronasse usée de partout pour un costume « à la dernière mode » !! Sur ce dernier point d’ailleurs, le réalisateur ne va pas jusqu’au bout de son idée initiale, puisque comme l’a fait remarquer un membre de
Western Movies, le personnage de Dandy est exploité en tout et pour tout une dizaine de minutes. Steffen devient ensuite une sorte de sniper qui se déguise en capitaine de l’armée, la mise en pli reprend son aspect broussailleux usuel, mais le menton reste impeccablement rasé !
Loin d’être anecdotique, cette histoire de barbe permet en fait au réalisateur de livrer une réflexion sur le poil dans le western italien. Depuis 1964 on a vu en effet les pistoleros ténébreux devenir des sex-symbols par le biais de leur barbe de trois jours et de leur sueur sous les aisselles. Dans Gentleman Killer, l’entremetteuse de Saloon admet d’ailleurs que – bien qu’elle apprécie un homme rasé de frais de temps en temps – les vrais hommes sont en général ceux qui ne se rasent pas. Et pour cause, le Dandy vient de démontrer sa lâcheté – apparente – aux yeux de tous. Pourtant quand Steffen retourne la situation à son avantage, le réalisateur nous montre la revanche du savon sur la sueur, et par là même, la revanche du western américain sur le western italien. En une petite scène, c’est tout un poncif fondateur du western spaghetti qui est démonté. Amusant en tout cas.
Mais Gentleman Killer ne saurait se résumer à une histoire de rasage de l’interprète principal. Car il y a mieux, on découvre en effet que Anthony Steffen sait parler. Et oui, il a – au début en tout cas – des lignes de dialogues assez nombreuses et un jeu pour le moins correct. Rien de révolutionnaire, mais ça fait un choc quand même aux habitués. D’ailleurs, si on continue dans le genre de raisonnement précédent, ce point pourrait aussi être un pied de nez aux conventions du western italien qui veulent que les héros soient d’une fierté telle que condescendre à parler à l’un de leurs semblables leur paraît intolérable, mais là, je sens qu’on va me dire que j’ai fumé un truc pas légal. Steffen retourne d’ailleurs assez vite à un jeu assez monolithique, sans passion et sans réelle vivacité. En attendant, ces deux éléments (l'absence de barbe et les dialogues) provoquent néanmoins une légère rupture de ton bienvenue dans cet univers formaté.
Pour le reste, le film n’est quand même pas exceptionnel. C’est bien mené, mais sans génie, sans réel enthousiasme, avec des moyens suffisants pour une crédibilité correcte malgré de nombreux passages (les baddies qui fouillent la ville) où l’on sent bien que c’est toujours la même demi-douzaine de figurants qui s’agite. Mais le scénario est suffisamment original pour être accrocheur, en particulier cette stratégie du héros de sniper les hommes du bandit Mexicain les uns après les autres. Notons que dans les scénarios de western spaghetti, c’est invariablement ce qui se passe : le héros décanille les hommes de main avant de faire son affaire au chef. Mais ici, c’est la première fois que c’est élevé au rang de stratégie, et surtout sans héroïsme aucun, le « héros » descendant les gars de loin ou par derrière (le coup de la corde).
Impossible de parler de ce film sans parler de la fin, attention donc au spoiler qui suit. Le héros se retrouve donc en fort mauvaise posture, on anticiperait presque une mort sans gloire, Grand Silence style, quand soudain, un clairon se fait entendre. Les villageois qui assistaient impuissants à l’exécution de notre chien battu adoré sont fous de joie, les tuniques bleues reviennent pour les sauver !! Patatras, l’armée salvatrice n’est pas américaine, mais mexicaine, le sourire des americanos se fige comme le sourire de Juan qui ouvre une porte de banque de Mesa Verde, leur village vient de passer sous juridiction mexicaine ! Les bandits mexicains jubilent. Puis, deuxième coup de théâtre, l’armée mexicaine abat sans sommation tous les bandidos, assurant ainsi protection et justice dans le pueblo, et sauvant du même coup notre héros. Mine de rien, cette séquence est gonflée, Stegani retourne le poncif des tuniques bleues salvatrices, puis il retourne le poncif de l’armée mexicaine menaçante. Le procédé est habile et plaisant.
La séquence précédente était aussi surprenante – mais là plutôt dans le mauvais sens – le héros meurtri échappant au réglementaire passage à tabac, remplacé ici par une beuverie forcée. Les effets de la beuverie sont les mêmes que le passage à tabac : lenteur extrême du cheminement, difficulté à tirer, mais sans les ecchymoses. L’idée est en soit plaisante, mais le mec bourré étant en général source de comédie, on a du mal à souffrir pour le héros qui vient de se prendre la cuite de sa vie et qui ferait bien de cuver son vin sous la paille d’une étable en attendant de retrouver ses esprits. Une fausse bonne idée, mal exploitée et très peu crédible, le tout détérioré encore un peu plus par le non-jeu de Steffen.
Coté réalisation, c’est soigné, ça essaye de faire bien (le catalogue de trognes mexicaines du début, pendant que l’armée est prête à partir, avec cut en intérieur sur les americanos qui cogitent et sortent au moment où l’armée s’en va pour se retrouver face aux trognes mexicaines précitées…), mais sans y parvenir totalement. Pas de démesure ici, pas de séquence époustouflante de ralentis baroques, pas d’extase propre au genre. A certains moments, la musique de Bruno Nicolaï parvient à élever l’ensemble, comme par exemple ce plan sur Steffen avec sa winchester, regardant de loin ses cibles, l’œil dur, tout en enfilant sa veste de capitaine de l’armée. Pour la majorité des spectateurs, ça passera inaperçu. Pour le fan de spaghetti, c’est l’essence même du style, une beauté formelle à deux doigts de couper le souffle. Malheureusement, Gentleman Killer, bien que satisfaisant, manque cruellement de ces moments trop rares.








