samedi 27 février 2010

The Pony Express


The Pony Express
1925
James Cruze

Avec : Ricardo Cortez, George Bancroft

En 1923, James Cruze avait réalisé The Covered Wagon, considéré comme étant le premier grand western épique de l’Histoire, doté d’un gros budget, de milliers de figurants et reprenant une page héroïque de l’histoire de l’Ouest. Le film fut un énorme succès (que je n’ai pas encore pu voir car il ne semble exister qu’en VHS), James Cruze tenta donc de réitérer deux ans plus tard, avec The Pony Express.
Avec un titre pareil, on s’attend naturellement à voir un film centré sur le Pony Express, les dangers et les exploits qui lui sont rattachés, la bravoure et la détermination patriotique de ses cavaliers, un peu à l’image du
Cheval de fer de John Ford sorti un an plus tôt. Que nenni, Cruze réalise un film à histoires secondaires multiples, imbriquées les unes dans les autres, avec pour fil conducteur le Pony Express. Le héros, joué par Jack Weston, doté d’un fort charisme, d’un sens très sûr du tir aux revolvers, agit secrètement pour déjouer les plans des anti-unionistes qui œuvrent pour la perfide sécession. Il y a bien sûr une idylle avec une girl (Molly Jones) et une petite construction d’église symbole de civilisation en marche à Julesburg. On est également tout surpris de retrouver parmi les intrigues secondaires le début de la fameuse série Deadwood : une famille d’émigrants massacrés par de faux indiens pour le compte du maître de la ville. Une petite fille survit, son témoignage risque alors de mettre en danger le Swearengen local joué par George Bancroft (Le marshall dans La Chevauchée Fantastique).
Mais le Pony Express lui-même, on le verra peu. Les longues galopades avec des hommes sautant d’un cheval à un autre et sautant par dessus les ravins, on n’en verra pas. Cruze gardait un sens du réalisme assez aigu, et c’est bien le contexte politique du Pony Express qui semble l’avoir intéressé ici plutôt que l’aventure humaine. Extrêmement bien filmé, The Pony Express n’ennuie pas une seconde, même s’il échoue à atteindre le grandiose du Cheval de fer de Ford.

Où le voir : DVD Grapevine Video, avec en bonus, un court de Lupino Lane, pas vraiment intéressant, à part le tout dernier gag, qui s’il n’est pas vraiment drôle, est assez impressionnant.

mercredi 24 février 2010

The Devil Horse



The Devil Horse
1926
Fred Jackman

Avec : Rex (the wonder horse), Yakima Canutt

C’est une histoire d’amitié entre un homme et un cheval sauvage. Lorsqu’il était poulain, Rex était soigné par un garçon. Ils seront séparés par une attaque d’indiens, le poulain deviendra The Devil Horse, le cheval du diable, un étalon impressionnant de puissance, détestant les indiens par dessus tout, au point de devenir une légende dans leur répertoire vu qu’il ne rechigne pas à tuer l’un d’entre eux de ses sabots à chaque fois qu’il en a l’occasion. Le garçon qui a perdu ses parents dans l’attaque, devient grand, lui aussi déteste les indiens, mais pas autant que son ancien ami quand même. Ils se retrouveront autour d’une authentique histoire de série B avec un indien vicieux (Bob Kortman) qui veut se faire la fille du colonel du fort, et qui déclenche une guerre pour ça (je résume, parce qu’il y a aussi des bagarres, un passage secret, une idylle entre le garçon devenu grand (Yakima Canutt) et la fille du colonel (Gladys McConnel), une idylle entre Rex et la jument de la fille du colonel, et même un autre cheval sauvage, taché noir et blanc, rival de Rex, qui veut se faire la jument de la fille du colonel à la place de Rex et qui est même un odieux raciste vu qu’il n’accepte dans sa horde que des chevaux noirs et blancs comme lui !).


