mercredi 22 août 2007

The man from hell’s edge





Robert N. Bradbury

1932
Avec Bob Steele, Georges Gabby Hayes



Bob Steele était une star de l’époque des B-movies, comme Gene Autry ou Tex Ritter, mais peut-être moins connu. Pas très grand, mais très athlétique et bon boxeur, bien habillé, il jouait toujours le bon gars bien souriant, joli garçon, qui règle son compte aux baddies dans les 50 minutes allouées au métrage et qui se tape la nana à la fin.


Hé bien celui-ci ne déroge pas à la règle. Réalisé par Robert N.Bradbury, le père de Bob Steele, The man from the hell’s edge est plein de cavalcades, de gunfight et de fistfights. Tout comme les petits westerns avec John Wayne chroniqués sur ce blog, l’intrigue est limpide, linéaire et simplissime. La mise en scène est classique, sans saveur mais efficace. Les effets sonores sont pauvres, en particulier ici les aboiements des chiens au début. Parfois une séquence ou un plan retient l’attention, comme la scène où les deux vieux briscards se mettent à danser en pleine rue en se tenant la main, mais sinon, c’est le plaisir tout simple d’une histoire manichéenne, avec son méchant caballero risible, Gabby Hayes qui a un petit rôle et la nana de l’histoire qui tombe amoureuse de Bob Steele, avec une séquence rigolote ou Bob Steele trouve une raison stupide pour se faire inviter chez elle et son père. Ne pas manquer la scène où Bob Steele fait un plongeon de 10 m dans un lac avec son cheval pour rattraper un méchant ! Il n'y a qu'à cette époque qu'ils faisaient des trucs pareils!

Comme toujours les anachronismes pullulent : pas de voiture ici, mais un téléphone, mais c’est pas grave, on est là pour se divertir, et curieusement ce petit film sans prétention vieux de 75 ans y parvient encore à peu près. Ce n’est pas du grand western, mais ce type de petits films parlants des années 30 servira de matrice pour les plus grands westerns! A vous de voir !


Où le voir justement ?

Sur movieflix.com. C’est gratos. La qualité est effroyable, en particulier l’encodage MPEG2 est vraiment, vraiment foireux (des gros macro-blocs partout). Sur des copies très anciennes, ça donne un résultat pas très encourageant, d’autant que c’est en VO. Mais pour vous faire une idée du style, c’est déjà bien. Beaucoup de ces petits films sont également disponibles en zone 1 si vous accrochez !


Pour plus d’info sur toutes ces stars méconnues en France sur Old Corral: http://www.b-westerns.com/

dimanche 19 août 2007

Les Affameurs



Anthony Mann


1951


Bend of the river


Avec: James Stewart, Arthur Kennedy, Rock Hudson





Un homme au passé trouble (James Stewart) escorte un convoi de fermiers vers la terre promise. En route, ils croisent un autre homme au passé trouble (Arthur Kennedy). Une fois la terre promise atteinte, les fermiers sont aux prises avec un homme d’affaire peu scrupuleux qui ne leurs envoie pas le ravitaillement qu’ils ont pourtant payé.



Apparemment, les hommes sont différents des pommes. Une pomme véreuse doit être jetée, alors qu’un homme véreux peut redevenir pur. Il y a le Bien, le Mal, et les hommes qui cherchent à appartenir à un camp ou à l’autre. Il semble d’ailleurs que Les Affameurs cherche à présenter tous les types d’homme, d’un bord ou de l’autre et leurs évolutions d’un bord vers l’autre. Glyn McLyntock (James Stewart) est l’homme jadis mauvais qui tente de devenir bon, en espérant que la société le lui permettra. Cole Garret (Arthur Kennedy) est l’homme jadis mauvais, qui fait semblant d’être honnête mais qui choisit vite la solution de l’argent mal gagné, convaincu que de toutes façons la société ne lui pardonnera jamais. Il y a le patriarche Jeremy (Jay C Flippen), bon du début à la fin (apparemment ça existe). Puis il y a ceux qui naviguent à vue : la fille Laura (Julie Adams), un instant tentée par la vie facile dans la ville minière et Trey Wilson (Rock Hudson qui décidément ressemble physiquement à Sylvester Stallone) qui semble toujours faire le choix du plus fort. Il y a ensuite le cas inverse : l’homme d’affaire Tom Hendrickx (Howard Petrie), d’abord honnête et généreux qui devient un enfoiré sans scrupules lorsque la fièvre de l’or l’atteint. Et enfin on trouve les baddies, les vrais, qui sont juste mauvais parce que sinon la vie serait ennuyeuses : les hommes de mains prêts à trahir à la première occasion, dont un grand costaud assez inoubliable avec son calot rouge sur la tête. La vie n’est donc qu’une suite d’interrogations pour certains et d’épreuves pour d’autres afin de choisir ou de confirmer un choix de vie approprié à sa conscience, et pas seulement dictée par les évènements.

