jeudi 29 juillet 2010

Malec chez les indiens



The paleface
1921
Buster Keaton
Avec : Buster Keaton.


Malec n’est plus guère connu de nos jours, raison pour laquelle ce film est désormais souvent titré Buster chez les indiens en France. Sans être le meilleur court-métrage de Buster Keaton (La guigne de Malec, par exemple au cours du tournage duquel il se blessa en sautant d’un plongeoir sur une fausse dalle en ciment, est plus drôle, plus grinçant, plus inattendu), The paleface mixe avec bonheur l’habituelle frénésie de Keaton (en chasseur de papillon !) avec les clichés sur les indiens (danse autour du poteau de torture, arcs et flèches) et un petit discours en faveur des défavorisés que l’on a plus l’habitude de voir chez Chaplin que chez Keaton. Certains gags sont brillants et surprennent encore le spectateur contemporain, comme lorsque Malec semble s’enfuir soudain par peur des indiens alors qu’il se jette en réalité sur un papillon. Même si le film s’essouffle vers la fin par manque de cohésion, l’apparition d’indiens quasi-nus parce qu’ils « ont tout perdu au strip poker » et le baiser final qui dure deux ans ne manqueront pas de ravir les amateurs de burlesque.


Où le voir : intégrale des court-métrages, coffret Arte Video

dimanche 25 juillet 2010

Square Deal Sanderson



Square Deal Sanderson
Lambert Hillyer
1919
Avec : William S. Hart, Ann Little, Frank Whitson


Réalisé en 1919 pour la Artcraft, Square Deal Sanderson est basé sur un livre de Charles Alden Seltzer, romancier américain qui écrivait des histoires sèches et concises de cowboys en pleine wilderness. Le livre est disponible gratuitement sur internet, et une lecture rapide est suffisante pour se rendre compte qu’il ne s’agit pas de grande littérature, mais d’un roman à deux sous reposant en grande partie sur des dialogues permanents au détriment d’un sens de la narration et de la description. Malgré tout, l’auteur utilise avec bonheur des dialogues efficaces et incisifs pour installer un climat délétère assez bienvenu. On remarque bien sûr que le scénario du film simplifie grandement les tours et les détours de l’intrigue d’origine (en sabrant en particulier un certain nombre de personnages secondaires), même si le ton général, âpre, rugueux, violent de l’histoire est parfaitement préservé.
Car si les films de William S. Hart sont généralement plus noirs que le Tom Mix moyen, celui-ci détonne dans sa filmographie et installe une violence sourde et suggérée qui ne cesse d’aller crescendo. Le film donne la part belle à tous les poncifs du western sur l’absence de civilisation dans l’Ouest : poursuite des voleurs de chevaux, règlements de compte dans la nature, tentative de lynchage sauvage, corruption à tous les étages, évasion, tentative de viol, c’est là encore du classique, mais Square Deal Sanderson en rajoute une couche avec le massacre de 3000 têtes de bétail par empoisonnement (plus trois cowboys en victimes collatérales) puis le mode opératoire assez ignoble utilisé par notre héros de se débarrasser du bad guy. Avec une corde, Hart pend le méchant (Frank Whitson) par le cou par dessus un mur, et massacre avec application les mains du pauvre type qui essaye de s’agripper au faîte du mur pour échapper à la strangulation ! Même si au final il se retient de le tuer tout à fait, cette scène est notée avec respect dans une critique de l’époque (reproduite dans le livre The Complete Films of William S. Hart) qui fait remarquer qu’après des dizaines de milliers de kilomètres de pellicules westerns tournés depuis Broncho Billy Anderson, il était difficile d’innover encore dans ce genre de scène, et que Hart s’en sortait ici avec brio.
Sans en rajouter sur le fait qu’en 1919, les critiques pensaient que le western avait déjà plus ou moins dit tout ce qu’il avait à dire, il convient de remarquer pour aller dans son sens que peu de westerns des années ultérieures seront aussi imaginatifs dans leur climax, et que Hart n’a rien à voir là dedans puisque la scène est dans le bouquin.
Cette violence assez poussée pour un muet (bien que sous-entendue pour la majeur partie) est parfaitement accompagnée par une série de dialogues magistraux assez fidèlement reproduits du livre. Chose curieuse, les dialogues par intertitres fonctionnent merveilleusement bien dans le cadre du western, propice aux affrontements verbaux peu verbeux. La première rencontre entre le héros et le bad guy est à ce titre exemplaire, et le jeu de William S. Hart est toujours en ces cas précis, extraordinaire. J’avais déjà évoqué, la première fois que j’avais parlé de Hell’s Hinges, d’une proximité de jeu entre William S. Hart et Clint Eastwood, et si la comparaison est souvent faite à propos des deux acteurs, c’est surtout dans un film comme Square Deal Sanderson qu’elle est la plus visible : mâchoire serrée, répliques assassines, moue ironique, William S. Hart est bien le héros Eastwoodien, calme, sûr de lui, un brin nonchalant et rapide aux armes.
Square Deal Sanderson est donc un film à voir pour tous ceux qui seraient intéressés par l’acteur, malheureusement, la copie vendue par Loving The Classics n’est vraiment pas de bonne qualité. Si l’image est relativement stable, elle pique les yeux tant elle est floue.
Mais quand on aime….

