samedi 5 janvier 2008

La Colline des bottes / Trinita va tout casser




1969
Giuseppe Colizzi
La collina degli stivali
Avec : Terence Hill, Bud Spencer, Woody Strode, Lionel Stander



“Encore un de ces tristes pseudo westerns qui ne possède même pas le charme ringard d’une série Z américaine. »
Le guide des films, Jean Tulard (1990).


Si vous êtes un lecteur régulier de ce blog, vous vous doutez bien que je ne mets pas cette citation en avant par plaisir, ou alors par plaisir masochiste. Qu’il est bon en effet d’aimer un genre que la quasi intégralité de la critique française a détesté pendant quarante ans et déteste encore largement de nos jours. Mais commençons par le commencement, c'est-à-dire en ce qui concerne votre serviteur, la diffusion de ce film sur M6 quelque part dans les années 80 sous le titre Trinita va tout casser. Que voilà un titre alléchant qui promet de la castagne et de la rigolade idiote ! Las, le marketing odieux ayant sévi à l’époque portait toujours ses fruits malsains 15 ou 20 ans plus tard, et aujourd’hui encore, même si tous les aficionados savent que le titre original du film est La Colline des bottes et que le film n’est pas un poil parodique, la chaîne Direct 8 le diffuse sous son appellation trinitesque non contrôlée, risquant à nouveau de décevoir un certain nombre de téléspectateurs. Car déçus nous le fûmes, je fis en effet ma petite enquête pendant la récré : un film pas drôle, sans fayots, sans gags, sans bastons, et avec d’interminables scènes de cirque complètement sans intérêt dans le cadre d’un western. A oublier.
J’oubliai donc l’intégralité du film, mais pas la mère déception, que dis-je, la déception Mère, de ce soir là.

Quinze ou vingt ans ayant à nouveau passés aussi vite qu’une caravane de Dakar annulé, je regardai donc à nouveau ce film, plus par acquis de conscience que par réel intérêt, la déception toujours imprimée à l’arrière du crâne.
Et là surprise ! Le film est bon ! Alors d’accord, ce n’est pas un chef d’œuvre du tout, mais il se trouve bien dans la continuité des deux précédents films de Colizzi (Dieu pardonne, moi pas et Les quatre de l’Ave Maria, également avec Terence Hill et Bud Spencer), avec de la flamboyance lyrique en moins mais un soin de réalisation en plus. La première demi-heure est assez mémorable pour qui a avalé des tonnes de films où Terence Hill est un super héros indestructible. On voit en effet notre pistolero poursuivi, blessé, incapable de se défendre, recueilli par une troupe de cirque, puis repartant à l’aventure contre l’avis de son médecin (comme Tintin) mais en en subissant les conséquences (contrairement à Tintin). Woddy Strode le retrouve en effet à nouveau blessé et apeuré, à la recherche de sa propre survie. Terence Hill est à l’opposé du registre que l’on connaît de lui, et tout le film est tourné vers lui. Woody Strode le soigne à nouveau, et paradoxalement, c’est au moment où Terence Hill, parfaitement rétabli cette fois, annonce « Les vacances sont finies ! » avec l’envie d’en découdre que le film s’ouvre plus largement aux autres protagonistes au point d’effacer presque complètement le personnage de Terence Hill qui se contente de dire « J’ai un plan » au moment ad hoc. L’intrigue se déploie alors pleinement avec un scénario coruptivo-politicien de derrière les fagots mené avec suffisamment de détails et de premier degré pour ne pas servir uniquement de toile de fond. On apprécie en particulier le petit personnage du juge (Edward Ciannelli) qui doit faire son métier malgré lui, bien conscient que les concessions des pauvres mineurs qu’il cède au patron de la ville ont été obtenues par intimidation. On apprécie également le numéro de cirque qui doit réveiller les consciences des mineurs, mais qui échoue sur le moment à leur faire prendre les armes. La fin est beaucoup plus conventionnelle, un gunfight cache cache dans les rues ainsi qu’une baston incompréhensible qui semble avoir été ajoutée à la diable pour satisfaire les besoins parodiques qui étaient alors déjà dans l’air.
Mais dans l’ensemble, un bon petit film, peut-être pas aussi ambitieux que ses deux prédécesseurs, mais mieux maîtrisé, avec cette plongée dans le métier du cirque forain, sans que cela soit un prétexte à des galipettes invraisemblables comme ce sera le cas dans la série des Sabata. Quarante ans après sa sortie, les dégâts du marketing stupide ont donc été effacés en ce qui me concerne, et je vous enjoins donc à regarder ce petit western sans à priori mais avec plaisir.

mardi 1 janvier 2008

Le brigand bien-aimé

Jesse James
Henry King
1939
Avec: Tyrone Powers, Henry Fonda, Randolph Scott, Nancy Kelly, John Carradine


1939 marque le renouveau du western après des décennies de serials sans grande envergure, renouveau marqué par des films comme Stagecoach de John Ford et Jesse James de Henry King . Ce dernier garde certaines particularités des innombrables séries B des années 30, comme cette chevauchée en accéléré pour rattraper un train, et ce bandit bien aimé qui saute ensuite de wagon en wagon, presque en ombre chinoise. Mais il entre aussi dans la cour des grands en portant l'accent sur le caractère ambigu des personnages, Jesse James en tête, campé par un Tyrone Power à la fois fragile et charismatique. On se souvient aussi du film par la grâce de deux scènes inoubliables: l'attaque désastreuse d'une banque, avec une belle progression de nervosité parmi les bandits vêtus de longs manteaux et une échappée fracassante à travers une vitrine, et le meurtre final, entré dans la légende, et réactualisé récemment dans L'assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford. Bien sûr, le film datant de 1939, il ne faut pas s'attendre à la richesse visuelle et narrative du film d'Andrew Dominik, ni à la fureur violente du Gang des frères James de Walter Hill (1980), néanmoins pour les allergiques aux vieilleries, il faut noter que le film est tout de même en couleur et qu'il possède le charme nostalgique de l'enfance ainsi qu'une certaine pureté originelle sur le mythe. King ne cherche pas à revisiter, à donner sa version, à démystifier, il part quasiment de zéro et crée lui-même le poncif propre à la légende avec une fraîcheur bienvenue. Et puisque on en est à comparer les vieux machins aux films modernes et montés à la diable, cette antiquité de presque 70 ans est beaucoup plus appréciable que le sympathique clip délirant qu'est American Outlaws (2001), chroniqué quelque part sur ce blog, bien qu'il ne soit pas plus proche de la réalité historique.

Multidiffusé il y a 20 ans avec sa suite, Le retour de Frank James de Fritz Lang, le brigand bien aimé est un petit joyau du western classique à découvrir ou à redécouvrir.