Où le voir: DVD Seven 7. Je ne sais pas ce qu'il vaut car je me contente de mon enregistrement TPS. Il paraît que la qualité de l'image est très bonne.

vendredi 9 mai 2008

Fravidis Darling me pompe

Breccio, du forum Western Movies, s'est aperçu que certains résumés de DVD Studio Canal à paraître sur le site Alapage étaient repompés, ou adaptés de critiques écrites par des membres du forum:
http://forum.westernmovies.fr/viewtopic.php?f=3&t=6741
J'ai donc vérifié vite fait quelques uns de mes écrits, et j'ai repéré un truc sur le DVD Evidis de Gringo joue sur le rouge.
Voici le résumé de "Gringo joue sur le rouge" sur le site Alapage et Fravidis (http://www.fravidis.com/fiche.php?P=1852&M=yes):

"Sancho est un chef de bande mexicain sans foi ni loi. Il attaque une ferme et tue tout le monde, sauf un petit garçon qui n'est autre que le fils de Gringo. Le chef de bande enlève le gamin en vue de l'élever comme son propre fils. Mais Gringo revient à la ferme et trouve sa femme morte et son fils disparu..."

C'est presque mot pour mot le résumé écrit en 2006 sur mon blog:

" Fernando Sancho est un chef de bande mexicain sans foi ni loi. Il attaque une ferme et tue tout le monde, sauf un petit garçon qui n’est autre que le fils de Gringo, le héros de cette histoire (Anthony Steffen). Le chef de bande enlève le gamin en vue de l’élever comme son propre fils. Quand Gringo revient à la ferme et trouve sa femme morte et son fils disparu, il voit rouge, le seul rapport que j’ai pu trouver avec le titre français."

Sur le site Fravidis, tous les westerns proposés sont présentés avec le résumé qui se trouve au dos de la jaquette, sauf pour Gringo joue sur le rouge. Et pour cause, le résumé qui se trouve au dos de la jaquette de Gringo joue sur le rouge est erroné et n'a rien à voir avec le film. Donc c'est bien les gars de voir qu'il y a des erreurs, c'est encore mieux de les réparer sans copier grossièrement sur les fans.

D'autre part j'aimerais avoir 250000 euros de bons d'achat en dédommagement, mais chez Wild Side, merci! :)