Bob Kortman essayant d'échapper aux sabots de Rex

Comme No man’s law, The Devil Horse est un western produit par Hal Roach, réalisé par Fred Jackman, et mettant en vedette le cheval Rex. Le scénario est ici beaucoup plus enfantin et sériebiesque que No man’s law, mais the Devil Horse reste néanmoins une série B exceptionnelle, par sa qualité d’écriture, par ses magnifiques paysages et par ses moyens financiers inattendus. Les indiens ont ici clairement le mauvais rôle, mais ils sont joués par de vrais indiens (à part Bob Kortman donc) ce qui s’est vraiment très rarement vu dans le western. Yakima Canutt est toujours très beau, avec son mélange de force contrastant avec son air de jeunot. Il nous fait encore quelques cascades bien senties, un beau plongeon, une bagarre à deux sur un choual, sa routine de toujours. Le film pêche néanmoins par son rythme un peu lent, proposant d’interminables plans sur les chevaux en action. Ces prouesses de dressage étaient sans doute parfaitement spectaculaires pour les spectateurs de 1926, mais aujourd’hui, Rex a été remplacé par des T-Rex faisant du judo avec des singes numériques, et les parties animalières sont finalement ce qui offre le moins d’intérêt dans ce généreux héritage des pionniers du genre.


PS: si vous rêvez de voir un western où les indiens balancent des rocs sur les blancs du haut des falaises comme dans Lucky Luke, il y a un peu de ça au début!

Où le voir: DVD Grapevine Video. Pas cher, non restauré, mais avec un petit film d'animation (Ko-Ko the Kid) en supplément.

mardi 23 février 2010

Un par un, sans pitié


Ad uno ad uno... spietatamente
1968
Rafael Romero Marchent

Avec: Peter Lee Lawrence, William Bogart, Eduardo Fajardo

Beaucoup moins bon que Deux croix pour un implacable du même réalisateur, on peine sérieusement à trouver des qualités à ce film, autant qu'on peine à lui trouver de réels défauts. L'ensemble n'est pas trop mal foutu, mais l'alchimie ne produit pas l'or dans les yeux attendu. Musique insignifiante, personnages non attachants, scénario peu rigoureux, absence de moments forts, Un par un sans pitié n'a finalement de bon que son titre. On a bien sûr plaisir à voir Peter Lee Lawrence, assez rare dans le genre, et Eduardo Fajardo, toujours un brin vicieux mais affreusement mal doublé, mais leur présence ne suffit pas à allumer la moindre étincelle. Le DVD M6 vidéo a une qualité d'image très bonne, ce qui donne un curieux effet quand on a visionné tant de vieux films muets et tremblotants dans les semaines précédentes. On crie à la supercherie, une image aussi nette, aussi détaillée pour un résultat aussi piètre? C'est presque du gâchis! Belle jaquette stylisée de Arthur de Pins, dont l'absence de signes distinctifs fait douter du fait que celui-ci ait vu le film, au contraire de ses autres collègues fluide glaciens. Et toujours cet insultant logo "Italian Flavour".

samedi 20 février 2010

Deux croix pour un implacable


Due croci a Danger Pass
Rafael Romero Marchent
1967
Avec:
Peter Martell

Ha ha ha! Moi de toute façon, un spagh qui commence avec la chanson langoureuse d'une voix de bellâtre qui hurle le désespoir humain, ce n'est plus la peine de me parler, je suis déjà parti, les yeux hypnotisés par le générique dessiné avec les croix de partout et les revolver qui crachent. Ensuite vous pouvez me mettre tous les défauts du monde, un dialogue incompréhensible dans une prison, une torche qui enflamme une maison aussi vite qu'une flaque d'essence, un quaker qui assomme un implacable d'un seul coup de poing (alors que celui-ci venait de se maraver grave avec le fils du tyran local), sans oublier bien sûr un nombre incalculable de types qui tombent des toits en faisant haaa comme des gamins, et bien c'est trop tard, rien ne viendra altérer l'inénarrable bonheur qui m'envahit alors.