PS: imdb affirme que ce tueur n'est autre que Bob Kortman: vu sa gueule, c'est bien possible:




Le livre en Comic sans MS:  http://infomotions.com/etexts/gutenberg/dirs/1/6/5/9/16597/16597.htm

vendredi 23 juillet 2010

The Showdown

Art Acord à cheval au Saloon

The Showdown
1921
William James Craft
Avec : Art Acord, Jack Richardson, Edward Burns, Marcella Pershing


Art Acord pourrait être une invention de journaliste de cinéma, tant sa vie correspond à l’archétype de l’idée que l’on peut se faire d’un acteur du début du western. Tout y est, à commencer par l’origine « cowboy réel » certifiée par ses titres de champion du monde de rodéo 1912 et 1916 (chevauchant le taureau endiablé et luttant pour le titre contre Hoot Gibson). Viennent ensuite ses débuts de cascadeur, puis sa fulgurante carrière de héros sans peur et sans reproche pour la Bison d’abord, puis de nombreux autres studio ensuite. Sans avoir le statut de superstar à la Tom Mix, sa notoriété était tout de même solide, et comme tous les cowboys de l’époque il avait son cheval attitré. Naturellement, une star de cette envergure ne peut pas mettre son extrême bravoure de coté au front lors de la première guerre mondiale, d’où il ramènera la croix de guerre. Tout cela semble simple, limpide, trop beau, il faut donc rajouter du drame, un penchant pour les femmes et l’alcool, une carrière stoppée nette par l’arrivée du parlant (comme il se doit pour un archétype de l’acteur muet), et une mort suspecte au cyanure au Mexique en 1931. Suicide diront les autorités, meurtre diront ses amis, persuadé qu’Art a été assassiné par un politicien jaloux.
Difficile de se pencher sur le travail de l’acteur à la vue de ce seul The Showdown (la plupart de ses films étant perdus). Art Acord rentre à cheval dans un saloon, il s’amuse, il rattrape sa belle au lasso au vol lorsqu’elle chute d’un ravin, déjoue les pièges, gagne à la fin. Difficile pour nos yeux contemporains de voir une réelle différence de style, de jeu et de films entre Art Acord, Fred Thomson, Yakima Canutt et Tom Mix, même quand on commence à en avoir quelques uns derrière les paupières. On reconnaît les têtes, quelques détails propres à chacun, mais les intrigues sont interchangeables, les personnages aussi. Peut-être que dans cent ans, les cinéphiles curieux ne verront pas de différence entre Matt Damon et Daniel Craig, entre Tom Cruise et Charlie Sheen, entre Arnold Schwarzenegger et Dolph Lundgren. Mais en 1920, était-il impossible de confondre Art Acord et Tom Mix, par différence d’envergure, de moyens et d’aura ? Difficile de juger. Aujourd’hui, leurs noms subsistent, ils sont tous « le plus grand » ou « le premier », ils ont tous leur étoile au Walk of Fame, mais leur spécificité, leurs différences dans le jeu et le talent se sont perdues avec leurs films et le peu d’ambition de leurs œuvres (au contraire du burlesque, dont les plus grands ont été étudiés et comparés (Chaplin, Keaton, Lloyd) et sont toujours connus de nos jours, tandis que les imitateurs ont été oubliés). Comme une illustration de ces propos, The Showdown est en bonus – même pas mentionné sur la jaquette - du film Sand de William S. Hart sur le DVD Unknown Video, en compagnie de No Kidding avec Snub Pollard, un burlesque de petite envergure aujourd’hui totalement oublié.