Quelques dollars pour Django


Pochi dollari per Django
1966
Leon Klimovsky

Avec : Anthony Steffen, Frank Wolff

Deux couteaux plantés sur la table, deux mecs patibulaires qui se mettent au bras de fer entre les deux couteaux, ben oui, c’est du spagh’, ils allaient pas non plus se faire une belotte. L’ambiance est tout de suite placée, histoire d’être sûrs de ne pas s’être trompés de salle. Les deux bras des deux gars et la table forment un triangle, et la caméra vient se placer pile où il faut pour qu’un cavalier lointain se positionne au centre du triangle. C’est vieux comme Leone et ça fait sourire aujourd’hui, sauf qu’en 1966, c’était aussi innovant que le bullet time en 99 ou le « filmé saccadé » des années 2000. Histoire de ne pas gâcher un si bel effet, le réalisateur nous replace le cavalier lointain entre les jambes d’un autre type patibulaire. Ça pourrait rappeler certains cadrages tarabiscotés de Castellari, certains prétendent d’ailleurs que c’est lui qui a fait le film et non pas le falot Klimovski. Le cavalier lointain est en fait un miteux péon qui va s’en prendre plein la gueule le pauvre, sauf que le péon nous fait le « coup du chapeau spagh », le bougre baisse la tête face caméra pour la relever lentement et révéler son véritable visage de pistoléro ténébreux.
Alors évidemment, en 2008, après s’être farci des dizaines de spaghetti qui comportent presque tous, soit un pistolero déguisé, soit un « coup du chapeau spagh », on en a marre des poncifs, on le sait d’avance que le péon il va tous les dézinguer les patibulaires après avoir révélé lentement sa trogne taciturne. Mais en 1966, c’était aussi surprenant qu’un twist de Shyamalan en 1999, c’était l’extase du nouveau western où on ne perd pas de temps en blabla pour décimer les troupes. Les sonorités des coups de feu, si caractéristiques, claquent dans les oreilles comme une musique connue et sont enrobées par le vent qui souffle, si caractéristique lui aussi de la grammaire sonore spaghettienne.
Le péon, on a eu le temps de le voir, c’est Anthony Steffen. Anthony Steffen, même avec la voix française de Clint Eastwood, ça reste Anthony Steffen, c'est-à-dire un Clint Eastwood à deux pesos. Peu de parlotte, il balance de la dynamite qui n’explose pas (waouh le coup de la bougie) et s’en sert pour allumer son cigare. En 2008, ça ne surprend plus personne, mais en 1966, c’était aussi nouveau que de tenir son flingue de biais dans les années 90.
Avec tout ça, il est temps de se faire un bon petit générique parsemé de coups de feu comme il se doit, avec une bonne chanson cheezy à la Django, mais avec des chevaux sauvages qui courent et un arc-en-ciel pour ne pas trop faire comme tout le monde quand même. Le réalisateur aurait sans doute voulu montrer du bétail pour inscrire le film dans le registre guerre éleveurs/colons qui va suivre, mais du bétail typique américain, c’est dur à trouver en Europe.

Cette guerre des barbelés ne sera pas le seul élément typique du western américain à se retrouver dans ce petit spagh’ sans fioriture. On aura aussi droit à un old timer totalement ridicule de par son manque total de crédibilité, qui – comme il se doit – tire par erreur sur notre shérif à travers la porte, fait de la bouffe infecte et finit par y laisser sa peau. On a aussi l’antédiluvien poncif du héros qui va chez le barbier mais qui n’a pas le temps de se faire raser parce qu’il doit sauver quelqu‘un, ici une jeune donzelle dont il va tomber éperdument amoureux jusqu’à la folie. A noter que tomber éperdument amoureux jusqu’à la folie dans la grammaire spagh’ se traduit par un regard ténébreux benoitement moins sec que d’habitude et une ébauche de sourire timide. De même, un personnage pacifiste (Frank Wolff excellent) qui ouvre un coffre en bois à l’aide d’une clé en sort forcément : des révolvers…

Mais on ne va pas oublier pour autant tous les poncifs des westerns al’italiana : lors d’une fusillade, le type se met toujours grossièrement à découvert avant de se faire descendre, lorsqu’on ouvre une porte de diligence fantomatique, il y a forcément un type mort qui tombe, lorsqu’on pend quelqu’un, il y a forcément une bonne âme pour couper la corde au fusil, et lors d’un échange de coups de feu, les armes tirent forcément deux à trois fois plus de munitions que ne le leur permettent leurs capacités.
Et pour clore le tout, un cliché qui n’est même pas propre au western : un frère jumeau n’est jamais celui qu’on croit. Heureusement, sur ce coup là, le réalisateur ne cherche pas à faire durer un suspens intolérable ni à jouer la carte de la subite découverte : Steffen soupçonne le truc dès le début, ce qui permet à Klimovski/Castellari de s’attarder un peu sur les tourments/hésitations du personnage joué brillamment par Frank Wolff. Ancien desperado qui devient le poncif du bandit qui veut se racheter, qui ne veut plus avoir recours à la violence, mais que la violence rattrape et découvre, Frank Wolff joue avec Gloria Osuna le seul duo vraiment intéressant du film, avec un chouia d’émotion qui passe. Frank Wolff a droit également à une belle fusillade, bien menée, contre les éleveurs. Steffen, qui arrive un peu tard, contemple les cadavres éparpillés sur la plaine, et a bien du mal à croire que c’est la chance qui lui a permis de s’en tirer comme ça. Ce serait presque bien didon !