Le scénario est des plus basique. Un garçon voit ses parents massacrés, sa sœur emmenée en quasi esclavage par le puissant du coin. L'enfant grandit, il revient au bercail pour nettoyer tout ça, avec l'aide d'un fermier sympa et d'un horticulteur rigolo (tiens non?). Rien que ça, de toute façon, ça me suffirait, une fratrie démantelée d'un coté, une dynastie despotique de l'autre, une haine sans limite d'un coté, une méchanceté sans borne de l'autre. C’est la base quoi. Les scénaristes nous rajoutent pourtant quelques subtilités bien senties, comme ce sous-texte sur la vengeance qui n’appelle que la violence, mis en exergue par le regard haineux et soudain incrédule de Peter Martell à la toute fin du film (oui, je spoile). Le héros, loin d’être le pistolero taciturne habituel, n’est finalement qu’une bête stupide qui passe sont temps à se jeter dans la gueule du loup et qui ne doit son salut qu’au jeune Quaker (Luis Gaspar) apôtre de la non violence. Et bien pour le coup, ça nous change des vengeurs froids et méticuleux qui épluchent consciencieusement le casting des seconds rôles.
Rafael Romero Marchent est le frère du réputé Joaquin Romero Marchent (Condenados a Vivir). Sa réalisation est honnête et solide, dépourvue de génie mais dotée de moments de fulgurence mélodramatique qui mériteraient de figurer dans le best of du genre. Ainsi le meurtre inaugural de la familia a réussi à me mettre les larmes aux yeux, moi qui ait déjà supporté virtuellement tant de familles massacrées dans le petit monde odieux du western latin, et malgré les défauts habituels du genre (en particulier le doublage) ! Faut dire que pour m’aider il y a une très bonne musique de Francesco De Masi avec des trompettes lugubres à souhait. Peter Martell est très bien, et les deux seconds rôles féminins font mouche, la sœur du héros d’abord (Mara Cruz) avec sa cicatrice ténue, mais bien présente et qui hurle soudain sa haine cataclysmique, et la blonde sœur du méchant ensuite (Dianik Zurakowska) roulant les larmes de l’innocence soudain perdue. Mario Novelli est le méchant au fouet, pas si caricatural qu’à l’accoutumée, il est beau, il tient parfaitement son rôle ! Le carnage final manque un peu d’à propos mais il faut bien finir sur une rue parsemée de cadavres. En résumé, un bon petit spagh pour les amateurs du genre, dont les magnifiques accents grandiloquents et le scénario de tragédie familiale exacerbée suffisent à masquer les évidentes faiblesses.

Où le voir : DVD SNC M6 avec VF et VI. La jaquette « Fluide Glacial » de Thierry Robin tient le coup visuellement, et finalement je commence à m’attacher à ces drôles de jaquettes, qui passeraient beaucoup mieux sans les imbéciles logos « Italian Flavour » et « 100% western spaghetti ». La qualité de l’image est correcte au niveau de la définition, complètement loupée au niveau de l’étalonnage. On a bien un bon premier tiers du film qui manque totalement de luminosité comme si tout le film se passait en nuit américaine. Mais à la limite, cela étoffe le propos en rappelant ces quelques secondes d’obscurité avant la mort du Christ ou un truc du genre, ces bricoleurs de SNC/M6 ont sans le vouloir élevé la qualité intrinsèque de l’œuvre !