Sources: tous les sites racontant la bio d'Art Acord racontent la même chose, la source d'origine étant peut-être : The strong, silent type: over 100 screen cowboys, 1903-1930. Pour dépasser cette vision simpliste de l'acteur, ce livre pourrait être intéressant: Art Acord and the movies: a biography and filmography

vendredi 16 juillet 2010

Sand

Sand
1920
Lambert Hillyer
Avec : William S. Hart, Mary Thurman


En 1917, William S. Hart tournait The Narrow Trail pour la Artcraft. Se défiant désormais de son mentor Thomas H. Ince, il avait réussi enfin à obtenir un salaire cohérent avec son statut de star mais continuait malgré tout à travailler sous la (maigre semble-t-il) supervision de Ince. Suite à une dispute avec celui-ci à propos de son cheval Fritz, William S. Hart décida que sa monture (un cheval Pinto assez fougueux) n’apparaîtrait plus à l’écran. Il faut savoir que, comme le cheval de Tom Mix ou celui de Fred Thomson, Fritz était une star à part entière que le public était ravi de retrouver de film en film. Il convient de noter que dans le cas de Fritz, cet engouement était assez curieux, puisque bien que Hart fut très attaché à son cheval dans la vie réelle, il ne mettait jamais en avant Fritz en tant que cheval d’action dans ses films (peu de cavalcades effrénées, pas de trucs de cheval savant) mais plutôt en tant que confident des tourments de son maître.
Quoi qu’il en soit, Fritz disparut des écrans dans les quinze ou seize films suivants de Hart. En 1919, Hart était fatigué de jouer les « Two gun Man » dans des shoot’em up de plus en plus répétitifs. Désireux de ficeler des westerns plus sensibles, plus subtils et plus humanistes, Hart refusa de s’associer avec la toute jeune United Artist fondée cette même année par Charlie Chaplin, Mary Pickford, Douglas Fairbanks et D.W. Griffith pour s’engager avec la Paramount où il aurait, pensait-il, les mains libres.

Sand fut le premier film tourné par Hart sous la bannière Paramount. Il y joue un employé de chemin de fer amoureux et l’action se fait rare, laissant une plus large place aux sentiments. Les confrontations violentes sont avant tout verbales. Sand marque également le grand retour de Fritz à l’écran, et ce retour est intégré comme élément de scénario, le héros retrouvant dans le même temps les deux choses les plus importantes dans sa vie : celle qu’il aime (jouée par Mary Thurman) et son cheval adoré. Cet attachement hors norme pour son cheval donne lieu à un quiproquo semi-tragique car sa belle est persuadée qu’une femme occupe le cœur de son prétendant plutôt qu’un cheval, tandis que la substance héroïque du film est basée sur une histoire d’attaques de trains dont le chef est un rival du héros.

Adolph Zukor de la Paramount ne fut pas satisfait du changement de style que Sand opérait sur la filmographie de l’acteur et Sand fut remisé aux oubliettes. Il savait que le public attendait de l’action et des coups de feu, et Hart dut produire The Toll Gate dans lequel il joue un good bad-guy plus en accord avec ses habitudes (mais on note ironiquement que le héros de The Toll Gate cherche à faire « un dernier coup avant de se ranger », un peu à l’image des ambitions de l’acteur). The Toll Gate fut un succès, et la Paramount sortit Sand des tiroirs, força l’acteur à refaire la dernière bobine pour augmenter la dose d’action. Et en effet, la fin du film apparaît en décalage avec le reste de l’intrigue, Hart faisant nager son cheval, tenant en joue un ensemble de bandits en pleine attaque de train, tuant deux récalcitrants et démasquant son rival à la tête du gang, comme dans un mauvais roman feuilleton.
Sand est alors un film bancal, marquant le début de la fin pour William S. Hart, qui sera jusqu’à la fin contraint de composer entre les constantes de sa popularité pourtant déclinante et son désir d’offrir des films plus mûrs, mieux construits et de casser sa propre image. Cette ambivalence produira des films réussis (White Oak, Three Word Brand) mais moins digestes que ses premiers films, et ce jusqu’à son ultime baroud d’honneur : Tumbleweeds.