Mais même si on a passé un bon moment, même si on est toujours à l’aise dans les conventions du spaghetti, on ne peut pas, non, on ne peut pas recommander ce film aux profanes. En réalité, c’est très mauvais, certains dialogues sont ridicules, le scénario, bien que cohérent, ne tient pas la route (en particulier la pendaison de Steffen), la réalisation est honnête mais de nombreuses situations manquent de crédibilité ou de moyens. Pour les fans, ce film est de niveau moyen moins, il ne provoque aucun enthousiasme, mais ils s’en contentent largement. Pour les étrangers au genre, il vaut mieux passer son chemin, certains pourraient y laisser leur peau.

jeudi 1 mai 2008

Django le bâtard


Django il bastardo
Sergio Garrone
1969

Avec : Anthony Steffen

Ça fait plaisir de retrouver une jaquette DVD Evidis de temps en temps. Passons sur le fait que ce titre français Django le bâtard n’est pas le titre sous lequel le film est le plus connu, à savoir La horde des salopards. A vrai dire, le titre Django le bâtard étant plus proche du titre original, c’est pour une fois une bonne idée. On a ensuite, comme c’est souvent le cas, un résumé assez pitoyable : « Django se lance dans une chasse sanglante et sans répis, Il revient d’entre les morts tel le diable en personne se déplacant telle une ombre pour éxecuter sa vengeance ! » (fautes d'origine), suivi d’une accroche débile : « Antonio de Teffe incarne un Django brutal et froid, avec une gueule rasée aux couteaux ! La réponse italienne a Clint Eastwood ». Antonio de Teffe n’étant pas du tout rasé, fallait-il pour autant mettre couteau au pluriel ? Ensuite, si Antonio de Teffe est si peu connu qu’il faut préciser qu’il est « la réponse italienne à Clint Eastwood », peut-être eut-il mieux valu le nommer Anthony Steffen, pseudonyme américanisé sous lequel tous les amoureux de western spaghetti le connaissent ? Et pour compléter le tableau, notons comme d’habitude des photos tirées d’un autre film (Django défie Sartana) pour illustrer le tout. Du bon boulot qui a dû prendre au concepteur du bébé au moins un bon quart d’heure !
Passé le cap de la jaquette, la surprise est plutôt bonne pour ce film très réputé : l’image est belle et pas trop pan&scannée, le son est correct ! Youpi ! Merci quand même Evidis !

Django le bâtard, donc, arrivé jusqu’à nos mirettes précédé d’une réputation très flatteuse de western gothique, tient certaines de ses promesses, mais pas toute. Première promesse tenue, celle d’un Anthony Steffen égal à lui-même, le regard fatigué comme s’il n’avait pas dormi pendant le tournage, le coin des yeux et la commissure des lèvres pointant tout deux vers le bas vers la même ligne de fuite, comme un double smiley inversé. Vêtu tout de noirs haillons, Steffen n’exprime rien et ne dit rien, ce qui sied bien il faut le dire, à ce rôle de vengeur maléfique revenu semble t-il d’entre les morts. Anthony Steffen est mauvais, mais ça fait partie du jeu, et pour ça on l’aime bien.

Deuxième promesse tenue, le souci du détail et le soin de la réalisation. Cadrages réussi, utilisation intelligente de la musique, scènes incongrues et tout le toutim, les poncifs pleuvent comme les cadavres. Le scénario est à lui seul un poncif, Django décime tous les hommes de main les uns après les autres avant d’abattre le chef, le frère du chef est bien sûr un psychopathe multi-névrosé et Sergio Garrone (déjà réalisateur du moyen Une longue file de croix) fait bien attention à filmer une foultitude de détails qui ont leur importance ou non : un sabre, une bouteille de whisky, un révolver en cours de rechargement, un pistolero en train de pêcher. L’aspect gothique est souligné à grand renfort de musique appropriée, de scènes nocturnes et d’apparitions/disparitions de notre antihéros. Bref tout ça est fait dans les règles de l’art. Mais là ou le film ne tient pas toutes ses promesses, c’est dans la progression narrative. Le scénario étant connu d’avance, l’essentiel du film devrait se jouer sur une tension qui monte lentement jusqu’à son paroxysme, la folie des personnages et leurs secrets les plus inavouables se révélant alors. Rien de tout cela ici, ou à peine. Les dés sont certes jetés d’avance, mais les personnages ne semblent pas spécialement motivés pour échapper à leurs destins. Dès lors, leur sort ne revêt plus suffisamment assez d’importance pour adhérer totalement au film, comme on l’avait fait alors pour le similaire Et le vent apporta la violence. Et par ailleurs, à part deux ou trois scènes vraiment bien vues (l’exode forcé des habitants, la pendaison de Django), aucune innovation scénaristique ne parvient à vraiment faire de ce film autre chose qu’un exercice de style réussi. Django le bâtard déçoit donc légèrement, sans doute par comparaison avec l’idée que les multiples éloges des critiques avaient gravées dans nos têtes.