samedi 8 janvier 2011

El Magnifico

1973
Enzo Barboni
E poi lo chiamarono il magnifico
Avec: Terence Hill, Gregory Walcott, Harry Carey Jr.


A tout bien réfléchir, ce cinéma là, méprisé et vilipendé par la critique bien-pensante de toutes les époques, a au moins le mérite, comparé aux Dalton ci-dessous, de la gentillesse, de l’humanité et de la bonne humeur qui ont totalement disparu de nos écrans aujourd’hui, remplacés par le cynisme, l’ironie méchante et le fameux esprit Canal qui s’est transformé avec les années en humour nouveau-beauf. Partageant des similitudes très souvent remarquées avec Le Pied Tendre de Morris, on pourrait presque dire que El Magnifico est finalement la meilleure adaptation de Lucky Luke jamais réalisée, bien que je m’avance légèrement avec cette affirmation, n’ayant pas encore vu la version de James Huth (à part les centaines de B.A et teasers disponibles sur le net avant sa sortie), ni celle de Terence Hill (mais dont on ne dit pas que du bien).
Pour El Magnifico, Terence Hill, trois ans après On l'appelle Trinita et un an avant Mon nom est Personne est au zénith de sa carrière – et peut-être le seul acteur au monde ayant réussi en terme d’aura internationale à côtoyer l’ahurissant succès mondial de Chaplin – place toujours ses sourires angéliques, sa feinte naïveté et ses yeux grands ouverts au service du bien, de la veuve et de l’orphelin. El Magnifico fonctionne sur le thème du citadin en déphasage avec l’Ouest dur et austère. Sur ce thème pourtant usé jusqu’à la corde déjà au temps du muet (voir Go West du maître Keaton, ainsi que Malec chez les indiens, où l’on retrouve le filet à papillons), Enzo Barboni parvient à dépasser la lourdeur parodique de ses Trinita pour réaliser un agréable film, tout public et à la bonne humeur communicative. Certes, il y a les inépuisables fayots, certes il y a les ridicules chasseurs de primes des Trinita, certes il y a les interminables bastons, mais le scénario est plus fin, plus comestible, plus familial. On apprécie toujours autant cet inépuisable attrait des héros de westerns italiens envers les faibles et les marginaux (les trois bandits socialement inadaptés, le charpentier irlandais et sa ribambelle de gamins) et on remarque un brin gêné ce pur héros aux yeux bleus qui avoue sa peur avant sa transformation en dur à cuire. On apprécie également, n'en déplaise aux puristes, de retrouver Harry Carey Jr. dans ce western. Dans ma mémoire, le scénario était plus du type de ceux des westerns samouraï, c’est à dire qu’on découvrait que l’Anglais, malgré son déphasage avec la société de l’Ouest, parvenait à se sortir du pétrin paradoxalement grâce à ses bonnes manières et à sa candeur. Il n’en n’est rien. Il faudra que le héros se fasse littéralement violer (comme le précise Jean-François Giré en introduction du DVD Sidonis) pour que la métamorphose opère et qu’il se fonde enfin dans son environnement. Si vous ne goûtez guère à Terence Hill mais que vous avez apprécié Mon nom est Personne, essayez donc celui-là!

samedi 1 janvier 2011

Les Dalton


2004
Philippe Haim
Avec : Eric Judor, Ramzy Bedia


Facile évidemment de démolir consciencieusement une telle entreprise, si éloignée de l'humour de René Goscinny, si bête et dénuée de la moindre sympathie a priori, si vide de sens et d'humanité que la regarder jusqu'au bout tient au mieux du pari stupide, au pire, de la profession de foi. Un sombrero magique, des effets spéciaux numériques à tous les plans, un Rantanplan hideux, l'arche d'Il était une fois dans l'Ouest (c'est à qui qu'ils espèrent faire plaisir en mettant des hommages à l'un des meilleurs films au monde dans un film aussi nul ?), on est finalement si éloigné de l'univers du Lucky Luke de la bande dessinée que l'on peut se concentrer sur le reste, ces curieuses couleurs saturées jaunes et vertes, ces décors soignés implantés - caramba - en Espagne du Sud, et ces quelques gags qui fonctionnent, non pas parce qu'ils sont hilarants, mais parce que noyé sous un déluge de dialogues débiles et de caméos insipides, on est bien forcés à un moment ou un autre de rire, sous peine d'être emportés par ce torrent de conneries fatigantes débitées in extenso sans souci de rythme ou de cohérence. Il y a peut-être Michaël Youne qui fait une apparition, ou peut-être pas, et s'il n'y est pas, on doit sûrement voir la gueule de Elie Semoun ou celle d'un abruti de la bande à Ruquier, et c'est pas Jean Dujardin qui nous fait un numéro à la Brice de Nice là? (Des vannes style Brice de Nice dans un Lucky Luke, Goscinny doit avoir le tourni à force de se retourner dans sa tombe). Et au fait, c'est pas Jean Dujardin qui fait Lucky Luke dans le film de James Huth? Le monde est petit!
Lucky Luke justement, fait quelques apparitions dans ce film. Il est joué par Til Schweiger, et il tient plutôt bien la route, taciturne, ses dialogues se limitant à Mouaip, c'est finalement lui le plus fidèle à l'esprit de la BD. C'est pas grand chose, mais ce personnage, et les quelques gags au choix qui vous feront rire (pour moi: le gag de Joe faisant des jumelles - vraiment grossissantes - avec ses mains, et les poulets aux piments explosifs), permettent de se remémorer cet adage souvent vérifié par les amateurs pervers de western spaghetti: même dans le pire film, on trouve toujours un petit truc sympathique à se mettre sous la dent. Le générique arrive et il est rempli de dessins de Morris. On se demande ce qu'ils foutent là, mais ça aussi, c'est toujours bon à prendre!

NB: Voici les paroles du réalisateur, trouvées sur AlloCiné: "Il s'agissait de transposer un monde figé sur page, assez épuré, en quelque chose de vivant et de dynamique, mais sans en perdre l'identité. (...) L'enjeu pour moi était d'offrir un spectacle familial qui ne trahisse jamais la BD. Elle est intemporelle, parce que l'immense authenticité de ces personnages fonctionne toujours."
Bon, quiconque connait la BD et a vu ce film sait que le réalisateur non seulement a trahi la BD, en a perverti l'identité mais qu'en plus, le spectacle proposé n'a rien de vraiment familial. Ce que j'aimerais savoir moi, c'est si ce genre de petites phrases issues des dossiers de presse sont prises au sérieux par ceux qui les récitent, ou si en plus ils ont l'insigne honneur de se foutre de notre gueule?