dimanche 14 février 2010

La Caravane - Wagon Tracks


Wagon Tracks
1919
Lambert Hillyer

Avec : William S. Hart, Jane Novak, Robert McKim

Il y a des bons William S. Hart et il y en a des très bons. Wagon Tracks se hisse sans problème en haut du panier, fort d’un scénario percutant et de scènes fortes et exagérément crispées comme on les aime dans le muet. Le scénario d’abord, c’est une histoire de vengeance. Vous allez me dire, tu nous prends pour des bleus Tepepa, tu espères nous faire saliver avec une histoire de vengeance de plus ? Mes chers amis, cette histoire de vengeance là elle est subtile, elle est forte, elle date des années 10 et on se demande pourquoi elle n’a pas été reprise depuis. Tenez-vous bien, c’est une femme (la belle Jane Novak) qui a refroidi le frère de William S. Hart ! Imaginez le bonheur de l’acteur, obligé de composer toute une galerie d’expressions hésitantes, de faces perplexes et gênées ! Crotte alors, je ne peux quand même pas faire la peau à une dame semble penser notre pauvre héros ! Mais voilà, le frère de la belle, c’est Robert McKim, associé à un autre type louche, alors le rustre héros (Hart interprète un éclaireur) sent bien confusément qu’il y a quelque chose de pas tout net dans cette histoire, et il va profiter d’un voyage vers l’ouest en convoi de chariots (avec mise en cercle des chariots la nuit, perte de la moitié de la flotte dans un accident et tout le toutim…) pour faire causer un peu plus la fille.
Vient alors une séquence touchant au sublime, où Hart emmène McKim et son pote faire une petite ballade dans le désert, attachés ensembles, sans eau, bien décidé à les faire marcher jusqu’à ce que la soif et la fatigue fassent naître la haine entre les deux escrocs et les poussent à s’entre-dénoncer. Je vous passe les détails, les chutes, les yeux exorbités et fiévreux, mais c’est du putain de grand cinéma commercial de ces années là, un petit bonheur de courte durée, mais intense quand on commence à avoir goûté de ce pain là.
Et ça ne s’arrête pas là, puisque qui dit films de chariots dit indiens, et qui dit indiens dit problèmes. L’un des futurs colons ayant plus ou moins malencontreusement descendu un indien pourtant pacifique, ses frères réclament que la petite communauté leur livre l’un des leurs en compensation avant l’aube, au lieu de quoi ce sera la guerre. Ni une ni deux, Hart décide de leur livrer le Robert McKim qui a fini par avouer le meurtre de son frère. Il faut voir le regard apeuré de l’acteur, ses supplications alors qu’il réalise qu’il est bon pour le poteau de torture ! Hart est très bon, mais quand il a des acteurs de sa trempe à ses cotés, c’est du pur plaisir !
Bien sûr, la subtilité du truc, c’est que le méchant est le frère de la belle, que celle-ci s’interpose et demande sa grâce. Hart ne sachant dire non à une fille, il obtempère, décide de se sacrifier à sa place, et part seul vers son calvaire au petit matin. Je vous laisse découvrir le twist, c’est du bon ! Mettez-vous dans les conditions ingrates du muet, et même si vous en avez déjà tâté un peu, oubliez les grands classiques grandiloquents de Fritz Lang donnés en direct avec orchestre dédié. Passez-vous ces petites bandes oubliées, datées, toujours un brin poussives, mais qui recèlent de petits moments de purs bonheurs! Allez-y quoi ! En plus ça vous fera bosser votre anglais !

Où le voir : DVD Unknown videos. Un petit mot pour le mec de Unknown Videos (apparemment il est seul) qui fait tout pour faire plaisir à ses acheteurs. Même si c’est de l’amateurisme, ses films sont toujours accompagnés d’une présentation fort bien faite, ce qui est déjà cent fois mieux que les DVD SinisterCinema qui n’ont absolument aucun résumé ni bonus. Les DVD Unknown Videos présentent en plus un petit film en bonus (pour ce film : le Broncho Billy chroniqué plus bas) et même un … magnet. Alors au début j’ai rigolé, un magnet d’affiche de William S. Hart honnêtement ça craint. Mais maintenant que j’ai le magnet William S. Hart, le magnet Tom Mix et le magnet Charlie Chaplin, mon frigo revit, tout déprimé qu’il était sous ses magnets enfantins, bardé de liste de course et de rendez-vous de dentiste. Merci Unknown Videos !