Sources :
- My life East and West, autobiographie de William S. Hart.
- Introduction du livre The Complete Films of William S. Hart (basée en grande partie sur l’autobiographie)
- Notes du DVD Unknown Video par Christopher Snowden

mardi 13 juillet 2010

Wild Horse Mesa

Jack Holt


Wild Horse Mesa
1925
George B. Seitz
Avec : Jack Holt, Billie Dove, Douglas Fairbank Jr., Noah Beery, George Magrill


Wild Horse Mesa est avant tout un roman de Zane Grey. Zane Grey fut un romancier américain extrêmement populaire du début du vingtième siècle, qui s’était spécialisé dans les romans westerns. Son sens de la description était reconnu (il avait fait plusieurs voyages pour se documenter), son talent dramatique et ses personnages hauts en couleurs attiraient les lecteurs. Ses romans les plus connus, comme Riders of the purple sage furent adaptés de nombreuses fois au cinéma.
Bien que Wild Horse Mesa ne fut pas l’un de ses plus grands succès, il fut adapté trois fois au cinéma. C’est la première des trois adaptations qui nous occupe présentement. La deuxième version, expurgée semble-t-il de certains thèmes adultes, fut tournée en 1932 par Henry Hathaway, avec Randolph Scott. La troisième date de 1947 et présente Tim Holt dans le rôle principal.
L’histoire s’éloigne très sensiblement des canons de la série B, mêle plusieurs personnages et plusieurs sous-intrigues et pose en filigrane certains problèmes de société comme l’appât du gain rapide à tout prix, la cruauté envers les animaux et – classique – le problème indien. Au bout de vingt minutes, on ne sait toujours pas qui sont les gentils et qui sont les méchants, chaque personnage ayant sa part d’ombre, ce qui est une excellente nouvelle pour nos âmes du XXIe siècle peu friandes de manichéisme. La cinématographie de Bert Glennon est superbe, avec de larges plans sur des troupeaux de chevaux sauvages chevauchant les canyons arides. Le réalisateur George B. Seitz a le sens du cadre et compose également quelques très beaux plans, et la copie de Grapevine Video est encore a peu près correcte à l’exception de certains plans devenus beaucoup trop lumineux (l’image étant pour ainsi dire quasiment effacée de la pellicule). Toutes les conditions sont donc réunies pour profiter de cet excellent western, qui sans être un chef d’œuvre, se hisse malgré tout facilement dans le haut du panier du western de cette époque encore disponible.
En effet, on se retrouve vite pris par l’intrigue simple mais captivante par le fait même qu’elle sorte des sentiers battus. Le héros est joué par Jack Holt, star aujourd’hui totalement oubliée, qui dégage un incontestable charisme (sauf quand il révèle ses cheveux dégarnis en ôtant son chapeau) avec une dégaine mal rasée et un accoutrement de cowboy assez réaliste qui tranche avec les acteurs bondissant de ce temps. Il ne joue pas les héros, se fait désarmer facilement et souffre d’une réputation de squaw lover, un mal rédhibitoire à cette époque. Il est en effet ami d’un chef Navajo joué de façon très convaincante par Bernard Siegel. Et ce n’est pas le héros qui fera leur affaire aux trois méchants (dont le chef joué par Noah Beery), mais bien le Navajo, les snipant à la winchester d’une distance improbable, parce que ceux-ci avaient violé sa fille.

Bernard Siegel


L’Ouest présenté ici n’est donc pas un Ouest de cour de récréation : les gens meurent, souffrent, et se battent pour gagner leur vie. Jack Holt fout une trempée au cowboy opportuniste (George Magrill) qui avait l’intention de capturer les chevaux sauvages avec un piège de barbelé, au risque d’en perdre la moitié déchiquetés par le fil de fer. La baston fait rage, le cow-boy se fait balancer dans le barbelé à plusieurs reprises afin de goûter au supplice qu’il voulait faire endurer aux chevaux. Pas de doute, on est loin des fantaisies de Tom Mix.
La star féminine, c’est Billie Dove, très belle, pas nunuche, avec un style incontestablement moderne, aidée sans doute par son regard vif et sa coupe courte. Actrice talentueuse, peintre, pilote d’avion, elle exprime dans Wild Horse Mesa de la pitié pour les chevaux, de la compassion pour son père et ses problèmes financiers, de la perplexité face à un amour naissant pour le héros (ça l’emmerde un peu qu’il ait la réputation de se taper des squaws) et même une sorte de paternalisme pour le jeune frère du héros (Douglas Fairbank Jr.) qui la courtise. Il y a comme dans beaucoup de westerns de cette époque, le mythe de l’étalon, cheval blanc superbe indomptable qui mène le reste de la horde. Lorsque Jack Holt parvient à le capturer, et que Billie Dove le supplie de le relâcher, on ne peut s’empêcher de penser anachroniquement aux Désaxés.