Outre ces considérations psychologiques qui pourraient en faire bailler plus d’un, Les affameurs est un pur western comme pourrait le clamer haut et fort une jaquette Evidis. Un vrai spectacle qui ne manque pas de scènes d’actions et qui pourtant a un rythme très serein, très mélancolique et naturel. L’accrochage initial avec les Indiens, qui sert à démontrer les qualités d’homme de terrain de McLintock est très classique, mais très bien construit : Kennedy sauve d’abord la mise à Stewart, et on se dit que Stewart est à nouveau un de ces anti-héros qui va s’en prendre plein la gueule pendant tout le film, mais non, Stewart fait son affaire aux 4 indiens restants, un par un, et hors champ, de façon à donner à ses capacités un petit coté surnaturel.

Cet aspect indestructible et surpuissant se retrouvera au cours de la confrontation finale : abandonné seul, sans armes et sans cheval, McLintock fera preuves de capacités tout à fait exceptionnelles pour retrouver et retourner la situation en moins d’une demi-journée là ou les spectateur s’attendait à un longue quête de vengeance étalée sur plusieurs semaines. McLintock se débarrasse des hommes de main de Cole Garret les uns après les autres, toujours hors champ, et surgit là où on ne l’attend jamais, dans un séquence bluffante dont le parti pris spectaculaire enchante. Du western, du vrai !

Et des moyens qui vont avec : paysages superbes et grands espaces, convois de chariots, ville minière en effervescence et bateaux à vapeurs : allie la richesse psychologique des personnages à l’excitation de l’action intégrée dans un univers « western » à la fois typique et charmant et pimenté par un duo d’acteur épatant. Le grand Western classique et indémodable, riche et exaltant, avec tous les ingrédients nécessaires et le petit plus d’un cinéaste au sommet de son art.



vendredi 3 août 2007

Le blanc, le jaune et le noir


Sergio Corbucci
Il bianco, il giallo e il nero
1975
Avec : Eli Wallach, Tomas Milian, Giuliano Gemma


L’histoire : prout, paf pif paf, blam blam blam, tagada tagada, pif paf, prout.

1975, le western italien se meurt. Certains travaillent à lui offrir un enterrement honorable (Keoma, Mannaja, Adios California) suite à l’épuisement de la veine parodique, Sergio Corbucci préfère jeter son dernier western dans la fosse commune de la vulgarité.
Le prologue est plutôt amusant, bien qu’une fois de plus Jean-François Giré ait jugé bon de le raconter in extenso dans son livre Il était une fois… le western européen (c’est d’ailleurs le défaut majeur de ce livre : la paraphrase n’était pas une gêne énorme en 2002 quand le livre est sorti, il le devient aujourd’hui que de plus en plus de westerns italiens sont disponibles). On subit ensuite une irritante musique des frères De Angelis, qui est d’autant plus mauvaise qu’elle vous trotte encore dans la tête trois jours après et que vous finissez par l’apprécier : on pourrait appeler ça de l’auto matraquage de masse. Les gags qui tombent à plat et les situations saugrenues s’enchaînent ensuite selon l’immuable cahier des charges de ce type de comédie : un peu de scato, un peu de burlesque, un peu de Tex Avery, beaucoup de bastons.
On a toujours plaisir à revoir Eli Wallach. Il a bien vieilli ici, et – fait remarquable – il joue un vrai honnête shérif un peu stupide mais pas tant que ça. A part ça, sa prestation reste tout de même en demi-teinte, très effacée.
Il faut dire qu’en face de lui, il y a Tomas Milian. L’acteur habitué des rôles déjantés – de l’albinos givré de Sentence de Mort au bossu timbré des polars futurs en passant par le burlesque Providence, Tomas Milian signe ici son rôle le plus loufoque, le plus exagérément cabotin, le plus énervant aussi. Interprétant un japonais apprenti samouraï légèrement con, doublé en VF de façon horripilante, il donne littéralement envie de lui coller des baffes tellement son jeu est exacerbé.
Heureusement, Giuliano Gemma est là pour exaucer notre souhait, grâce lui soit rendue d’en foutre plein la tronche au japonais. Gemma est un bandit suisse, légèrement dandy, un peu snob, mais pas vraiment attachant. Il devient même le plus antipathique des trois, car il est le seul finalement à être vraiment malhonnête. Son jeu est sobre, beaucoup moins efficace que dans Ben et Charlie.
Aucune des trois stars ne parvenant à emporter l’adhésion, les gags ne réussissent pas non plus à sauver l’entreprise. Du mal de dents navrant aux pets de poney, on soupire d’incrédulité. Il faut croire qu’il faut être dans un état d’esprit second pour apprécier ce genre d’humour et que j’ai raté le train pour celui-là. Les erreurs de vocabulaire à répétition du samouraï finissent par faire rire, pas parce qu’elle sont drôles, mais bien parce qu’elle sont répétées si souvent qu’on finit par succomber au matraquage. Quant au scénario, il est si navrant que ce n’est pas la peine d’en parler.
Et pourtant, Le Blanc le Jaune et le Noir a une certaine tenue, une réalisation efficace, des moyens conséquents et une bonne humeur communicative qui finit à la longue par faire céder la résistance du plus endurci des spectateurs. De façon incroyable, on finit par s’attacher au samouraï et à son sens de l’honneur presque anachronique dans ce type de film et on finit par prendre le personnage d’Eli Wallach en pitié. D’une façon incroyable, on prend le train en marche et on finit le film en se disant qu’on n’a pas passé un si mauvais moment que ça (surtout qu’à ce stade, on est déjà en train de se dire que la musique des frères De Angelis n’est pas si nulle finalement). Serait-ce le miracle Sergio Corbucci, ou plus prosaïquement le symptôme d’un sens critique émoussé ?
Pour avoir vu ce film en partie en famille et m’être tapé la fin seul, abandonné par tous ces lâches incapables de perdre 1h30 de leur vie devant un truc idiot, j’en suis maintenant convaincu : plus on regarde des westerns spaghetti, moins on est difficile !