samedi 13 février 2010

Le mari de l'indienne


The Squaw Man
1914
Oscar Apfel et Cecil B. DeMille


Premier film crédité pour Cecil B. De Mille, The Squaw Man est un film ambitieux pour l’époque, multipliant les lieux (l’Angleterre, l’Ouest et même les Alpes) et les époques (plusieurs ellipses de plusieurs années font avancer l’histoire à grands bonds). Basée sur une pièce mélodramatique à très grand succès (220 représentations à partir de 1905) dans laquelle William S. Hart jouait le méchant Cash Hawkins, l’intrigue peine pourtant quelque peu à résonner à nos oreilles du vingt et unième siècle, tant elle repose sur des concepts démodés de nos jours : l’homme aristocratique innocent qui émigre pour sauver l’honneur de son nom, l’Ouest rustre mais prometteur d’une vie nouvelle et le passé qui rattrape toujours son homme. L’aristocrate, joué par Dustin Farnum, se marie à une indienne qui lui donnera un fils. L’absence de romance entre le blanc et la fille, la question du regard des autres totalement éludée et la caractérisation très pauvre de l’indienne désamorcent totalement le mélodrame bon marché qui se noue pourtant petit à petit : l’enfant enlevé à sa mère, la mère poursuivie par la justice, le drame imminent qui se prépare. La jeunesse de DeMille dans le métier, ou l'absence de réel talent d’Apfel, anéantit toute émotion, ou tout questionnement sur l’injustice sociale (une mère privée de son fils parce qu’elle n’a ni la race ni le rang qui conviennent à la destinée de son rejeton) qui est pourtant le ressort principal de l’intrigue. Si l’on ajoute à cela une manière de filmer très datée même pour l’époque malgré ce que l'on peut lire ici où là (peu ou pas de mouvements de caméra, aucun gros plan, une histoire développée comme une succession de tableaux à la manière des pionniers du cinéma des années 1900), on a bien du mal à se passionner pour ce film qui fut pourtant selon l’Histoire officielle, le premier long métrage tourné à Hollywood*. Mais même sur ce terrain, Apfel et DeMille semblent bien plus motivés pour échapper aux sbires d’Edison (qui pourchassaient nombre de cinéastes pour non respect de brevet) que d’exploiter à leur avantage les paysages et la lumière de ce cadre nouveau. Pour le sens du spectacle de DeMille, il faudra donc attendre. Le succès de ce film sera néanmoins tel que DeMille en fera un remake en 1918, et un autre en 1931. A voir donc, si vous êtes curieux.

*Robert Florey, dans son livre Hollywood années zéro, raconte comment DeMille loua en 1913 une remise à Jacob Stern située dans un champ au Nord Est de Sunset Boulevard pour y tourner The Squaw Man. Le premier studio Paramount fut ensuite construit juste à coté, et quand Paramount installa ses nouveaux locaux sur Melrose Avenue en 1926, « De Mille fit soigneusement démonter et transporter la remise de Jacob Stern qui avait vu ses premiers pas de réalisateur. »

Où le voir. DVD zone 1, mais bon, on le trouve aussi sur youtube.
Capture : If Charlie Parker Was a Gunslinger, There'd Be a Whole Lot of Dead Copycats, où l'on peut voir au tag Sex Education une photo de Tina Aumont dont j'ai un mal fou à me remettre.

samedi 6 février 2010

Naked Hands


1918
'Broncho Billy' Anderson
Avec: 'Broncho Billy' Anderson

Ce film est disponible en bonus du DVD Wagon Tracks (Un William S. Hart qui sera chroniqué plus tard) chez Unknown Video. D'après la présentation du film, G.M. Anderson aurait fait produire ce western pour signer son retour au cinéma en 1918 après deux années guère réussies de reconversion au théâtre. Il s'agirait d'un film assez ambitieux de cinq bobines, réduit ultérieurement par le producteur à un deux bobines plus conforme avec la filmographie de Broncho Billy. Néanmoins, les notes font également remarquer que certains détails laissent penser que le film aurait été tourné au moins deux ans plus tôt. Imdb liste ce film sous le titre Humanity, et indique que le tournage du film daterait carrément de 1914, mais qu'il n'aurait été distribué qu'en 1916. Harry Langman dans A guide of Silent Westerns le situe en 1918 sans plus de précisions.
Bref, on s'y perd, mais ce qui est sûr, c'est que le film en lui même présente toutes les caractéristiques d'un film qui a été charcuté. Certaines scènes paraissent longuettes pour un film censé condenser une histoire complexe en deux bobines, tandis que de nombreuses ellipses ont lieu, escamotant de nombreux points capitaux de l'intrigue. Curieusement, toute la première partie manque de moyens et ressemble ainsi cruellement aux autres Broncho Billy que l'on a pu voir (la mine d'or est symbolisée par une simple paroi rocheuse avec une pancarte, la maison n'est qu'une façade dont on ne prend même pas soin de masquer l'éclairage naturel du soleil du coté qui est censé se trouver à l'intérieur), alors que la deuxième partie resplendit de décors et de figuration, accompagnant ainsi la nouvelle aisance du héros.
Et en même temps, le film trouve une unité de ton grâce à son scénario ambitieux avec ses situations désespérées et ses pics de violence retenue, jusqu'à la tentative de meurtre finale qui sans être un modèle du genre, montre tout de même une belle intensité. Le film résume alors curieusement la carrière du réalisateur, les débuts modestes, puis la gloire et l'oubli, tout en étant dans le même mouvement une tentative vaine et sans suite de surpasser le modèle simpliste des Broncho Billy de la grande époque.
A ne voir que si vous vous intéressez à ce genre de choses.