Billie Dove


Douglas Fairbanks Jr, fils du grand Douglas Fairbanks, n’atteindra jamais la notoriété de son père, mais jouira d’une longue carrière dont il n’aura pas à rougir. L’ensemble du casting contribue donc grandement à la réussite de ce film, qu’il ne faut certes pas oublier de remettre dans le contexte général de son époque. Sans atteindre la perfection des grands chef d’œuvre du muet, Wild Horse Mesa est une incontestable réussite du western de cette époque.


Douglas Fairbank Jr., Billie Dove


Note : le film date de 1925, le roman date lui de 1928 selon à peu près toutes les sources. Je n’ai pas encore résolu cette contradiction. De même, de nombreuses sources (dont la jaquette Grapevine Video) prétendent qu’un jeune Gary Cooper fait une apparition dans ce film, mais John Howard Reid dément l’information dans son livre : Silent films and early talkies on DVD : a classic movie fan’s guide.

Sources:
- Wikipedia (oui je sais, c'est le mal)
- Silent films and early talkies on DVD : a classic movie fan’s guide.
- A guide to Silent Western

samedi 10 juillet 2010

That Girl Montana



That Girl Montana
1921
Robert Thornby
Avec : Blanche Sweet, Mahlon Hamilton, Frank Lanning, Edward Peil Sr


Ce western mélodrame est adapté d’un roman de Marah Ellis Ryan publié en 1901. Marah Ellis Ryan était un écrivain populaire en son temps, et elle avait la particularité de bien connaître et de prendre la défense des indiens, ayant même vécu parmi les indiens Hopi. Les titres de certains de ses livres, aujourd’hui oubliés, reflètent bien cet intérêt : Squaw Eloise, Indian Love letters
Imdb est assez peu disert sur ce film, mais il ne semble pas que l’auteure ait été associée à l’écriture du scénario. De même, n’ayant pas lu le livre, je ne saurais juger de la qualité du matériau originel. Néanmoins, son parcours se reflète bien dans l’intrigue du film, puisque l’héroïne, sorte de garçon manqué embarquée dans des mauvais coups par son scélérat de père, trouve un temps refuge chez les indiens, avant d’être rendue à la civilisation blanche et de mettre des robes. Ce passage indien est assez peu exploité, il ne constitue qu’une parenthèse dans la vie de la jeune fille, utile pour expliquer sa disparition du monde civilisé, mais non significatif en tant qu’étape initiatique dans son parcours. En même temps, le monde des indiens (représenté brièvement par deux ou trois tipis au bord d’une rivière) est tout de même un lieu de sécurité et de sérénité dans un monde blanc corrompu et dangereux, ce qui est déjà remarquable dans un western de cette époque (bien que, l’ayant déjà fait remarquer dans ces colonnes, entre les westerns pro-indiens et les westerns qui représentent les indiens uniquement comme une menace de cinéma, les westerns ouvertement racistes et anti-indiens sont finalement plus rares qu’on ne le croît, même avant 1950).