jeudi 2 août 2007

El Perdido


Western de Robert Aldrich tourné en 1961, El Perdido raconte l’histoire d’un shérif qui poursuit un homme au Mexique. Et puis finalement, hop, ils font une trêve le temps d’escorter du bétail et de se taper les deux nanas de l’histoire. Il s’agit ici d’un condensé de l’intrigue car en réalité c’est beaucoup plus riche et tordu que ça.
Le poursuivi c’est Kirk Douglas (pour les plus jeunes, Kirk Douglas a exactement la même tête que son fils Michael, mais, en plus, il a un trou dans le menton). Le poursuivant, c’est Rock Hudson (pour les plus jeunes, Rock Hudson a un peu la carrure et le regard de Sylvester Stallone, mais il n’a pas de bandana). Entre ces deux là, c’est complexe, c’est la haine, c’est l’honneur, c’est la compétition. Ils se disputent plus ou moins une femme connue par l’un deux il y a plus de quinze ans, ainsi que sa fille qui a environ seize ans (attention, je viens de donner un indice de taille). La fille de seize ans est comme toutes les filles de seize ans, elle manque un peu de maturité, mais il suffit qu’elle enfile une vraie belle robe de femme pour que tous les hommes oublient immédiatement ce léger détail. Et la tragédie semble alors inéluctable, on voudrait stopper ça car on voit venir le drame, mais on n’y peut rien.
El perdido est bien un de ces westerns psychologiques, où les tourments et les travers de l’être humain l’emportent haut la main sur les caractéristiques du genre. Peu importe le lieu et l’époque de l’histoire, les personnages et leurs vicissitudes sont ici plus importants que l’épopée, l’héroïsme, l’action ou la flamboyance. Alors, bien que l’on soit subjugué par la destinée inéluctable des personnages, bien que l’on admire le jeu des acteurs, la mayonnaise psychologique ne prend pas vraiment, les tours et détours de l’âme humaine sont décortiqués avec moins de noirceur que dans L’homme aux colts d’or et moins d’affection que dans les meilleurs films de John Ford. El Perdido est un western de série A qui a l’ambition d’être encore plus qu’un western de série A mais qui n’y réussit pas. Il nous reste quand même un très honnête western de série A- mention bien ! C’est toujours ça de pris !

Je vais, je tire et je reviens



Vado, l’ammazo e torno
Enzo G. Castellari
Avec George Hilton, Edd Byrnes, Gilbert Roland, Gerard Herter


1967


Je vais je tire je reviens est le prototype de ces westerns italiens autoparodiques – comme les Sabata ou Aujourd’hui ma peau demain la tienne du même Castellari – qui savent garder une certaine rigueur pour ne pas sombrer dans la nullité la plus totale. Il est par ailleurs intéressant de replacer les westerns comiques de Castellari dans l’ordre, en commençant donc par ce Je vais, je tire et je reviens qui hésite parfois maladroitement entre le tragique et le comique, suivi par Aujourd’hui ma peau demain la tienne, qui roule parfaitement en mode aventures enfantines, puis on subit Te Deum, toujours assez plaisant quoiqu’on en dise mais de plus en plus nul malgré tout et on termine par Cipolla Colt que je n’ai pas encore eu l’honneur de voir mais qui a une telle réputation que je m’en dispenserai facilement.