Le frère inconnu - The Square Deal Man



1917
William S. Hart
Avec: William S. Hart, Mary McIvor

Hart, mytho comme jamais, entre dans une pièce bourrée de Mexicains sinistres prêts à lui faire la peau. Il a peur? Non, il se roule une clope d'une main, et il s'avance au milieu des bandidos! C'est ça le western, de 1903 à nos jours, c'est la même décharge de testostérone inconsciente, la même bravoure bravache, le même cinéma grandiloquent. The square deal man est encore un autre de ces films du duo William S. Hart/Thomas H. Ince (sans que l'on sache quelle part réelle est due à Ince, part réduite à s'enrichir sur le dos de sa vedette selon certaines sources), bien réalisé, rapide et sans fioriture. Le scénario est celui d'une série B (il y a même un sidekick old timer), mais la psychologie des personnages donne suffisamment de grain à moudre pour une bonne petite expérience cinématographique tremblotante (et floue) de plus.
Hart joue le rôle d'un gambler, un joueur de cartes qui plume ses proies, mais à la régulière, ho c'est Hart tout de même! On retrouve bien là une caractéristique de ce cinéma, qui décline un monde aux moeurs réprouvées par la morale contemporaine, mais où certaines brebis égarées réussissent tant bien que mal à ne pas trop dépasser la ligne rouge. Ainsi cette danseuse, qui se plaint au pasteur du coin de ne pouvoir lui donner plus d'argent, car il est difficile de gagner beaucoup en tant que danseuse quand on veut rester droite (straight). Il y a donc d'un coté les putes, et de l'autre les femmes qui sont obligées de faire danseuse parce que le monde est tel qu'il est, mais qui se refusent à franchir une ligne fixée plus ou moins arbitrairement.

Quoi qu'il en soit, le révérend éclaire la conscience de Hart (avec une assez amusante séquence ou Hart interroge l'intello poivrot du coin pour connaître le sens exact du mot "parasite") qui décide de se racheter une conduite en refusant de jouer avec des hommes qui ont une famille, puis en abandonnant le jeu totalement, en adoptant une orpheline (tant qu'à faire) et en redonnant un ranch qu'il a gagné au jeu à son héritière légitime. Le ranch est alors tenu anarchiquement par une bande de greasers (mexicains) qui permettent à Hart de laisser libre court aux préjugés racistes de l'époque. Les Mex sont des poivrots, incapables de travailler sans un coup de pied au cul, veules, lâches, traîtres et violeurs. Heureusement, les Texas Rangers viennent faire le ménage dans cette racaille, et le Ranch redevient la propriété d'honnêtes travailleurs blancs. Ouf, putain on a eu chaud! Mais si vos yeux français des années 2010 veulent bien pardonner ce travers de l'époque, The Square Deal Man reste un bon Hart bien réalisé et bien divertissant.

Le baiser à l'enfant, qui rappelle celui de Chaplin à Jackie

Où le voir: DVD Sinister Cinema. Muet, tremblottant, noir et blanc, flou et légèrement recadré, on dit merci qui de se taper des trucs pareils ?