Le mélodrame se joue ensuite, la fille devient partiellement propriétaire d’une mine, elle tombe amoureuse d’un beau gosse lisse et plat (Malhon Hamilton) qui est malheureusement marié, le père vicieux (Edward Peil Sr.) réapparaît bien sûr et réclame sa part, tandis que la fille retrouve son vrai père (Frank Lanning) et que la femme du beau gosse se fait adéquatement descendre à travers une porte sans que l’on ne comprenne bien pourquoi. Tout est bien qui finit bien donc.
L’héroïne est jouée par Blanche Sweet, une actrice dont la popularité n’égalait pas celle de Mary Pickford mais qui eut quand même son étoile au Walk of Fame. Sa popularité fut néanmoins rapidement déclinante, bien avant la fin du muet, et il est difficile à notre époque de se passionner pour sa prestation dans That Girl Montana. A vrai dire, Claire Du Brey qui joue la femme du beau gosse lisse provoque plus d’étincelles en cinq minutes que Blanche Sweet dans tout le film, mais c’est aussi leur rôle qui veut cela. A part ça, on remarque aussi le jeu passionné de Frank Lanning, et ça s’arrête là, le film ne brille ni par son originalité, ni par sa démarche artistique. La copie de Grapevine Video est exécrable, ce qui n’arrange rien, et ils s’en excusent d’ailleurs sur leur site. Un film qui vaut donc plus par son background (on serait curieux de redécouvrir les œuvres de Marah Ellis Ryan, fussent elles mauvaises) que par sa réussite cinématographique.

Une critique par Dana Savage: http://www.things-and-other-stuff.com/movies/reviews/that-girl-montana.htm





samedi 3 juillet 2010

La vengeance aux deux visages



1961
One-Eyed Jacks
Marlon Brando
Avec: Marlon Brando, Karl Malden, Katy Jurado, Pina Pellicer, Ben Johnson, Slim Pickens




Lenteur, violence rare mais brutale, chaleur, haine rentrée en dedans, anti-héros, vestimentation étudiée (Rio, joué par Marlon Brando a même un poncho), décors inhabituels (la mer), cruauté (séance de fouet, main broyée), intrigue légèrement œdipienne sur les bords (le héros fait un gosse à la fille adoptive de son père spirituel), La vengeance aux deux visages est un film ambitieux et réussi qui montre bien que le western américain était déjà en pleine mue dès le début des années soixante, sans avoir attendu Leone en 1964 pour le faire. Les rapports entre les hommes sont presque tous sur le mode de la confrontation, même entre complices. C'est parfois un peu longuet, mais cela reste toujours un excellent jeu, jeu du chat et de la souris des deux principaux protagonistes du film d’abord, jeu avec les conventions du western ensuite, jeu admirable des acteurs ensuite : Marlon Brando et ses murmures bien sûr, mais aussi Ben Johnson en crapule, Pina Pellicer en jeune fille en fleur, Katy Jurado en mama digne et inquiète, et bien sûr le veule arriviste Karl Malden, sans oublier le dégoûtant Slim Pickens et sa mâchoire protubérante, ni même Larry Duran, le mexicain, seul ami de Rio, qui se fait traîter de greaser avant d'être abattu.
Ces gueules, ces attitudes, ces carcans de société et cette fameuse scène de séduction sur la plage, suivie par la trahison du lendemain matin qui font vraiment très peu western (que ce soit par le thème, le traitement ou les costumes : montrez à quelqu'un un des gros plans de Brando issus de cette scène, il sera sans doute incapable de dire que cela provient d'un western: pas de chapeau, pas de foulard, une chemise limite contemporaine, une attitude de désœuvré...) évoquent plutôt les mauvais garçons des années 60 et le thème du jeune rebelle qui s'écarte de la société que le mythe de la frontière ou la thématique de la revanche libératrice. Quant à la situation de la jeune fille, sa culpabilité au sein de la famille, le poids de son acte, il s'inscrit également dans ce carcan de ces mêmes années qui commençait alors à se fissurer.
On peut alors se demander jusqu'à quel point Brando était intéressé par tourner un western et ce qu'il avait en tête en commençant le projet, sachant que le film fut d’abord scénarisé par Sam Peckinpah (alors plutôt inconnu) et prévu pour Stanley Kubrick (qui aurait d’ailleurs réalisé le début). La vengeance aux deux visages demeurera par ailleurs le seul film de Brando en tant que réalisateur. Ces conditions un brin chaotique et l’inexpérience de l’acteur en tant que réalisateur se ressentent à la vision du film, mais il n’empêche que ce que Brando y a apporté d’original en font un western à part, un brin atypique, et naturellement indispensable.


Où le voir : en 1988, Marlon Brando, oublia la demande de renouvellement du copyright auprès de la Bibliothèque du Congrès, faisant ainsi tomber le film dans le domaine public. De ce fait, toutes les éditions DVD disponibles sont très peu chères et toutes pourries. C’est dommage, mais il n’y a que ça à se mettre sous la main.