Le titre Je vais, je tire et je reviens est inspiré de la célèbre phrase de Tuco dans Le Bon la Brute et le truand, dont le duel final est parodié. De même, le prologue est assez savoureux et je ne vous le raconterai pas pour ne pas vous gâcher les quelques bonnes surprises du film, même si vous avez pu le lire ici où là. Car pour le reste, c’est course au trésor, alliances, trahisons, coups tordus, bagarres interminables et gadgets. Du grand classique finalement sur un modèle qui aura été amélioré ultérieurement du trio de pied nickelés à la recherche d’un trésor. Georges Hilton campe un pistolero un peu plus cynique que la moyenne, mais il échoue à donner à son personnage une vraie stature ironique : la parodie du personnage n’est pas assez poussée et on est loin de l’aisance de Lee Van Cleef et Yul Bryner pour les personnages de Sabata et Indio Black. De même, le bandit Monetero joué par Gilbert Roland manque singulièrement de panache. Gilbert Roland sera bien mieux employé dans Johnny Hamlet. Par contre Edd Byrnes est beaucoup plus à l’aise dans son rôle de monsieur bien mis qui se révèle être un enfoiré de première. Déjà vu dans 7 winchester pour un massacre où il était plutôt ridicule en pistolero, Edd Byrnes est donc la bonne surprise du film.

En conclusion, si vous préférez comme moi les westerns spaghetti secs, violents, désespérés avec une musique à déterrer un mort, Je vais, je tire et je reviens n’est pas vraiment pour vous, à part le début qui pourrait vous plaire, mais comme vous aurez sûrement été spoilés en lisant le Giré ou autres, je vous conseillerais plutôt Aujourd’hui ma peau demain la tienne, plus maîtrisé, plus drôle. Et si comme moi aussi vous aimez de temps en temps les grosses déconnades genre On m’appelle Providence ou Le blanc, le jaune le noir, et bien Je vais, je tire et je reviens ne remplira pas son contrat non plus. Au regard de la bonne réputation dont jouit ce film, on est donc forcément un peu déçus, un peu comme quand on vous offre un pastis sans soleil ni cacahuètes.

L'énigme du lac noir



The secret of convict lake
1951
Michael Gordon
Avec: Glenn Ford




Un village perdu dans la montagne avec une tempête qui gronde en noir et blanc, une population essentiellement féminine car les hommes sont temporairement absents, cinq forçats qui s’invitent un peu de force.




Voilà un synopsis qui n’a curieusement jamais été exploité à ma connaissance par le western italien malgré le potentiel sadique sous-jacent au simple postulat « femmes contre bagnards ». Ici nous avons affaire à un western américain bien classique, pourtant ce potentiel est parfaitement exploité dans la première demi-heure : les forçats ne sont pas des enfants de cœur mais les femmes sont fortes et ne se laissent pas impressionner. Les regards tendus, la musique appuyée, le noir et blanc et l’oppression de la tempête créent un climat pesant – plus proche du film noir que du western – véritablement captivant. On est donc tout content d’avoir commencé à regarder ce film plutôt que Koh Lanta ou Mystères.


Et puis l’intrigue se dilate (si ça peut se dilater une intrigue) : l’un des forçats est en fait un mec bien (devinez lequel, sachant qu’il y a Glenn Ford dans la distribution), et comme tout mec bien qui se respecte, il a un petit plan de vengeance de derrière les fagots pour tuer le type qui l’a fait injustement condamner. Ajoutez à cela qu’il y a 40 000 dollars quelque part qui sont tombés d’un camion, ajoutez à cela que le mec bien et la femme de celui qu’il est venu tuer se roulent des pelles dès qu’il fait un peu froid (on appelle ça une idylle naissante quand on cause bien) et vous conviendrez que le postulat de départ est un peu noyé comme mon pastis du soir.


Et de ce fait, la confrontation femmes/bagnards a tourné court. Pendant que Glenn Ford et Gene Tierney se roulent des pelles, les quatre autres forçats désarment les nanas et passent à autre chose, à savoir récupérer les 40 000 dollars, ce qui est beaucoup plus convenu et donc beaucoup plus ennuyant. L’un d’eux est un violeur/assassin multirécidiviste mais heureusement Glenn Ford veille. Et comme toujours à la fin, les 40 000 dollars s’envolent dans le vent, perdus à jamais.

Malgré un début très prenant, L’énigme du lac noir reste donc plus dans le domaine des curiosités agréables que dans celui des chefs-d’œuvre inoubliables. Restent le souvenir de cette vieille dame (Ethel Barrymore) qui prend les choses en main au début et qui revient curieusement sur le devant de la scène à la fin lorsque les mâles ont fini de faire parler la poudre. Reste aussi le souvenir de la gueule du chef des forçats, très inquiétante et très expressive !

Où le voir : il passe régulièrement sur la chaîne CinéClassic en VOSTF.